L'effondrement d'un immeuble cristallise la grogne socio-politique en Iran

Les manifestations représentent un défi sérieux pour le régime iranien (Photo, Twitter).
Les manifestations représentent un défi sérieux pour le régime iranien (Photo, Twitter).
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Publié le Jeudi 02 juin 2022

L'effondrement d'un immeuble cristallise la grogne socio-politique en Iran

  • L'effondrement le 23 mai d'un immeuble en construction a soulevé une nouvelle vague d'indignation
  • La contestation n'épargne désormais plus aucune autorité, pas même celle de l'ayatollah Khamenei

PARIS:  Les manifestations de colère contre les autorités locales à la suite de l'effondrement meurtrier d'un immeuble dans le sud-ouest de l'Iran s'inscrivent dans un mouvement général de contestation de la République islamique, selon des experts.

Des manifestations agitent le pays depuis plusieurs semaines, en particulier à la suite de la levée par le gouvernement, confronté à d'importantes difficultés économiques dues notamment aux sanctions américaines, des subventions sur la farine et l'augmentation des prix de denrées comme l'huile et les produits laitiers.

L'effondrement le 23 mai d'un immeuble en construction, sur fond d'accusations d'incompétence et de corruption, à Abadan, dans la province du Khouzistan (sud-ouest), limitrophe de l'Irak, a soulevé une nouvelle vague d'indignation. Trente-six personnes sont mortes, selon un dernier bilan mardi.

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a appelé à poursuivre et punir les responsables de cette tragédie. Et la justice régionale a affirmé avoir arrêté 13 personnes, dont le maire d'Abadan et deux anciens maires.

Cependant, la contestation n'épargne désormais plus aucune autorité, pas même celle de l'ayatollah Khamenei, comme en attestent les slogans le visant nommément, selon les images de manifestations circulant sur les réseaux sociaux.

Le mouvement actuel se signale par son caractère "dénonciateur de la +dictature cléricale+ du guide suprême et la volonté de rompre avec le régime", explique Farhad Khosrokhavar, directeur d'études retraité de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris.

La protestation, qui draine "classes moyennes et classes inférieures" frappées par l'appauvrissement généralisé, porte, d'une part, sur les "besoins quotidiens : le pain, le sucre, les œufs, la viande, les produits de base ..." et, d'autre part, sur "la corruption du régime".

"Il y a une élite politico-clientéliste qui s'enrichit à vue d'œil, même maintenant, et puis il y a le reste de la société qui s'appauvrit", poursuit le sociologue, "on est face à un fossé de classe qui s'est transformé en un gouffre de classe".

Kasra Aarabi, analyste principal sur l'Iran au Tony Blair Institute, considère également que "les manifestations portent non seulement sur l'état de l'économie, mais sur la légitimité même de la République islamique".

La mobilisation gagne aussi bien les villes que les zones rurales et la participation des travailleurs, base populaire de la République islamique, représente pour le régime un motif d'inquiétude particulière, ajoute-t-il.

Répression

Dimanche, jour de deuil national du drame, des centaines de personnes rassemblées à Abadan pour une cérémonie de commémoration ont scandé des slogans pour couvrir le discours d'un représentant local de l'Assemblée des experts, collège chargé de nommer, superviser et d'éventuellement démettre le guide suprême, a rapporté l'agence de presse Fars.

D'autres ont jeté au sol la caméra de la télévision d'État et la police a exhorté les gens "à quitter la rue", a indiqué l'agence Tasnim.

Depuis plus d'une semaine, des rassemblements nocturnes ont lieu à Abadan et d'autres villes du Khouzistan pour pleurer les victimes et réclamer que les responsables soient traduits en justice. D'autres se sont tenus vendredi dans plusieurs villes du centre du pays, dont Ispahan, Yazd et Shahin.

Des activistes ont fait état de tués dans les manifestations à la mi-mai avant même le drame d'Abadan, où des forces anti-émeute ont été envoyées et ont eu recours à des tirs à balles réelles pour ramener le calme, selon eux.

"Cela montre la fragilité et l'instabilité du régime iranien : n'importe quel incident peut entraîner des manifestations massives qui peuvent devenir incontrôlables. Ainsi un effondrement d'immeuble apparaît comme une menace existentielle pour le système", affirme Mahmoud Amiry Moghaddam, directeur de l'ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo.

"Ils savent que le régime est redoutable dans sa répression, néanmoins ces mouvements se développent de manière erratique, sans organisation et sans direction politique", relève Farhad Khosrokhavar, excluant que sous cette forme ils puissent le renverser, mais plutôt "montrer de plus en plus son illégitimité".

La protestation s'est propagée jusqu'aux tribunes de supporters de football : des partisans du club Esteglal de Téhéran ont ainsi scandé "Abadan" lors d'un match récent au stade Azadi de la capitale.

