Washington prévoit une extension du conflit, l'Ukraine insiste pour entrer dans l'UE

Un militaire ukrainien tire avec un mortier sur une position située dans la région de Kharkiv, en Ukraine, le 9 mai 2022 (Reuters).
Un militaire ukrainien tire avec un mortier sur une position située dans la région de Kharkiv, en Ukraine, le 9 mai 2022 (Reuters).
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Publié le Mercredi 11 mai 2022

Washington prévoit une extension du conflit, l'Ukraine insiste pour entrer dans l'UE

  • Dans la région de Kharkiv, les corps de 44 civils ont été retrouvés dans les décombres d'un immeuble détruit en mars à Izioum, ville sous contrôle russe
  • Dans la région de Donetsk, trois civils ont été tués et trois blessés mardi à Marinka, Avdiivka et Kalynove

KIEV: Le renseignement américain a dit mardi prévoir une extension du conflit au-delà de l'Ukraine, estimant que le président russe Vladimir Poutine veut le porter en Moldavie, tandis que Kiev a de nouveau insisté sur la nécessité pour sa sécurité d'adhérer à l'Union européenne.

"Nous estimons que le président Poutine se prépare à un conflit prolongé en Ukraine, durant lequel il a encore l'intention d'atteindre des objectifs au-delà du Donbass" (est): la Transdniestrie, région de Moldavie qui a fait sécession en 1990, a déclaré la cheffe du renseignement américain, Avril Haines.

S'il est "possible" que les Russes réalisent cet objectif dans les mois qui viennent, "ils ne pourront atteindre la Transdniestrie et inclure Odessa (sud de l'Ukraine) sans décréter une forme de mobilisation générale", a ajouté Mme Haines lors d'une audition au Congrès américain.

Le président russe "compte probablement sur un affaiblissement de la détermination" des Occidentaux, a-t-elle prévenu.

Estimant que les ambitions de M. Poutine dépassent les capacités de son armée, elle juge "probable" une "trajectoire plus imprévisible et potentiellement une escalade" dans les prochains mois, ainsi qu'une plus grande probabilité de "mesures plus drastiques, y compris l'instauration de la loi martiale, la réorientation de la production industrielle".

"Nous continuons de penser que le président Poutine n'ordonnera l'usage de l'arme nucléaire que s'il perçoit une menace existentielle pour l'Etat ou le régime russe", a-t-elle noté.

L'adhésion de l'Ukraine à l'UE, dans le contexte de l'invasion du pays par la Russie, est devenue une "question de guerre ou de paix", a estimé le même jour le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, à l'occasion de la première visite dans son pays d'un ministre allemand depuis le début de la guerre, son homologue Annalena Baerbock.

Selon lui, "l'une des raisons pour lesquelles la guerre a commencé est que Poutine était convaincu que l'Europe n'avait pas besoin de l'Ukraine".

Le président français Emmanuel Macron, qui exerce la présidence tournante de l'UE, avait douché lundi les espoirs d'une adhésion rapide de l'Ukraine à l'UE, affirmant que cette éventualité prendrait "des décennies". Il a proposé, en attendant, l'accession à un nouvel ensemble, une "communauté politique européenne", susceptible d'accueillir d'autres pays.

Ambassades de retour à Kiev

La ministre allemande a annoncé mardi la réouverture de l'ambassade d'Allemagne à Kiev, fermée peu après l'invasion russe du 24 février. Sa visite a été l'occasion pour Kiev de saluer le "changement de position" de Berlin vis-à-vis de Moscou ces dernières semaines.

"Je voudrais remercier l'Allemagne d'avoir modifié sa position sur un certain nombre de questions", dont sa "politique traditionnelle envers la Russie", a déclaré M. Kouleba à Kiev avec Mme Baerbock. Kiev était allé jusqu'à refuser mi-avril de recevoir le chef de l'Etat allemand Frank-Walter Steinmeier.

La ministre allemande s'est rendue à Boutcha, près de Kiev, où des centaines de civils tués ont été découverts après l'occupation russe au mois de mars. "Nous devons aux victimes non seulement de commémorer ici, mais de traduire en justice les coupables (...) c’est la promesse que nous pouvons et devons faire ici à Boutcha", a-t-elle déclaré.

Le ministre néerlandais Wopke Hoekstra, également en Ukraine mardi, a tweeté des photos d'Irpin, autre localité proche de Kiev où l'Ukraine accuse les Russes d'avoir massacré des civils en mars, avant une rencontre avec Dmytro Kouleba. Lui aussi a annoncé la réouverture de son ambassade dans la capitale ukrainienne.

