Dans le nord de l'Irak, la reconstruction à la peine, huit ans après l'EI

Issa al-Zamzoum vit à Habach, un bourg planté à 180 km au nord de Bagdad (Photo, AFP).
Issa al-Zamzoum vit à Habach, un bourg planté à 180 km au nord de Bagdad (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 03 mai 2022

Dans le nord de l'Irak, la reconstruction à la peine, huit ans après l'EI

  • A Habach, les maisons en ruines ou partiellement détruites se comptent par dizaines
  • Le village a payé le prix fort lors du siège imposé à l'été 2014 par l'EI à la ville d'Amerli, à moins de 10 km de là

HABACH: Dans le dialecte irakien "makou" signifie "rien". Issa dit beaucoup "makou": "pas d'électricité, pas de maison". Huit ans après de violents combats entre le groupe Etat islamique (EI) et l'armée, la reconstruction de son village dans le nord de l'Irak est au point mort.

Issa al-Zamzoum vit à Habach, un bourg planté à 180 km au nord de Bagdad. Avec sa femme, Oum Warda, et leurs cinq enfants, il occupe une bâtisse en béton dont une partie du toit s'est effondrée pendant les combats en 2014, mais ne s'est pas désolidarisée du reste de la structure.

Dans une pièce, une poule surveille ses poussins. Dans une autre, des matelas crasseux sont entassés contre le mur.

Cette maison n'appartient pas à M. Zamzoum, 42 ans, car la sienne a été détruite. Elle lui est prêtée. "Il n'y a rien ici, pas d'électricité. Même le travail, il n'y en a pas", dit-il: "La reconstruction, on ne la voit pas. Il ne s'est rien passé depuis la guerre".

Au gouvernorat de Salaheddine, dont dépend Habach, un conseiller met en avant "l'étendue" de la province pour expliquer ces lenteurs. "On ne peut pas toujours faire les choses à 100%", dit cette source qui ne souhaite pas être identifiée.

A Habach, les maisons en ruines ou partiellement détruites se comptent par dizaines. Le village a payé le prix fort lors du siège imposé à l'été 2014 par l'EI à la ville d'Amerli, à moins de 10 km de là.

A l'époque, les jihadistes contrôlent Mossoul et certains territoires du nord de l'Irak. Ils font route vers le sud et assiègent Amerli. Fin août, l'armée irakienne, les milices chiites et les Peshmergas kurdes brisent le siège après des combats acharnés à Amerli, mais aussi à Habach et dans les villages alentours que les jihadistes utilisaient comme bases.

Fin 2017, le gouvernement de Bagdad déclare sa "victoire" militaire sur l'EI.  Mais l'histoire ne s'arrête pas là.

«Notre vie est une honte»

Selon Human Rights Watch, après le siège de 2014, "des milices pro-gouvernementales, des combattants volontaires et des membres des forces de sécurité ont pillé des villages sunnites autour d'Amerli", y compris Habach.

L'ONG y avait identifié "d'épais nuages de fumée se dégageant de bâtiments en feu, dus à des incendies criminels".

Aujourd'hui, dans le district de Touz Khourmatou, où se trouve Habach, "les besoins humanitaires sont significatifs. Près de 20 000 déplacés y vivent", explique à l'AFP le Norwegian Refugee Council.

Les papiers d'identité sont un autre casse-tête, souligne l'ONG. Pour les obtenir, certains habitants "ont des problèmes pour être blanchis de tout soupçon lié à la sécurité parce qu'ils sont perçus comme appartenant à l'Etat islamique".

A l'instar d'Issa al-Zamzoum et de son voisin Abdelkarim Nouri, les habitants de Habach sont pour la plupart arabes sunnites, branche de l'islam minoritaire en Irak où le chiisme est majoritaire.

"Notre vie est une honte. Je n'ai pas de travail. J'ai cinq moutons et ce sont eux qui me font vivre", explique Abdelkarim Nouri. Il dit avoir interpellé son député. En vain.

