Les Britanniques fêtent les 70 ans de règne de leur reine bien aimée, une page d'histoire

Un grand concert suivra à Buckingham Palace en soirée, avec quelque 22 000 personnes (Photo, AFP).
Un grand concert suivra à Buckingham Palace en soirée, avec quelque 22 000 personnes (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 02 juin 2022

Les Britanniques fêtent les 70 ans de règne de leur reine bien aimée, une page d'histoire

  • Les célébrations commenceront jeudi par la traditionnelle parade militaire annuelle du Salut aux couleurs
  • La famille royale, limitée aux seuls membres qui ont des fonctions officielles et leurs enfants, doit alors apparaître au balcon de Buckingham Palace autour de la souveraine

LONDRES: Avec force fanfares et fêtes, les Britanniques célèbrent à partir de jeudi les 70 ans de règne de la reine Elizabeth, moment historique pour une monarque immensément populaire mais de plus en plus absente pour raisons de santé.

Jamais aucun souverain britannique n'a régné aussi longtemps. Il est peu probable qu'un autre atteigne une telle longévité : Charles, le prince héritier a 73 ans, son fils William bientôt 40 ans.

La dimension historique et patriotique de ce jubilé de platine s'affiche à travers hommages, magazines commémoratifs, expositions, rétrospectives, émissions spéciales, concerts et concours en tout genre. Pour ce long week-end de quatre jours, les rues sont pavoisées, avec de grands portraits de la reine, les façades décorées, jusque dans les campagnes anglaises, et les marchés vendent souvenirs tricolores et vaisselle à son effigie.

Dans un message publié par le palais de Buckingham mercredi, la reine a remercié tous ceux qui se sont impliqués dans les célébrations de son règne, espérant que les festivités "créent d'heureux souvenirs".

Alors que se prépare tranquillement en coulisses la succession avec son héritier le prince Charles, la reine a affirmé "être inspirée par la bienveillance" à son égard et a appelé les Britanniques à "se tourner vers l'avenir avec confiance et enthousiasme".

Balcon

Les célébrations commenceront jeudi par la traditionnelle parade militaire annuelle du Salut aux couleurs, que la reine de 96 ans inspectait jadis à cheval, suivie d'un survol aérien par 70 appareils de la Royal Air Force.

La famille royale, limitée aux seuls membres qui ont des fonctions officielles et leurs enfants, doit alors apparaître au balcon de Buckingham Palace autour de la souveraine, un moment très attendu.

Car depuis six mois, sa santé inquiète les Britanniques : depuis une nuit à l'hôpital en octobre, elle a annulé quasiment toutes ses apparitions officielles, remplacée par le prince Charles, y compris pour le discours solennel du trône au Parlement le 10 mai.

Frêle, la souveraine, rentrée mardi à Windsor après quelques jours de repos dans son château écossais de Balmoral, a du mal à marcher et s'appuie sur une canne. La reine a cependant fait plusieurs apparitions surprise récemment, souriante et détendue, à un show équestre - elle est passionnée de chevaux -,  à l'inauguration de la nouvelle ligne de métro qui porte son nom, et la semaine dernière à la célèbre exposition horticole du Chelsea Flower Show à Londres, en voiturette électrique.

Les célébrations du jubilé de platine en chiffres

Plus de 200 000 événements, des millions de participants, un milliard de spectateurs: les Britanniques s'apprêtent à fêter de manière grandiose les 70 ans de règne de la reine Elizabeth II du 2 au 5 juin. Voici un tour d'horizon chiffré.

Plus de 1 500 militaires

Donnant le coup d'envoi des festivités, environ 1 500 militaires ainsi que 400 musiciens et 250 chevaux défileront jeudi dans le centre de Londres, entre le palais de Buckingham et la place Horse Guards Parade, pour le Salut aux couleurs ("Trooping the Colour") marquant traditionnellement l'anniversaire officiel de la souveraine, selon le ministère de la Défense. Cette parade avait été annulée deux années de suite en raison de la pandémie.