Poursuite des frappes

Sur le terrain, après des frappes sur Odessa (sud) lundi qui ont fait au moins un mort et cinq blessés, l'état-major ukrainien a annoncé que les tirs d'artillerie et les frappes aériennes russes se poursuivaient mardi dans l'est du pays et sur l'aciérie d'Azovstal à Marioupol (sud-est). 

Selon une haute responsable du gouvernement ukrainienne, "plus d'un millier de militaires", dont "des centaines de blessés", se trouvent toujours dans les galeries souterraines de l'immense aciérie, dernière poche de résistance ukrainienne de ce port stratégique du sud du Donbass.

Dans le reste du Donbass, les Russes "continuent de préparer des opérations offensives dans les régions de Lyman et Severodonetsk", selon l'état-major ukrainien. 

Dans la région de Kharkiv, les corps de 44 civils ont été retrouvés dans les décombres d'un immeuble détruit en mars à Izioum, ville sous contrôle russe, selon le gouverneur régional, Oleg Sinegooubov.

Dans la région de Donetsk, trois civils ont été tués et trois blessés mardi à Marinka, Avdiivka et Kalynove, selon le gouverneur régional Pavlo Kyrylenko.

Le ministère russe de la Défense a lui annoncé la prise de Popasna, entre Kramatorsk et Lougansk, dans le nord du Donbass, permettant aux forces russes et prorusses d'atteindre "la frontière administrative de la République populaire de Lougansk", soit la "frontière" entre la république de Lougansk autoproclamée par des séparatistes prorusses et l'autre territoire séparatiste prorusse, la république autoproclamée de Donetsk.

L'armée russe dit avoir frappé 74 cibles mardi en Ukraine, et repêché en mer Noire trois corps supplémentaires de "militaires des forces spéciales ukrainiennes", portant à 27 le total des cadavres repêchés après une tentative ukrainienne - un "échec", selon Moscou - de reprendre la stratégique île aux Serpents.

Le porte-parole des garde-frontières ukrainiens, Andriï Demtchenko, a accusé mardi la Russie d'effectuer quotidiennement des frappes sur les régions de Tcherniguiv et de Soumy, dans le nord du pays.

A Kiev, vidée de la majorité de ses résidents au début de l'invasion russe, près des deux tiers des 3,5 millions d'habitants de la capitale sont revenus, a indiqué mardi le maire Vitali Klitschko.

Même s'il y a encore un couvre-feu, des barrages routiers et des mines dans les forêts autour de Kiev, "si ces limitations ne vous font pas peur, vous pouvez effectivement revenir", a ajouté l'édile, qui jusqu'ici appelait les habitants à patienter.

Dans la soirée, il a annoncé le décès à l'âge de 88 ans du premier président de l'Ukraine indépendante, Léonid Kravtchouk (1990-1994).

Accord des 27 en vue sur le pétrole

L'aide militaire américaine, qui s'est déjà élevée à quelque 3,8 milliards de dollars depuis le début du conflit, devrait être encore facilitée par la signature, lundi, par le président Joe Biden de l'"Ukraine Democracy Defense Lend-Lease Act". Cette loi de "prêt-bail" reprend un dispositif adopté en 1941 par le président Franklin Roosevelt (1933-1945), qui lui donnait des pouvoirs étendus pour soutenir l'effort de guerre en Europe.

En attendant, les négociations se poursuivent sur le projet d'embargo de l'Union européenne sur le pétrole russe, actuellement bloqué par la Hongrie. 

Un accord est possible "dans la semaine", a assuré mardi le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune.

"Les hydrocarbures russes ne sont pas une simple marchandise. Cela vaut la peine d'y renoncer, avant tout au pétrole. Car la liberté est en jeu. Et la protection de la liberté a un prix", a déclaré mardi le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Le Premier ministre italien Mario Draghi, dont le pays est très dépendant au gaz russe mais livre des armes à l'Ukraine, a rencontré mardi Joe Biden à la Maison Blanche. Le premier a appelé de ses voeux "une Union européenne forte (...) dans l'intérêt des Etats-Unis", le second louant "un bon ami et un grand allié".


