L'annulation de la visite de Lavrov, une issue commode pour la Serbie

La Russie et la Serbie entretiennent de longue date des liens fraternels fondés sur leur héritage slave et orthodoxe. (Photo, AFP)
La Russie et la Serbie entretiennent de longue date des liens fraternels fondés sur leur héritage slave et orthodoxe. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 07 juin 2022

L'annulation de la visite de Lavrov, une issue commode pour la Serbie

La Russie et la Serbie entretiennent de longue date des liens fraternels fondés sur leur héritage slave et orthodoxe. (Photo, AFP)
  • Le pays candidat à l'Union européenne a condamné la guerre à l'ONU mais refuse de s'aligner sur les sanctions contre Moscou
  • Le président serbe Aleksandar Vucic s'est félicité de la prolongation récente pour trois ans d'un accord sur la livraison de gaz russe à prix d'ami

BELGRADE: La Serbie a-t-elle poussé un soupir de soulagement après l'annulation forcée de la visite du patron de la diplomatie russe? C'est ce que pensent de nombreux analystes qui y ont vu un moyen « élégant » pour Belgrade de se sortir d'une situation délicate. 

Le petit pays des Balkans chemine sur une ligne de crête entre Est et Ouest particulièrement étroite depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie fin février. Le pays candidat à l'Union européenne a condamné la guerre à l'ONU mais refuse de s'aligner sur les sanctions contre Moscou. 

Le président serbe Aleksandar Vucic s'est félicité de la prolongation récente pour trois ans d'un accord sur la livraison de gaz russe à prix d'ami. Dans la foulée, le Kremlin annonçait la venue à Belgrade de Sergueï Lavrov lundi et mardi. 

Mais le voyage a tourné court quand des voisins de la Serbie, Macédoine du Nord, Monténégro et Bulgarie, tous membres de l'Otan, ont interdit leur espace aérien à l'avion du ministre. 

Le chef de l'Etat serbe a aussitôt dénoncé une « tentative pour bannir la discussion », expliquant avoir été harcelé par des demandes « innombrables » pour annuler la venue de ce fidèle du président russe Vladimir Poutine. 

« Je n'ai jamais vu une telle hystérie et de telles attaques coordonnées contre un petit pays comme la Serbie depuis très très longtemps », a-t-il lancé. « Nous n'acceptons pas de faire partie de la meute, et ça fait mal à la tête à certains ». 

Mais pour des analystes, c'est du gagnant-gagnant pour un pays coutumier de jouer sur tous les tableaux. Belgrade pouvait se présenter au Kremlin comme non responsable d'un événement qui a rendu la Russie furieuse tout en évitant l'ire de l'UE. 

« Passer par un gazoduc »  

« C'est une manière élégante pour les autorités serbes de se sortir d'une situation embarrassante », explique Nenad Sebek, analyste en politique étrangère.  « La seule façon pour Lavrov de venir aurait été de passer par un gazoduc », a-t-il ironisé. 

Selon les spécialistes, Bruxelles risquait de s'offusquer de la visite du chef de la diplomatie russe. 

La presse serbe avait spéculé sur une possible annulation de la venue prévue vendredi à Belgrade du chancelier allemand Olaf Scholz, ce qui aurait constitué une « tragédie » selon Aleksandar Vucic. 

Des diplomates expérimentés jugent que la visite de Sergueï Lavrov était de toute façon une « provocation » de Moscou. 

Le diplomate russe avait déjà dû annuler un voyage en Suisse fin février après la fermeture de l'espace aérien de l'UE aux appareils russes. Il est hautement improbable que Moscou croyait pouvoir traverser cette fois-ci le ciel européen, juge Srecko Djukic, ancien ambassadeur de Serbie au Belarus. 

« Le message politique essentiel de cette visite aurait été de violer les sanctions de l'UE et les présenter comme sans conséquence », explique-t-il. 

La Serbie a elle participé à l'affaire en « acceptant ou en initiant la visite de Lavrov », poursuit le diplomate, qui juge qu'un tel double jeu par temps d'orage constitue « l'opposé d'une politique étrangère ». 

La Russie et la Serbie entretiennent de longue date des liens fraternels fondés sur leur héritage slave et orthodoxe. 

Manifestations pro-russes 

Belgrade sait gré à Moscou de refuser de reconnaître l'indépendance déclarée en 2008 par le Kosovo, son ancienne province. 

Les médias pro-gouvernementaux serbes présentent Vladimir Poutine comme le chef d'Etat idéal. 

De nombreux Serbes partagent la haine de Moscou pour l'Otan car ils se souviennent bien des bombardements de l'Alliance sur Belgrade en 1999 pour mettre fin à la guerre du Kosovo. Une base qu'Aleksandar Vucic ne peut fâcher. 