Dans le domaine culturel, plusieurs cinéastes iraniens, dont le réalisateur primé Mohammad Rasoulof, ont publié une lettre ouverte exhortant les forces de sécurité à "déposer les armes" face à la colère contre "la corruption, le vol, l'incompétence et la répression".

Quant à l'actrice iranienne Zar Amir Ebrahimi, en recevant samedi le prix d'interprétation féminine au festival de Cannes, elle a déclaré en persan : "Mon coeur est avec les hommes et les femmes d'Abadan".


Le président syrien à la Maison Blanche le 10 novembre

Le président syrien Ahmad al-Chareh rencontrera le président Trump à la Maison Blanche lundi. (Reuters/Archives)
Le président syrien Ahmad al-Chareh rencontrera le président Trump à la Maison Blanche lundi. (Reuters/Archives)
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  • Le président syrien Ahmad al-Chareh sera reçu lundi à la Maison-Blanche par Donald Trump, une première historique qui s’inscrit dans les efforts américains pour la paix mondiale
  • Les discussions porteront sur la levée des sanctions, la lutte contre l’État islamique et la reconstruction de la Syrie, après plus de 14 ans de guerre

WASHINGTON: La porte-parole de la Maison Blanche Karoline Leavitt a indiqué mardi que le président syrien Ahmad al-Chareh serait reçu lundi à la Maison Blanche par Donald Trump.

Il sera le premier chef d'Etat syrien à faire cette visite, qui "fait partie des efforts" du président américain "pour la paix dans le monde", a déclaré la porte-parole pendant une conférence de presse.

Elle a rappelé que Donald Trump, pendant un voyage dans le Golfe en mai, avait annoncé la levée des sanctions américaines contre la Syrie, un sujet qui figurera très haut sur l'ordre du jour de la réunion lundi.

Karoline Leavitt a par ailleurs jugé que la Syrie avait fait "des progrès" sur la voie de la paix avec ce nouveau dirigeant.

Ce sera la deuxième visite aux Etats-Unis d'Ahmad al-Chareh après son passage en septembre à l'ONU à New York, où cet ancien jihadiste est devenu le premier président syrien depuis 1967 à s'adresser à l'Assemblée générale.

Selon le ministre syrien des Affaires étrangères Assaad al-Chaibani, la discussion avec Donald Trump portera aussi sur la lutte contre le groupe Etat islamique et sur la reconstruction en Syrie, après plus de 14 ans de guerre.

Le président américain avait dressé en mai un portrait élogieux d'Ahmad al-Chareh, parlant d'un "gars costaud" et assurant que leur première rencontre, qui a eu lieu en Arabie saoudite, s'était "très bien passée".

Il l'avait pressé à l'époque de rejoindre les accords d'Abraham, une initiative diplomatique dont Donald Trump est particulièrement fier, et qui avait vu plusieurs pays arabes reconnaître Israël en 2020.


Soudan: le ministre de la Défense affirme que la guerre va continuer

Des Soudanais déplacés blessés qui ont fui les violences à El-Fasher sont soignés dans une clinique de fortune gérée par Médecins Sans Frontières (MSF), alors que les affrontements entre la RSF et l'armée soudanaise se poursuivent à Tawila, dans le nord du Darfour. (Reurters)
Des Soudanais déplacés blessés qui ont fui les violences à El-Fasher sont soignés dans une clinique de fortune gérée par Médecins Sans Frontières (MSF), alors que les affrontements entre la RSF et l'armée soudanaise se poursuivent à Tawila, dans le nord du Darfour. (Reurters)
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  • Le ministre soudanais de la Défense, Hassan Kabroun, a annoncé la poursuite de la guerre contre les paramilitaires des FSR, malgré une proposition américaine de cessez-le-feu
  • Depuis la chute d’El-Facher, des exactions massives sont rapportées, tandis que l’aide humanitaire reste bloquée

PORT-SOUDAN: Le ministre soudanais de la Défense a affirmé mardi que la guerre contre les paramilitaires allait continuer, après une réunion gouvernementale qui a discuté d'une proposition américaine de cessez-le-feu.

"Les préparatifs pour la bataille du peuple soudanais sont en cours", a déclaré le ministre, Hassan Kabroun, dans un discours télévisé.

"Nous remercions l'administration Trump pour ses efforts et ses propositions afin de parvenir à la paix", a-t-il dit, tous en affirmant que la guerre était "un droit national légitime".

Aucun détail sur la proposition américaine n'a été rendu public.

Le gouvernement américain "est tout à fait impliqué" pour tenter de trouver une issue "pacifique" au conflit qui ravage le Soudan, a assuré mardi la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, tout en reconnaissant que "la situation sur le terrain est très compliquée".

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée du général Abdel Fattah Al-Burhane à son ancien allié Mohamed Hamdane Daglo, chef des Forces de soutien rapide (FSR) qui ont pris le 26 octobre El-Facher, dernière ville de la vaste région du Darfour, dans l'ouest, qui échappait à leur contrôle.

