Ukraine: Combattants étrangers condamnés, poursuite de la bataille pour Severodonetsk

Des militaires ukrainiens se reposent sur leur position non loin de la ville ukrainienne de Chuguiv, dans la région de Kharkiv, le 9 juin 2022 (Photo, AFP).
Des militaires ukrainiens se reposent sur leur position non loin de la ville ukrainienne de Chuguiv, dans la région de Kharkiv, le 9 juin 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 10 juin 2022

Ukraine: Combattants étrangers condamnés, poursuite de la bataille pour Severodonetsk

  • Dans l'est de l'Ukraine, les autorités séparatistes prorusses ont annoncé jeudi la condamnation à mort de deux Britanniques et d'un Marocain
  • Le conflit a conduit quelque 6,5 millions d'Ukrainiens à fuir leur pays

LYSSYTCHANSK: Dans l'est de l'Ukraine, les autorités séparatistes prorusses ont annoncé jeudi la condamnation à mort de deux Britanniques et d'un Marocain ayant combattu aux cotés des Ukrainiens, sur fond de bataille sanglante pour le contrôle de la ville-clé de Severodonetsk.

"La Cour suprême de la République populaire de Donetsk a condamné à mort les Britanniques Aiden Aslin et Shaun Pinner et le Marocain Brahim Saadoun, accusés d'avoir participé aux combats comme mercenaires", a annoncé l'agence de presse officielle russe TASS.

Les trois hommes, faits prisonniers dans la région de Marioupol, selon les Russes, vont faire appel, selon TASS. Londres s'est déclarée "gravement préoccupés".

Quatre militaires volontaires étrangers dont un Français ont été tués en combattant l'invasion russe en Ukraine, selon la Légion internationale pour la défense de l'Ukraine (LIDU), organisme officiel des combattants volontaires étrangers.

La Russie, qui dénonce fréquemment la présence de ces mercenaires, a affirmé cette semaine avoir tué "des centaines" de combattants étrangers depuis le début de son invasion le 24 février, et endigué le flux de nouveaux arrivants.

Le nombre exact de ces étrangers n'est pas connu. Début mars, peu après le début de l'invasion russe le 24 février, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait affirmé que 16.000 étrangers s'étaient portés volontaires, un chiffre invérifiable de source indépendante.

Zelensky parle armes lourdes et entrée de l'UE avec Macron

Dans un Tweet, M. Zelensky a assuré avoir informé M. Macron de "la situation sur le front" face aux forces russes. "Nous avons discuté d'autres aides militaires pour l'Ukraine", a-t-il ajouté dit avant de conclure: "une attention particulière a été consacrée aux moyens de l'adhésion de l'Ukraine à l'UE".

Paris a confirmé dans un communiqué l'appel téléphonique entre les deux présidents. M. Macron "a interrogé le président Zelensky sur les derniers développements sur le terrain, ainsi que sur ses besoins en termes d'équipements militaires, d'appui politique, de soutien financier et d'aide humanitaire".

Le président français a assuré à son homologue ukrainien que "la France resterait mobilisée pour répondre aux besoins de l'Ukraine, y compris en armes lourdes".

Bombardements puissants

Cette annonce survient alors les Russes et séparatistes prorusses peinent à prendre le contrôle total de Severodonetsk, pilonnée depuis plusieurs semaines.

"Severodonetsk, Lyssytchansk, et d'autres villes du Donbass, que les occupants considèrent maintenant comme leurs cibles, tiennent bon", a déclaré M. Zelensky dans une allocution jeudi soir.

Prendre Severodonetsk ouvrirait à Moscou la route d'une autre grande ville du Donbass, Kramatorsk, étape importante pour conquérir l'intégralité de cette région frontalière de la Russie, en partie tenue par des séparatistes prorusses depuis 2014.

L'Ukraine pourrait toutefois reprendre Severodonetsk "en deux, trois jours", dès qu'elle disposera d'artillerie occidentale "de longue portée", a assuré jeudi Serguiï Gaïdaï, gouverneur de Lougansk, l'une des deux régions du Donbass.

Les Ukrainiens ne cessent de réclamer à leurs alliés occidentaux de nouvelles armes plus puissantes.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dit avoir évoqué jeudi avec le président français Emmanuel Macron l'aide militaire de la France à l'Ukraine, y compris en "armes lourdes" a précisé le président français, ainsi que la candidature de Kiev à l'entrée dans l'Union européenne.

La livraison de systèmes de lance-roquettes multiples, d'une portée d'environ 80 km, soit légèrement supérieure aux systèmes russes, a été annoncée par Washington et par Londres, mais on ignore quand les Ukrainiens pourront commencer à les utiliser.

