Macron et le troisième tour de la présidentielle

Une vue générale montre une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale française à Paris, le 9 février 2021. Ludovic MARIN / AFP
Une vue générale montre une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale française à Paris, le 9 février 2021. Ludovic MARIN / AFP
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Publié le Vendredi 13 mai 2022

Macron et le troisième tour de la présidentielle

Macron et le troisième tour de la présidentielle
  • Jean-Luc Mélenchon a réussi, dans une rare performance, à séduire socialistes, communistes et Verts dans une nouvelle alliance populaire destinée à être une arme de conquête électorale
  • Plusieurs forces politiques ont un intérêt stratégique à coaliser leurs colères pour empêcher Emmanuel Macron d’avoir toutes les manettes du pouvoir lors de son second mandat

Dès l’annonce des résultats de la présidentielle, une petite musique s’est installée dans les discours des opposants à Emmanuel Macron: les prochaines législatives seront le troisième tour de la présidentielle. Sous-entendant que la bataille politique n’est pas terminée et que le président réélu n’a pas encore totalement gagné.

Cette idée de troisième tour a été incarnée par la célèbre phrase de Jean-Luc Mélenchon, chef de la France Insoumise, lorsqu’il a exprimé son ambition, mi-sérieux mi-provocateur, de devenir le futur Premier ministre d’Emmanuel Macron. Cela n’aura pas simplement été une idée lancée en l’air. Jean-Luc Mélenchon est passé à l’acte et a réussi, dans une rare performance, à séduire socialistes, communistes et Verts dans une nouvelle alliance populaire destinée à être une arme de combats et de conquête électorale.

Jean-Luc Mélenchon mise sur une stratégie identifiée. À tous les Français qui ont voté pour Emmanuel Macron, non par adhésion, mais pour empêcher l’extrême droite d’accéder au pouvoir, Mélenchon dit que les législatives sont une occasion en or pour sanctionner le bilan contestable du président.

De l’autre côté de l’échiquier politique, à l’extrême droite, chez Marine Le Pen, la même musique est jouée. Il s’agit de ne pas donner un chèque en blanc à Emmanuel Macron, de réaliser des performances de manière à créer des contre-pouvoirs à l’Assemblée nationale.

Ce scrutin législatif offre un suspense inédit.

Cette nouvelle équation électorale avait déjà été exprimée par Emmanuel Macron bien avant sa victoire au second tour. Spontanément ou de manière réfléchie, il avait évoqué la nécessité d’imaginer de nouvelles alliances avec des forces politiques pour pouvoir gouverner… comme pour préparer son opinion à d’éventuelles concessions et alliances impossible à éviter.

Au cours de son premier mandat, Emmanuel Macron a pu bénéficier d’une majorité confortable qui lui a permis de gouverner confortablement, sans être obligé de passer en force et de créer des situations d’impasse qui l’auraient obligé à recourir au fameux article 49.3 de la Constitution.

Son second mandat s’annonce moins facile à vivre. Il est vrai que parallèlement à la création le la Nouvelle Union populaire sociale et écologique (Nupes) à gauche par Jean-Luc Mélenchon, son parti la République en marche (LREM) vient de changer nom pour s’appeler «Renaissance». Et une alliance nouvelle portant le titre «Ensemble» vient d’être créée avec l’ambition de donner à la majorité présidentielle une colonne vertébrale solide.

Ce scrutin législatif offre un suspense inédit. Traditionnellement, lorsque les Français élisent leur président au suffrage universel, ils s’arrangent toujours pour lui offrir une majorité parlementaire susceptible de l’aider dans ses tâches gouvernementales. Cette règle qui s’est à chaque fois vérifiée par le passé n’est pas garantie de profiter à Emmanuel Macron lors des législatives de juin 2022.

La raison est que plusieurs forces politiques ont un intérêt stratégique à coaliser leurs colères pour empêcher Emmanuel Macron d’avoir toutes les manettes du pouvoir lors de son second mandat.

L’alliance de gauche parrainée par Jean-Luc Mélenchon aura-t-elle la force et la crédibilité de réaliser des performances sur le terrain au point d’imposer au président un groupe parlementaire puissamment élu?

Il n’est pas certain que Jean-Luc Mélenchon puisse réaliser l’exploit de rafler la mise législative et de s’imposer comme Premier ministre ou que l’extrême droite de Marine Le Pen puisse faire une entrée massive au Parlement, mais il n’est pas non plus dit qu’Emmanuel Macron puisse s’en sortir avec les mêmes points de forces et les mêmes leviers de commande que lors de son premier mandat.

C’est une bataille épique qui s’annonce avec son lot de surprises et de possibles ruptures. Les partis traditionnels comme la droite républicaine est-elle réellement morte comme semble l’indiquer la score aux allures de naufrage de sa candidate, Valérie Pécresse? Ou dispose-t-elle encore de l’influence d’un parti traditionnellement enraciné dans les territoires?

L’alliance de gauche parrainée par Jean-Luc Mélenchon aura-t-elle la force et la crédibilité de réaliser des performances sur le terrain au point d’imposer au président un groupe parlementaire puissamment élu? Sera-t-elle capable de peser sur toutes les équations politiques, de la formation du gouvernement aux choix des politiques publiques qui présideront au second mandat d’Emmanuel Macron.

Par ailleurs, l’extrême droite de Marine Le Pen qui a réalisé un score historique dans la présidentielle saura-t-elle le traduire en sièges parlementaires lors de ces législatives? Même si la différence des modes de scrutins rend difficile les mêmes performances, l’interrogation est aujourd’hui légitime dans une France qui s’inquiète et s’angoisse.

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

TWITTER: @tossamus

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.