70 avions

Environ 70 avions de l'armée britannique, dont la patrouille acrobatique de la Royal Air Force, les Red Arrows, survoleront le palais de Buckingham durant six minutes jeudi pour clore le défilé militaire, alors que les principaux membres de la famille royale apparaîtront au balcon. Le nombre exact d'appareils dépendra toutefois de la météo et d'éventuels engagements opérationnels, a indiqué le ministère.

124 coups de canon

Des coups de canon seront tirés jeudi à la mi-journée à Londres et à travers tout le Royaume-Uni, ainsi que depuis les navires de la Royal Navy en mer. L'anniversaire officiel d'Elizabeth II - née le 21 avril - coïncidant cette année avec celui de son couronnement le 2 juin 1953, une double salve de 124 coups de canon seront tirés de la Tour de Londres. Il y en aura 82 depuis Hyde Park, non loin du palais de Buckingham.

2 800 signaux lumineux

Plus de 2 800 signaux lumineux seront allumés jeudi soir au palais de Buckingham et dans tout le Royaume-Uni, ainsi que dans les îles anglo-normandes, l'île de Man et les territoires britanniques d'outre-mer.

Il y aura aussi des illuminations dans les 54 capitales du Commonwealth, des Tonga et Samoa dans le Pacifique Sud au Belize dans les Caraïbes. Des ponts enjambant la Tamise à Londres seront illuminés, tout comme l'emblématique BT Tower dans la capitale, ainsi que plusieurs cathédrales en Angleterre.

Sur les côtes françaises faisant face à l'Angleterre, les bâtiments symboliques seront illuminées jeudi soir.

16,5 tonnes

Une messe d'action de grâce est prévue vendredi à la cathédrale Saint-Paul de Londres. A cette occasion sera sonnée la cloche du Grand Paul (Great Paul Bell), la plus grande du pays avec ses 16,5 tonnes, ce qui se produit très rarement.

5 000 travailleurs essentiels

Samedi, quelque 22 000 personnes - dont 5 000 "travailleurs essentiels" pendant la pandémie  - sont attendues pour un grand concert au palais de Buckingham, la BBC Platinum Party. Parmi les têtes d'affiche il y aura les rockeurs de Queen + Adam Lambert, la légende de la Motown Diana Ross, Alicia Keys, Nile Rodgers et le ténor italien Andrea Bocelli.

10 000 artistes, 1 milliard de spectateurs

En clôture dimanche, une autre grande parade rendra hommage à la monarque et à la diversité du peuple britannique. Elle rassemblera 10 000 artistes et bénévoles. En comptant toutes formes de diffusion dans le monde entier, le spectacle devrait être vu par un milliard de personnes, selon les organisateurs.

Pique-niques

Quelque 200 000 événements locaux sont prévus, d'après le gouvernement: projections, fêtes de rue et surtout dizaines de milliers de déjeuners festifs en plein air qui devraient rassembler des 10 millions de personnes.

Parmi elles il y aura des membres de la famille royale comme le prince Charles et son épouse Camilla, attendus au stade de cricket The Oval, dans le sud de Londres.

L'un de ces déjeuners, à Windsor, où réside désormais la reine, tentera de battre le record mondial de la plus longue tablée.

Plus de 600 déjeuners sont aussi prévus dans les pays du Commonwealth et ailleurs dans le monde, notamment au Canada, au Brésil ou en Nouvelle-Zélande.

«Dignité»

"Nous étions extrêmement inquiets pour sa santé récemment, mais grâce au ciel elle a pris soin d'elle", se réjouit Phyllis Losh, 79 ans. Cette habitante du village de Bidford-on-Avon (centre de l'Angleterre) se souvient avec émotion de son couronnement en 1953, quand son père avait spécialement acheté une petite télévision en noir en blanc.

"Elle fait tout avec tellement de dignité", ajoute-t-elle.

Vendredi, une messe aura lieu à la cathédrale Saint-Paul de Londres. Très impopulaires au Royaume-Uni, le  prince Harry et sa femme Meghan, installés depuis deux ans en Californie, devraient y assister, tout comme le prince Andrew, qui a payé de millions de dollars pour mettre fin à une plainte pour agressions sexuelles.

Samedi, la reine était attendue à la 243e édition du prestigieux Derby d'Epsom, mais selon la presse, il est improbable qu'elle fasse le déplacement pour ces courses hippiques.

