Washington réunit ses alliés pour armer l'Ukraine, la Russie enfonce le front est

Des volutes de fumée s'élèvent d'une usine de Marioupol, ville ukrainienne qui subit de plein fouet l'invasion russe (Photo, Reuters).
Des volutes de fumée s'élèvent d'une usine de Marioupol, ville ukrainienne qui subit de plein fouet l'invasion russe (Photo, Reuters).
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Publié le Mercredi 27 avril 2022

Washington réunit ses alliés pour armer l'Ukraine, la Russie enfonce le front est

  • Gazprom va interrompre ses livraisons de gaz à la Pologne et à la Bulgarie
  • Les Ukrainiens font face à des bombardements incessants et à une lente progression de l'armée russe dans le Donbass

RAMSTEIN : Les Etats-Unis sont prêts à « remuer ciel et terre » pour faire gagner l'Ukraine contre la Russie, a affirmé mardi le chef du Pentagone lors d'une réunion avec ses homologues alliés en Allemagne, tandis que le secrétaire général de l'ONU plaidait à Moscou pour des couloirs humanitaires permettant d'évacuer les civils des zones bombardées. 

Mardi soir, les autorités polonaise et bulgare ont indiqué avoir été avertis par le groupe gazier russe Gazprom de son intention d'interrompre dès le lendemain ses livraisons de gaz à ces deux pays, malgré les contrats les liant. Ces deux membres de l'Otan et de l'Union européenne (UE) se disent toutefois préparés à obtenir le gaz manquant par d'autres sources.

« L'Ukraine croit clairement qu'elle peut gagner et c'est aussi le cas de tout le monde ici », a déclaré le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin à l'ouverture de cette rencontre avec une quarantaine de pays sur la base aérienne américaine de Ramstein, organisée afin d'accélérer les livraisons d'équipements militaires que l'Ukraine réclame pour repousser l'invasion russe déclenchée le 24 février. 

« Nous allons continuer à remuer ciel et terre pour pouvoir les satisfaire », a ajouté le ministre, qui s'était rendu dimanche avec le secrétaire d'Etat Antony Blinken à Kiev. Les Etats-Unis et leurs alliés se réuniront désormais mensuellement pour examiner comment renforcer les capacités militaires ukrainiennes.  

Les Ukrainiens ont surpris le monde en mars en repoussant une offensive russe sur Kiev, mais font face à des bombardements incessants et à une lente progression de l'armée russe dans le Donbass (est), que des séparatistes prorusses contrôlent déjà en partie depuis 2014, et dans le sud.  

S'exprimant sur Facebook, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a déclaré : « Je peux dire quelque chose : l'armée ukrainienne aura de quoi se battre (...) Nous sommes entrés dans une nouvelle phase, à laquelle personne n'aurait pensé il y a deux mois. Le transfert aux forces armées ukrainiennes d'armes de l'Otan, aux standards de l'Otan. C'est en cours ».  

Après avoir initialement rechigné à fournir des armes offensives à l'Ukraine, les Etats-Unis, comme la Grande-Bretagne, la France et la République tchèque ont sauté le pas. Même l'Allemagne, particulièrement réticente, a annoncé mardi qu'elle allait autoriser la livraison de chars de type « Guepard ». 

Les Pays-Bas fourniront pour leur part des obusiers blindés de type Panzerhaubitze 2000 à Kiev, a confirmé mardi le gouvernement hollandais.  

Ces obusiers représentent l'artillerie « la plus lourde de l'armée » néerlandaise, selon le ministère de la Défense, et permettent de tirer sur des cibles ennemies à 50 kilomètres. 

Selon Mike Jacobson, un spécialiste civil de l'artillerie, les Occidentaux veulent permettre aux Ukrainiens de répliquer aux bombardements russes de longue portée, qui visent à faire reculer le gros des forces ukrainiennes pour ensuite envoyer chars et soldats occuper le terrain.  

Plus largement, « nous voulons voir la Russie tellement affaiblie qu'elle ne pourra plus faire le genre de choses qu'elle a faites en envahissant l'Ukraine », a affirmé lundi M. Austin. 

