Dans la dernière usine française de papier journal, l'avenir est au carton

Un employé de l'usine de papier journal Norske Skog coupe un énorme rouleau de papier blanc à la sortie de la machine à papier à Golbey, dans l'est de la France, le 24 mai 2022. (FREDERICK FLORIN / AFP)
Un employé de l'usine de papier journal Norske Skog coupe un énorme rouleau de papier blanc à la sortie de la machine à papier à Golbey, dans l'est de la France, le 24 mai 2022. (FREDERICK FLORIN / AFP)
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Publié le Mercredi 01 juin 2022

Dans la dernière usine française de papier journal, l'avenir est au carton

  • Le prix du papier flambe depuis le début de l'année: Les fabricants ont parfois doublé leurs tarifs
  • L'usine de Golbey est la dernière à en produire en France, tandis que les autres papetiers ont peu à peu abandonné le papier journal au profit du carton

GOLBEY, France: Tendus entre d'énormes cylindres, les kilomètres de papier journal semblent s'enrouler à l'infini dans l'usine Norske Skog située à Golbey, dans les Vosges. Le dernier site en France qui fabrique du papier journal s'apprête pourtant à abandonner une partie de sa production pour s'orienter vers le carton.

Dans les hangars, des travaux sont déjà en cours autour des machines, deux monstres de fer et de tôle qui pressent la pâte à papier et la sèchent, pour en sortir des bobines de papier géantes de neuf mètres de large.

Des bureaux temporaires ont aussi été installés à l'extérieur pour accueillir les prestataires qui seront chargés de transformer la plus ancienne des deux machines, afin qu'elle produise du carton ondulé destiné aux emballages dès fin 2023.

Pour le moment, l'heure est à la préparation de la tuyauterie et des bâtiments: les ouvriers ont pour consigne d'arrêter la machine le plus tard possible, pour ne pas trop pénaliser l'activité de l'usine.

L'industriel annonce que sa capacité de production annuelle de 558.000 tonnes de papier journal baissera à 330.000 tonnes seulement, mais il pourra fabriquer en plus 555.000 tonnes de carton recyclé.

Le manque de papier, un «drame» pour la presse imprimée

Fut un temps où le journal de la veille était recyclé pour emballer les légumes sur les marchés. Aujourd'hui, les courses sont livrées à domicile dans du carton, souvent recyclé, et la presse française manque de papier journal, inabordable.

A force d'anticiper et d'accompagner la numérisation de la presse, les industriels du papier et du carton ont tellement réduit leur capacité de production de papier journal qu'il ne restera d'ici quelques mois qu'une seule machine de production encore en activité en France.

Et le prix du papier journal flambe: à 400 euros la tonne au 1er semestre 2021, il a doublé en un an, pour atteindre 800 euros et plus en avril, indique l'Alliance (Apig) qui regroupe 285 titres de la presse quotidienne nationale (PQN), régionale (PQR) et de la presse hebdomadaire régionale (PHR).

"La tension sur les approvisionnements des journaux résulte des fermetures de machines ou de transferts de machines vers la fabrication d'emballages" en carton pour répondre à la forte demande du secteur de la vente en ligne, confirme Paul-Antoine Lacour, délégué général de Copacel, qui regroupe les entreprises de l'industrie du papier, du carton et de la cellulose.

"Les papeteries se reconvertissent dans le carton pour fournir Amazon. Et les plus petites, sur lesquelles on pouvait réajuster les commandes, ferment, ce qui fait que nous avons un vrai problème industriel de dépendance en France", note Fabien Gay, directeur du quotidien l'Humanité, et sénateur de Seine Saint-Denis.

Les papetiers, gros consommateurs de gaz et d'électricité, souffrent parallèlement de la flambée des cours de l'énergie.

"Nous étions à 3% de nos coûts, et maintenant on est à 10%", ajoute M. Lacour. Le phénomène ne touche pas que la France.

Toute l'Europe est affectée, mais l'Espagne, l'Allemagne et les pays scandinaves conservent des capacités de production de papier journal.

Lectorat attaché au papier

Les journaux français, pris entre leurs coûts fixes (rotatives, rédaction, réseau de distribution) et la flambée de l'énergie et du papier, vivent la situation comme un drame.

"Difficile de résister à une hausse pareille. Potentiellement, certains titres en France ne devraient pas survivre", déclare à l'AFP Philippe Carli, président du groupe Ebra, qui regroupe neuf titres de l'Est, dont L'Alsace, l'Est républicain et les Dernières nouvelles d'Alsace.