En attendant ces armes, Kiev déplore chaque jour "jusqu'à 100 soldats" tués et "500 blessés" dans les combats avec l'armée russe, a déclaré jeudi le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiï Reznikov.

La semaine dernière, Severodonetsk semblait sur le point de tomber aux mains de l'armée russe, mais les troupes ukrainiennes ont contre-attaqué, malgré leur infériorité numérique.

Les forces russes ont regagné du terrain depuis, et contrôlaient mercredi soir "une majeure partie" de la ville, selon le gouverneur ukrainien.

Lyssytchansk, voisine de Severodonetsk, reste entièrement sous contrôle ukrainien mais subit des bombardements "puissants", selon M. Gaïdaï, qui accuse les Russes de viser "délibérément" les hôpitaux et centres de distribution d'aide humanitaire.

Les Russes bombardent aussi la région de Donetsk, l'autre partie du Donbass, "sur tout le long de la ligne de front", avec notamment des attaques sur Sloviansk et Bakhmout, selon Kiev. "Les Russes ont tués trois civils dans la région de Donetsk, deux à Avdiïvka et un à Novooukraïnka", a indiqué sur Telegram le gouverneur régional Pavlo Kyrylenko.

Selon un rapport de l'armée ukrainienne publié sur Facebook "les envahisseurs russes ont bombardé plus de 20 localités dans les régions de Donetsk et de Lougansk". Par ailleurs, selon la même source, les forces ukrainiennes ont "repoussé aujourd'hui (jeudi) sept attaques de l'ennemi. Sur deux sites, les combats se poursuivent toujours".

Dans ce contexte, le ministère de la Défense russe accuse l'armée ukrainienne de retenir des centaines de civils dans les sous-sols de l'usine Azot de Severodonetsk.

A Kiev, la capitale ukrainienne initialement visée par l'armée russe, "il n'y a aucun risque d'attaque", a estimé jeudi le ministre de l'Intérieur ukrainien, Denis Monastirskiï, dans un entretien avec l'AFP.

De son côté, le président russe Vladimir Poutine a comparé jeudi sa politique à celle du tsar Pierre le Grand lorsque ce dernier avait combattu la Suède, envahissant une partie de son territoire. "On a l'impression qu'en combattant la Suède, il s'emparait de quelque chose. Il ne s'emparait de rien, il reprenait", a-t-il dit.

Ukraine: le président de l'UA appelle au déminage rapide du port d'Odessa

Le chef de l'Etat sénégalais Macky Sall, président en exercice de l'Union africaine, a appelé jeudi au déminage du port ukrainien d'Odessa pour permettre les exportations de céréales et a dit avoir reçu l'assurance du président Vladimir Poutine que la Russie n'attaquerait pas.

Sans la reprise des exportations, l'Afrique, très dépendante des importations de céréales ukrainiennes et russes mais aussi de fertilisants essentiels pour son agriculture peu productive, "sera dans une situation de famine très sérieuse qui pourrait déstabiliser le continent", a-t-il dit dans une entretien avec les médias français France 24 et RFI.

"Si les engrais n'arrivent pas alors que c'est l'hivernage (la saison des pluies) dans la plupart des pays africains, ça veut dire qu'il n'y aura pas de récolte", a-t-il dit.

Vague de misère

Plus de 100 jours après le début l'offensive russe, la guerre en Ukraine a contribué à aggraver les crises alimentaires.

Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la flambée des prix des céréales et des engrais devrait avoir pour conséquence en 2022 une hausse dramatique de la facture pour les pays importateurs, qui paieront "plus pour avoir moins".

Le blocage des ports ukrainiens par la flotte russe de la mer Noire, à commencer par le principal port, Odessa, paralyse ses exportations de céréales.

Des pays africains et moyen-orientaux sont les premiers touchés et craignent de graves crises alimentaires.

M. Zelensky a demandé jeudi l'exclusion de la Russie de la FAO.

"Quelle y serait la place de la Russie si elle provoque la famine pour au moins 400 millions de personnes, voire plus d'un milliard?", a-t-il lancé dans un discours en visioconférence lors d'une réunion ministérielle de l'OCDE.

Interrogée, la FAO n'a pas immédiatement réagi à cet appel.

Sous l'effet de la guerre, les crises alimentaires se sont aggravées, avec pour conséquence attendue en 2022 une hausse de la facture pour les pays importateurs, due à la flambée des prix des céréales et des engrais, a-t-elle cependant averti dans un rapport publié jeudi.