Cellules de l'E

M. Nouri n'évoque pas spontanément son appartenance religieuse, pas plus qu'il ne parle de sectarisme, un sujet brûlant dans un Irak où des dizaines de milliers de personnes sont mortes lors du conflit interreligieux de 2006-2008.

Pourtant, quatre ans et demi après la fin du "califat" autoproclamé de l'EI, nombre de sunnites se disent victimes de vexations et de discriminations.

Dans un rapport de 2021, le département d'Etat américain se faisait l'écho de responsables sunnites dénonçant des "déplacements forcés de sunnites" par le Hachd al-Chaabi, d'ex-paramilitaires chiites pro-Iran intégrés aux troupes régulières, et d'"arrestations aléatoires" de membres de leurs communautés "soupçonnés d'être liés à l'EI".

L'EI, justement. Sans évoquer nommément les jihadistes, le conseiller du gouvernorat de Salaheddine parle "de risques sécuritaires" qui retardent la reconstruction.

Car si Habach est pacifié, à une quinzaine de kilomètres plus au nord des cellules de l'EI rôdent.

Sur la route qui mène au hameau de Bir Ahmed, le Hachd al-Chaabi monte la garde. "La situation à Bir Ahmed est hors de notre contrôle et de celui de l'armée", dit un haut gradé: "Vous pouvez y entrer, mais je ne garantis pas que vous pourrez en sortir".


Hoor al-Qasimi nommée directrice artistique de la Biennale de Sydney

Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
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  • Créée en 1973, la Biennale de Sydney est l'une des expositions les plus anciennes du genre
  • Depuis 2017, Al-Qasimi préside l'Association internationale des biennales ainsi que l'Institut d’Afrique

DUBAÏ : La Biennale de Sydney a annoncé cette semaine la nomination de la commissaire d’expositions émiratie Hoor al-Qasimi au poste de directrice artistique de sa 25e édition, qui se tiendra du 7 mars au 8 juin 2026.

Créée en 1973, la Biennale de Sydney est l'une des expositions les plus anciennes du genre et s’affirme en tant que première biennale établie dans la région Asie-Pacifique.

En 2009, Al-Qasimi a créé la Fondation d'art de Sharjah, dont elle est actuellement la présidente et la directrice. Tout au long de sa carrière, elle a acquis une vaste expérience dans la conception de biennales internationales, notamment en tant que commissaire de la deuxième Biennale de Lahore en 2020 et du Pavillon des Émirats arabes unis à la 56e Biennale de Venise en 2015.

Elle a également cocuraté la sixième édition de la Biennale de Sharjah en 2003 et en assure la direction depuis.

Al-Qasimi préside l'Association internationale des biennales ainsi que l'Institut d’Afrique depuis 2017.  Elle a précédemment siégé au conseil d'administration du MoMA PS1 à New York et à celui du Ullens Center for Contemporary Arts (UCCA), à Beijing, entre autres fonctions.

Elle est également directrice artistique de la sixième Triennale d'Aichi, qui se tiendra au Japon en 2025.

 


Cannes: le conflit israélo-palestinien en filigrane

L'actrice française Leila Bekhti porte un badge en forme de pastèque palestinienne alors qu'elle arrive à la projection du film "Furiosa : A Mad Max Saga" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024. (Photo Valery Hache AFP)
L'actrice française Leila Bekhti porte un badge en forme de pastèque palestinienne alors qu'elle arrive à la projection du film "Furiosa : A Mad Max Saga" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024. (Photo Valery Hache AFP)
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  • Sur TikTok, le hashtag «blockout2024» fait florès et invite les internautes à bloquer les comptes de stars restées silencieuses sur la guerre à Gaza
  • Vendredi, une projection privée du film-témoignage monté par le gouvernement et l'armée israélienne sur les massacres du 7 octobre, «Bearing Witness», a été envisagée avant d'être annulée «pour raisons de sécurité »

CANNES, France : Un symbole palestinien ou un portrait d'otage: à l'heure où le conflit entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza embrase les campus et les réseaux sociaux, les stars présentes au 77e Festival de Cannes préfèrent afficher un soutien discret.

