Macron face à une France fracturée et au combat des législatives

Emmanuel Macron entame lundi un second quinquennat fort d'une victoire face à l'extrême droite au score historique, mais va devoir composer avec une France fracturée et des opposants déjà sur le pied de guerre à sept semaines des législatives. (AFP)
Emmanuel Macron entame lundi un second quinquennat fort d'une victoire face à l'extrême droite au score historique, mais va devoir composer avec une France fracturée et des opposants déjà sur le pied de guerre à sept semaines des législatives. (AFP)
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Publié le Lundi 25 avril 2022

Macron face à une France fracturée et au combat des législatives

  • Deux sondages réalisés dimanche ont montré qu'une majorité de Français ne voulait pas que les troupes de M. Macron remportent les législatives
  • Marine Le Pen a lancé dès dimanche soir «la bataille», voyant dans son score inédit «une éclatante victoire» et la manifestation du «souhait» des Français d'«un contre-pouvoir fort à Emmanuel Macron»

PARIS: Emmanuel Macron entame lundi un second quinquennat fort d'une victoire face à l'extrême droite au score historique, mais va devoir composer avec une France fracturée et des opposants déjà sur le pied de guerre à sept semaines des législatives.


"Sur le fond, on veut aller beaucoup plus loin, beaucoup plus fort sur un certain nombre d'enjeux", pouvoir d'achat et climat en tête, a expliqué le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal sur BFMTV et RMC.


Mais à l'aune des résultats de dimanche, il faut "inventer une méthode nouvelle", associant les Français "beaucoup plus largement et beaucoup plus directement", a-t-il reconnu, confirmant la promesse d'Emmanuel Macron, dimanche au Champ-de-Mars, d'une "méthode refondée" pour être "le président de tous".


Avec 58,55% des voix face à la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen, Emmanuel Macron a certes signé dimanche un exploit en étant le premier président sortant à être réélu hors cohabitation depuis l'instauration du vote au suffrage universel direct en 1962. Il a toutefois perdu deux millions de voix entre les seconds tours de 2017 et 2022 (18,7 millions dimanche, contre 20,7 millions il y a cinq ans, selon le ministère de l'Intérieur). 


De son côté, le RN, qui a gagné près de huit points en cinq ans, fait également un score historique (41,45%). L'abstention (28%) a elle atteint un record depuis la présidentielle de 1969 (31%).


"J'ai conscience que ce vote m'oblige pour les années à venir", a assuré le chef de l'Etat à ceux ayant voté pour lui "non pour soutenir (ses) idées" mais "pour faire barrage à celles de l'extrême droite".


"Il a dit qu'il allait changer, qu'il allait y avoir un renouvellement dans sa politique, et c'est ce qu'on attend", soulignait à Bordeaux lundi matin Salim Boutaleb, 33 ans, éducateur en protection de l'enfance.


Il faut "répondre au message de colère, d'inquiétude, de millions de Français qui disent +je ne m'en sors pas+", a affirmé le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur franceinfo, confirmant que le bouclier sur les tarifs du gaz serait "maintenu jusqu'à la fin de l'année 2022", et que le gouvernement travaillait pour "l'été" à un dispositif d'aide ciblant les gros rouleurs.


«Apaiser»

Après un quinquennat marqué par la crise sanitaire du Covid et celle des "gilets jaunes", l'enjeu est grand.


"Il y a cinq ans, il y avait 10 millions de voix d'écart entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Aujourd'hui il n'y en a plus que 5,5 millions", a résumé Mathieu Gallard, directeur d'études chez Ipsos, sur franceinfo. Et "plus d'un tiers du corps électoral a décidé de ne pas faire de choix."


La carte des résultats du scrutin de dimanche dessine deux France: d'un côté les grandes métropoles, les classes moyennes supérieures et les retraités ayant voté Macron; de l'autre une France plus populaire, se sentant souvent exclue, particulièrement dans le nord-est et le pourtour méditerranéen, ayant voté Le Pen.


"Emmanuel Macron est conscient de devoir apaiser", a insisté sur RTL Elisabeth Borne, dont le nom circule pour remplacer Jean Castex à Matignon.


Interrogé sur le visage d'un futur gouvernement, Gabriel Attal n'a donné aucune précision, soulignant que les décisions "ne dépendent pas" de lui.


Jean Castex avait annoncé mi-avril qu'il démissionnerait, ainsi que son gouvernement, "dans les jours qui suivent" l'élection. Mais son bail à Matignon pourrait être prolongé de plusieurs jours au moins. Emmanuel Macron a glissé vendredi qu'il envisageait une "semaine de transition".
«Tambouille politique»
En guise d'état de grâce, c'est le combat des législatives des 12 et 19 juin qui attend désormais le président fraîchement réélu et la majorité. Deux sondages réalisés dimanche ont montré qu'une majorité de Français ne voulait pas que les troupes de M. Macron remportent les législatives (63% selon OpinionWay et 56% selon Ipsos Sopra-Steria).


Marine Le Pen a lancé dès dimanche soir "la bataille", voyant dans son score inédit "une éclatante victoire" et la manifestation du "souhait" des Français d'"un contre-pouvoir fort à Emmanuel Macron".


Le RN, dont Marine Le Pen ne devrait pas redevenir présidente selon son porte-parole Sébastien Chenu, compte six députés seulement dans la législature qui s'achève.


L'enjeu sera pour lui de dépasser le statut d'un parti contestataire qui, comme l'avance le politologue Jean-Yves Camus, "recueille un pourcentage considérable de voix, infuse dans la société, mais n'arrivera jamais au pouvoir parce qu'il n'a pas d'alliés".


Eric Zemmour, le candidat Reconquête! du premier tour (7% des voix), a encore appelé dimanche soir "le bloc national" à "s'unir" pour concrétiser une "union des droites", relevant, cinglant, que c'est "la huitième fois que la défaite frappe le nom de Le Pen".


Mais Sébastien Chenu a une nouvelle fois opposé une fin de non-recevoir: "on ne va pas se lancer dans des alliances sur des théories qui ne sont pas les nôtres (...), ce n'est pas de la tambouille politique qu'attendent les Français", a-t-il souligné sur BFMTV et RMC.


Les critiques se concentrent aussi sur Jean-Luc Mélenchon, le candidat de LFI qui, fort de sa place de troisième au premier tour avec près de 22% des voix, exhorte les Français à l'"élire Premier ministre" lors de législatives qui constitueront selon lui un "troisième tour".


"Pour Jean-Luc Mélenchon une élection qu'il ne gagne pas est une élection qui n'existe pas", a critiqué Gabriel Attal. "Personne ne croit à l'idée d'un Jean-Luc Mélenchon Premier ministre", même s'"il a le droit d'imaginer qu'il est le centre de la vie politique", a raillé Sébastien Chenu.


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.