Moscou accuse les sanctions occidentales d'avoir déclenché cette crise qui fait flamber les prix alimentaires. Une rencontre mercredi à Ankara entre le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et son homologue turc Mevlut Cavusoglu pour discuter de "corridors maritimes sécurisés" qui permettraient de reprendre les transports de céréales en mer Noire n'a rien donné.

Inflation galopante

La hausse des prix touche aussi de plein fouet la Russie, où l'inflation avait connu en avril une hausse vertigineuse jusqu'à battre un record de 20 ans. Malgré un recul en mai, elle atteint 17,1% sur un an, selon des données officielles.

L'Institut de la Finance internationale (IFF) prévoit une contraction de l'économie russe de 15% cette année et de 3% supplémentaires en 2023. Pour l'Ukraine, le Produit intérieur brut a déjà chuté de 15,1% au premier trimestre 2022 par rapport à la même période l'année dernière, selon des données publiées jeudi par le service ukrainien des statistiques.

La guerre a fait des milliers de morts: au moins 4.200 civils, selon l'ONU, qui estime les chiffres réels "considérablement plus élevés", et des milliers de militaires, même si les belligérants communiquent très rarement sur leurs pertes.

Le conflit a conduit quelque 6,5 millions d'Ukrainiens à fuir leur pays.

Près de 5 millions ont été enregistrés comme réfugiés à travers l'Europe depuis le 24 février, a indiqué jeudi le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) de l'ONU.


La Corée du Nord affirme que tout nouveau comité de surveillance des sanctions est voué à l'échec

L'ambassadeur de la Corée du Nord auprès des Nations Unies, Kim Song, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale des Nations Unies après que la Chine et la Russie ont opposé leur veto à de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord au Conseil de sécurité de l'ONU, au siège de l'ONU à New York, New York, États-Unis, le 8 juin. , 2022 (Photo, Reuters).
L'ambassadeur de la Corée du Nord auprès des Nations Unies, Kim Song, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale des Nations Unies après que la Chine et la Russie ont opposé leur veto à de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord au Conseil de sécurité de l'ONU, au siège de l'ONU à New York, New York, États-Unis, le 8 juin. , 2022 (Photo, Reuters).
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  • La Corée du Nord est soumise depuis 2006 à des sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU liées à son programme nucléaire
  • Séoul et Washington affirment que Pyongyang envoie des armes à la Russie, possiblement en échange d'une aide technique

SEOUL: Les efforts visant à mettre en place un nouveau comité d'experts pour surveiller l'application des sanctions internationales visant la Corée du Nord sont voués à l'échec, a déclaré son ambassadeur à l'ONU dans des propos rapportés par un média d'Etat dimanche.

"Les forces hostiles pourraient installer (un) deuxième et (un) troisième comités d'experts à l'avenir mais ils sont tous destinés à connaître l'autodestruction", a lancé l'ambassadeur Kim Song dans un communiqué en langue anglaise diffusé par l'agence de presse officielle KCNA.

En mars, la Russie a mis son veto au Conseil de sécurité de l'ONU à un projet de résolution prolongeant d'un an le mandat du comité d'experts chargé de surveiller l'application des sanctions des Nations Unies visant Pyongyang.

Cette dissolution est un "jugement historique à l'encontre d'une organisation illégale et fomenteuse de complots (...) en vue d'éliminer le droit à l'existence d'un Etat souverain", selon Kim Song.

La Corée du Nord est soumise depuis 2006 à des sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU liées à son programme nucléaire, renforcées plusieurs fois en 2016 et 2017. Depuis 2019, la Russie et la Chine, mettant notamment en avant la situation humanitaire en Corée du Nord, réclament l'allègement de ces sanctions, qui n'ont pas de date de fin.

Armes 

N'ayant pas obtenu gain de cause, Moscou a pris pour cible le comité d'experts chargé de surveiller l'application de ces mesures, comité dont les rapports font référence.

Séoul et Washington affirment que Pyongyang envoie des armes à la Russie, possiblement en échange d'une aide technique pour son programme de satellites espions.

Lors d'une visite en Corée du Sud en avril, l'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, Linda Thomas-Greenfield, a souligné l'importance de garantir l'application des sanctions en Corée du Nord.

D'après l'ambassadrice, Washington travaille avec Séoul, Tokyo et d'autres capitales à trouver "des moyens créatifs" pour reprendre la surveillance des sanctions.

En 2023, la Corée du Nord a conduit un nombre record d'essais de missiles en dépit des sanctions. L'année précédente, Pyongyang a déclaré son statut de puissance nucléaire "irréversible".


