Le «George Floyd arabe»: l'affaire Oussekine à la conquête des mémoires

 Plus de 35 ans après les faits, inscrire un nom et une histoire dans la mémoire de tous: l'affaire Malik Oussekine, du nom de cet étudiant battu à mort en France par des policiers se raconte, pour la première fois, dans une série et un film. (AFP)
Plus de 35 ans après les faits, inscrire un nom et une histoire dans la mémoire de tous: l'affaire Malik Oussekine, du nom de cet étudiant battu à mort en France par des policiers se raconte, pour la première fois, dans une série et un film. (AFP)
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Publié le Lundi 09 mai 2022

Le «George Floyd arabe»: l'affaire Oussekine à la conquête des mémoires

  • Si le nom de Malik Oussekine résonne encore dans la société française, il est surtout devenu l'apanage d'un combat, celui contre les violences policières
  • L'histoire de Malik Oussekine est intimement liée à l'histoire de l'immigration post-coloniale, et plus particulièrement à celle de la guerre d'Algérie (1954-1962)

PARIS: Plus de 35 ans après les faits, inscrire un nom et une histoire dans la mémoire de tous: l'affaire Malik Oussekine, du nom de cet étudiant battu à mort en France par des policiers se raconte, pour la première fois, dans une série et un film.   


"Oussekine" et "Nos Frangins", deux titres, deux projets distincts mais le même objectif: retracer le destin brisé de ce Français d'origine algérienne de 22 ans, décédé le 6 décembre 1986 sous les coups de deux policiers en marge d'une manifestation estudiantine à Paris.


Le premier est une série Disney réalisée par Antoine Chevrollier ("Baron noir", "Le Bureau des légendes") et qui sera diffusée en France et dans le monde entier le 11 mai; L'autre, un film de Rachid Bouchareb ("Indigènes"), qui sera présenté en avant-première au Festival de Cannes à la fin du mois de mai.


Si le nom de Malik Oussekine résonne encore dans la société française, il est surtout devenu l'apanage d'un combat, celui contre les violences policières, mais a été "relativement oublié", affirme l'historien Yvan Gastaut.

Série «Oussekine»: une blessure française, jamais refermée

"Le temps est venu de raconter nos histoires et dépoussiérer le roman national": après "Le Bureau des Légendes" et "Baron noir", le réalisateur Antoine Chevrollier poursuit son exploration des blessures françaises avec "Oussekine", sa mini-série événement.


Composée de quatre épisodes d'une heure chacun, la série va être diffusée en France et dans le monde à partir du 11 mai sur Disney+. Quatre épisodes à la scénographie soignée pour documenter le destin de cet étudiant Français d'origine algérienne de 22 ans, battu à mort par des policiers il y a plus de 35 ans.


Pour cette première adaptation audiovisuelle -- avant celle de Rachid Bouchareb (Indigènes) qui sera présentée à Cannes à la fin du mois -- Antoine Chevrollier, né en 1982, assume un parti pris: celui de sortir le nom de ce jeune, aujourd'hui indissociable du combat contre les violences policières, de la case des faits divers. 


"Malik Oussekine n'est pas un fait divers. C'est un fait de société majeur qui doit être considéré comme tel", dit-il dans un entretien à l'AFP. Une histoire qu'il rencontre à l'adolescence avec une chanson de rap du groupe Assassin: "L’État assassine, un exemple Malik Oussekine".

Autodidacte 
Mais ce n'est que quelques années plus tard que le nom d'Oussekine va résonner plus fort en lui, pour ne plus jamais "(l)e" quitter". 


"A cette époque, je venais d'arriver à Paris et trainais beaucoup avec des jeunes de quartier qui me parlaient sans cesse d'Oussekine. En tant que provincial prolo, j'ai eu le sentiment qu'on se retrouvait dans l'endroit de l'+invisibilisation+, de l'exclusion et de la non représentation. C'est là que je me suis dit +OK faisons un film+", se remémore-t-il.


Entre temps, cet autodidacte originaire d'un petit village d'Anjou acquiert une certaine notoriété en réalisant plusieurs épisodes des séries à succès "Le Bureau des Légendes" et "Baron noir". Deux séries qui questionnent, à leur façon, la démocratie française. 


C'est là qu'il comprend que le format sériel est plus adapté à son projet sur Malik Oussekine. "En grattant, je me suis rendu compte qu'on pouvait raconter pleins de choses comme la guerre d'Algérie (1954-1962), la situation politique de la France qui vivait une cohabitation, le contexte social... et que seule une série me permettrait de déployer toutes ces histoires", soutient-il.