Trump impose des restrictions d'entrée à sept autres pays et aux Palestiniens

Des personnes arrivent à l'aéroport international John F. Kennedy de New York, le 9 juin 2025. (AFP)
Des personnes arrivent à l'aéroport international John F. Kennedy de New York, le 9 juin 2025. (AFP)
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  • Donald Trump élargit les interdictions d’entrée aux États-Unis à sept pays supplémentaires, dont la Syrie, et inclut les Palestiniens munis de documents de l’Autorité palestinienne
  • La Maison Blanche invoque la sécurité nationale, tout en prévoyant des exceptions limitées, dans le cadre d’un durcissement général de la politique migratoire

WASHINGTON: Donald Trump a étendu mardi les interdictions d'entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de sept pays, dont la Syrie, ainsi qu'aux Palestiniens.

Le président américain a signé une proclamation "restreignant et limitant davantage l'entrée des ressortissants étrangers afin de protéger la sécurité des Etats-Unis", a indiqué la Maison Blanche.

Les nouveaux pays concernés par cette mesure sont le Burkina Faso, le Niger, le Mali, le Soudan du Sud et la Syrie, tandis que le Laos et la Sierra Leone passent de restrictions partielles à totales.

Les Palestiniens disposant de documents de voyage émis par l'Autorité palestinienne sont également visés.

L'administration Trump avait déjà imposé des restrictions totales visant les ressortissants de douze pays et des dizaines d'autres pays se sont vus imposer des restrictions partielles.

S'agissant de la Syrie, la mesure intervient quelques jours après une attaque meurtrière contre des soldats américains dans le centre de ce pays.

L'administration Trump dit avoir identifié des pays où les vérifications sont "tellement insuffisantes qu'elles justifiaient une suspension totale ou partielle de l'admission des ressortissants de ces pays".

La proclamation prévoit cependant des exceptions pour les résidents permanents légaux, les titulaires de visas existants, certaines catégories de visas comme les athlètes et les diplomates, et les personnes dont "l'entrée sert les intérêts nationaux des Etats-Unis".

Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump mène une vaste campagne contre l'immigration illégale et a considérablement durci les conditions d'entrée aux Etats-Unis et l'octroi de visas, arguant de la protection de la sécurité nationale.

Ces mesures visent ainsi à interdire l'entrée sur le territoire américain aux étrangers qui "ont l'intention de menacer" les Américains, selon la Maison Blanche.

De même, pour les étrangers qui "pourraient nuire à la culture, au gouvernement, aux institutions ou aux principes fondateurs" des Etats-Unis.

Le président américain s'en est récemment pris avec virulence aux Somaliens, disant qu'il "ne voulait pas d'eux chez nous".

En juin, il avait annoncé des interdictions d'entrée sur le territoire américain aux ressortissants de douze pays, principalement en Afrique et au Moyen-Orient (Afghanistan, Birmanie, Tchad, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Erythrée, Haïti, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Yémen).

En revanche, le Turkménistan, pays qui figure parmi les plus reclus au monde, se voit accorder un satisfécit, la Maison Blanche évoquant mardi des "progrès significatifs" dans cet Etat d'Asie centrale.

Du coup, les ressortissants de ce pays pourront à nouveau obtenir des visas américains, mais uniquement en tant que non-immigrants.

Lors de son premier mandat (2017-2021), Donald Trump s'en était pris de façon similaire à certains pays, ciblant principalement des pays musulmans.


Australie: la communauté juive, bouleversée et en colère, enterre «le Rabbin de Bondi»

Dans un pays considéré depuis longtemps comme un refuge, et qui abrite environ 2.500 survivants de la Shoah, le massacre de dimanche a instillé le doute quant à la politique de Canberra contre l'antisémitisme. (AFP)
Dans un pays considéré depuis longtemps comme un refuge, et qui abrite environ 2.500 survivants de la Shoah, le massacre de dimanche a instillé le doute quant à la politique de Canberra contre l'antisémitisme. (AFP)
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  • Celui qui était connu sous le nom de "Rabbin de Bondi" a été abattu dimanche sur la plage du même nom, lors de l'attentat le plus meurtrier en Australie depuis des décennies
  • Les proches et les membres de la communauté ont laissé échapper des sanglots quand le corbillard transportant le corps de M. Schlanger, 41 ans, est arrivé et que son cercueil, recouvert d'un velours noir orné de l'étoile de David, a été déposé

SYDNEY: Dans une synagogue bondée, emplie de cris et de larmes, la communauté juive de Sydney traumatisée a rendu hommage mercredi au rabbin Eli Schlanger, première victime de l'attentat antisémite de la plage de Bondi a être mise en terre.

Celui qui était connu sous le nom de "Rabbin de Bondi" a été abattu dimanche sur la plage du même nom, lors de l'attentat le plus meurtrier en Australie depuis des décennies.