Ruban jaune accroché à la veste, l'acteur Philippe Torreton a gravi mardi les marches du Festival. Un symbole en soutien aux quelque 250 personnes prises en otage par le Hamas le 7 octobre.

L'actrice Leïla Bekhti, qui a récemment enregistré un message en faveur des enfants de Gaza pour l'Unicef, a arboré mercredi un pin's pastèque, l'un des symboles de la résistance palestinienne.

Des positionnements très discrets quant au conflit israélo-palestinien, au moment où sur TikTok, le hashtag «blockout2024» fait florès et invite les internautes à bloquer les comptes de stars restées silencieuses sur la guerre à Gaza. Beyoncé et Kim Kardashian figurent parmi les cibles de cette mobilisation propalestinienne et ont déjà perdu des centaines de milliers d'abonnés.

En réponse, des célébrités comme Omar Sy, membre du jury à Cannes, ont mis en ligne en début de semaine un appel au cessez-le-feu sur Instagram.

Sur le tapis rouge cannois, le message le plus fort à propos de ce conflit est venu jusqu'ici d'une survivante de l'attaque du Hamas le 7 octobre, Laura Blajman-Kadar, vêtue d'une robe jaune affichant des portraits d'otages israéliens et une écharpe noire «Bring them home» («Ramenez-les à la maison»).

Vendredi, une projection privée du film-témoignage monté par le gouvernement et l'armée israélienne sur les massacres du 7 octobre, «Bearing Witness», a été envisagée avant d'être annulée «pour raisons de sécurité, ont indiqué à l'AFP ses organisateurs.

Ce film, composé d'extraits des caméras et téléphones des assaillants du Hamas et d'images captées par des victimes et des secouristes, avait été diffusé le 14 novembre à l'Assemblée nationale en France. Des projections privées ont déjà eu lieu en marge de sommets comme Davos, selon les organisateurs.

- Haute surveillance -

Mais point de manifestation politique, ni côté public, ni côté montée des marches. Une discrétion à l'extrême, qui pourrait basculer avec la présentation vendredi à 18H00 de «La belle de Gaza», documentaire dans le milieu très fermé des femmes transgenres palestiniennes réfugiées à Tel-Aviv.

Même si le conflit israélo-palestinien, évoqué à travers la dureté des autorités pour les «clandestines» venues de Cisjordanie sans permis de travail, s'efface totalement dans ce film de Yolande Zauberman, supplanté par un autre type de conflit intime et universel.

Si aucun film palestinien n'est présent en sélection, «Vers un pays inconnu» du réalisateur danois d'origine palestinienne Mahdi Fleifel, suit deux jeunes cousins palestiniens se retrouvant en Grèce, après avoir fui un camp au Liban. Le film est présenté à la Quinzaine des cinéastes.

Au Marché du film, le plus grand au monde, le pavillon du «film arabe» a déroulé une grande banderole appelant à soutenir l'industrie des territoires occupés ou ses cinéastes en exil.

Le seul film israélien présenté cette année est le court-métrage d'Amit Vaknin, étudiante en cinéma à l'Université de Tel-Aviv. «It's no time for pop» s'attache à une jeune femme qui refuse de prendre part à des festivités patriotiques.

Le pavillon israélien a été maintenu, sous très haute surveillance, avec un filtrage sécuritaire drastique à l'entrée.

L'équipe de l'ambassade israélienne a déclaré à l'AFP avoir douté jusqu'au dernier moment du maintien de sa présence, moins d'une semaine après les manifestations monstre lors de l'Eurovision en Suède.

