Résultats des législatives 2022: Macron perd la majorité absolue avec 224 sièges

Un homme vote lors du premier tour des élections législatives françaises dans un bureau de vote à Ajaccio, sur l'île méditerranéenne française de Corse, le 12 juin 2022. (Pascal POCHARD-CASABIANCA / AFP)
Un homme vote lors du premier tour des élections législatives françaises dans un bureau de vote à Ajaccio, sur l'île méditerranéenne française de Corse, le 12 juin 2022. (Pascal POCHARD-CASABIANCA / AFP)
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Publié le Dimanche 19 juin 2022

Résultats des législatives 2022: Macron perd la majorité absolue avec 224 sièges

  • Les électeurs français étaient appelés aux urnes, dimanche, pour le second tour des élections législatives
  • À 20 h, les estimations donnent Ensemble ! avec 224 sièges, donc sans majorité absolue, suivi de la Nupes à 149 sièges et le Rassemblement national à 89 sièges

Les bureaux de vote ont ouvert dimanche à 08H00 en métropole pour le second tour des élections législatives où 48,7 millions d'électeurs sont appelés à élire leurs députés et donner ou non une majorité au président Emmanuel Macron à l'Assemblée.

Les bureaux fermeront à 18H00 et 20H00 dans les grandes villes. La journée a mal commencé pour le camp présidentiel avec la défaite dans la 2e circonscription de Guadeloupe de la secrétaire d'Etat à la Mer Justine Benin qui devra en conséquence quitter le gouvernement.

Le président Emmanuel Macron espère obtenir une nouvelle majorité à l'Assemblée, face à une gauche unie et requinquée.

La secrétaire d'Etat à la Mer Justine Benin, a été battue avec 41,35 % des voix derrière Christian Baptiste (DVG), soutenu par la Nupes, élu avec 58,65 %.

Conformément à une règle non écrite mais déjà appliquée en 2017 par Emmanuel Macron, Mme Benin devra, à peine nommée, quitter le gouvernement.

D'autres ministres sont sous la menace du même sort, alors qu'ils sont quinze, en comptant la Première ministre Elisabeth Borne, sur la ligne de départ. C'est le cas notamment pour Amélie de Montchalin (Transition écologique), en grand danger dans l'Essonne, comme pour le patron d'En Marche et ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini ou encore pour le ministre délégué à l'Europe Clément Beaune, tous deux à Paris.

Plus de 48 millions d'électeurs sont appelés aux urnes dimanche. Les bureaux de vote fermeront à 18H00 et 20H00 dans les grandes villes. Les premières estimations sont attendues à 20H00.

Ce second tour vient clore une longue séquence électorale, ouverte le 10 avril par le premier tour de la présidentielle, qui avait vu la large réélection d'Emmanuel Macron devant Marine Le Pen.

Mais la partie s'annonce plus incertaine aux législatives après la percée surprise de l'alliance des partis de gauche Nupes et de l'extrême droite.

Au premier tour, la majorité sortante, qui se présente sous l'étiquette Ensemble! (LREM, MoDem, Agir et Horizons), est arrivée au coude à coude autour de 26% des voix avec l'alliance de gauche (LFI, PS, EELV et PCF). Le RN de Marine Le Pen a totalisé 18,7%, soit 5,5 points de plus qu'en 2017, devant Les Républicains et ses alliés de l'UDI, tombés à 11,3%.

Les incertitudes pour ce second tour sont nombreuses: quel score pour la gauche? Si la coalition présidentielle l'emporte, sa majorité sera-t-elle absolue - il faut 289 députés sur 577 - ou relative, comme ne l'excluent pas les sondages?

- «Réserves de voix» -

Alors que plus d'un électeur sur deux (52,5%) s'est abstenu pour le premier tour, la mobilisation est un enjeu déterminant en ce week-end de grandes chaleurs. Aux législatives de 2017, l'abstention avait atteint 51,3% au premier tour et 57,4% au deuxième, un record depuis 1958.

Le ministère de l'Intérieur doit donner à midi les premiers chiffres du taux de participation.

"La Nupes parviendra-t-elle à mobiliser les plus jeunes qui ne sont pas allés voter au premier tour?" Pour la majorité sortante "y a-t-il des réserves dans un électorat légitimiste qui n'aurait pas été voter en pensant que la victoire d'Emmanuel Macron était acquise?", s'interrogeait en fin de semaine le président de l'institut Elabe Bernard Sananès.

Les électeurs diront en outre si Les Républicains, qui se sont effondrés à la présidentielle, sont encore en capacité de peser à l'Assemblée, même si certains les voient en position charnière dans le cas d'une majorité relative du camp présidentiel qui devrait alors faire appel à la droite pour voter ses textes.

Enfin le scrutin dira si le Rassemblement national obtient un groupe, soit au moins 15 députés, ce qui donne davantage de moyens et de temps de parole. Le parti d'extrême droite n'y est parvenu qu'une fois dans son histoire, de 1986 à 1988, du temps du Front national, grâce à la proportionnelle.

Quoi qu'il en soit, un remaniement est attendu à l'issue du scrutin, ne serait-ce que pour les postes de secrétaires d'État, qui ne sont pas encore pourvus.

