Les Arabes peu intéressés par la guerre en Ukraine malgré les retombées économiques

Les ondes de choc du conflit touchent déjà des millions d’Arabes, qui sont confrontés à une hausse des prix des produits alimentaires de base (Photo, AFP).
Les ondes de choc du conflit touchent déjà des millions d’Arabes, qui sont confrontés à une hausse des prix des produits alimentaires de base (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 31 mai 2022

Les Arabes peu intéressés par la guerre en Ukraine malgré les retombées économiques

  • Selon un sondage Arab News-YouGov, 66% des habitants de la région Mena ne prennent pas position sur le conflit ukrainien
  • «Les ondes de choc du conflit touchent déjà des millions d’Arabes, qui sont confrontés à une hausse des prix des produits alimentaires de base»

LONDRES: Selon une enquête exclusive Arab News-YouGov, la majorité des habitants de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena) ne semblent pas se soucier beaucoup de la guerre en Ukraine.

Les experts affirment pourtant qu’il existe de nombreuses raisons pour lesquelles ils devraient s’y intéresser. «Nous avons effectivement l’impression que cette guerre se passe si loin», affirme Abir Etefa, porte-parole principale du Programme alimentaire monial (PAM) des Nations unies pour la région Mena, basée au Caire.

Kiev, la capitale de l’Ukraine, se situe à plus de 3 000 kilomètres de Riyad.

«Par ailleurs, la politique et les dynamiques du conflit en Ukraine sont trop compliquées pour une grande partie des habitants de cette région», poursuit-elle.

L’enquête a été menée auprès de 7 835 personnes dans 14 pays de la région Mena entre le 26 avril et le 4 mai.

Interrogés sur leur position dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine, 18% des sondés se sont rangés du côté de l’Ukraine et 16% en faveur de la Russie.

Cependant, une majorité écrasante de 66% de personnes ont répondu par un haussement d'épaules collectif, choisissant de ne prendre «aucune position» sur la crise, une indifférence qui a atteint son paroxysme en Jordanie et en Algérie (74%), ainsi qu’en Arabie saoudite (71%).

Outre les complexités de l’histoire et de la politique européennes, Richard Gowan, directeur de l’ONU de l’International Crisis Group, basé à Bruxelles, voit une autre raison à l’apparente indifférence de nombreux Arabes aux événements en Ukraine.

«Nous constatons un très grand écart entre la façon dont les Américains et les Européens voient ce conflit, et la manière dont il est perçu dans d’autres parties du monde», observe-t-il.

«Un des problèmes clés est que beaucoup de personnes dans le monde arabe considèrent que l’Otan se dresse contre la Russie, et la réalité est qu’il apparaît impossible de renverser les soupçons à l’égard de l’Otan et des États-Unis dans la région Mena de sitôt.»

Bien que les combats en Ukraine et les raisons du conflit n’aient effectivement rien à voir avec le monde arabe, les ondes de choc du conflit touchent déjà des millions d’Arabes, qui sont confrontés à une hausse des prix des produits alimentaires de base, précise Mme Etefa.

Elle ajoute que même si les combats cessaient demain, «le monde aura besoin de six mois à deux ans pour se redresser sur le plan de la sécurité alimentaire». Même avant le conflit, dit-elle, «en février, les prix des denrées alimentaires avaient déjà atteint un niveau record dans de nombreux pays de la région».

«L’année dernière, le coût d’un panier alimentaire de base, c’est-à-dire les besoins alimentaires minimaux par famille et par mois, a augmenté de 351% au Liban, soit la plus forte hausse de la région, suivi de 97% en Syrie et de 81% au Yémen. Maintenant, la crise en Ukraine fait grimper encore davantage les prix.»

Les experts s’attendaient à ce que le blé en provenance d’Inde compense une partie du déficit de l’Ukraine, mais la semaine dernière, le gouvernement indien a interdit les exportations après que les récoltes dans le pays ont été frappées par une vague de chaleur, entraînant une flambée record des prix de certains aliments.

Avant même que le conflit n’éclate, le PAM apportait son aide à des millions de personnes dans la région, notamment au Yémen, au Liban et en Syrie. Aujourd’hui, alors que la demande en ressources augmente rapidement en raison des événements en Ukraine, la hausse des prix des denrées alimentaires et du pétrole a augmenté de manière alarmante les propres coûts du PAM.