Les combats se concentrent désormais sur la région voisine du Kordofan, dans le centre du Soudan, où l'ONU a fait état d'exactions et de déplacements massifs de population ces derniers jours.

- "Incontrôlable" -

Mardi, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a exhorté les belligérants à "venir à la table des négociations" et "mettre fin à ce cauchemar de violence, dès maintenant".

"La crise terrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il prévenu, alors que le Conseil de défense et de sécurité présidé par le général Burhane s'est réuni dans la journée pour étudier une proposition américaine de trêve.

L'émissaire américain pour l'Afrique, Massad Boulos, a mené ces derniers jours des entretiens au Caire dans le but de finaliser une proposition de trêve humanitaire formulée mi-septembre sous son égide par un groupe de médiateurs incluant l'Egypte, l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis.

Le groupe de médiation, dit du Quad, travaille sur un plan global de paix pour le Soudan, mais ses dernières propositions, présentées mi-septembre à Washington, sont restées lettre morte. Jusqu'à présent, le général Burhane a accueilli négativement ce plan prévoyant à la fois son exclusion et celle des FSR de la transition politique post-conflit.

- "Ne tuez pas les enfants" -

Depuis la chute d'El-Facher, après 18 mois de siège par les paramilitaires, les informations et les témoignages se multiplient sur les exécutions, les pillages, les viols, les attaques contre des humanitaires, documentés par des images satellite et par des vidéos publiées par les combattants eux-mêmes.

Le général Burhane a affirmé sa volonté de "se venger" de la prise de cette grande ville, tandis que le chef des FSR s'est dit déterminé à poursuivre les conquêtes sur le terrain.

Mardi, la représentante de l'ONU en charge des questions humanitaires, Denise Brown, a déploré que la ville d'El-Facher reste "barricadée" et fermée à l'aide humanitaire.

"La livraison d'aide de survie cruciale reste bloquée par les FSR contrairement à leurs obligations à l'égard des lois internationales", a-t-elle déclaré.

Près de 71.000 civils ont fui la ville depuis sa prise par les FSR, certains ayant trouvé refuge à Tawila, à environ 70 km à l'ouest.

"Ne tuez pas les enfants, ne tuez pas les femmes", pouvait-on lire en arabe sur une pancarte écrite à la main lors d'une manifestation lundi d'enfants à Khartoum, la capitale du pays sous contrôle de l'armée.

Le conflit, qui a fait des dizaines de milliers de morts et près de 12 millions de déplacés, selon l'ONU, se joue sur fond de rivalités régionales.

Les FSR ont reçu armes et drones des Emirats arabes unis, d'après des rapports de l'ONU, tandis que l'armée bénéficie de l'appui de l'Egypte, de l'Arabie saoudite, de l'Iran et de la Turquie, selon des observateurs. Tous nient leur implication.


Le chef de l'ONU appelle à mettre fin au «cauchemar de la violence» au Soudan

Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
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  • Antonio Guterres appelle à des négociations immédiates pour mettre fin au conflit au Soudan, avertissant que la crise humanitaire et sécuritaire devient « incontrôlable » après deux ans de guerre entre l’armée et les Forces de soutien rapide (FSR)
  • La situation à El-Facher, au Darfour, illustre la gravité du drame, avec des civils pris au piège, des milliers de morts, des violations massives des droits humains et près de 12 millions de déplacés selon l’ONU

DOHA: Le patron de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé mardi à des "négociations" pour un arrêt immédiat du conflit au Soudan, mettant en garde contre une crise "en train de devenir incontrôlable".

Le secrétaire général des Nations unies a exhorté les parties au conflit à "venir à la table des négociations, (et) mettre fin à ce cauchemar de violence, maintenant".

"La crise horrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il dit lors d'une conférence de presse en marge du deuxième sommet mondial pour le développement social à Doha.

Le conflit entre l'armée et les paramilitaires dure depuis deux ans et a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.

Le 26 octobre, après 18 mois de siège, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris la ville d'El-Facher, dernier verrou stratégique de l'armée au Darfour (ouest du Soudan).

Depuis, les informations et témoignages se multiplient sur les cas d'exécutions, viols, attaques contre des humanitaires et pillages qui y sont commis, documentés par des images satellites et par des vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-même.

"El-Facher et les zones environnantes du Nord-Darfour ont été un épicentre de souffrance, de faim, de violence et de déplacements" a souligné M.Guterres, ajoutant que depuis l'entrée des FSR dans la ville, "la situation s'aggrave de jour en jour".

"Des centaines de milliers de civils sont pris au piège par ce siège. Les gens meurent de malnutrition, de maladie et de violence. Et nous continuons à entendre des rapports sur des violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme", a affirmé M.Guterres.