Selon un sondage récent, 40% des Serbes seraient « heureux » que Belgrade renonce à l'Europe pour former une alliance avec la Russie. 

Selon la même enquête, près des trois quarts des Serbes pensent que la Russie a été forcée d'intervenir en Ukraine par l'expansion de l'Otan. 

Des millions de personnes dans le monde ont manifesté leur solidarité envers l'Ukraine mais en Serbie, des foules immenses ont soutenu le Kremlin, arborant des T-shirts siglés « Z » devenu le symbole de l'invasion russe. 

Mais la Serbie reste très dépendante de l'UE, de loin son plus gros partenaire commercial. 

Selon les autorités serbes, les échanges entre le bloc et le pays de sept millions d'habitants ont dépassé les 30 milliards d'euros en 2021, soit près de 14 fois les échanges avec la Russie. 

En pleine controverse sur la visite russe, Aleksandar Vucic n'a pas fait mystère de l'ambivalence de Belgrade. 

« La Serbie doit se dépêcher sur sa voie européenne, même si cela paraît contradictoire, car c'est mieux pour la Serbie », a-t-il dit. « Est-ce que c'est une jolie image à avoir dans la tête? Pas forcément mais c'est mieux pour nos enfants ». 


Affaires de corruption en Espagne: Pedro Sánchez devant une commission d'enquête

Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez comparaît jeudi devant une commission d'enquête sénatoriale afin de s'expliquer sur un scandale de corruption dont les principaux protagonistes ont longtemps été ses hommes de confiance. (AFP)
Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez comparaît jeudi devant une commission d'enquête sénatoriale afin de s'expliquer sur un scandale de corruption dont les principaux protagonistes ont longtemps été ses hommes de confiance. (AFP)
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  • L'objectif du PP est de montrer que le Premier ministre était au courant des malversations révélées par l'enquête sur l'affaire Koldo et qu'il y était même impliqué
  • Face à ce séisme, Pedro Sánchez a demandé pardon à plusieurs reprises aux Espagnols, assurant qu'il ignorait tout de l'affaire et que le Parti socialiste, dont il est secrétaire général depuis 2017, n'avait jamais bénéficié de financements illégaux

MADRID: Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez comparaît jeudi devant une commission d'enquête sénatoriale afin de s'expliquer sur un scandale de corruption dont les principaux protagonistes ont longtemps été ses hommes de confiance.

Connue sous le nom d'"affaire Koldo", du nom de Koldo García Izaguirre, l'assistant d'un ancien ministre des Transports et ex-bras droit de M. Sánchez, José Luis Ábalos, cette affaire est l'un des scandales qui éclaboussent depuis plus d'un an l'entourage du Premier ministre.

Sa comparution devant cette commission sénatoriale se produira dans un climat de polarisation politique extrême, le Parti populaire (PP, opposition de droite), majoritaire à la chambre haute, ayant fait de la corruption l'axe principal de son offensive contre le gouvernement de gauche dirigé par M. Sánchez.

"Pensez-vous dire la vérité demain (jeudi) devant la commission?", lui a ainsi demandé le leader du PP, Alberto Núñez Feijóo, mercredi matin au Congrès des députés.

"Vous mentirez de nouveau" 

M. Feijóo a ajouté que sa question était "rhétorique", dans la mesure où il est, selon lui, exclu que Pedro Sánchez puisse dire la vérité sur cette affaire, de peur de s'incriminer.

"Vous mentirez de nouveau, parce que vous savez que la vérité entraînerait votre chute" a lancé le chef du premier parti d'opposition, accusant M. Sánchez d'avoir menti "à tous" et sur tous les sujets.

L'objectif du PP est de montrer que le Premier ministre était au courant des malversations révélées par l'enquête sur l'affaire Koldo et qu'il y était même impliqué.

Ce scandale a éclaté au grand jour en février 2024 avec l'arrestation de Koldo García Izaguirre, soupçonné d'être au cœur d'une énorme escroquerie ayant permis à une petite société d'obtenir entre mars et juin 2020 - au plus fort de la pandémie de Covid-19 - des contrats d'un montant de 53 millions d'euros pour fournir des masques à diverses administrations. Ces contrats avaient dégagé des commissions illégales de plusieurs millions d'euros.

La justice est vite remontée jusqu'à José Luis Ábalos, le juge chargé de l'enquête considérant qu'il avait joué un rôle d'"intermédiaire" dans la combine.

Outre son poste de ministre, M. Ábalos était surtout secrétaire à l'Organisation du Parti socialiste, poste clé qui en faisait l'homme de confiance de M. Sánchez.