Un grand concert suivra à Buckingham Palace en soirée, avec quelque 22 000 personnes, et parmi les têtes d'affiche Alicia Keys, Queen + Adam Lambert, Diana Ross et Andrea Bocelli. Charles et William y rendront hommage à leur mère et grand-mère qui devrait regarder le concert à la télévision.

Dimanche, des millions de Britanniques participeront à des milliers de déjeuners de quartier et fêtes de rues en l'honneur de la reine, parenthèse joyeuse pour oublier brièvement l'inflation galopante et les scandales politiques à répétition.

Les pubs ont été autorisés à fermer plus tard. Les ventes de vin pétillant, de Dubonnet (apéritif apprécié de la reine) et de gâteaux Victoria Sponge Cake ont déjà explosé.

Pour Robert Lacey, auteur de nombreux ouvrages sur la monarchie, "les fêtes locales sont aussi importantes que les cérémonies télévisées sur le Mall", la grande artère qui mène au palais de Buckingham. "Elles sont l'exemple de comment la Grande-Bretagne se voit à travers la monarchie, en tant que véhicule de notre histoire, de nos traditions et de nos valeurs", dit-il à l'AFP.

Les quatre jours de célébrations se termineront par une immense parade à Londres. Les 10 000 participants rendront hommage à une souveraine qui a traversé imperturbable les époques et les crises, symbole d'unité et dernière monarque planétaire, dont les Britanniques apprécient le sens du devoir et parfois l'humour. Un sondage pour The Sun la situait cette semaine à 91,7% d'opinions favorables, contre 67,5% pour le prince Charles avec lequel se prépare la succession.

Le balcon de Buckingham Palace, au coeur des grands moments de la monarchie

Couronnements, mariages, grands événements: depuis plus d'un siècle, le balcon de Buckingham Palace à Londres est essentiel à l'image de la famille royale britannique. Il sera une fois encore extrêmement scruté lors des fêtes du jubilé de platine cette semaine.

Pour les célébrations historiques des 70 ans de règne de la reine Elizabeth II, la souveraine de 96 ans a tranché: seuls les membres de la famille qui "travaillent" pour la monarchie pourront saluer la foule au balcon jeudi, lors de la traditionnelle parade militaire du Salut aux couleurs qui ouvrira les festivités. Au total 18 personnes, beaucoup moins que lors d'apparitions passées.

Exit le prince Harry et son épouse Meghan, qui ont pris leurs distances avec la monarchie, mais viendront pourtant au Royaume-Uni de Californie avec leurs deux enfants. Ecarté le prince Andrew, fils cadet de la souveraine, privé de toute fonction officielle depuis des accusations d'agressions sexuelles à New York, dont il s'est débarrassé en mars en payant plusieurs millions de dollars à son accusatrice.

Après deux années compliquées pour la famille royale, le balcon, drapé de rouge et or pour les grandes occasions, ne saurait souffrir aucune tension.

Vitrine

Au fil des ans, il est devenu la vitrine de la monarchie britannique. Initialement pilier de son interaction avec les foules massées derrière les grilles du palais, ses images font désormais le tour du monde.

C'est la reine Victoria qui avait inauguré cette nouvelle façon de saluer ses sujets en 1851, pour l'exposition universelle.

Sept ans plus tard, la famille apparaît au balcon pour le mariage de sa fille aînée, la princesse Victoria.

Depuis le balcon a rythmé tous les grands moments de la famille royale et du pays.

Le 4 août 1914, la foule y réclame George V alors que le Royaume-Uni vient de déclarer la guerre à l'Allemagne. En novembre 1918, des milliers de Londoniens y acclament le roi et la reine après l'armistice.

Puis ce sont les mariages royaux, les jubilés, les couronnements... En 1935, une princesse Elizabeth de 9 ans y salue la foule pour les 25 ans de règne de son grand-père George V. Deux ans plus tard, elle salue encore du balcon pour le couronnement de son père George VI.

Le 8 mai 1945, le Premier ministre Winston Churchill y marque avec la famille royale la victoire des Alliés.

La princesse Elizabeth y revient en 1947 pour son mariage avec le prince Philip; puis, désormais reine, pour son couronnement en 1953.

