Lutte pour Severodonetsk, «chantage» au blé de Moscou

Des proches et camarades du lieutenant-colonel Sergiy Derduga, commandant du 18e bataillon de marine ukrainien, se tiennent près de son cercueil lors de ses funérailles à Odessa, le 6 juin 2022 (Photo, AFP).
Des proches et camarades du lieutenant-colonel Sergiy Derduga, commandant du 18e bataillon de marine ukrainien, se tiennent près de son cercueil lors de ses funérailles à Odessa, le 6 juin 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 07 juin 2022

Lutte pour Severodonetsk, «chantage» au blé de Moscou

  • Kiev peine à faire face à l'afflux de troupes russes sur Severodonetsk, plus grande agglomération encore aux mains des Ukrainiens dans la région de Lougansk
  • Pour la Russie, mettre la main sur cette ville serait déterminant en vue d'une conquête de l'intégralité du vaste bassin houiller du Donbass

KIEV: Les combats se poursuivaient mardi pour la prise de contrôle de Severodonetsk, ville-clé de l'est de l'Ukraine soumise à un déluge de feu russe, où la situation évolue "d'heure en heure" selon Kiev, qui accuse avec Washington la Russie de faire un "chantage" aux exportations de blé.

"Nos héros tiennent leurs positions à Severodonetsk. D'intenses combats de rue se poursuivent", a déclaré le président Volodymyr Zelensky dans sa dernière adresse vidéo, lundi soir.

"Dans la région de Donetsk, en plus des tirs d'artillerie, l'ennemi tire depuis des avions et des hélicoptères", selon le premier bulletin de l'état-major de l'armée ukrainienne mardi matin, confirmant que Severodonetsk reste "le cœur de cible de l'ennemi".

Kiev peine à faire face à l'afflux de troupes russes sur Severodonetsk, plus grande agglomération encore aux mains des Ukrainiens dans la région de Lougansk.

Les Russes "sont en train de détruire la ville... Comme ils n'ont pas réussi à la prendre en un ou deux jours, ils utilisent des frappes aériennes, de l'artillerie lourde", a témoigné lundi soir Oleksandr Striouk, responsable de l'administration de Severodonetsk, s'inquiétant d'une évacuation des civils rendue "quasiment impossible" désormais.

Le maire de Severodonetsk, Oleksandre Striouk, a confirmé lundi que "la situation changeait toutes les heures" et que d'"intenses combats de rue" se déroulaient dans sa ville, sous le feu des projecteurs depuis plusieurs jours que les affrontements s'y concentrent.

Pour la Russie, mettre la main sur cette ville serait déterminant en vue d'une conquête de l'intégralité du vaste bassin houiller du Donbass, déjà en partie tenu par des séparatistes prorusses depuis 2014.

Chantage au blé

L'autre grande bataille, économique celle-ci, est celle des ressources en blé de la superpuissance céréalière qu'est l'Ukraine.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a ainsi accusé lundi Moscou de "chantage" à la levée des sanctions internationales par son blocage des exportations de blé de l'Ukraine.

Il a par ailleurs jugé "crédibles" les informations selon lesquelles la Russie "vole" des tonnes de céréales, "pour les vendre à son propre profit", avec son blocus naval des ports ukrainiens, qui empêche les exportations de céréales et fait craindre des crises alimentaires notamment en Afrique.

Selon le New York Times, Washington a averti mi-mai 14 pays, principalement en Afrique, que des cargos russes transportaient des "céréales ukrainiennes volées". Antony Blinken a fait référence à cet article du quotidien américain, sans toutefois confirmer directement l'alerte adressée aux pays africains.

L'ambassadeur d'Ukraine à Ankara avait accusé dès vendredi la Russie de "voler" et d'exporter des céréales ukrainiennes notamment vers la Turquie.

"Il est important pour nous de nous tenir prêts à exporter nos céréales. La Russie raconte que la pénurie alimentaire incombe à l'Ukraine... C'est faux", a martelé de son côté lundi le président Zelensky.

La quantité des céréales destinées à l'exportation et bloquées en Ukraine par les Russes pourrait tripler d'"ici à l'automne" pour atteindre 75 millions de tonnes, a alerté Volodymyr Zelensky.

"Nous avons besoin de couloirs maritimes et nous en discutons avec la Turquie et le Royaume-Uni" ainsi qu'avec l'ONU, a poursuivi le président ukrainien. Kiev évoque aussi ce sujet avec la Pologne et les États Baltes pour exporter de petits volumes par le rail.

