«La conscience de Saint-Petersbourg»: Elena Ossipova, 76 ans et peur de rien

L'artiste russe Elena Ossipova, 76 ans, pose avec des pancartes anti-guerre qu'elle a fabriquées pour protester contre le conflit en Ukraine, dans sa maison à Saint-Pétersbourg, le 8 mai 2022. (AFP).
L'artiste russe Elena Ossipova, 76 ans, pose avec des pancartes anti-guerre qu'elle a fabriquées pour protester contre le conflit en Ukraine, dans sa maison à Saint-Pétersbourg, le 8 mai 2022. (AFP).
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Publié le Dimanche 15 mai 2022

«La conscience de Saint-Petersbourg»: Elena Ossipova, 76 ans et peur de rien

  • En jupe longue et chemisette sombre, Mme Ossipova bouge avec difficulté. Mais derrière sa voix douce se cache une militante déterminée
  • La preuve: une heure après cette agression, l'artiste est ressortie avec une nouvelle pancarte. Son objectif en ce 9 mai: exprimer son désaccord avec le conflit en Ukraine et appeler à la paix

SAINT-PETERSBOURG : Elena Ossipova a peu dormi car l'artiste peintre de 76 ans devait terminer des pancartes anti-guerre pour manifester à Saint-Pétersbourg le 9 mai. Mais à peine sortie de chez elle, deux inconnus les lui ont arrachées avant de s'enfuir.

"Cela m'a fait mal, j'ai travaillé la moitié de la nuit et surtout, j'aimais beaucoup ces pancartes. Il est évident que l'agression était organisée", dit cette femme aux yeux bleus et cheveux blancs.

En jupe longue et chemisette sombre, Mme Ossipova bouge avec difficulté. Mais derrière sa voix douce se cache une militante déterminée. 

La preuve: une heure après cette agression, l'artiste est ressortie avec une nouvelle pancarte. Son objectif en ce 9 mai, jour où la Russie célèbre la victoire sur l'Allemagne nazie en 1945: exprimer son désaccord avec le conflit en Ukraine et appeler à la paix.

Bien connue dans la deuxième ville de Russie, elle y a été baptisée par la presse locale "la conscience de Saint-Petersbourg" pour son opposition vigoureuse depuis vingt ans au pouvoir de Vladimir Poutine.

Elle a commencé à manifester deux ans après l'arrivée à la présidence de ce dernier en 2000. Et depuis, cette artiste peintre qui a connu, enfant, l'époque de Staline, sort dans la rue pour dénoncer les crimes du pouvoir russe dès qu'elle l'estime nécessaire.

C'était le cas en octobre 2002, quand des combattants tchétchènes avaient pris en otage un millier de spectateurs au théâtre Doubrovka. L'assaut lancé par les autorités russes s'était soldé par la mort de près de deux cents personnes. Elle a également manifesté en 2014, contre l'annexion de la Crimée ukrainienne et la guerre dans l'est de l'Ukraine.

"L'essentiel c'est que les gens disent ces mots interdits aujourd'hui: 'non' à la guerre", affirme cette ancienne professeure de peinture en référence à cette expression qui a conduit à un grand nombre de poursuites pour dénigrement contre l'armée.

«Je ne peux pas me taire»

"S'ils (les gens) assument tout ce qu'il se passe, alors cela veut dire qu'ils ne pensent pas à leurs enfants", ajoute-elle avec amertume avant de reprendre son travail. 

"Je dédie mes pancartes à cette idée-là: quel monde laisse-t-on à nos enfants?", demande-t-elle en montrant ses œuvres. Sur l'une d'elles, le visage d'une fillette crie "Non à la guerre"  sur un fond jaune et bleu, les couleurs du drapeau ukrainien. 

Une autre représente également un enfant, avec le slogan: "Quel monde laisse-t-on derrière nous?".

"Je ne peux pas me taire depuis 2002, parce que le silence est un signe d'accord avec tout ce qu'il se passe dans ma patrie. Voilà pourquoi je sors dans la rue", assène-t-elle.

Son appartement, aux hauts plafonds décrépis assortis de moulures se trouve en plein coeur de l'ancienne capitale impériale et a abrité trois générations de sa famille. 

Composé de deux chambres, il est encombré de tableaux et de pancartes aux slogans pacifistes comme "je ne veux pas servir de chair à canon" assorti d'une image de soldat, "Épouses et mères, arrêtez la guerre" ou "Nous sommes tous les otages de la politique provocatrice du pouvoir impérial".

Au fonds d'une pièce, il y a la grande photo d'un jeune homme: son fils unique Ivan, mort de la tuberculose en 2009, âgé de seulement 28 ans.

"Ca fait longtemps que je n'ai plus peur pour moi", sourit tristement Elena Ossipova, malgré de nombreuses interpellations par la police qui lui épargne généralement le passage au poste et la raccompagne chez elle.

"Il ne faut avoir peur de rien dans sa patrie. Si tu aimes ta patrie, il faut t'y sentir 'maître'", conclu-t-elle.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.