«Cette crise se produit à un moment très difficile pour le PAM», indique Mme Etefa. «À cause de la guerre en Ukraine, nos coûts d’exploitation mondiaux se sont accrus de 71 millions de dollars (1 dollar = 0,93 euro) par mois, ce qui réduit notre capacité à aider les personnes démunies dans la région, à un moment où le monde est confronté à une année de faim sans précédent. Cela signifie que chaque jour, à l’échelle mondiale, quatre millions de personnes en moins peuvent bénéficier de nos rations alimentaires quotidiennes.»

De nombreux pays de la région dépendent fortement des exportations de denrées alimentaires en provenance de Russie et d’Ukraine qui, en raison de la perturbation de l’agriculture, du blocage des ports et des sanctions, ont été considérablement réduites.

La Russie et l'Ukraine comptent toutes deux parmi les plus importants producteurs de matières premières agricoles au monde. En 2021, soit la Russie, soit l’Ukraine, soit les deux, ont été classées parmi les trois premiers exportateurs mondiaux de blé, de maïs, de colza, de graines de tournesol et d’huile de tournesol.

La Russie est également le premier exportateur mondial d’azote et d’autres engrais, des ingrédients indispensables pour les pays dont le secteur agricole est important.

Dans un récent rapport, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l'agriculture (FAO) a prévenu que la perturbation des récoltes et des exportations en Ukraine, associée à l’impact des sanctions sur les exportations russes, menaçait de créer un «déficit d’approvisionnement mondial qui pourrait faire augmenter les prix internationaux des denrées alimentaires et des aliments pour bétail de 8 à 22% par rapport à leurs niveaux de base déjà élevés».

Les pays économiquement vulnérables seraient les premiers à ressentir les effets d’une réduction prolongée des exportations en provenance de Russie et d’Ukraine, et les pays de la région Mena sont directement dans la ligne de mire.

La FAO prévoit que «le nombre de personnes sous-alimentées pourrait augmenter de 8 à 13 millions de personnes en 2022-2023 à l’échelle mondiale». Les effets les plus dévastateurs étant ressentis en Asie-Pacifique, puis en Afrique subsaharienne, et dans la région Mena. «Elle importe collectivement 42% de son blé et 23% de son huile végétale de Russie et d’Ukraine», explique Mme Etefa.

«Un mois après le début du conflit en Ukraine, le prix de la farine de blé, un produit de base dans l’alimentation de la plupart des familles de la région, avait déjà bondi de 47% au Liban, de 11% au Yémen, de 15% en Libye et de 14% dans les Territoires palestiniens.»

Un des pays les plus exposés aux pénuries alimentaires et aux hausses de prix déclenchées par la crise ukrainienne est l’Égypte, qui a été touchée de plein fouet. Le pays importe en effet 85% de son blé de Russie et d’Ukraine, et une grande partie du secteur touristique du pays dépend des touristes de ces deux pays.

Début février, juste avant l’invasion russe, l’Égypte souffrait déjà de la flambée des prix mondiaux du blé et le gouvernement envisageait des réformes controversées du coûteux système national de subvention du pain.

Grâce à ce système, qui, en 2022, a coûté 5,5 milliards de dollars au gouvernement, plus de 60 millions d’Égyptiens reçoivent cinq miches de pain par jour pour seulement 0,5 dollar par mois.

Les gouvernements régionaux sont également bien conscients que, dans plusieurs pays, la montée en flèche des prix des denrées alimentaires est liée aux soulèvements du printemps arabe. En mars, des manifestations ont éclaté en Irak contre une forte hausse du prix de la farine, déclenchée par la guerre en Ukraine.

En effet, avertit le Dr Bamo Nouri, maître de conférences en relations internationales et chercheur honoraire au département de politique internationale de la City University of London, «les Irakiens pourraient être les premiers à lancer un mouvement mondial de protestation contre la hausse des prix, alors que le conflit entre la Russie et l’Ukraine se poursuit».

Il souligne que «dans divers pays du Moyen-Orient, on a effectivement constaté une tendance à s’intéresser peu au conflit entre la Russie et l’Ukraine et à ne pas prendre de position particulière à ce sujet».

Une des raisons est que dans de nombreux États du Moyen-Orient, «ce sont souvent les gouvernements nationaux qui ont la responsabilité de résoudre les crises. Et comme ce qui se passe en Ukraine n’a rien d’ordinaire, il existe peu de débats sur la questions dans la société».