Les proches et les membres de la communauté ont laissé échapper des sanglots quand le corbillard transportant le corps de M. Schlanger, 41 ans, est arrivé et que son cercueil, recouvert d'un velours noir orné de l'étoile de David, a été déposé.

David Deitz, homme d'affaires de 69 ans, qui connaissait M. Schlanger "depuis très, très longtemps", explique à l'AFP que le rabbin a eu "une influence positive sur beaucoup de gens".

"C'est un choc pour l'Australie de voir un tel événement se produire ici. Ce n'est pas dans la nature des Australiens", poursuit-il.

Une forte présence sécuritaire a été mobilisée lors des obsèques, avec des policiers alignés dans la rue fermée au public.

Dans un pays considéré depuis longtemps comme un refuge, et qui abrite environ 2.500 survivants de la Shoah, le massacre de dimanche a instillé le doute quant à la politique de Canberra contre l'antisémitisme.

En 2021, le nombre de juifs australiens était estimé à 117.000.

"Ils auraient pu nous écouter" 

Jillian Segal, la responsable de la lutte contre l'antisémitisme en Australie, a fustigé cette semaine des préjugés antijuifs "qui s’insinuent dans la société depuis de nombreuses années et contre lesquels nous ne nous sommes pas suffisamment élevés".

Mme Segal a été la première nommée à ce poste après une série d'attaques antisémites à Melbourne et à Sydney, au début de la guerre d'Israël dans la bande de Gaza.

Au cours des 12 mois suivant l’attaque du Hamas en Israel du 7 octobre 2023 qui a déclenché cette guerre, les incidents de nature antisémite en Australie ont augmenté de 316%, dépassant les 2.000, dit-elle.

"Nous devrions pouvoir être qui nous sommes sans avoir peur", a déclaré Brett Ackerman, un analyste de données âgé de 37 ans.

La colère gagne certains membres de la communauté qui estiment que leur cri d'alarme face à la montée de l'antisémitisme depuis le 7-Octobre n'a pas été pris en compte.

"Ils auraient pu nous écouter" se désole M. Ackerman. Pour lui, l'attaque n'était "pas une surprise".

A côté de lui, le rabbin Yossi Friedman acquiesce. "Le message était clair depuis un peu plus de deux ans", soutient-il. "Est-ce que nous nous sentons en sécurité? Pour être honnête, pas vraiment."

"Nous pensions être en sécurité. Nos grands-parents et arrière-grands-parents étaient des survivants de la Shoah, et beaucoup d’entre eux sont venus ici pour échapper à la haine et au sang versé, aux pogroms, à la persécution (...) et c'est ce qu'on retrouve ici", observe-t-il.

"Problème de société"

Le Premier ministre Anthony Albanese a dénoncé l'attaque de Bondi comme un acte terroriste antisémite de "pure méchanceté" perpétré par des hommes inspirés par l’idéologie jihadiste du groupe État islamique.

Mais il a rejeté les critiques selon lesquelles son gouvernement n'avait pas réagi suffisamment à l'appel de Mme Segal.

Le Premier ministre a souligné que son gouvernement avait pénalisé les discours de haine et interdit le salut nazi et les symboles haineux, entre autres.

Depuis la fusillade, M. Albanese mène une initiative conjointe entre le gouvernement central et les Etats d'Australie en faveur d’un contrôle plus strict des armes à feu. L'assaillant le plus âgé possédait six armes dûment enregistrées.

Mais pour l'écrivain Danny Gingef, 66 ans, "la réforme des armes à feu est une diversion totale par rapport au vrai problème, qui est la haine, il faut identifier la haine là où elle commence".

Au départ du cercueil, les spectateurs ont entonné des chants en hébreu. Submergés par l’émotion, certains se sont effondrés dans les bras de leurs proches, à peine capables de tenir debout.

"Je sens que ces dernières années, les Juifs ont été en état d’alerte maximale", dit M. Gingef. Il se sent triste et en colère, et fait référence aux "marches de la haine" où il a vu des manifestants porter des drapeaux du Hezbollah.

Pour lui, il n’y a pas "beaucoup plus que nous puissions faire" sans le soutien des autorités et d’autres groupes.