La façon d'y parvenir? Découper le récit en trois strates distinctes, puis les faire cohabiter.

«Apaiser les tensions»
D'abord le temps présent, qui suit le combat de la famille de Malik jusqu'au procès des deux policiers, puis une autre se concentrant sur les dernières heures du jeune homme. Enfin, la dernière strate inscrit l'histoire individuelle de la famille Oussekine dans celle de la France, comme cette reconstitution poignante du massacre d'Octobre 1961 où des manifestants algériens sont jetés dans la Seine par des policiers.


Pour cela, Antoine Chevrollier s'est entouré de quatre scénaristes: l'autrice Faïza Guène, connue pour ses livres qui explorent l’identité des Français issus de l’immigration maghrébine, le réalisateur franco-burkinabé Cédric Ido, le scénariste Julien Lilti et la jeune réalisatrice Lina Soualem.


Mais surtout, il a pu bénéficier du soutien et des conseils des deux frères et d'une des sœurs de Malik Oussekine. "Pour moi, il était inconcevable de ne pas les associer au projet", rapporte-t-il.


Une série politique? "Ce qui m'intéresse ce sont les injustices. Que ce soit à l'endroit des enfants d'immigrés ou des prolétaires de province... D'ailleurs, je pense que c'est la même. Quoi qu'il en soit, ça y'est, le temps est venu pour nous de raconter nos histoires et dépoussiérer le roman national", explique-t-il.


Et de conclure: "J'espère que la série permettra d'apaiser les tensions qui agitent le pays. Il est temps qu’on commence en France à soigner ces métastases de l’histoire".

«En dehors de l'Histoire»
"La question n'est pas est-ce que Malik Oussekine a été oublié mais plutôt par qui", nuance l'historien spécialiste de l'histoire de l'immigration, Pascal Blanchard. 


"La jeunesse maghrébine et plus globalement celle de l'époque, qui est une jeunesse déjà sensibilisée aux discriminations raciales, est sensible à ce crime qu'elle perçoit comme un crime raciste. Mais le reste des Français ne voient pas cette histoire-là", poursuit-il auprès de l'AFP.


En d'autres termes: si le nom Oussekine devient un emblème, il le devient auprès des marges, ceux qui "ont le sentiment d'être en dehors de l'histoire". Pourtant, l'affaire est "un fait de société majeur", estime Antoine Chevrollier, qui voit dans le jeune homme une figure "universelle".


Universelle car "on parle d'une victime racisée, qui au nom de sa couleur de peau va être brutalisée. Quel public n'y serait pas sensible?", interroge M. Blanchard. Et d'ajouter: "C'est le George Floyd arabe en France!" (du nom de cet Afro-américain tué par la police, ndlr).

En 1986, Malik Oussekine frappé à mort par des policiers

Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986 à Paris, en plein mouvement de contestation étudiante, Malik Oussekine, 22 ans, était frappé à mort par des policiers dans le hall d'un immeuble du Quartier Latin.


Etudiant sans histoire à l'Ecole supérieure des professions immobilières (ESPI), ce jeune Français d'origine algérienne souffrait d'insuffisance rénale et devait être dialysé plusieurs fois par semaine.


Il s'était tenu à l'écart du mouvement qui dénonçait un projet de loi instaurant, selon ses détracteurs, la sélection à l'entrée de l'université. Ce jour-là cependant, selon ses amis, Malik voulait aller voir.


Seul témoin du drame survenu vers 1h00 du matin, au moment où se dispersaient les derniers manifestants, Paul Bayzelon, fonctionnaire au ministère des Finances, habitant d'un immeuble de la rue Monsieur-Le-Prince dans le VIe arrondissement, a raconté: "Je rentrais chez moi. Au moment de refermer la porte après avoir composé le code, je vois le visage affolé d'un jeune homme. Je le fais passer et je veux refermer la porte".


"Deux policiers s'engouffrent dans le hall, a-t-il poursuivi, se précipitent sur le type réfugié au fond et le frappent avec une violence incroyable. Il est tombé, ils ont continué à frapper à coups de matraque et de pieds dans le ventre et dans le dos. La victime se contentait de crier: +je n'ai rien fait, je n'ai rien fait+".


Paul Bayzelon a dit avoir voulu s'interposer mais s'être fait lui aussi matraquer jusqu'au moment où il a sorti sa carte de fonctionnaire. Les policiers, des motocyclistes présents dans le quartier pour disperser la manifestation, sont alors partis. Malik Oussekine est décédé peu après à l'hôpital.


