Karabakh: une frappe tue douze civils dans la seconde ville d’Azerbaïdjan

Les équipes de secours s’emploient à retrouver des survivants sous les décombres, à Gandja le 17 octobre (Photo, Bület KILIC/AFP).
Les équipes de secours s’emploient à retrouver des survivants sous les décombres, à Gandja le 17 octobre (Photo, Bület KILIC/AFP).
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Publié le Samedi 17 octobre 2020

Karabakh: une frappe tue douze civils dans la seconde ville d’Azerbaïdjan

  • La frappe meurtrière de la nuit de vendredi à samedi sur Gandja a été suivie d'une deuxième dans une autre partie de la cité puis d'un tir visant la ville voisine de Mingecevir
  • Ces bombardements, ainsi que les combats sur la ligne de front, témoignent de l'impuissance depuis trois semaines de la communauté internationale

GANDJA: Douze civils ont été tués dans le bombardement nocturne d'une zone résidentielle de Gandja, deuxième ville d'Azerbaïdjan, selon les autorités samedi, nouvelle escalade du conflit du Nagorny Karabakh entre Azerbaïdjanais et séparatistes arméniens.

Quelques heures plus tôt, des frappes azerbaïdjanaises avaient visé la capitale des indépendantistes, Stepanakert, dont la majorité des habitants ont fui depuis le début des hostilités le 27 septembre.  

La frappe meurtrière de la nuit de vendredi à samedi sur Gandja a été suivie d'une deuxième dans une autre partie de la cité puis d'un tir visant la ville voisine de Mingecevir.

Ces bombardements, ainsi que les combats sur la ligne de front, témoignent de l'impuissance depuis trois semaines de la communauté internationale. Depuis une semaine, un accord de trêve humanitaire négocié sous l'égide de Moscou n'a jamais été appliqué. Le chef du Pentagone Mark Esper et la ministre française des Armées Florence Parly ont réinsisté vendredi soir de la nécessité d'arrêter les hostilités.

Le Nagorny Karabakh, majoritairement peuplé d'Arméniens chrétiens, a fait sécession de l'Azerbaïdjan, chiite turcophone, peu avant la dislocation de l'URSS en 1991, entraînant une guerre ayant fait 30.000 morts dans les années 1990. Un cessez-le-feu, émaillé de heurts, était en vigueur depuis 1994.  

A Gandja, des journalistes ont vu des maisons détruites par le missile qui a frappé les habitants en plein sommeil vers 03H00 locales (23H00 GMT vendredi). Selon le procureur général, « 12 civils ont été tués, 40 blessés ».

Des résidents en larmes fuyaient les lieux, certains en pyjamas et pantoufles.

« Toutes les maisons autour ont été détruites. Beaucoup de personnes sont sous les décombres. Certains sont morts, d'autres sont blessés », se lamente Rubaba Zhafarova, 65 ans, devant sa maison détruite.

« Ma femme était là-bas ! »

Des dizaines de secouristes cherchaient dans la nuit des survivants et à mains nues, dans les décombres. Après quelques heures, une équipe a déposé dans une ambulance des housses mortuaires noires contenant des morceaux de corps déchiquetés.

« Ma femme était là-bas, ma femme était là-bas », criait un homme conduit vers une ambulance par un infirmier.

Un habitant a dit avoir vu un enfant, deux femmes et quatre hommes retirés des décombres.

« Une femme a perdu ses jambes. Quelqu'un d'autre a perdu un bras », a dit Elmir Shirinzaday, 26 ans.

Ville de plus de 300.000 habitants, Gandja a déjà été frappée à plusieurs reprises depuis le début du conflit, notamment dimanche lorsqu'un missile avait fait dix morts.

Des journalistes ont indiqué avoir ressenti aussi dans la nuit une puissante explosion dans la ville voisine de Mingecevir. La cité est protégée par un système antimissile car il abrite une digue stratégique. Il n'était pas clair si des missiles avaient été détruits en vol ou s'ils avaient touché des cibles.

Du côté des séparatistes arméniens, aucun commentaire n'a été fait sur l'attaque sur Gandja, sinon que les infrastructures civiles des villes Stepanakert et Choucha ayant été visées par l'Azerbaïdjan, « des opérations pour stopper l'adversaire ont été menées », selon le centre d'information du gouvernement arménien.   

Ailleurs sur le front, les combats ont continué, l'Azerbaïdjan et l'Arménie s'accusant mutuellement de violer le cessez-le-feu.

L'armée azerbaïdjanaise a annoncé samedi matin avoir, sur le front nord comme celui du sud, de nouveau « percé des lignes de fortifications en plusieurs endroits », détruisant équipements militaires, armements et faisant « beaucoup de morts ».

L'Azerbaïdjan a fait des gains territoriaux ces trois dernières semaines sans pour autant avoir remporté de bataille décisive. Bakou n'a pas jusqu'ici révélé le coût du conflit, ne publiant aucun bilan militaire, matériel ou humain, alors que les séparatistes affirment avoir tué des milliers d'hommes.

Outre une potentielle crise humanitaire, la crainte est de voir ce conflit s'internationaliser, la Turquie soutenant l'Azerbaïdjan. L'Armenie, qui soutient financièrement, politiquement et militairement les séparatistes, est elle dans une alliance militaire avec la Russie.

"Vengeance"

Plus tard dans la journée de samedi, le président azerbaïdjanais a juré  de "venger" les 12 civils tués dans le bombardement nocturne de la deuxième ville du pays, Gandja, une frappe dont il accuse l'Arménie, soutien des séparatistes du Nagorny Karabakh.

"La direction fasciste de l'Arménie a tiré sur nos zones peuplées (...) ce crime lâche ne brisera pas la volonté de notre peuple. Nous allons y répondre sur le champ de bataille, nous allons nous venger sur le champ de bataille", a proclamé Ilham Aliev, jurant une fois encore de "chasser comme des chiens" son ennemi séparatiste arménien.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.