"L’antisémitisme n’est pas un problème que les Juifs doivent résoudre, c’est un problème de société".

lec-oho/mjw/lgo/alh/pt

 


La BBC va "se défendre" face à la plainte en diffamation à 10 milliards de dollars de Trump

Des personnes empruntent l'entrée des bureaux de la chaîne britannique BBC à Londres en fin d'après-midi, le 11 novembre 2025. (AFP)
Des personnes empruntent l'entrée des bureaux de la chaîne britannique BBC à Londres en fin d'après-midi, le 11 novembre 2025. (AFP)
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  • Donald Trump poursuit la BBC pour diffamation et pratiques trompeuses, réclamant jusqu’à 10 milliards $ après un montage contesté de son discours du 6 janvier 2021
  • L’affaire secoue l’audiovisuel public britannique : démissions à la tête de la BBC, lettre d’excuses envoyée à Trump, et réexamen annoncé de la charte royale

LONDRES: La BBC a assuré mardi qu'elle allait "se défendre" contre la plainte en diffamation du président américain Donald Trump, qui réclame 10 milliards de dollars au groupe audiovisuel public britannique pour un montage vidéo contesté de l'un de ses discours.

La plainte, déposée lundi devant un tribunal fédéral à Miami par le président américain et consultée par l'AFP, demande "des dommages et intérêts d'un montant minimum de 5 milliards de dollars" pour chacun des deux chefs d'accusation: diffamation et violation d'une loi de Floride sur les pratiques commerciales trompeuses et déloyales.

"Ils ont littéralement mis des mots dans ma bouche", s'est plaint le milliardaire de 79 ans, lundi devant la presse.

"Nous allons nous défendre dans cette affaire", a répondu un porte-parole de la BBC mardi matin, sans faire davantage de commentaire sur la procédure.

Le groupe audiovisuel britannique, dont l'audience et la réputation dépassent les frontières du Royaume-Uni, est dans la tourmente depuis des révélations sur son magazine phare d'information "Panorama".

Ce dernier a diffusé, juste avant la présidentielle américaine de 2024, des extraits distincts d'un discours de Donald Trump du 6 janvier 2021, montés de telle façon que le républicain semble appeler explicitement ses partisans à attaquer le Capitole à Washington.

Des centaines de ses partisans, chauffés à blanc par ses accusations sans fondement de fraude électorale, avaient pris d'assaut ce jour-là le sanctuaire de la démocratie américaine, pour tenter d'y empêcher la certification de la victoire de son adversaire démocrate Joe Biden.

"La BBC, autrefois respectée et aujourd'hui discréditée, a diffamé le président Trump en modifiant intentionnellement, malicieusement et de manière trompeuse son discours dans le but flagrant d'interférer dans l'élection présidentielle de 2024", a dénoncé lundi un porte-parole des avocats du républicain contacté par l'AFP.

"La BBC a depuis longtemps l'habitude de tromper son public dans sa couverture du président Trump, au service de son programme politique de gauche", a-t-il ajouté.

- Lettre d'excuses -

Au Royaume-Uni, la controverse a relancé le brûlant débat sur le fonctionnement de l'audiovisuel public et son impartialité, alors que le groupe a déjà été bousculé ces dernières années par plusieurs polémiques et scandales.

L'affaire a poussé à la démission son directeur général Tim Davie et la patronne de BBC News Deborah Turness.

Le président de la BBC Samir Shah a pour sa part envoyé une lettre d'excuses à Donald Trump et la BBC a indiqué "regretter sincèrement la façon dont les images ont été montées" mais contesté "fermement qu'il y ait une base légale pour une plainte en diffamation".

Le groupe audiovisuel a "été très clair sur le fait qu'il n'y a pas matière à répondre à l'accusation de M. Trump en ce qui concerne la diffamation. Je pense qu'il est juste que la BBC reste ferme sur ce point", a soutenu mardi matin le secrétaire d'Etat britannique à la Santé Stephen Kinnock, sur Sky News.

Le gouvernement a également annoncé mardi le début du réexamen de la charte royale de la BBC, un processus qui a lieu tous les dix ans, pour éventuellement faire évoluer sa gouvernance, son financement ou ses obligations envers le public britannique.

La plainte de Donald Trump estime que, malgré ses excuses, la BBC "n'a manifesté ni véritables remords pour ses agissements ni entrepris de réformes institutionnelles significatives afin d'empêcher de futurs abus journalistiques".

Le président américain a lancé ou menacé de lancer des plaintes contre plusieurs groupes de médias aux Etats-Unis, dont certains ont dû verser d'importantes sommes pour mettre fin aux poursuites.

Depuis son retour au pouvoir, il a fait entrer à la Maison Blanche de nombreux créateurs de contenus et influenceurs qui lui sont favorables, tout en multipliant les insultes contre des journalistes issus de médias traditionnels.

L'un de ces nouveaux venus invités par le gouvernement Trump est la chaîne conservatrice britannique GB News, proche du chef du parti anti-immigration Reform UK, Nigel Farage.