Mer Noire

En mer Noire, l'armée ukrainienne a assuré lundi avoir largement fait reculer la flotte russe,à plus de cent kilomètres des côtes, a affirmé le ministère ukrainien de la Défense.

A Moscou, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a de son côté mis en garde lundi les pays occidentaux contre des livraisons à Kiev d'armes de longue portée.

Cela n'a pas empêché Londres d'annoncer la livraison de lance-roquettes M270 MLRS d'une portée de 80 kilomètres, en complément des Himars de même portée promis la semaine dernière par Washington.

Les experts militaires soulignent que cette portée est légèrement supérieure à celle des systèmes analogues russes, ce qui permettrait aux forces ukrainiennes de frapper l'artillerie adverse en restant hors d'atteinte.

Les Etats-Unis et l'Europe ont par ailleurs réclamé à la Russie d'arrêter les violences sexuelles présumées commises par son armée et ses supplétifs en Ukraine, tandis que Moscou a dénoncé des accusations sans fondement, au cours d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU.

Les États-Unis ont aussi accusé la Russie d'"intimider" les correspondants des médias américains à Moscou, convoqués par la diplomatie russe qui les a menacés de représailles en raison des sanctions américaines.

Pendant ce temps, à Kiev, les Ukrainiens se pressent pour observer casques, rations alimentaires et missiles récupérés suite au retrait de l'armée russe des zones occupées et montrés dans une exposition nommée "Ukraine - Crucifixion".

"Ici on peut voir et toucher la guerre du doigt", explique à l'AFP le commissaire Iouri Savtchouk. "C'est aussi le but: choquer les gens pour qu'ils se rendent comptent de ce qui se passe".


Un diplomate suédois de l'UE détenu à Téhéran accusé de coopérer avec Israël contre l'Iran

Le diplomate suédois de l'UE Johan Floderus assiste à une audience du tribunal à Téhéran le 10 décembre 2023 (Photo, AFP).
Le diplomate suédois de l'UE Johan Floderus assiste à une audience du tribunal à Téhéran le 10 décembre 2023 (Photo, AFP).
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  • «L'accusé a été actif contre l'Iran dans le domaine de la collecte de renseignements au profit du régime sioniste»
  • L'agence Mizan a publié une série de photos montrant Johan Floderus se présentant devant les juges avec l'uniforme bleu pâle des prisonniers

TÉHÉRAN: Le Suédois Johan Floderus, diplomate de l'Union européenne détenu en Iran, a été accusé au début de son procès de coopérer avec Israël contre la République islamique, ont indiqué dimanche des médias officiels.

Johan Floderus, âgé de 33 ans et arrêté le 17 avril 2022 à l'aéroport de Téhéran, est jugé depuis samedi pour "corruption sur terre" et pour avoir participé à "des actes contre la sécurité de l'Iran, par une vaste coopération en matière de renseignement avec le régime sioniste", selon l'agence de l'Autorité judiciaire Mizan Online.

Le début de son procès a été annoncé samedi par le ministre suédois des Affaires étrangères Tobias Billstrom, sans être confirmé par les autorités iraniennes.

Au cours de cette première audience devant la branche 26 du tribunal révolutionnaire de Téhéran, le représentant du procureur a lu l'acte d'accusation en présence des avocats du prévenu et d'un traducteur.

L'agence Mizan a publié une série de photos montrant Johan Floderus se présentant devant les juges avec l'uniforme bleu pâle des prisonniers et menotté.

Selon le représentant du procureur, "l'accusé a été actif contre la République islamique d'Iran dans le domaine de la collecte de renseignements au profit du régime sioniste sous la forme de projets [visant à] renverser la République islamique [menés par] les institutions américaines, israéliennes et européennes connues pour être actives" contre l'Iran".

"Parmi ses autres actions figurent des voyages en Palestine occupée, la communication avec les agents" d'Israël et la "collecte de renseignements sur les programmes de la République islamique, qui n'ont rien à voir avec le domaine professionnel de l'accusé", a-t-il ajouté.

Procès ajournée  

Le procès a été ensuite ajourné jusqu'à une prochaine audience dont la date n'a pas été annoncée.

Johan Floderus, 33 ans, avait été arrêté le 17 avril 2022 à l'aéroport de Téhéran, alors qu'il s'apprêtait à rentrer chez lui après un voyage en compagnie d'amis.

Ce Suédois, qui travaille pour le service diplomatique de l'Union européenne, est depuis détenu à la prison d'Evin à Téhéran, où sont incarcérés de nombreux opposants au régime iranien.

La Suède a dénoncé comme "arbitraire" la détention de M. Floderus tandis que l'UE a réclamé sa libération.