Rien n’est laissé au hasard dans ces apparitions surmédiatisées : la reine, au centre, est traditionnellement habillée de couleurs vives, les hommes du premier cercle s'affichent en grande tenue militaire et les femmes avec des chapeaux sophistiqués.

Certains s'y sont permis des audaces nouvelles, comme le prince Charles et la princesse Diana échangeant un baiser après leur mariage en 1981, ensuite copiés par le prince Andrew et Sarah Ferguson, puis par le prince William et Kate.

Ce n'est pourtant pas l'image de la famille qui compte, mais celle de la  monarchie.

"La reine a tout au long de son règne privilégié le régalien sur les considérations familiales et personnelles", explique Marc Roche, auteur de plusieurs livres sur la monarchie. "Pour elle, il est essentiel de projeter la monarchie au balcon, pas la famille".

La souveraine, qui a du mal à marcher, pourrait y apparaître jeudi après la parade, lors du survol de 70 appareils de la Royal Air Force.

Mais elle pourrait aussi faire une deuxième apparition au balcon dimanche, avec ses trois héritiers les princes Charles, William et George, 8 ans, affirme le quotidien The Mirror. Alors que la succession se prépare,  elle "veut que le monde voit battre le cœur de sa famille et l’avenir de la monarchie", explique le journal.

A moins que sa santé ne contrarie ces plans.

"Si nous ne voyons pas la reine durant le jubilé, des millions de personnes seront déçues" dit à l'AFP Arthur Edwards, qui la photographie depuis 1977 pour The Sun.

"Ils viennent à Londres pour le concert et la fête, mais ce qu'ils veulent vraiment voir, c'est la reine".


Casse du musée du Louvre: des suspects interpellés mercredi en cours de défèrement

Des policiers français patrouillent devant le musée du Louvre après son cambriolage, avec la pyramide du Louvre conçue par Ieoh Ming Pei en arrière-plan, à Paris le 19 octobre 2025. (AFP)
Des policiers français patrouillent devant le musée du Louvre après son cambriolage, avec la pyramide du Louvre conçue par Ieoh Ming Pei en arrière-plan, à Paris le 19 octobre 2025. (AFP)
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  • Sept suspects au total ont été interpellés dans l’enquête sur le spectaculaire casse du Louvre, dont le butin — estimé à 88 millions d’euros en bijoux de la Couronne — reste introuvable
  • L’enquête, fondée sur des traces ADN, la vidéosurveillance et la téléphonie, met aussi en lumière une « faille sécuritaire majeure » au Louvre, selon la ministre de la Culture Rachida Dati

PARIS: Des défèrements de suspects ayant été interpellés mercredi dans le cadre de l'enquête sur le casse du Louvre, dont le butin a été estimé à 88 millions d'euros, étaient en cours samedi devant des magistrats du tribunal judiciaire de Paris.

"Il y a des défèrements sur commission rogatoire", a indiqué le parquet de Paris sollicité par l'AFP, sans préciser le nombre de suspects déférés.

Cinq nouvelles interpellations liées à ce cambriolage spectaculaire avaient été annoncées jeudi matin par la procureure de Paris Laure Beccuau qui avait précisé que les bijoux volés restaient introuvables.

Ces nouvelles interpellations se sont ajoutées à celles de deux trentenaires arrêtés il y a une semaine et qui sont soupçonnés d'avoir fait partie du commando de quatre hommes sur place.

Ces deux habitants d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), âgés de 34 et 39 ans, ont été mis en examen et placés en détention provisoire mercredi soir.

En garde à vue, ces deux hommes - un arrêté à l'aéroport de Roissy alors qu'il tentait de rejoindre l'Algérie, l'autre à Aubervilliers - "se sont livrés à des déclarations (...) minimalistes par rapport à ce qui nous paraît être démontré par le dossier", avait indiqué Laure Beccuau.

Parmi les nouveaux interpellés se trouve un autre membre présumé du commando ayant commis le 19 octobre en moins de huit minutes ce casse qui a fait le tour de la planète, avait précisé la procureure. "Des traces ADN" le lient au vol, avait-elle noté.

