L'inflation grimpe aux Etats-Unis, les taux de la Fed aussi

Un agent de sécurité se tient devant le bâtiment de la Réserve fédérale américaine, le 8 août 2011 à Washington DC. (Photo : MARK WILSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)
Un agent de sécurité se tient devant le bâtiment de la Réserve fédérale américaine, le 8 août 2011 à Washington DC. (Photo : MARK WILSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)
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Publié le Dimanche 12 juin 2022

L'inflation grimpe aux Etats-Unis, les taux de la Fed aussi

  • Le comité de politique monétaire, organe de décision de la Fed, se réunit mardi et mercredi. Une hausse des taux d'un demi-point de pourcentage, ou 50 points de base, semble acquise
  • En cause : l'inflation. Elle avait entamé en avril un timide ralentissement, laissant espérer que le pire était passé

WASHINGTON : Face à une inflation qui n'en finit plus de grimper aux Etats-Unis, devenant même la priorité économique de Joe Biden, la banque centrale américaine s'apprête à relever mercredi ses taux directeurs pour la troisième fois, et pourrait accélérer le mouvement.

Le comité de politique monétaire, organe de décision de la Fed, se réunit mardi et mercredi. Une hausse des taux d'un demi-point de pourcentage, ou 50 points de base, semble acquise.

Mais c'est désormais l'hypothèse d'une hausse plus forte, de trois quarts de point de pourcentage, ou 75 points de base, qui agite les marchés. Un tel relèvement serait une première depuis 1994.

"Les marchés ont commencé à prendre en compte le risque (d'une hausse) de 75 points de base lors de la réunion de la Fed la semaine prochaine", a indiqué Shaun Osborne, de Scotiabank, à l'AFP.

En cause : l'inflation. Elle avait entamé en avril un timide ralentissement, laissant espérer que le pire était passé.

Mais les chiffres de mai, publiés vendredi, ont sonné comme un brutal rappel à la réalité, avec une nouvelle accélération et un nouveau record en 40 ans, à 8,6% sur un an et 1,0% sur un mois, selon l'indice CPI.

La Fed privilégie l'indice PCE, publié plus tard dans le mois, qui a également ralenti en avril, à 6,3% sur un an, mais reste bien supérieur à l'objectif de 2%, considéré comme sain pour l'économie.

Shaun Osborne se montre cependant sceptique quant à l'hypothèse d'une forte hausse qui pourrait faire paniquer les marchés. Mais "c'est évidemment un risque", a-t-il toutefois averti.

Vendredi, un quart des acteurs des marchés tablaient sur une forte hausse de 75 points de base, et trois quarts anticipaient une hausse de 50 points, comme lors de la dernière réunion, début mai, selon l'évaluation des produits à terme de CME Group. Samedi cependant, 3,6% seulement pensaient que la Fed relèvera ses taux de 75 points de base.

Plutôt en septembre

"Certains pensent que la Fed pourrait offrir une hausse surprise de 75 points lors de la réunion de juin. Il ne faut jamais dire jamais dans ces circonstances, mais nous pensons que cela reste très peu probable", nuance également Krishna Guha, économiste pour Evercore, société de conseil en investissements.

Selon lui, "si la Fed ouvre la possibilité d'un mouvement de 75 points de base, (...) ce sera plus probablement pour septembre".

En relevant ses taux directeurs, la Fed encourage les banques commerciales à proposer des prêts plus onéreux à leurs clients, qui, par conséquent, sont moins enclins à consommer.

"La Fed doit réduire la demande pour répondre à un monde dans lequel l'offre est limitée", a commenté l'économiste Diane Swonk, de Grant Thornton, dans un tweet.

L'institution avait abaissé ses taux en urgence en mars 2020, pour soutenir l'économie par la consommation, face au Covid-19 qui s'étendait aux États-Unis.

Ils sont restés dans une fourchette de 0 à 0,25% pendant deux ans, avant d'avoir été relevés d'un quart de point en mars 2022, puis d'un demi-point en mai, et se situent désormais entre 0,75 et 1,00%.

Risque de récession

Mais la Réserve fédérale doit désormais se livrer à un délicat exercice d'équilibriste, pour faire ralentir l'inflation sans trop peser sur la croissance économique.

"Plus les consommateurs dépensent, plus la Fed doit resserrer sa politique ; cela augmente le risque de récession", avertit Yelena Maleyev, économiste elle aussi pour Grant Thornton.

Car le ralentissement forcé de la consommation risque de peser sur l'économie américaine, faisant craindre une récession ou une "stagflation", c'est-à-dire une période prolongée de croissance faible et d'inflation élevée. Le chômage, lui, pourrait repartir à la hausse.

Le président de la Fed, Jerome Powell, avait été reçu fin-mai à la Maison Blanche par Joe Biden, pour une rare entrevue dédiée à la lutte contre l'inflation.

Autre étape majeure de la normalisation de la politique monétaire, la Fed a commencé le 1er juin à réduire son bilan, après avoir, pendant la pandémie de Covid-19, acheté des titres pour inonder le marché de liquidités et lui permettre de continuer à fonctionner.

Mardi et mercredi, la Fed actualisera également ses prévisions d'inflation, croissance, et chômage.

Cette réunion sera par ailleurs la première depuis que Jerome Powell a officiellement entamé son second mandat, le 23 mai, et que Lael Brainard est devenue vice-présidente de la Fed. Et elle marquera l'arrivée de deux nouveaux gouverneurs, Lisa Cook et Philip Jefferson.


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.