 

 

Justine Bénin éliminée en Guadeloupe, nouveaux députés Nupes en Martinique et en Guyane

La députée sortante et membre du gouvernement Justine Bénin a été battue au deuxième tour des législatives en Guadeloupe tandis que les électeurs de Guyane, Guadeloupe, et Martinique ont envoyé à l'Assemblée plusieurs députés soutenus par la Nupes.

Ils avaient déjà porté Jean-Luc Mélenchon en première position lors du premier tour des élections présidentielles le 10 avril.

- Guadeloupe -

La Guadeloupe reste à gauche: la seule candidate macroniste de l'élection, la secrétaire d'Etat à la Mer et députée sortante Justine Bénin a été battue, tandis que trois députés élus sur quatre étaient soutenus par la Nupes. L'abstention a de nouveau été très forte avec moins de 28,23% de participation.

Dans la première circonscription, le député sortant Olivier Serva, ex-LREM et soutenu par LFI pour le deuxième tour, non sans provoquer des remous au sein du parti, a été élu avec 74,04%. Il souhaite créer "un groupe outre-mer à l'Assemblée Nationale" et "défendre la réintégration des soignants suspendus".

Dans la deuxième circonscription, Christian Baptiste, candidat de la Nupes, a été élu avec 58,65% des suffrages face à la députée sortante Justine Bénin récemment nommée secrétaire d'Etat à la Mer.

Dans la troisième circonscription, le candidat du RN Rody Tolassy n'a pas réussi à décrocher un mandat de député alors que c'est dans l'archipel que Marine Le Pen avait remporté son meilleur score (près de 70%) lors du deuxième tour de l'élection présidentielle. Le député sortant Max Mathiasin (SE), arrivé en deuxième position au premier tour, l'emporte donc finalement lors de ce second tour (52,12% des voix).

Dans la quatrième circonscription, sans suspense, Elie Califer, soutenu par LFI, a été élu avec 100% des suffrages exprimés. Il était le seul candidat en lice après le désistement de son adversaire Marie-Luce Penchard.

- Martinique -

Jiovanny William, Marcellin Nadeau, et Johnny Hajjar, soutenus par LFI, découvriront pour la première fois de leur carrière politique les bancs de l'Assemblée nationale. Ils ont été élus respectivement dans la première (Centre), deuxième (Nord) et troisième circonscription (Fort-de-France) de la Martinique. Jean-Philippe Nilor a été élu pour la troisième fois consécutive dans la quatrième circonscription (Sud). Il a largement battu son prédécesseur et ancien mentor Alfred Marie-Jeanne.

La formation politique de l'ancien président du Conseil Exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique, le Gran Sanblé, a d'ailleurs été battue dans toute les circonscriptions de l'île alors qu'elle avait réussi à qualifier ses quatre candidats au second tour des législatives.

Plus élevée qu'au premier tour, la participation est demeurée très faible puisque tout juste un quart des électeurs se sont rendus aux urnes (25,71%, en hausse 4 points par rapport au premier tour).

- Guyane -

Les électeurs guyanais ont choisi le renouvellement. Dans la première circonscription, qui compte la préfecture Cayenne, c'est Jean-Victor Castor qui endosse le costume de député. Militant du Mouvement de décolonisation et d'émancipation sociale (MDES) dont il est l'un des cofondateurs, il est un fervent partisan de l'évolution statutaire du territoire.

Dans la deuxième circonscription, Lénaïck Adam, qui était soutenu par la majorité présidentielle, est délogé de son siège de député par Davy Rimane. Le syndicaliste, soutenu par LFI, engrange 54,12% des suffrages exprimés.

Lors du second tour, l'abstention a reculé dans les deux circonscriptions.

- Saint-Barthélemy et Saint-Martin -

Frantz Gumbs, le candidat divers-centre soutenu par la majorité présidentielle Ensemble a été élu député. Il recueille 67,21% des suffrages exprimés, soit 3.921 voix. Le taux de participation a été très faible sur les deux îles, à 24,56%, soit près de deux points de moins qu'en 2017 (26,11%).

- Saint-Pierre-et-Miquelon -

Après un duel serré, l'ancien président de la collectivité territoriale (2017-2020) Stéphane Lenormand (AD, divers droite) a été élu député de ce territoire à l'unique circonscription, avec 50,36% des suffrages, face à Olivier Gaston. Seules 19 voix séparent les deux candidats et 186 bulletins nuls ont été enregistrés.

Le taux de participation global pour ce second tour des législatives à Saint-Pierre et Miquelon est de 55,95%, en légère hausse par rapport au premier tour (53,45%) mais en dessous des 75,35% atteint lors du second tour en 2017.

 

 

Votes des candidats

Jean-Luc Melenchon, à la tête de la Nupes, est arrivé pour voter à Marseille à 8:30 GMT. Il a livré un vibrant plaidoyer inspiré de la canicule et de la sécheresse en faveur de politiques énergiques pour y faire face. 

Marine Le Pen, leader de l'extrême droite, est arrivée pour voter à Henin Beaumont, dans le Pas-de-Calais, à 9h GMT 

Le président français Emmanuel Macron , accompagné de Brigitte Macron, a voté au Touquet lors du second tour des élections législatives à 9h GMT

La Première ministre Elisabeth Borne a voté à Viret à 9h GMT


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.