Les autres personnes interpellées "peuvent éventuellement nous renseigner sur le déroulement de ces faits", avait éclairé la procureure, sans vouloir en dire plus sur leur profil.

Ces nouvelles interpellations "n'ont pas été du tout liées aux déclarations" des deux mis en examen, mais "à d'autres éléments dont nous disposons au dossier", les traces ADN, la vidéosurveillance ou encore l'examen de la téléphonie, avait-elle ajouté.

Les nouvelles interpellations ont eu lieu à Paris et dans son agglomération, notamment en Seine-Saint-Denis, avait-elle indiqué.

- "Faille sécuritaire majeure" -

Mme Beccuau avait souligné sa "détermination", comme celle de la centaine d'enquêteurs mobilisés, à retrouver le butin et l'ensemble des malfaiteurs impliqués.

Concernant les bijoux, la procureure avait expliqué que l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) explorait "un certain nombre de marchés parallèles" car ce n'est vraisemblablement pas sur le marché légal des oeuvres d'art qu'ils surgiront.

Parmi les hypothèses des enquêteurs: celle que ces joyaux puissent "être une marchandise de blanchiment, voire de négociation dans le milieu", a-t-elle pointé.

L'affaire a provoqué des débats-fleuves sur la sécurité du Louvre, musée d'art le plus visité du monde.

La ministre de la Culture Rachida Dati a dévoilé vendredi les premières conclusions de l'enquête de l'Inspection générale des affaires culturelles, avec un bilan très critique: "une sous-estimation chronique, structurelle, du risque intrusion et vol" par le Louvre, "un sous-équipement des dispositifs de sécurité", une gouvernance "pas adaptée" et des protocoles de réaction aux vols et intrusions "totalement obsolètes".

"On ne peut pas continuer comme ça", a martelé Rachida Dati.

Le jour du casse, les quatre malfaiteurs avaient pu garer un camion-élévateur au pied du musée, permettant à deux d'entre eux de se hisser avec une nacelle jusqu'à la galerie d'Apollon où sont conservés les joyaux de la Couronne.

Tout en réaffirmant que les dispositifs de sécurité à l'intérieur du Louvre avaient fonctionné, Mme Dati a annoncé des mesures pour répondre à une "faille sécuritaire majeure" à l'extérieur du musée.

"Nous allons mettre des dispositifs anti-voiture-béliers, anti-intrusion", a-t-elle annoncé, assurant que ces nouvelles installations seraient en place "avant la fin de l'année".


A Paris, le Centre Pompidou s'offre une dernière fête avant cinq ans de fermeture

un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
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  • Le Centre Pompidou organise un dernier week-end festif baptisé « Because Beaubourg » avant cinq ans de travaux, transformant ses huit étages en un immense terrain de jeu mêlant concerts, performances et expériences immersives
  • L’événement, réunissant 80 artistes et plusieurs grandes marques partenaires, célèbre la culture et l’esprit d’ouverture du lieu avant sa fermeture pour rénovation complète

PARIS: Dans un tourbillon de musique, d'images et de patins à roulettes, le Centre Pompidou à Paris s'offre un dernier week-end festif avant cinq ans de travaux, avec "Because Beaubourg", événement qui transforme l'intégralité du bâtiment en un immense terrain de jeu.

"Je suis venu parce que j'ai entendu dire que c'était la fermeture. Et j'avais envie de participer à ça une dernière fois, pour en profiter un petit peu", explique à l'AFP Eliot Ibert, 23 ans, en coloriant une fresque participative.

Fermé au public depuis le 22 septembre, le bâtiment aux emblématiques tuyaux colorés rouvre ses portes ce week-end avec un parcours inédit. De vendredi à dimanche, quelque 80 artistes se produisent à travers concerts, DJ sets, performances, masterclasses, projections et expériences immersives sur les huit étages.

"C'est le plus grand événement que le Centre Pompidou ait fait depuis son ouverture", assure Paul Mourey, codirecteur artistique de l'événement, imaginé avec le label Because Music.

- "Spleen" -

Chaque étage propose une expérience différente. Au niveau -1, des pianistes amateurs se succèdent devant une fresque des étudiants des Beaux-Arts, tandis que le Forum, au rez-de-chaussée, devient le théâtre de performances en journée et un club illuminé la nuit.