«Dans les États du Golfe stables et riches en pétrole, comme l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït, cela peut être justifié, car le gouvernement dispose des moyens et de l’infrastructure nécessaires pour limiter au maximum l’impact intérieur de toute crise extérieure», ajoute-t-il.

En revanche, dans les États moins stables de la région, comme l’Irak et le Liban, «une grande partie de la société suit de près les événements extérieurs, car elle est consciente des répercussions et tente de prendre les choses en main, le gouvernement n’ayant pas la capacité de le faire».

 Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


« Nous nous apprêtons à reconnaître l'État palestinien », annonce le président français à Asharq

Le président français Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse à l'Élysée à Paris le 13 juin 2025. (Reuters)
Le président français Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse à l'Élysée à Paris le 13 juin 2025. (Reuters)
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  • Le président français a indiqué que la France et l'Arabie saoudite avaient convenu de reporter la conférence, qui devait se tenir la semaine prochaine à New York
  • Le document, dont Asharq a obtenu une copie, stipule que la mise en œuvre de la solution à deux États doit être indépendante du contexte politique local et régional actuel

Dans un entretien accordé à Asharq en marge d'une rencontre avec des journalistes et des représentants d'organisations de la société civile palestinienne et israélienne, le président français Emmanuel Macron s’est engagé à ce que son pays reconnaisse l'« État de Palestine » lors de la conférence que la France et l'Arabie saoudite accueilleront prochainement à New York.

En réponse à une question sur les conditions à la reconnaissance d'un État palestinien, M. Macron a déclaré : « Il n'y a aucune condition. La reconnaissance se fera selon un processus incluant la fin de la guerre, la reprise de l'aide humanitaire à la bande de Gaza, la libération des otages israéliens et le désarmement du Hamas.»

« Il s'agit d'un ensemble de mesures, » a-t-il souligné.

Le président français a indiqué que la France et l'Arabie saoudite avaient convenu de reporter la conférence, qui devait se tenir la semaine prochaine à New York, soulignant que la situation actuelle empêche le président palestinien Mahmoud Abbas de se rendre à New York en raison de la suspension des vols dans la région.

Le président français Emmanuel Macron s’exprime devant la presse à Paris, le 13 juin 2025- Asharq.

M. Macron a expliqué s'être entretenu à plusieurs reprises vendredi avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président palestinien Mahmoud Abbas, et qu'il avait été convenu de « reporter la réunion à une date proche ».

Il a indiqué que le président indonésien lui avait promis de reconnaître Israël si la France reconnaissait l'État palestinien, soulignant « la nécessité de poursuivre cette dynamique ».

Conférence internationale sur le règlement pacifique de la question palestinienne

Le document de la Conférence internationale sur le règlement pacifique de la question palestinienne, prévue à New York du 17 au 20 juin sous la coprésidence de l'Arabie saoudite et de la France, stipule que la conférence se tiendrait sur la base de la « solution à deux États », que sa mise en œuvre s’accompagnerait d’un calendrier précis, que des engagements concrets seraient pris par l’ensemble des parties, et que des mécanismes internationaux seraient instaurés pour en garantir la continuité.

Le document, dont Asharq a obtenu une copie, stipule que la mise en œuvre de la solution à deux États doit être indépendante du contexte politique local et régional actuel, et garantir la pleine reconnaissance de l’État de Palestine comme composante essentielle de la solution politique, tout en assurant le respect des droits des peuples ainsi que de leur aspiration à la paix et à la sécurité.

Le document souligne que les attaques du 7 octobre 2023 et la guerre contre Gaza ont entraîné une escalade de la violence sans précédent, des pertes humaines massives, la pire crise humanitaire jamais enregistrée, des destructions généralisées et d'immenses souffrances pour les civils des deux camps, notamment les détenus, leurs familles et les habitants de Gaza.

Le document indique que les activités de colonisation menacent la solution à deux États, seule voie permettant de parvenir à une paix juste, durable et globale dans la région. Elles ont un impact négatif sur la paix, la sécurité et la prospérité régionales et internationales.

Le document explique également que la conférence vise à changer de cap en s'appuyant sur des initiatives nationales, régionales et internationales et en adoptant des mesures concrètes pour renforcer le respect du droit international et promouvoir une paix juste, durable et globale qui garantisse la sécurité de tous dans la région et favorise l'intégration régionale.

