Au Nagorny Karabakh, le conflit menace de durer

Les restes d’un véhicule détruit pendant les combats entre les forces azerbaïdjanaises et arméniennes pour le contrôle du Karabakh (Photo, Bülent KILIC/AFP).
Les restes d’un véhicule détruit pendant les combats entre les forces azerbaïdjanaises et arméniennes pour le contrôle du Karabakh (Photo, Bülent KILIC/AFP).
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Publié le Dimanche 18 octobre 2020

Au Nagorny Karabakh, le conflit menace de durer

  • Derrière les écrans de fumée dressés par la propagande des deux camps, ces nouveaux combats ont fait au moins des centaines de morts
  • Si l'Azerbaïdjan, mieux armé, a regagné certains territoires, la plupart des lignes fortifiées arméniennes ont résisté jusqu'ici

TBILISSI: Les roquettes pleuvent, la rhétorique haineuse s'enflamme, le bilan humain grimpe et les efforts diplomatiques échouent. Malgré une nouvelle trêve déjà fragilisée, le conflit du Nagorny Karabakh, après trois semaines d'hostilités, semble installé dans la durée.

Un nouveau cessez-le-feu humanitaire est entré en vigueur ce dimanche. Mais l'Arménie et l'Azerbaïdjan s'accusent déjà de l'avoir violé, comme une autre trêve conclue sans succès il y a une semaine.

Les forces azerbaïdjanaises tentent de reconquérir depuis le 27 septembre cette région peuplée d'Arméniens et qui a fait sécession il y a une trentaine d'années, entraînant une guerre et faisant 30 000 morts. 

Depuis un cessez-le-feu en 1994, malgré des heurts réguliers, la république autoproclamée du Nagorny Karabakh jouissait de facto de son indépendance, soutenue par l'Arménie, et protégée par un glacis de sept districts azerbaïdjanais occupés. Un statu quo aujourd'hui menacé. 

Derrière les écrans de fumée dressés par la propagande des deux camps, ces nouveaux combats ont fait au moins des centaines de morts. Peut-être des milliers. Un bilan lourd, la région comptant 140 000 habitants, dont la moitié a déjà fui. 

Si l'Azerbaïdjan, mieux armé, a regagné certains territoires, la plupart des lignes fortifiées arméniennes ont résisté jusqu'ici. Et les séparatistes tiennent la montagne, un avantage stratégique.

Par ailleurs, le coût des victoires azerbaïdjanaises est inconnu, Bakou ne communiquant aucun bilan humain. Il serait immense, selon les autorités du Karabakh.

Pour Guela Vassadze, du Centre géorgien d'analyse stratégique, l'Azerbaïdjan reste « loin de prendre le contrôle du Karabakh », et dès lors, sauf percée et pressions diplomatiques conséquentes, cette « phase chaude du conflit va durer ».

L'échec de la trêve du 10 octobre, pourtant négociée par le puissant voisin russe, témoigne des difficultés de la communauté internationale à enrayer la violence, mais aussi de la détermination des belligérants.

 - Discours déchaînés -

Après la faillite du premier cessez-le-feu, l'International Crisis Group avait regretté que chaque partie semble "préparer une escalade", notant que "les avancées azerbaïdjanaises alimentent la peur des Arméniens et leurs contre-attaques".

Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian, jugeant la situation « très grave », reste déterminé au combat, appelant à « l'union » pour « garantir l'indépendance » du territoire séparatiste. Il accuse aussi son voisin d'être l'outil de la Turquie pour poursuivre son « génocide », référence aux quelque 1,5 million d’Arméniens tués sous l'Empire ottoman.

Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a lui illustré l'animosité ambiante, traitant tour à tour samedi l'ennemi arménien de « chiens », de « fascistes » et de « bêtes sauvages », après un bombardement sur la ville de Gandja, ayant fait 13 morts civils. 

Au sein des populations civiles, l'atmosphère est tout aussi va-t-en-guerre.

« Nous n'avons pas peur d'une longue guerre, même si ça prend un an ou plus, car notre armée est bien plus forte ! », proclame Kamran Karimov, 25 ans, devant les vitres soufflées d'un magasin à Gandja.

« J'avais 17 ans pendant la première guerre. Nous avons tout construit. Personne au monde ne nous fera partir d'ici », lance de son côté Gaïane Gharibian, 45 ans, après un bombardement de la capitale séparatiste Stepanakert.

Grâce à sa manne pétrolière, Bakou s'est armé auprès de son grand allié turc, de la Russie et d'Israël. Et table donc sur une victoire militaire. 

L'Azerbaïdjan dispose d'un équipement bien plus moderne que les séparatistes, soutenus financièrement et militairement par l'Arménie, pays autrement plus pauvre et essentiellement armé par Moscou.

Le médiateur historique du conflit, le Groupe de Minsk piloté par la Russie, la France et les Etats-Unis, n'est jamais parvenu à régler le conflit.

Et Bakou, après 30 ans de statu quo, veut désormais que la Turquie, favorable à sa ligne, soit inclus davantage dans les discussions. 

L'Arménie a elle renié « les principes de bases » du Groupe de Minsk qui prévoyaient un retrait arménien de régions azerbaïdjanaises en échange d'un futur référendum sur le statut de l'enclave. 

Dans ce contexte, Moscou, lié par un traité militaire à Erevan, a fixé une ligne rouge. Si le conflit devait déborder du Karabakh et l'Arménie être directement attaquée, le Kremlin « tiendra ses engagements » et viendra à sa rescousse. 

Pour l'expert Guela Vassadze, le seul espoir de paix, est qu'en Occident, après des décennies de tergiversations, ce conflit soit enfin « traité comme une priorité ». (AFP)


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.