Le diplomate a été arrêté alors qu'un Iranien, Hamid Noury, a été condamné en Suède à la prison à perpétuité pour son rôle dans des exécutions de masse de milliers d'opposants par le régime iranien en 1988.


Netanyahou exprime son «mécontentement» à Poutine sur le vote russe à l'ONU

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu (Photo, AFP).
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu (Photo, AFP).
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  • La Russie entretient des rapports cordiaux avec le Hamas et ne considère pas le groupe comme une organisation «terroriste»
  • La Russie a voté vendredi une résolution du Conseil de sécurité appelant à un «cessez-le-feu humanitaire immédiat» à Gaza

JÉRUSALEM: Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a fait part dimanche au président russe Vladimir Poutine de son "mécontentement" après le vote de la Russie au Conseil de sécurité de l'ONU en faveur d'un cessez-le-feu entre le Hamas palestinien et Israël à Gaza.

"Le Premier ministre a exprimé son mécontentement au sujet des positions contre Israël adoptées par les délégués russes à l'ONU et dans d'autres forums", affirme un communiqué du bureau de M. Netanyahu, à l'issue d'un entretien téléphonique entre les deux dirigeants.

La Russie a voté vendredi une résolution du Conseil de sécurité appelant à un "cessez-le-feu humanitaire immédiat" à Gaza, mais les Etats-Unis y ont mis leur veto, ce dont Israël s'est félicité.

Depuis le début de la guerre meurtrière entre le Hamas et Israël le 7 octobre dans la bande Gaza, M. Poutine s'est montré critique à l'égard d'Israël, dénonçant la "catastrophe" humanitaire et appelant à la création d'un Etat palestinien.

La Russie entretient des rapports cordiaux avec le Hamas et ne considère pas le groupe comme une organisation "terroriste", contrairement à Israël, aux Etats-Unis et à l'Union européenne.

«Coopération dangereuse»

Netanyahu a également critiqué "la coopération dangereuse entre la Russie et l'Iran", soutien clé du Hamas et du Hezbollah libanais, après la visite jeudi à Moscou du président Ebrahim Raïssi.

"Nos relations se développent très bien", s'est félicité M. Poutine au début de leur entretien, alors que les tensions régionales font planer le spectre d'un élargissement du conflit.

L'Iran, soutien du Hamas, a mis en garde contre "la possibilité" d'une "explosion incontrôlable" au Moyen-Orient, tandis que les rebelles Houthis du Yémen, soutenus par Téhéran, ont menacé d'attaquer tout navire dans la mer Rouge se dirigeant vers Israël si la population de la bande de Gaza ne recevait pas l'aide dont elle a besoin.

Le chef du Conseil national de la sécurité israélien, Tzachi Hanegbi, a affirmé samedi que "si le monde ne s'occupe pas de ça, parce qu'il s'agit d'un problème d'ordre international, nous agirons pour mettre un terme à ce siège naval".

Sur le front nord, Israël est en état d'alerte face au mouvement libanais Hezbollah avec lequel des échanges de tirs sont quasi-quotidiens depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas.

Le Premier ministre israélien a néanmoins salué les "efforts russes pour la libération d'un otage russo-israélien" parmi les 240 personnes enlevées par le Hamas le 7 octobre, et demandé à son interlocuteur "de faire pression sur la Croix-Rouge pour faciliter des visites et des médicaments" aux quelque 137 otages restant détenus à Gaza, selon le communiqué.


Manille et Pékin s'accusent d'une collision de navires en mer de Chine méridionale disputée

le bateau de ravitaillement affrété M/L Kalayaan est remorqué après qu'un navire des garde-côtes chinois a lancé un canon à eau sur le navire (Photo, AFP).
le bateau de ravitaillement affrété M/L Kalayaan est remorqué après qu'un navire des garde-côtes chinois a lancé un canon à eau sur le navire (Photo, AFP).
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  • La Chine a pour sa part accusé un navire philippin d'être "délibérément entré en collision" avec un navire des garde-côtes chinois
  • Un navire chinois a également tiré au canon à eau sur deux bateaux de ravitaillement et un navire des garde-côtes philippins

MANILLE: Un bateau philippin et un navire des garde-côtes chinois sont entrés en collision dimanche dans les eaux des îles Spratleys, les deux pays se rejetant la responsabilité de l'incident, au lendemain d'une autre confrontation en mer de Chine méridionale disputée.

Les Philippines ont affirmé dimanche que "des navires de garde-côtes chinois et de la milice maritime chinoise ont harcelé, bloqué des navires de ravitaillement civils philippins et exécuté des manœuvres dangereuses".