Poutine n'est pas «sérieux» dans ses intentions de négocier avec l'Ukraine, selon Blinken

Le président russe Vladimir Poutine n'a pas démontré de « sérieux » dans ses intentions de négocier avec l'Ukraine pour mettre fin au conflit, a estimé mardi le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken. 

« Nous n'avons pas vu de signe jusqu'ici que le président Poutine est sérieux à propos de négociations significatives », a déclaré M. Blinken devant la commission des Affaires étrangères du Sénat américain. 

Frappes russes 

En attendant l'acheminement de ces armes, sur le front du Donbass, la situation est compliquée et « sur le plan du moral, ce n'est pas rose du tout », a dit Iryna Rybakova, officier de presse de la 93e brigade ukrainienne.  

Selon un conseiller du ministre de l'Intérieur ukrainien, les forces russes bombardent ponts et voies ferrées pour ralentir les livraisons d'armes occidentales.  

L'armée russe a affirmé avoir mené mardi des frappes de missiles de haute précision contre 32 cibles militaires ukrainiennes, dont 20 zones de concentrations de troupes et d’équipements, et quatre dépôts de munitions près des localités de Slaviansk et Droujkovka dans la région de Donetsk. 

Plusieurs localités comme Izioum et Kreminna sont tombées ces deux dernières semaines et l'armée russe continue de grignoter du terrain, poche par poche. 

Dans les régions du Donbass comme dans le sud, « l'ennemi effectue des frappes sur les positions de nos troupes sur toute la longueur de la ligne de front avec mortiers, artillerie et lance-roquettes multiples », a expliqué mardi le ministère ukrainien de la Défense.  

Dans le sud, deux missiles russes ont notamment touché mardi matin la ville de Zaporijjia, faisant au moins un mort et un blessé, selon l'administration régionale.  

Zaporijjia, grand centre industriel sur le Dniepr, a été ces dernières semaines le point d'accueil des civils ukrainiens fuyant Marioupol assiégée et d'autres villes bombardées du Donbass. Mais la ville se prépare maintenant à une attaque des Russes en provenance de la côte, selon Kiev. 

Zaporijjia est proche de la plus grande centrale nucléaire de l'Ukraine, dont la situation est suivie de près par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).  

Son patron Rafael Grossi, qui visitait Tchernobyl mardi pour le 36e anniversaire de la catastrophe nucléaire de 1986, a souligné que le niveau de radioactivité se situait « dans la normale », après avoir augmenté à certains moments pendant que les Russes l'occupaient, entre fin février et fin mars. 

A Kiev, épargnée depuis le 17 avril par les frappes russes, la mairie a démoli mardi un monument de l'époque soviétique célébrant l'amitié ukraino-russe. « Huit mètres de métal de la soi-disant ‘amitié des deux peuples’ démantelés. Et ce qui est symbolique (...) la tête de l'ouvrier russe est tombée », s'est réjoui sur Telegram le maire de la capitale ukrainienne, Vitali Klitschko. 

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé mardi la Russie d'avoir placé le monde "au bord de la catastrophe" par son occupation, au début de son invasion de l'Ukraine, de la centrale de Tchernobyl. 

"Le monde était à nouveau au bord de la catastrophe, car pour l'armée russe, la zone et la centrale de Tchernobyl étaient comme un territoire normal pour la conduite des opérations militaires", a dit M. Zelensky. 

Washington et ses alliés se rencontreront tous les mois pour aider militairement l'Ukraine, selon Austin

Les Etats-Unis et leur alliés se réuniront tous les mois pour examiner comment renforcer les capacités militaires de l'Ukraine face à la Russie, a annoncé mardi le ministre américain de la Défense Lloyd Austin après une rencontre avec une quarantaine de pays en Allemagne. 

« La réunion d'aujourd'hui deviendra un groupe de contact mensuel sur la défense de l'Ukraine », a déclaré M. Austin, ajoutant qu'il souhaite ainsi coordonner l'action des « nations de bonne volonté pour intensifier nos efforts, coordonner notre assistance, et se concentrer sur la victoire du combat d'aujourd'hui et des combats à venir ». 