Il a été expulsé du Parti socialiste, mais l'affaire n'a fait ensuite que s'aggraver pour le Premier ministre.

Car le successeur de M. Ábalos comme secrétaire à l'Organisation du Parti socialiste, Santos Cerdán, a à son tour été mis en cause en juin dernier, après la publication d'un rapport de police selon lequel il était au cœur du réseau de corruption et avait touché des pots-de-vin en échange de contrats publics.

Il a été placé en détention provisoire en juillet.

Englué 

Face à ce séisme, Pedro Sánchez a demandé pardon à plusieurs reprises aux Espagnols, assurant qu'il ignorait tout de l'affaire et que le Parti socialiste, dont il est secrétaire général depuis 2017, n'avait jamais bénéficié de financements illégaux.

Il a redit en septembre qu'il ne disposait d'"aucune information" sur les délits reprochés à José Luis Ábalos, Santos Cerdán et Koldo García Izaguirre, et a rejeté toute "corruption systémique" au sein de son parti.

Il reprendra cette ligne de défense jeudi devant la commission sénatoriale, mais il est certain qu'il ne convaincra pas la droite, qui se dit assurée qu'il était au courant et l'accuse d'avoir tenté d'étouffer le scandale.

Outre cette tentaculaire affaire Koldo, M. Sánchez est englué dans d'autres affaires judiciaires qui le touchent de près: son épouse, Begoña Gómez, devrait être jugée pour une affaire de corruption et trafic d'influence, son frère David le sera également pour trafic d'influence et le procureur général de l’État, Álvaro García Ortiz, qu'il a nommé, sera jugé à partir de lundi pour violation du secret judiciaire.

L'audition de Pedro Sánchez, qui doit débuter à 09H00 (08H00 GMT), devrait durer plusieurs heures.


Elon Musk lance Grokipedia pour concurrencer Wikipédia qu'il juge orienté à gauche

Le PDG de Tesla, Elon Musk, assiste à la cérémonie de commémoration de l'activiste d'extrême droite Charlie Kirk au State Farm Stadium à Glendale, Arizona. (AFP)
Le PDG de Tesla, Elon Musk, assiste à la cérémonie de commémoration de l'activiste d'extrême droite Charlie Kirk au State Farm Stadium à Glendale, Arizona. (AFP)
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  • Elon Musk et xAI ont lancé Grokipedia, une encyclopédie en ligne concurrente de Wikipédia, générée par intelligence artificielle et présentée comme “plus objective” selon Musk, avec déjà 885.000 définitions
  • Grokipedia est critiquée pour un biais idéologique apparent dans certains articles, notamment ceux sur Musk, Black Lives Matter ou Tucker Carlson, tandis que Wikipédia revendique un point de vue neutre

NEW YORK: Elon Musk et son entreprise xAI ont mis en ligne lundi Grokipedia, présenté comme le concurrent de l'encyclopédie en ligne Wikipédia, accusée de biais idéologique par une partie des républicains aux États-Unis.

La version a été numérotée 0.1 et comptait déjà lundi soir plus de 885.000 définitions, contre plus de 7 millions en anglais pour Wikipédia.

Dans un message posté sur X, Elon Musk a promis l'arrivée prochaine d'une version 1.0, "dix fois meilleure" que la 0.1, qui est déjà "meilleure que Wikipédia à (son) avis".

Il y a une semaine, l'entrepreneur avait décidé de reporter de quelques jours le lancement de Grokipedia, annoncé fin septembre, un délai justifié par la nécessité d'effectuer "un travail supplémentaire pour purger la propagande".

A l'image de responsables républicains, Elon Musk critique régulièrement Wikipédia depuis plusieurs années. En 2024, il avait taxé le site d'être "contrôlé par des activistes d'extrême gauche" et appelé à ne plus faire de don à la plateforme.

"Le but de Grok et de (Grokipedia) est la vérité, toute la vérité, rien que la vérité", a affirmé l'homme le plus riche du monde, qui a précisé que le programme informatique de l'encyclopédie était en accès libre (open source). "Tout le monde peut donc l'utiliser pour n'importe quoi gratuitement."

- "Biais systémiques" -

Le contenu de certains articles de Grokipedia témoigne d'une orientation des résultats, à l'image de la page consacrée à Elon Musk.

Dans les premiers paragraphes de résumé, la plateforme indique que le patron de Tesla et SpaceX a "influencé le débat" sur plusieurs sujets, ce qui lui a valu "des critiques des médias traditionnels qui font preuve de penchants à gauche dans leur couverture".

Concernant le mouvement des droits civiques "Black Lives Matter", Grokipedia écrit qu'il a "mobilisé des millions de personnes".