Attaque au couteau en Australie, un adolescent de 16 ans «radicalisé» abattu par la police

La police pense que l'adolescent a envoyé des messages à des membres de la communauté musulmane qui ont immédiatement prévenu la police (Photo, AFP).
La police pense que l'adolescent a envoyé des messages à des membres de la communauté musulmane qui ont immédiatement prévenu la police (Photo, AFP).
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  • L'homme «d'âge mûr» blessé par un unique coup de couteau lors de l'attaque se trouve dans un état «grave» mais stable
  • Deux jours après cette attaque dans un centre commercial, un évêque d'une église assyrienne avait également été poignardé

SYDNEY: Un adolescent de 16 ans "radicalisé" et atteint de troubles mentaux a été abattu samedi soir par la police dans la banlieue de Perth, dans l'ouest de l'Australie, après avoir blessé une personne lors d'une attaque au couteau, ont rapporté les autorités dimanche.

L'adolescent, armé d'un couteau, "s'est précipité" sur les forces de l'ordre et a été mortellement touché par le tir d'un agent, a indiqué le Premier ministre de l'Etat d'Australie-Occidentale Roger Cook lors d'une conférence de presse.

"Il y a des indications selon lesquelles il s'était radicalisé en ligne. Mais je tiens à rassurer la population, à ce stade il semble qu'il ait agi seul", a déclaré M. Cook.

La police a reçu un appel samedi soir de la part d'un homme avertissant qu'il allait commettre "des actes de violence" mais sans donner son nom ni sa localisation, a fait part aux journalistes le responsable de la police de l'Etat, Col Blanch.

Quelques minutes plus tard, a-t-il ajouté, la police a reçu un appel d'urgence pour les avertir qu'un "homme avec un couteau courait" au niveau d'un parking de Willetton, dans la banlieue sud de Perth.

L'individu était armé d'un couteau de cuisine de 30 centimètres de long et d'après des images d'une caméra-piéton de la police, l'adolescent a refusé de le poser à terre comme le demandaient les forces de l'ordre, a indiqué M. Blanch.

Les agents ont tiré au moyen de deux pistolets à impulsion électrique mais "aucun des deux n'a eu totalement l'effet escompté", a-t-il relaté.

"L'homme a continué à avancer vers (un agent) muni d'une arme à feu qui a tiré un seul coup et mortellement blessé" l'individu, a raconté le responsable de la police. L'adolescent est décédé à l'hôpital plus tard dans la nuit.

«Radicalisation en ligne»

L'homme "d'âge mûr" blessé par un unique coup de couteau lors de l'attaque se trouve dans un état "grave" mais stable, a dit le responsable policier.

La police pense que l'adolescent a envoyé des messages à des membres de la communauté musulmane qui ont immédiatement prévenu la police, a-t-il expliqué sans divulguer d'informations sur leur contenu.

L'adolescent avait "des problèmes de santé mentale mais aussi des problèmes de radicalisation en ligne", d'après la même source.

Ces dernières années, l'assaillant était suivi dans le cadre d'un programme de lutte contre la violence et l'extrémisme.

"Il ne s'agit pas d'une approche fondée sur la dimension criminelle, c'est un programme visant à aider des individus qui expriment des idéologies préoccupantes pour notre communauté", a expliqué M. Blanch.

Le Premier ministre australien Anthony Albanese a expliqué avoir été tenu au courant des faits par la police et les services de renseignement selon qui il n'y a pas de "menace en cours".

"Nous sommes une nation attachée à la paix et il n'y a pas de place pour l'extrémisme violent en Australie", a écrit M. Albanese sur les réseaux sociaux.

Les crimes violents sont rares en Australie, mais cet incident survient moins d'un mois après une autre attaque au couteau qui a fait six morts dans un centre commercial de Sydney (sud-est).

L'auteur de cette attaque, Joel Cauchi, un homme de 40 ans souffrant de troubles mentaux, avait été abattu par la police. Ses parents ont indiqué que leur fils a été diagnostiqué schizophrène à l'âge de 17 ans, puis qu'il a quitté leur domicile du Queensland (nord-est) et abandonné son traitement.

Deux jours après cette attaque dans un centre commercial, un évêque d'une église assyrienne avait également été poignardé lors d'un sermon diffusé en direct dans une église de Sydney. La victime a survécu à ses blessures. Un adolescent de 16 ans a depuis été inculpé d'"acte terroriste".