 


Pour sa nouvelle création, Angelin Preljocaj livre son «Requiem(s)»

Le chorégraphe et danseur français Angelin Preljocaj participe à une répétition de sa chorégraphie, le ballet «Le lac des cygnes» du compositeur russe Tchaïkovski, avec les danseurs du «Ballet Preljocaj», au Théâtre de l'Archeveche à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. (Clement Mahoudeau AFP)
Le chorégraphe et danseur français Angelin Preljocaj participe à une répétition de sa chorégraphie, le ballet «Le lac des cygnes» du compositeur russe Tchaïkovski, avec les danseurs du «Ballet Preljocaj», au Théâtre de l'Archeveche à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. (Clement Mahoudeau AFP)
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  • Dans la salle du Grand Théâtre de Provence d'Aix, 300 personnes ont assisté à la répétition générale, la veille de la première, et les deux premières dates de «Requiem(s)» étaient annoncées complètes
  • Cette mosaïque d'émotions jaillit aussi de la musique qui accompagne les 19 danseurs, avec des ruptures aussi rapides qu'un claquement de doigts, passant brutalement du +Lacrimosa+ du requiem de Mozart à une chanson de métal

AIX-EN-PROVENCE, France : De la tristesse, de la rage parfois mais aussi des moments de joie, le chorégraphe français Angelin Preljocaj présente ce week-end à Aix-en-Provence, en première mondiale, «Requiem(s)», un spectacle autour de toutes les facettes de la mort et du deuil.

«C'est un thème magnifique et puis l'année 2023 était une année assez dure pour moi personnellement. J'ai perdu beaucoup d'amis, mes parents aussi. Je me suis dit que c'était peut-être le moment de faire un requiem», confie M. Preljocaj à l'AFP.

Basé avec son ballet à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, au Pavillon noir, le chorégraphe d'origine albanaise est connu notamment pour ses ballets «Le Parc» et «Blanche-Neige», et ses collaborations fréquentes avec des artistes issus de la musique électro comme Air, le DJ Laurent Garnier et les Daft Punk.

Dans la salle du Grand Théâtre de Provence d'Aix, 300 personnes ont assisté à la répétition générale, la veille de la première, et les deux premières dates de «Requiem(s)» étaient annoncées complètes.

Pour ce spectacle, Angelin Preljocaj dit s'être longuement documenté, allant piocher des références entre autres chez le sociologue Émile Durkheim, qui expliquait que les hommes ont fait société quand ils ont commencé à donner une cérémonie pour leurs morts.

Les facettes de ce cérémonial ressortent tout au long du ballet, tantôt langoureux, tantôt très rythmé, parfois complètement frénétique, les danseurs jouant avec les différentes émotions liées au deuil.

«Ce n'est pas toujours triste, il y a beaucoup de joie dans le spectacle aussi, de la rage parfois, de la mélancolie», énumère le chorégraphe.

- De Mozart au métal -

Cette mosaïque d'émotions jaillit aussi de la musique qui accompagne les 19 danseurs, avec des ruptures aussi rapides qu'un claquement de doigts, passant brutalement du +Lacrimosa+ du requiem de Mozart à une chanson de métal.

«Les musiques m'apportaient des nuances d'émotions différentes et j'avais envie de travailler avec ces choses-là, par exemple les cantates de Bach (1685-1750), Ligeti (1923-2006), Mozart (1756-1791)... et du métal. Je me suis beaucoup amusé avec ça», sourit Angelin Preljocaj.

Des décors aux costumes en passant par la lumière, les danseurs se retrouvent plongés dans une bichromie noire et blanche pudique, seulement troublée par quelques très rares touches de rouge.

Après une heure trente de danse, le public a applaudi de longues minutes.

«Un spectacle, c'est comme une photographie qu'on met dans le révélateur; le révélateur c'est le public, et ce soir c'était très très chaleureux», souffle le chorégraphe à l'issue de la générale.

Après les deux dates inaugurales au Grand Théâtre de Provence vendredi et samedi, une tournée à Paris et dans plusieurs autres villes de France, le spectacle reviendra au mois d'octobre à Aix puis sera joué le 4 décembre à Modène (Italie) puis en 2025 à Athènes, Madrid et Fribourg (Suisse).