Le lendemain, Alain Devaquet, ministre délégué à l'Enseignement supérieur et auteur du projet de loi polémique, présentait sa démission, cependant que les étudiants défilaient en silence, portant des pancartes "Ils ont tué Malik".


Le lundi 8 décembre, après de nouvelles manifestations, le Premier ministre Jacques Chirac annonçait le retrait du texte.


Trois mois plus tard, le ministre délégué à la Sécurité, Robert Pandraud, déclenchait une nouvelle polémique en déclarant à des journalistes du Monde que Malik Oussekine "n'était pas le héros des étudiants français qu'on a dit" et en ajoutant: "si j'avais un fils sous dialyse, je l'empêcherais de faire le con dans la nuit".


Les deux membres du "Peloton voltigeur motocycliste", le brigadier Jean Schmitt et le gardien Christophe Garcia, 53 et 23 ans à l'époque des faits, ont été jugés trois ans plus tard aux assises de Paris pour "coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Ils ont été condamnés le 27 janvier 1990 à des peines de prison avec sursis (cinq et deux ans respectivement).


Environ 2.000 personnes ont manifesté le surlendemain devant le Palais de Justice contre "ce verdict de clémence".

Raconter pour transmettre 
Mais l'histoire de Malik Oussekine ne s'arrête pas là. Elle est intimement liée à l'histoire de l'immigration post-coloniale, et plus particulièrement à celle de la guerre d'Algérie (1954-1962). 


D'un pays marqué par le massacre d’Algériens par la police parisienne au cours de la manifestation du 17 octobre 1961. Ou du drame du métro Charonne à Paris le 8 février 1962 où meurent, étouffées, neuf personnes venues manifester pour la paix en Algérie. 


La mort de Malik Oussekine intervient aussi trois ans après la "marche des beurs", marche historique pour dénoncer les agressions dont étaient régulièrement victimes les Français d'origine magrébine.


L'affaire marquera "la fin de l'impunité policière", souligne Yvan Gastaut, rappelant que les deux policiers ont été jugés et condamnés. 


"Une première" se souvient auprès de l'AFP Georges Kiejman, l'avocat de la famille Oussekine, rappelant que jusqu'ici les policiers mis en cause dans ce genre de faits n'étaient jamais poursuivis.


Reste une question: pourquoi cette histoire n'avait elle jamais été racontée, empêchant, ainsi, sa transmission? Pour M. Blanchard, il aura fallu attendre que la troisième génération issue de l'immigration prenne la parole pour revendiquer cette mémoire. A l'image des autrices Leïla Slimani ou encore Faïza Guène, d'ailleurs co-scénariste de la série aux côtés de Cédric Ido, Julien Lilti et Lina Soualem.


"Je ne pense pas qu'on soit les premiers à revendiquer cette histoire. Nos parents l'ont fait avant nous mais pour notre génération, c'est important de dire que ces histoires individuelles font partie du récit national français. Elle ne sont pas à côté. Ce sont des histoires françaises", analyse Faiza Guène. 


"L'important, conclut Antoine Chevrollier, c'est de faire résonner ce nom et cette histoire pour ne jamais plus oublier".


A Paris, une réunion des droites sous l'égide des médias Bolloré

Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
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  • Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné
  • Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama

PARIS: Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027.

Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné.

Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama. Huées puis rires quand il lance: "On sait quel article ils vont écrire, on l'a rédigé comme ça ils pourront aller au bistrot".

Apparaît Philippe de Villiers, largement promu par le groupe du milliardaire breton - il est chroniqueur chez Cnews et son dernier livre est publié chez Fayard, également dans la galaxie Bolloré.

Le souverainiste commence par "remercier Jean-Luc Mélenchon" - qui lui aurait inspiré son ouvrage - déclenchant une nouvelle bronca.

Puis, il sert son discours habituel sur une France "au bord de l'abîme", menacée par "un changement de peuplement" encouragé par "un parti sarrasin", et abandonnée par des "élites écartelées entre le wokistan et l'islamistan".

Pour le fondateur du Puy du Fou, la solution est simple: "la remigration ou la françisation". Nouvelle salve d'applaudissements, on entend quelques "Philippe président". L'hypothèse d'une candidature pour 2027 a encore été entretenue en une de Valeurs actuelles la semaine dernière, où l'intéressé affirme être "redescendu dans l'arène".

Il n'est pas le seul. Surgit l'animatrice Christine Kelly de Cnews, pour lancer une discussion sur "notre civilisation judéo-chrétienne" entre Michel Onfray et Eric Zemmour.