Le Village des enfants prend place au 3e étage, tandis que plusieurs artistes et sociétés ont investi le 4e niveau. Shygirl, Shay ou Pedro Winter, fondateur du label Ed Banger, ainsi que les entreprises Spotify, Samsung et Snapchat, qui proposent de tester ses lunettes de réalité augmentée, participent à des installations et expériences interactives.

Autant de partenaires qui contribuent à financer l'événement.

Le premier et le sixième étage accueillent, de jour comme de nuit, des artistes tels que Catherine Ringer, Christine and the Queens, Selah Sue, Keziah Jones ou Sébastien Tellier.

Le musicien français, qui profite de l'événement pour promouvoir son nouvel album prévu en janvier, souligne l'importance de participer à cette célébration : "La culture, aujourd'hui, elle est rare. Quand il y a des petits îlots de culture, c'est important d'y être. Je n'avais pas envie de manquer ça."

Brigitte Baleo, 78 ans, retraitée ayant travaillé dix ans à la bibliothèque du Centre Pompidou, confie que la fermeture lui laisse "un peu de spleen".

"Ça tend l'estomac, il y a trop de souvenirs", ajoute-t-elle, émue. "Mais il faut que la fermeture ait lieu, pour réhabiliter ce monument".

Conçu en 1977 comme un lieu "ouvert à tous" par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, le bâtiment souffre aujourd'hui de vétusté.

Désamiantage, accessibilité du lieu, sécurité et complet réaménagement intérieur sont au menu de ses importants travaux de rénovation.

- Rollers et vue panoramique -

Cette fermeture, "c'est quelque chose qui me touche", abonde Florence, qui n'a pas souhaité donner son nom.

Férue d'électro, la Bordelaise de 57 ans vient d'assister au deuxième étage à "Space Opera", un film musical du duo français Justice projeté comme une expérience de clubbing, à quelques pas de l'installation inédite Camera/Man de Thomas Bangalter, un des deux membres de Daft Punk.

Pour encore plus de mouvements, elle compte bien expérimenter le Roller Disco qui fait vibrer l'ancienne galerie 1, au dernier étage.

Entre DJ sets, patins à roulettes et vues panoramiques sur Paris, l'ambiance mêle nostalgie et effervescence festive.

Gulliver Hubard, un étudiant britannique de 20 ans, savoure lui sa première visite. "C'est une chance de le voir avant sa fermeture", assure-t-il.

En journée, le programme est entièrement gratuit, et les organisateurs espèrent accueillir entre 10.000 et 15.000 visiteurs par jour.

Le programme nocturne, payant, a lui été pris d'assaut : les 12.000 billets se sont arrachés en à peine une journée.


AlUla ou comment le désert devient atelier d’art

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  • AlUla se transforme en laboratoire artistique où design, architecture et patrimoine dialoguent avec le désert
  • Entre traditions locales et innovation contemporaine, le désert devient un espace d’expérimentation, d’apprentissage et de création, où culture et paysage s’influencent mutuellement

PARIS: De la résidence de design à la construction du futur musée d’art contemporain confié à Lina Ghotmeh, AlUla se façonne dans le respect de sa mémoire et de son paysage.

À Paris, une table ronde organisée par la RCU et AFALULA a révélé les coulisses de cette transformation, celle d’un territoire millénaire devenu laboratoire d’expérimentation et vitrine du dialogue culturel franco-saoudien.

Dans le parc de l’hôtel des maisons (un hôtel particulier parisien construit au XVIII), la conversation s’est ouverte sur une question presque philosophique : comment bâtir dans le désert sans le dominer ? Comment concevoir à AlUla, ce paysage d’infini, une architecture qui parle à l’échelle humaine ?

La table ronde, intitulée “From the Land Up: Designing AlUla from Desert to Human Scale”, a réuni les acteurs clés du projet et plusieurs anciens résidents du programme AlUla Design Residency, créé il y a deux ans.

Ils ont tous en commun d’avoir approché cette terre d’exception, non comme un territoire vierge, mais comme un organisme vivant, porteur d’histoires et de voix anciennes.