 Azovstal toujours pilonnée 

La situation semble par ailleurs bloquée à Marioupol, port stratégique à la pointe sud du Donbass presque entièrement contrôlé par les Russes mais dans lequel sont toujours coincés quelque 100 000 civils, selon Kiev. 

Les forces russes continuent d'y pilonner le vaste complexe métallurgique Azovstal, où sont retranchés les derniers combattants ukrainiens avec, disent-ils, près de 1 000 civils, a souligné mardi le gouverneur de la région Pavlo Kyrylenko. 

Dans un entretien téléphonique avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, le président russe Vladimir Poutine a martelé mardi que « les autorités de Kiev doivent prendre leurs responsabilités politiques et intimer l'ordre de déposer les armes » aux combattants, selon le Kremlin.  

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Derniers développements de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, avec photos. (Graphique, AFP)

Guterres à Moscou 

C'est dans ce contexte que le secrétaire général des Nations unies était mardi à Moscou, sa première visite dans la capitale russe depuis le début d'un conflit qui a chamboulé les grands équilibres mondiaux et anéanti toute coopération entre la Russie et les Occidentaux. 

« J'ai proposé la création d'un groupe de contact réunissant la Russie, l'Ukraine et les Nations unies afin de rechercher les possibilités d'ouverture de couloirs humanitaires », a déclaré Antonio Guterres. 

A l'issue de sa rencontre avec le chef de l'ONU, le président Vladimir Poutine a affirmé croire toujours en une issue positive des négociations.  

« Malgré tout, les négociations se poursuivent (...) J'espère que nous arriverons à un résultat positif », a-t-il déclaré durant sa rencontre au Kremlin avec M. Guterres. 

Appel au calme en Moldavie 

Mais les pourparlers russo-ukrainiens semblent plus que jamais dans l'impasse. Alors que le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a accusé lundi le président ukrainien Volodymyr Zelensky de « faire semblant » de négocier, son homologue américain Antony Blinken a déclaré mardi que Vladimir Poutine n'avait pas démontré de « sérieux » dans ses intentions de négocier.   

Et la menace d'une extension du conflit demeure. L'inquiétude monte en Moldavie, au sud de l'Ukraine, après une série d'explosions lundi et mardi dans la région séparatiste de Transdniestrie soutenue par Moscou. 

« Nous appelons nos concitoyens à rester calmes », a déclaré la présidente moldave Maïa Sandu après avoir réuni son conseil de sécurité nationale. « Il s'agit d'une tentative d'accroître les tensions. Les autorités moldaves veilleront à empêcher la république d'être entraînée dans un conflit ».  

« La Russie veut déstabiliser la région de Transdniestrie et laisse entendre que la Moldavie doit s'attendre à ‘des invités’ », a mis en garde le conseiller de la présidence ukrainienne, Mikhaïlo Podoliak.   

Un général russe, Roustam Minnekaïev, avait dit la semaine dernière que la prise du sud de l'Ukraine permettrait aux Russes d'avoir un accès direct à cette région. 

La France soutient la Moldavie face « aux risques de déstabilisation », a déclaré mardi le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian.   

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Carte localisant les explosions qui se sont produites les 25 et 26 avril en Transdniestrie, région séparatiste de Moldavie appuyée par la Russie. (Graphique, AFP)

Les ministres du Groupe E3 condamnent les frappes israéliennes à Doha

Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
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  • Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
  • Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas

PARIS: Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ont condamné, dans une déclaration conjointe, les frappes israéliennes ayant visé Doha le 9 septembre. Ils estiment que ces attaques constituent une violation de la souveraineté du Qatar et représentent un risque d’escalade supplémentaire dans la région.

Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza. « Nous appelons toutes les parties à intensifier leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat », ont-ils insisté.

Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas. Ils appellent les parties à « faire preuve de retenue » et à saisir l’opportunité de rétablir la paix.