"Cependant, ces manifestations ont entraîné des émeutes, (...) les plus coûteuses de l'histoire des assurance pour les dommages aux biens", poursuit l'encyclopédie, sans mentionner, comme le fait Wikipédia, que "la grande majorité des manifestations de 2020 se sont déroulées dans le calme".

Autre exemple, la page consacrée à l'éditorialiste conservateur Tucker Carlson, qui souligne son "rôle (...) dans la dénonciation des biais systémiques du journalisme traditionnel". Elle renvoie à un article du site du magazine Newsweek qui ne mentionne ces biais que dans des citations de Tucker Carlson lui-même.

Créé en 2001, Wikipédia est une encyclopédie collaborative gérée par des bénévoles, largement financée par des dons, et dont les pages peuvent être écrites ou modifiées par les internautes.

Elle revendique un "point de vue neutre" dans ses contenus.

Le contenu de Grokipedia est lui généré par intelligence artificielle (IA) et l'assistant d'IA générative Grok mais cite également plusieurs sources sur chaque page.

En avril, le procureur fédéral de Washington, Ed Martin, remplacé depuis, avait adressé une demande de documents à la fondation Wikimédia, qui a autorité sur Wikipédia.

Il disait vouloir déterminer si Wikimédia était bien habilitée à bénéficier de l'exonération d'impôts octroyée aux fondations.

Le procureur désigné par Donald Trump avait dénoncé "la manipulation de l'information" dont Wikipédia se rendait coupable, selon lui, la plateforme cherchant à "masquer la propagande".

Fin août, deux élus républicains de la Chambre des représentants, James Comer et Nancy Mace, ont ouvert une enquête sur des "manoeuvres organisées (...) pour influencer l'opinion américaine (...) en manipulant des articles Wikipédia".

La naissance de Grokipedia a été saluée par plusieurs personnalités de droite, notamment l'idéologue ultranationaliste russe Alexandre Douguine, qualifiant l'article le concernant de "neutre", "objectif" et "juste" alors que celui de Wikipédia est, selon lui, "diffamatoire".


La Russie dit avoir intercepté 193 drones ukrainiens dans la nuit

Le ministère russe de la Défense a déclaré lundi avoir abattu 193 drones ukrainiens au cours de la nuit, les autorités locales faisant état d'une personne tuée dans l'attaque. (AP)
Le ministère russe de la Défense a déclaré lundi avoir abattu 193 drones ukrainiens au cours de la nuit, les autorités locales faisant état d'une personne tuée dans l'attaque. (AP)
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  • La Russie affirme avoir intercepté 193 drones ukrainiens dans la nuit de dimanche à lundi, dont 40 près de Moscou et 47 dans la région de Briansk, où une personne a été tuée et cinq blessées
  • Alors que Kiev intensifie ses frappes sur les infrastructures russes, Donald Trump écarte pour l’instant toute nouvelle rencontre avec Vladimir Poutine, faute de perspective d’accord sur la fin du conflit

KIEV: Le ministère russe de la Défense a annoncé lundi matin avoir intercepté 193 drones ukrainiens dans la nuit de dimanche à lundi, une attaque qui a fait un mort selon des autorités locales.

Un chauffeur de minibus a été tué et cinq passagers ont été blessés dans le village de Pogar, a affirmé lundi matin sur Telegram Aleksandre Bogomaz, gouverneur de la région de Briansk, frontalière de l'Ukraine.

Parmi les drones décomptés, 47 ont survolé la région de Briansk et 40 la région de Moscou, dont la majorité se dirigeait vers la capitale russe, selon le ministère de la Défense.

Depuis le début de son offensive il y a trois ans et demi, la Russie lance quasi-quotidiennement drones et missiles sur l'Ukraine, qui répond régulièrement en frappant le territoire russe.

Kiev intensifie ses frappes et vise notamment les infrastructures énergétiques russes.

Sur le front diplomatique, le président américain Donald Trump a affirmé samedi qu'il ne "perdrait pas son temps" à programmer une nouvelle rencontre avec son homologue russe Vladimir Poutine sans accord en vue pour mettre fin au conflit en Ukraine.

De son côté, la Russie a dénoncé dimanche des "tentatives" de saper son dialogue "constructif" avec les Etats-Unis.

Fin septembre, Moscou exerçait un contrôle total ou partiel sur 19% du territoire ukrainien, selon l'analyse par l'AFP des données fournies par l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW), qui travaille avec le Critical Threats Project (CTP).

Quelque 7% - la Crimée et des zones de la région industrielle du Donbass - étaient déjà contrôlés avant le début de l'assaut russe en février 2022.