Selon des données confidentielles auxquelles l'AFP a eu accès, la seule hausse du prix du papier va peser entre 5 et 10 millions d'euros supplémentaires dans les comptes de groupes comme Ebra, Ouest France, le Monde, le Figaro ou Sud-Ouest.

Or, malgré la numérisation croissante, la presse française, dont beaucoup de titres ont augmenté leur prix de vente au numéro en début d'année, consomme encore quelque 330.000 tonnes de papier par an, tous titres confondus, indique Pierre Petillault, directeur de l'Alliance.

Les plus fragiles sont les titres de la presse hebdomadaire régionale, encore peu numérisés et au lectorat attaché au papier.

Beaucoup de journaux réduisent leur pagination, suppriment des cahiers, ou ne sortent pas les jours fériés.

Outremer, La Dépêche de Tahiti, journal en difficulté depuis longtemps, a été placée en liquidation judiciaire fin avril.

La situation est d'autant plus inconfortable que certains papetiers profitent de la situation pour faire monter les enchères.

"Avant, nous avions des prix annuels, maintenant on négocie les prix par trimestre, il y a même des allocations de papiers faites au plus offrant", ajoute un patron de presse qui requiert l'anonymat.

Un autre point de tension de plus en plus vif se dessine: le recyclage, lui aussi de plus en plus orienté vers le carton d'emballage, très demandé par le commerce électronique.

A partir du 1er janvier 2023, la loi Agec contre le gaspillage impose aux journaux de s'acquitter réellement de leur éco-contribution auprès de Citeo, qui organise la collecte et le recyclage des déchets en France, au lieu d'un paiement en nature sous forme de pages de pub comme c'est le cas jusqu'à présent.

"C'est fou, nous les journaux, allons directement aider à financer Amazon et les autres", grince-t-on à l'Alliance.

Celle-ci a demandé une aide spécifique aux pouvoirs publics: "Que le carton soit en plein essor pour l'e-commerce, on le comprend, mais on a du mal à évaluer l'apport de l'e- commerce à la démocratie".

Le groupe norvégien Norske Skog a investi 250 millions d'euros pour ce projet, également soutenu par le plan de relance gouvernemental: il compte sur le marché du carton, en plein essor grâce au succès du commerce en ligne, pour doper sa rentabilité.

Au contraire, la consommation de papier journal a beaucoup baissé ces dernières années, la presse papier perdant peu à peu du terrain face à l'information en format numérique.

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Des employés de l'usine de papier journal Norske Skog regardent une machine à rouler le papier à Golbey, dans l'est de la France, le 24 mai 2022. ( FREDERICK FLORIN / AFP)

L'usine de Golbey est d'ailleurs la dernière à en produire en France, tandis que les autres papetiers ont peu à peu abandonné le papier journal au profit du carton.

Des feuilles à prix d'or

Cette stratégie du "dernier des Mohicans" lui permet néanmoins aujourd'hui de profiter d'une extraordinaire hausse des prix. Car en un an, le prix de la tonne de papier journal a doublé: elle se vendait en mai entre 780 et 950 euros, contre 400 à 440 euros à la même période l'an dernier, selon l'agence d'évaluation des prix Fastmarkets.

La flambée des prix est d'abord liée au déséquilibre entre l'offre et la demande, puisque la production de papier journal a baissé rapidement par rapport aux besoins de la presse, après avoir été longtemps en surcapacité.

"Le marché est artificiellement tendu", résume pour l'AFP Yves Bailly, le président de l'usine.

Cahiers, papier toilette, carton... Pourquoi le prix du papier augmente

Le prix du papier flambe depuis le début de l'année: Les fabricants ont parfois doublé leurs tarifs, ce qui fait craindre des hausses massives sur des produits de grande consommation, des cahiers de la rentrée scolaire au papier toilette.

Pourquoi le prix du papier augmente-t-il ?

Avec la reprise de la consommation après les confinements, la demande de papier a augmenté fortement et soudainement, causant des difficultés d'approvisionnement en matières premières et de transport.

En avril, la pâte à papier, matière première du papier et du carton, coûtait plus de 40% plus cher qu'à la même période de 2019, avant la pandémie, selon l'Insee.

En plus de cela, "le bois est devenu rare, donc les palettes pour transporter les produits sont devenues rares", explique Thibault Laumonier, PDG de la filiale française du groupe britannique de papier et d'emballage DS Smith Packaging.

Il évoque aussi un retard sur la mise en service de nouvelles machines à cause de la pénurie de semi-conducteurs.

Dans une industrie qui consomme beaucoup d'énergie pour sécher la pâte à papier et faire tourner les machines qui forment les feuilles, la hausse du coût du gaz ou de l'électricité depuis le début de la guerre en Ukraine a aussi un impact significatif.