La conférence réaffirme l’engagement indéfectible de la communauté internationale en faveur d’un règlement pacifique de la question palestinienne et de la solution à deux États, ainsi que l’urgence d’agir pour atteindre ces deux objectifs.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Asharq.com


Le ministre saoudien et l'envoyé américain ont discuté des événements récents lors d'un appel téléphonique

Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, lors d'une réunion avec l'envoyé spécial américain pour la Syrie, Thomas Barrack, à Riyad, le 28 mai 2025. (SPA)
Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, lors d'une réunion avec l'envoyé spécial américain pour la Syrie, Thomas Barrack, à Riyad, le 28 mai 2025. (SPA)
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  • les deux diplomates ont discuté des mesures à prendre pour soutenir le peuple syrien sur les plans humanitaire et économique.

RIYAD : L'agence de presse saoudienne rapporte que le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, a reçu samedi un appel téléphonique de l'envoyé spécial américain pour la Syrie, Thomas Barrack.

Au cours de cet appel, les deux diplomates ont discuté des mesures à prendre pour soutenir le peuple syrien sur les plans humanitaire et économique.

Leurs discussions ont également porté sur l'actualité régionale et internationale.  

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Égypte : une marche internationale vers Gaza avortée, des militants restent retenus par les forces de l'ordre

Des Tunisiens se rassemblent à un point de rendez-vous à Tunis le 9 juin 2025, avant le départ d'un convoi terrestre baptisé « Steadfastness » (Fermeté) pour briser le siège de Gaza. (Photo de FETHI BELAID / AFP)
Des Tunisiens se rassemblent à un point de rendez-vous à Tunis le 9 juin 2025, avant le départ d'un convoi terrestre baptisé « Steadfastness » (Fermeté) pour briser le siège de Gaza. (Photo de FETHI BELAID / AFP)
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  • Selon les organisateurs, les autorités égyptiennes ont contrecarré une action du collectif Global March vers Gaza
  • « Nous avons été bloqués pendant six à sept heures, avant que les forces de l’ordre ne dispersent violemment le groupe », a déclaré un organisateur. 

LE CAIRE, EGYPTE : Selon les organisateurs, les autorités égyptiennes ont contrecarré une action du collectif Global March vers Gaza en bloquant plusieurs dizaines d'activistes pro-palestiniens à la sortie du Caire pendant plusieurs heures, avant de relâcher certains d'entre eux.

Selon la même source, certains sont toujours retenus par les forces de l'ordre.

Vendredi, plusieurs groupes avaient quitté le Caire en voiture pour se diriger vers la ville d'Ismailia, première étape vers la bande de Gaza, leur destination finale.

Ils ont été interceptés, bloqués, leurs passeports confisqués, parfois molestés, avant d'être embarqués de force dans des bus, selon des vidéos publiées sur les réseaux sociaux ou adressées à l'AFP.

« Nous avons été bloqués pendant six à sept heures, avant que les forces de l’ordre ne dispersent violemment le groupe », a déclaré un organisateur. 

« Beaucoup de rumeurs circulaient sur les réseaux sociaux, affirmant que nous voulions créer le désordre dans la capitale », a déclaré Seif Abu Kishk, l'un des organisateurs de la Global March to Gaza.

Des dizaines de participants ont été refoulés ou expulsés ces derniers jours.

Les autorités égyptiennes n’ont fait aucun commentaire sur ces interpellations ni sur ces expulsions.

La Global March comptait traverser le Sinaï, une région désertique sous haute surveillance militaire, pour rallier la ville d'al-Arich, à environ 350 km à l'ouest du Caire, puis marcher sur les 50 derniers kilomètres jusqu’à la partie égyptienne de Rafah.

M. Abu Kishk a précisé que la marche comptait parmi ses participants plusieurs personnalités publiques, dont des parlementaires étrangers, ainsi que le petit-fils de Nelson Mandela.

Malgré les signaux négatifs des autorités, les responsables du collectif soulignent que « leur objectif reste Gaza » et qu’ils entendent continuer « à agir de manière pacifique ».

En Libye voisine, le convoi « Soumoud », réunissant selon les organisateurs un millier de participants tunisiens, algériens, marocains et mauritaniens, est bloqué depuis vendredi matin à l'entrée de la ville libyenne de Syrte, sous le contrôle des forces du maréchal Khalifa Haftar, au pouvoir dans l’Est libyen.