L'un des deux bateaux transportant du ravitaillement a été "percuté" par un navire des garde-côtes chinois, a indiqué l'Unité opérationnelle nationale pour la mer des Philippines occidentales, dans un communiqué.

Un navire chinois a également tiré au canon à eau sur deux bateaux de ravitaillement et un navire des garde-côtes philippins qui escortaient la mission, ajoute le communiqué philippin.

Cela a causé de "graves dommages" au moteur de l'un des bateaux de ravitaillement et endommagé le mât du navire des garde-côtes, a-t-il précisé.

"Nous ne nous laissons pas impressionner", a réagi le président des Philippines, Ferdinand Marcos, sur Facebook.

"L'agression et les provocations perpétrées par les gardes-côtes chinois et leur milice maritime contre nos navires et notre personnel au cours du week-end n'ont fait que renforcer notre détermination à protéger notre souveraineté dans la mer des Philippines occidentales", a-t-il fait valoir.

La Chine a pour sa part accusé un navire philippin d'être "délibérément entré en collision" avec un navire des garde-côtes chinois.

Dimanche matin, quatre navires philippins ont "pénétré illégalement" dans les eaux des îles Spratleys revendiquées par la Chine, ont indiqué les garde-côtes chinois dans un communiqué, ajoutant qu'un navire philippin "n'avait pas tenu compte de nos multiples et sévères avertissements (...)".

Le navire philippin "a soudainement changé de direction de manière non professionnelle et dangereuse, entrant délibérément en collision avec notre navire de la Garde côtière 21556 qui se trouvait sur une route normale des forces de l'ordre et a provoqué une éraflure", ont expliqué les garde-côtes chinois dans le communiqué.

"La responsabilité incombe entièrement à la partie philippine", ont-ils affirmé.

Un convoi civil annulé 

L'incident survenu près du Second Thomas, un atoll des îles Spratleys, s'est déroulé au lendemain d'une autre confrontation entre des garde-côtes chinois qui ont "entravé" au moyen de canons à eau trois bateaux du gouvernement philippin qui ravitaillaient des pêcheurs philippins près du Scarborough Shoal, un récif contrôlé par Pékin au large de l'île philippine de Luçon.

Quelques heures avant l'incident de dimanche, un convoi civil de 100 pêcheurs philippins a entrepris un voyage qui devait le faire passer par Second Thomas dans le cadre d'une mission visant à ravitailler pour Noël des avant-postes éloignés.

Les organisateurs, après avoir déclaré qu'ils "poursuivaient le parcours convenu" malgré cette dernière confrontation, ont finalement décidé de retourner à terre.

Les bateaux sont rentrés à El Nido, localité de l'île de Palawan en raison de la "surveillance constante de quatre navires chinois, dont deux navires de la marine, un des garde-côtes et un navire de marchandises", a indiqué le groupe Atin Ito, arganisateur de l'expédition, assurant avoir agi "par mesure de précaution" et "en consultation avec les garde-côtes philippins".

L'atoll Second Thomas se situe à environ 200 km de l'île philippine de Palawan et à plus de 1.000 km de la grande île et province chinoise la plus proche, Hainan.

Une poignée de soldats philippins sont stationnés sur un bateau militaire, le BRP Sierra Madre, échoué en 1999 sur l'atoll, servant d'avant-poste et permettant d'affirmer les prétentions de souveraineté des Philippines face à la Chine.

Condamnation américaine 

Les troupes dépendent des missions de ravitaillement pour leur survie.

Selon les garde-côtes chinois, les navires philippins "tentaient de livrer des matériaux de construction" au "navire de guerre illégalement échoué".

Manille et Pékin entretiennent une longue histoire de différends maritimes en mer de Chine méridionale par laquelle transitent chaque année des milliards de dollars de marchandises.

Des diplomates étrangers à Manille ont réagi à l'incident.

Les Etats-Unis se tiennent aux côtés des "Philippines et de leurs partenaires pour condamner avec véhémence les actions illégales et dangereuses répétées de la RPC (République populaire de Chine, ndlr) contre les navires philippins", a déclaré l'ambassadrice américaine MaryKay Carlson.

Pour l'ambassadeur de l'Union européenne, Luc Véron, l'incident est "profondément troublant". Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, y compris des eaux et des îles proches des côtes de ses voisins, et a ignoré la décision d'un tribunal international en 2016 rejetant cette affirmation sans fondement juridique.

Les Philippines, Brunei, la Malaisie, Taïwan et le Vietnam revendiquent également plusieurs récifs et îlots dans cette mer, dont certaines zones pourraient receler de riches réserves de pétrole.