L’événement, organisé par la Commission royale pour AlUla (RCU) et l’agence Française pour le développement d’Alula (AFALULA), a célébré l’ADN rare de cette région, qui est un mélange entre fouilles historiques, architecture, design et diplomatie culturelle notamment avec la villa Hegra. 

AlUla, déjà célèbre pour son patrimoine nabatéen et ses falaises sculptées par le vent, devient aujourd’hui un territoire d’expérimentation artistique mondiale, où le passé inspire le futur, et lui donne forme.

Au centre du projet, la vision de Lina Ghotmeh, architecte franco-libanaise à la tête du futur musée d’art contemporain d’AlUla, « Le musée ne doit pas être une icône posée dans le désert » explique-t-elle, « mais un générateur de liens, un espace de rencontre et d’hospitalité ».

Implanté près d’une ancienne oasis agricole, le musée s’enracinera dans le paysage tout en redonnant vie à des savoir-faire ancestraux, « nous travaillons avec la terre locale, avec des techniques de construction traditionnelles : torchis, terre comprimée, architecture bioclimatique, l’objectif est de renouer avec les ressources naturelles et la mémoire des lieux », souligne l’architecte.

Ghotmeh évoque aussi le dialogue qu’elle a tissé avec la communauté locale, « j’ai passé du temps à rencontrer les habitants, à partager un thé sous un oranger, à écouter les femmes qui ravivent l’artisanat, à visiter les écoles ».

Un jour, une fillette m’a dit, « le musée, c’est le lieu de l’extraordinaire, cette phrase m’accompagne toujours, car au fond, c’est bien de cela qu’il s’agit, créer un lieu qui relie la connaissance, l’émotion et la beauté ».

Dans son approche sensible, le musée devient un prolongement du paysage, un lieu où les visiteurs respireront la même lumière que les habitants, où la culture se fera conversation et échange.

« Il ne s’agit pas d’importer la culture, mais de la créer à partir du territoire », souligne Arnaud Morand, responsable des arts et industries créatives à AFALULA, c’est cette conviction qui guide toute la programmation culturelle d’AlUla.

L’une des premières grandes expositions préfigurant le musée verra le jour en janvier prochain, consiste en une collaboration entre AlUla et le Centre Pompidou, présentée d’abord dans une architecture temporaire conçue sur place avant de voyager dans le monde.

« C’est une coopération basée sur l’échange de savoirs et la lenteur, dit-il. À AlUla, on apprend à prendre le temps, l'art naît du sol, pas de la vitesse ».

Cette philosophie irrigue aussi les résidences de design et d’artistes qu’AFALULA co-dirige sur place, des programmes où jeunes talents et créateurs confirmés expérimentent à ciel ouvert, dans une relation directe avec le territoire, « Là-bas, chaque projet s’élabore dans l’écoute et l’humilité » affirme Morand.

« Lorsque nous arrivons à AlUla, nous devons laisser nos certitudes à la porte du désert » observe Ali Al Gazzaoui responsable du programme de résidences d’artistes, « il faut apprendre à écouter les habitants, à comprendre leur rapport au paysage, à la lumière, à la convivialité ».

C’est cette humilité partagée qui transforme le désert en école, les fondateurs du Studio Raw Material, Dushyant Bansal et Priyanka Sharma, anciens résidents du programme, racontent leur découverte émerveillée d’un lieu où « le matériau est partout de la roche, au sable, à la chaleur, et la lumière, tout devient matière à création ».

Leur expérience les a conduits à réfléchir à une forme de design « hors des centres urbains » à la faveur d’une pratique ancrée dans la vie quotidienne et les gestes ordinaires, « à AlUla, on apprend à se salir les mains, à construire, à inventer avec ce que la nature nous offre ».

Cette approche artisanale et poétique rejoint la vision d’Ali Alghazzawi, pour lui, « notre mission est de créer un écosystème où les créatifs peuvent dialoguer librement avec le paysage et expérimenter, car la durabilité ne se décrète pas, elle se vit ».

Tout ceci confère à AlUla qui est un site touristique d’exception, une autre dimension qui est celle de pépinière d’idées, de territoire d’apprentissage et de création contemporaine.