À cela s'ajoutent des problématiques particulières selon le type de papier: pour le papier journal, la hausse des prix est en partie liée à une baisse de la production, les producteurs délaissant ce secteur face à la diminution des ventes de journaux.

En revanche, pour le papier ondulé qui sert à faire des cartons, les prix sont tirés vers le haut par la demande grandissante de cartons d'emballage pour le commerce en ligne ou pour l'agroalimentaire, qui cherche à abandonner le plastique à usage unique.

Quelles sont les conséquences de cette hausse ?
La situation est parfois tendue pour les industriels, mais ils ont pu transférer à leurs clients des augmentations de prix face à la hausse des coûts.

"Globalement les entreprises arrivent à conserver leurs marges", assure Paul-Antoine Lacour, délégué général de la Confédération française de l'industrie des papiers, cartons et cellulose (Copacel).

Mais cette inflation a un impact en aval sur tous les secteurs utilisateurs, soit une grande partie de l'économie, de la presse aux papiers d'hygiène, en passant par les emballages agroalimentaires ou les cartons en tous genres.

Cette hausse des prix fait craindre à M. Lacour "un tassement de la consommation" si le pouvoir d'achat des Français baisse trop.

Le prix des fournitures scolaires va-t-il augmenter à la rentrée ?

Comme tous les producteurs de papier, les fabricants de cahiers font face à la hausse de leurs coûts. La particularité de ce secteur est qu'il négocie ses prix de vente avec la grande distribution à l'automne pour la rentrée suivante: ceux de la prochaine rentrée scolaire ont donc été fixés à une période où le prix du papier avait déjà augmenté, mais encore loin des records actuels.

D'après M. Lacour, les distributeurs se sont engagés à des hausses de 12 à 15% des prix d'achat de fournitures scolaires en papier pour septembre 2022, ce qui pourrait faire aussi monter le prix dans les rayons pour le consommateur.

"Depuis, on a eu des hausses importantes sur de nombreux coûts de production. Si les négociations devaient avoir lieu aujourd'hui, on serait sur des montants bien supérieurs", dit- il.

Et le papier toilette ?

Michel-Édouard Leclerc, président du comité stratégique des supermarchés E. Leclerc, avait averti en avril que le prix du papier toilette allait "augmenter considérablement", lors d'une interview sur BFMTV.

Selon les industriels, produire du papier hygiénique coûte en effet environ 20% plus cher qu'avant la pandémie.

"Mais en pratique, les hausses de prix seront sans doute moindres", estime Paul-Antoine Lacour.

Contrairement au papier journal ou au carton, qui sont vendus à des entreprises pour être à nouveau transformés, le papier toilette est vendu directement aux distributeurs, donc au consommateur final, ce qui rend les hausses de prix plus difficiles à faire passer, explique-t-il.

Il s'agit aussi d'un produit de première nécessité: les négociations sur les prix pourraient donc être tendues.

La hausse des prix est aussi liée à une hausse des coûts: depuis la fin des confinements, la reprise économique rapide a créé des difficultés d'approvisionnement et de transport, et fait grimper le prix du bois et du papier recyclé.

Pour faire tourner les immenses rouleaux chauffants qui font sécher la pâte à papier, il faut beaucoup d'énergie, dont le prix flambe, surtout depuis le début de la guerre en Ukraine.

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Un employé de l'usine de papier journal Norske Skog travaille sur une machine à découper le papier à Golbey, dans l'est de la France, le 24 mai 2022. (FREDERICK FLORIN / AFP)

"Quand une entreprise comme la nôtre consomme un million de mégawattheures par an, chaque variation d'un euro sur le prix du mégawattheure nous fait une variation d'un million d'euros sur notre compte de résultat", explique M. Bailly.

"On a fait passer sur certains mois plus de 100 euros de hausse (pour une tonne de papier, NDLR) simplement liée à l'énergie", ajoute-t-il.

Une situation qui alarme les éditeurs de presse: l'Alliance pour la presse d'information générale (Apig) a demandé à l'État de lui octroyer une aide financière dans le cadre du plan de résilience, après que de nombreux journaux dont Le Figaro, Libération ou Le Monde ont dû augmenter leurs prix en kiosques.

Pour autant, M. Bailly ne compte pas augmenter la cadence de son usine et produire plus, car les tonnes de papier supplémentaires coûteraient trop cher. "On ne peut pas vendre à perte pour satisfaire les clients", dit-il.

Dans les prochaines années, si le passage au carton fonctionne bien, il estime même qu'un abandon total du papier journal serait "envisageable". "La machine qui reste est une bonne cliente pour une conversion future, mais je ne sais pas si je serai encore là pour le faire."


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.