Au terme d'un échange théologique parfois confus, le président du parti Reconquête conclut que "la croisade a sauvé l'Occident" et qu'"à partir du moment où nous retrouverons notre identité, tout ira beaucoup mieux". L'ancien polémiste de Cnews, propulsé par l'empire Bolloré dans la course à l'Elysée en 2022, espère déjà rendosser son costume de candidat en 2027. En attendant, il reste lui aussi en tête de gondole chez Fayard.

"Le côté sans filtre" 

D'autres ne bénéficient pas de la même bienveillance. Comme Aurore Bergé, lors d'une tumultueuse séquence "insécurité" face à Claire Géronimi, devenue vice-présidente de l'UDR d'Eric Ciotti après avoir été victime d'un viol par un étranger sous OQTF.

La ministre déléguée à l'Egalité Femmes-Hommes, conspuée, reste combative: "Je suis venue pour accepter l'idée du débat (...) Ma ligne ne changera pas, quel que soit le public".

Plus en phase avec l'assistance, l'avocat Gilles-William Goldnadel fustige "le racisme anti-blanc" et le "féminisme d'extrême gauche".

Un discours familier aux oreilles de Philippe, 55 ans et sans emploi, qui a déboursé 25 euros pour "voir le côté sans filtre" de ces personnalités médiatiques dont il "partage les idées, sans ambiguïté". Plus intéressé par l'aspect politique, Foucauld, 24 ans, étudiant en école de commerce, reconnaît que l'événement "participe à faire avancer les pions vers l'union des droites".

Pourquoi pas avec David Lisnard? Invité à ouvrir le chapitre du "grand enjeu" des municipales de mars 2026, le maire de Cannes fait florès avec ses leitmotiv: "Vive la liberté" et "Afuera!" la "bureaucratie" et la "technocratie".

Lui succèdent une brochette de candidats plus ou moins déclarés, dont la députée RN Laure Lavalette déplorant qu'il y ait "autant de barbiers et de kebabs" dans sa ville de Toulon.

Signe d'un rapprochement entre le parti à la flamme et la galaxie Bolloré? Après tout, Jordan Bardella en est à son deuxième livre publié chez Fayard.

Mais c'est une autre étoile montante qui est mise à l'honneur mardi soir. Clou du spectacle, l'eurodéputée Reconquête Sarah Knafo vient délivrer un "message d'espérance" face à l'essayiste Eric Neaulleau, dans le rôle du décliniste persuadé que "tout est foutu" car "les lieux de pouvoir sont tous tenus par des gens animés d'une idéologie immigrationniste".

Au contraire, les idées infusent dans la société et "le combat de la lucidité est gagné", réplique la nouvelle coqueluche de la "bollosphère", qui assure "qu'on peut changer les choses, avec méthode, détermination et travail". Et quelques solides appuis.


Pour la présidente de l'Assemblée Braun-Pivet, une majorité absolue n'est plus «souhaitable»

Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
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  • "J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français"
  • Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées"

PARIS: Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi.

"J'ai une conviction personnelle forte qui est que nous n'aurons pas demain à nouveau une majorité absolue mais je pense surtout, et c'est ça ma conviction forte, c'est que ce n'est pas souhaitable pour notre pays", a-t-elle déclaré dans le podcast "Dans l'Hémicycle".

"Je suis convaincue que la délibération collective avec des groupes politiques qui ne partagent pas les mêmes orientations mais qui essayent de trouver des solutions, elle est bénéfique", a-t-elle poursuivi.

Depuis 2022, le camp présidentiel auquel appartient Mme Braun-Pivet ne dispose pas d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Face à une fragmentation de l'hémicycle encore accentuée depuis la dissolution de juin 2024, de nombreux députés disent espérer le retour d'une majorité absolue après l'élection présidentielle de 2027. Mais pas la présidente de l'Assemblée.

"J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français", a-t-elle déclaré dans cette interview.

Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées, parce qu'autrement, ça ne passe pas", a-t-elle dit.

Cette situation force aussi à "inventer des nouvelles façons de faire", a-t-elle ajouté en donnant l'exemple des semaines dédiées aux textes proposés par les députés, auparavant dévolues à ceux de la majorité. Depuis 2022, ces semaines sont devenues "transpartisanes", avec des propositions soutenues par différents groupes.

Au moment où les débats budgétaires peinent à aboutir, Mme Braun-Pivet a toutefois estimé qu'il fallait encore "adapter" les règles de l'Assemblée à cette nouvelle configuration. Elle a rappelé avoir lancé une réflexion autour d'une modification du règlement de l'institution.


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

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  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.