Les ministres ont réaffirmé que la priorité devait rester la mise en place d’un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et l’acheminement massif d’aide humanitaire à Gaza pour enrayer la famine. Ils demandent l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes dans la ville de Gaza, dénonçant les déplacements massifs de civils, les pertes humaines et la destruction d’infrastructures vitales.

Ils exhortent par ailleurs à garantir aux Nations unies et aux ONG humanitaires un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris dans le Nord.

Enfin, le Groupe E3 a rappelé sa condamnation « sans équivoque » des crimes commis par le Hamas, qualifié de mouvement terroriste, qui doit, selon eux, « libérer immédiatement et sans condition les otages, être désarmé et écarté définitivement de la gouvernance de la bande de Gaza ».


L’ONU adopte une résolution franco-saoudienne pour la paix israélo-palestinienne sans le Hamas

L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
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  • Résolution adoptée par 142 voix pour, 10 contre — dont Israël et les États-Unis
  • Le vote précède un sommet de haut niveau co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre

​​​​​​NEW YORK : L’Assemblée générale des Nations unies a voté massivement vendredi en faveur de l’adoption de la « Déclaration de New York », une résolution visant à relancer la solution à deux États entre Israël et la Palestine, sans impliquer le Hamas.

Le texte a été approuvé par 142 pays, contre 10 votes négatifs — dont Israël et les États-Unis — et 12 abstentions. Il condamne fermement les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, exige le désarmement du groupe, la libération de tous les otages, et appelle à une action internationale collective pour mettre fin à la guerre à Gaza.

Intitulée officiellement « Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États », la résolution a été présentée conjointement par l’Arabie saoudite et la France, avec le soutien préalable de la Ligue arabe et de 17 États membres de l’ONU.

Le texte souligne la nécessité de mettre fin à l’autorité du Hamas à Gaza, avec un transfert des armes à l’Autorité palestinienne, sous supervision internationale, dans le cadre d’une feuille de route vers une paix durable. Celle-ci inclut un cessez-le-feu, la création d’un État palestinien, le désarmement du Hamas, et une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes.

L’ambassadeur de France, Jérôme Bonnafont, qui a présenté la résolution, l’a qualifiée de « feuille de route unique pour concrétiser la solution à deux États », soulignant l’engagement de l’Autorité palestinienne et des pays arabes en faveur de la paix et de la sécurité. Il a aussi insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu immédiat et de la libération des otages.

Ce vote intervient à quelques jours d’un sommet de haut niveau de l’ONU, co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre, où le président Emmanuel Macron s’est engagé à reconnaître officiellement un État palestinien.

La représentante américaine, Morgan Ortagus, s’est vivement opposée à la résolution, la qualifiant de « coup de communication malvenu et malavisé » qui récompenserait le Hamas et nuirait aux efforts diplomatiques authentiques.

Elle a dénoncé la mention du « droit au retour » dans le texte, estimant qu’il menace le caractère juif de l’État d’Israël.

« Cette résolution est un cadeau au Hamas,» a déclaré Mme Ortagus, ajoutant que le désarmement du Hamas et la libération des otages étaient la clé de la fin de la guerre. Elle a exhorté les autres nations à se joindre aux États-Unis pour s'opposer à la déclaration.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Frappes ukrainiennes sur les raffineries et forte demande: en Russie, l'essence devient chère

Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg. (AFP)
Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg. (AFP)
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  • Mercredi, le média Izvestia évoquait des "interruptions d'approvisionnement" dans "plus de dix régions" de Russie, l'un des principaux producteurs de pétrole au monde
  • A Moscou, vitrine de la Russie, pas de pénurie mais une hausse qui a propulsé le litre de sans-plomb 95 à plus de 66 roubles (0,67 euro)

MOSCOU: "Doucement mais sûrement": Oleg fait le plein d'essence à Moscou et vitupère contre la hausse des prix nourrie par une demande accrue et les frappes ukrainiennes contre les infrastructures pétrolières, secteur clé de l'économie russe que les Occidentaux veulent sanctionner.