Comme un «air de révolution» en Hongrie face au système Orban

Ervin Nagy lors d'un entretien avec l'AFP à Budapest, en Hongrie (Photo, AFP).
Ervin Nagy lors d'un entretien avec l'AFP à Budapest, en Hongrie (Photo, AFP).
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  • Jamais depuis le retour au pouvoir de Viktor Orban en 2010, la Hongrie n'avait connu pareil mouvement de contestation
  • Sans se laisser abattre, Peter Magyar a entamé depuis plusieurs semaines une tournée en province afin d'y récolter des voix

DEBRECEN: Acteur en vue en Hongrie, Ervin Nagy a délaissé les planches et studios de tournage pour battre le pavé. Comme des milliers d'autres, il est saisi par la fièvre Magyar, du nom de ce dissident qui défie Viktor Orban.

Dimanche, il participera à un grand rassemblement dans la ville de Debrecen (est), bastion du parti Fidesz du Premier ministre nationaliste, à un mois des élections européennes.

Depuis l'irruption en février sur la scène politique de Peter Magyar, ex-haut fonctionnaire entré en rébellion, le comédien de 47 ans s'est lancé à ses côtés dans ce combat "pour un renouveau" du pays d'Europe centrale.

Il a même mis à disposition son camion à plateau d'où le tribun s'est adressé à la foule un soir, de manière spontanée.

"Nous n'avions pas le temps de trouver un podium", raconte Ervin Nagy à l'AFP. "Il flottait comme un air de la révolution de 1956", s'enflamme-t-il, en allusion au soulèvement de la Hongrie contre la mainmise soviétique.

«Galvanisés»

Jamais depuis le retour au pouvoir de Viktor Orban en 2010, la Hongrie n'avait connu pareil mouvement de contestation, de l'avis des experts, qui évoquent un défi sans précédent pour le dirigeant.

Après le scandale provoqué par la grâce accordée à un homme condamné dans une affaire de pédocriminalité, Peter Magyar a su capitaliser sur la colère pour drainer des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Budapest.

"Apathiques et frustrés" par un pouvoir indéboulonnable, "ils ont été soudainement galvanisés par l'arrivée de cet homme sensé et téméraire", lance l'acteur.

S'il a adhéré par le passé à la cause des enseignants, il n'avait pas d'ambitions politiques jusqu'à ce que Peter Magyar le contacte. "Il m'a convaincu en une heure", se souvient-il.

En trois mois à peine, cette nouvelle figure de l'opposition a évincé les partis existants, avec son discours conservateur pourfendant la corruption qui ruine à ses yeux le pays.

Son mouvement Tisza (Respect et liberté), qui se veut "ni à gauche ni à droite", est désormais crédité de 25% d'intentions de vote auprès des électeurs sûrs de leur choix, selon un récent sondage réalisé par l'institut Median auprès de 1.000 personnes en vue du scrutin européen du 9 juin.

Sa force, pour ses partisans: connaître le système de l'intérieur. Longtemps diplomate à Bruxelles, le charismatique avocat de 43 ans a aussi partagé pendant des années la vie de Judit Varga, ancienne ministre de la Justice, avec laquelle il a eu trois enfants.

«Mini-dictature»

Si Viktor Orban balaie l'arrivée de ce concurrent d'un revers de la main, son parti "se démène pour tuer dans l'oeuf" cette vague de contestation, décrypte pour l'AFP l'analyste Zoltan Lakner.

Des affiches le taxant de "serviteur de Bruxelles" ont fleuri dans le pays, tandis que les journaux pro-gouvernementaux ont publié des dizaines d'articles pour salir sa réputation, d'accusations de violences conjugales - qu'il nie fermement - à des remarques sur ses "lunettes de soleil de femme".

Une nouvelle autorité de surveillance, créée pour prévenir "les interférences étrangères" dans le processus électoral, a également lancé une enquête à son encontre.

"Si Magyar parvient à unir les électeurs de l'opposition", aujourd'hui fragmentée en plusieurs partis sans envergure, il pourrait alors présenter un réel danger pour le pouvoir, estime le politologue.

Même si d'autres jugent le mouvement éphémère et incapable de déstabiliser la solide assise construite par le Premier ministre, qui a progressivement mis au pas les contre-pouvoirs en 14 ans et installé une redoutable propagande selon l'Union européenne, l'ONU et l'OSCE.

Sans se laisser abattre, Peter Magyar a entamé depuis plusieurs semaines une tournée en province afin d'y récolter des voix, son passage à Debrecen lui permettant tester sa popularité.

Sur scène, il sera entouré de plusieurs célébrités hongroises "suffisamment courageuses" pour s'afficher à ses côtés, souligne Ervin Nagy, qui affirme avoir été "placé sur une liste noire" pour avoir osé un jour critiquer un membre du Fidesz.

La Hongrie est devenue "une sorte de mini-dictature", assène-t-il. "Ils ne vous battent pas à mort, mais si vous vous élevez contre les autorités, il y aura des conséquences".