"Tout le monde l'a remarqué", tonne Oleg, retraité de 62 ans: les prix des carburants vont crescendo à la pompe. Au 1er septembre, l'essence au détail coûtait 6,7% de plus que fin 2024, selon Rosstat, l'agence nationale des statistiques.

Ce renchérissement s'inscrit dans un contexte de hausse générale des prix, avec une inflation annuelle qui a été de 8,14% en août, à l'heure où la Russie intensifie l'offensive qu'elle a lancée en 2022 en Ukraine.

Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg.

Et depuis le début de l'été, les réseaux sociaux sont saturés de vidéos montrant des files d'attente devant les stations-service de l'Extrême-Orient russe, en Crimée - région que la Russie a annexée au détriment de Kiev en 2014 -, et dans certaines régions du sud proches de l'Ukraine, pour cause de pénurie.

Mercredi, le média Izvestia évoquait des "interruptions d'approvisionnement" dans "plus de dix régions" de Russie, l'un des principaux producteurs de pétrole au monde.

Raffineries frappées 

A Moscou, vitrine de la Russie, pas de pénurie mais une hausse qui a propulsé le litre de sans-plomb 95 à plus de 66 roubles (0,67 euro). Ce prix, qui reste bien inférieur à ceux affichés dans de nombreux pays européens, surprend le consommateur russe, habitué à ne pas payer cher l'essence et au revenu moyen moindre.

Artiom, un Moscovite qui ne souhaite pas donner son nom de famille, observe cette augmentation "depuis le début de l'année". "Pour des personnes ordinaires, 300 ou 400 roubles en plus par plein (3 à 4 euros, ndlr), cela commence à être sensible", dit-il.

Sur le site Gazeta.ru, Igor Iouchkov, analyste au Fonds national de sécurité énergétique, met en avant l'augmentation d'"environ 16%" du droit d'accise (impôt indirect) depuis le 1er janvier et la baisse de subsides versés aux compagnies pétrolières.

Car, comme l'explique à l'AFP Sergueï Teriochkine, expert en questions énergétiques, "plus les subventions sont faibles, plus la rentabilité est faible", ce qui pousse les pétroliers à "répercuter" ces pertes sur les prix au détail.

La demande a, elle, été dopée par les départs en vacances et les engins agricoles.

Restent - surtout - les frappes contre les raffineries et dépôts de pétrole que l'Ukraine a multipliées afin de toucher Moscou au portefeuille et d'entraver sa capacité à financer son offensive.

"Les frappes ont ciblé de grandes raffineries dans la partie européenne de la Russie", notamment dans les régions de Samara, Riazan, Volgograd et Rostov, énumère Alexandre Kots, journaliste russe spécialiste des questions militaires, sur Telegram.

"Ce n'est rien!" 

L'une de ces attaques, à la mi-août, a touché la raffinerie de Syzran, dans la région de Samara, selon l'état-major ukrainien. Le complexe se trouve à plus de 800 km de la frontière ukrainienne. Il est présenté par Kiev comme le "plus important du système Rosneft", géant russe des hydrocarbures.

Moscou n'a pas quantifié l'impact de ces frappes, mais dans le journal Kommersant, l'analyste Maxime Diatchenko parle d'une baisse de la production "de près de 10%" depuis le début de l'année.

"C'est rien!", assure Alexandre, un homme d'affaires moscovite, après avoir rempli le réservoir de sa berline allemande. "Une frappe, deux frappes, trois frappes, ça n'est rien pour le marché en général ou pour les prix".

"Le pays a besoin d'argent. L'augmentation du prix de l'essence, c'est une façon d'augmenter le revenu de l'Etat", estime de son côté Vladimir, un Moscovite de 50 ans.

Pour tenter de stabiliser la situation, Moscou a prolongé une interdiction d'"exporter de l’essence pour les automobiles" jusque fin octobre.

La Russie reste par ailleurs un exportateur majeur de pétrole brut, des exportations que les Occidentaux entendent étouffer pour tarir une des principales sources de financement de l'offensive russe en Ukraine, pays qui compte l'Union européenne comme principale alliée.