Le toki, l'ibis nippon, renaît de ses cendres au Japon

En un peu moins de deux décennies, la population de tokis sauvages de Sado est passée de zéro à près de 500, grâce à la diplomatie internationale, à la recherche scientifique et à une révolution agricole sur l'île située au large de la côte ouest du Japon. (Photo : Charly TRIBALLEAU / AFP)
En un peu moins de deux décennies, la population de tokis sauvages de Sado est passée de zéro à près de 500, grâce à la diplomatie internationale, à la recherche scientifique et à une révolution agricole sur l'île située au large de la côte ouest du Japon. (Photo : Charly TRIBALLEAU / AFP)
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Publié le Mardi 21 juin 2022

Le toki, l'ibis nippon, renaît de ses cendres au Japon

  • En moins de deux décennies, la population de cet oiseau au plumage rose pâle et au long bec recourbé qui avait totalement disparu du pays a grimpé à près de 500 individus sur l'île de Sado, en mer du Japon
  • Réimplanté de Chine, le toki, aussi appelé «ibis japonais à crête» ou «nipponia nippon», attire aujourd'hui les touristes à Sado, et d'autres régions de l'Archipel envisagent de le réintroduire

SADO : Chaque matin depuis quatorze ans, Masaoki Tsuchiya part avant l'aube à la rencontre d'un oiseau appelé toki au Japon, réintroduit sur une petite île du pays grâce à un remarquable programme de conservation qui a mêlé diplomatie et réforme agricole.

En moins de deux décennies, la population de cet oiseau au plumage rose pâle et au long bec recourbé qui avait totalement disparu du pays a grimpé à près de 500 individus sur l'île de Sado, en mer du Japon. Un rare succès de conservation alors qu'une espèce d'oiseau sur huit est menacée d'extinction sur la planète.

Réimplanté de Chine, le toki, aussi appelé "ibis japonais à crête" ou "nipponia nippon", attire aujourd'hui les touristes à Sado, et d'autres régions de l'Archipel envisagent de le réintroduire.

Sous un ciel étoilé, M. Tsuchiya, 72 ans, note consciencieusement dans un carnet, à chacune des étapes de sa tournée, la présence ou l'absence des volatiles, observés grâce à la longue-vue fixée à la fenêtre de sa voiture.

"Le nombre d'oiseaux à cet endroit varie selon les saisons", explique à l'AFP cet homme trapu au regard espiègle, à qui les années d'expérience ont appris à repérer les toki dissimulés dans leurs nids.

Plusieurs dizaines d'oiseaux s'ébattent dans certaines zones, ce qui aurait été inimaginable en 2003, quand une femelle nommée Kin ("Or"), alors dernière survivante de l'espèce à Sado, s'est éteinte à l'âge record de 36 ans.

"Je savais que ce jour viendrait, car elle était très vieille et fragile", se souvient M. Tsuchiya. "Mais c'était vraiment regrettable".

Extinction

La disparition de Kin, après l'échec des efforts pour la faire s'accoupler avec Midori ("Vert"), le dernier mâle toki de Sado, mort huit ans plus tôt, a été largement médiatisée au Japon, sonnant la fin d'une longue et vaine bataille pour protéger l'oiseau.

Les toki étaient autrefois présents dans tout le Japon ainsi qu'ailleurs en Asie du Nord-Est.

Considérés comme une menace pour les plantations rizicoles, ils étaient néanmoins relativement protégés dans l'archipel nippon à l'époque Edo (1603-1868) par des lois restreignant la chasse.

Mais la donne a changé à la fin du XIXe siècle, et le toki, prisé pour les vertus médicinales supposées de sa viande et la valeur décorative de ses plumes, a quasiment disparu "en quarante ans", selon M. Tsuchiya.

Au début des années 1930, seuls quelques dizaines d'individus subsistent au Japon, et le toki est classé espèce protégée.

Une nouvelle menace l'attend cependant, avec la généralisation dans l'après-guerre des engrais et pesticides chimiques, affectant l'environnement du toki, qui se nourrit de préférence dans les rizières d'insectes, de petits crabes ou de grenouilles.

En 1981, cinq toki seulement survivent en liberté au Japon, tous à Sado, et les autorités décident de les placer en captivité pour les protéger. Mais pas un ne consentira à se reproduire en cage.

Entraînement à la liberté

La découverte la même année d'une population de sept toki sauvages dans la province chinoise de Shaanxi (nord-est), et la réussite de la campagne de sauvegarde de l'espèce en Chine ravivent les espoirs. Lors d'une historique visite d'Etat au Japon en 1998, le président Jiang Zemin promet d'offrir au pays un couple de ces oiseaux.

You You et Yang Yang arrivent au Japon l'année suivante. D'autres de leurs camarades chinois les suivent bientôt, et au fil des années la population de toki à Sado devient suffisamment importante pour être peu à peu remise en liberté, après un "stage d'entraînement" de trois mois.

"Ils y apprennent à voler, à trouver leur nourriture et s'habituent aux humains", explique Tomoki, le fils de M. Tsuchiya, qui collabore avec les autorités locales pour faciliter la réintroduction de l'oiseau.

Grâce à la relâche dans la nature d'une vingtaine de spécimens tous les six mois, le spectacle de toki survolant les rizières est peu à peu redevenu familier à Sado.

Ce succès n'allait cependant pas de soi il y a une vingtaine d'années: à Sado, où la culture du riz est une importante source de revenu, des efforts ont été nécessaires pour convaincre les agriculteurs de réduire de moitié l'utilisation de produits chimiques par rapport à la limite légale.

"Les gens ne pensaient pas alors à l'environnement quand ils cultivaient. Leurs priorités étaient de récolter le plus possible et de vendre cher leurs produits", dit Shinichiro Saito, un riziculteur de 60 ans.

Face à la réticence des agriculteurs, les autorités ont dû manier la carotte et le bâton, en cessant d'acheter le riz des exploitants qui refusaient d'obtempérer, tout en accordant un label "Vivre avec le toki" à ceux qui acceptaient.

«Ambassadeur de l'environnement»

Finalement, "ce sont les toki qui les ont convaincus" quand les premiers ont été relâchés en 2008, se souvient M. Saito, l'un des premiers à adopter les nouveaux standards.

L'oiseau "était presque comme un ambassadeur de l'environnement", dit-il, confiant que "quand le projet a commencé, mon rêve le plus cher était de voir le toki dans le ciel quand je cultivais mes rizières".

La réintroduction de l'ibis du Japon a aussi été l'occasion de combler les nombreuses lacunes à la connaissance d'une espèce longtemps mystérieuse, en analysant par exemple ses déjections pour apprendre de quoi il se nourrissait.

Pensant à tort qu'il préférait la solitude, on l'a aussi d'abord relâché dans les montagnes, mais l'oiseau a immédiatement volé vers les exploitations agricoles.

De nombreux obstacles attendent encore la population de toki, dont la moitié des individus relâchés dans la nature sont victimes des serpents ou des belettes. Seul un nouveau-né sur deux survit aux prédateurs.

Mais l'oiseau fait peu à peu son nid. On compte aussi près de 4 500 toki en liberté en Chine et un programme de réintroduction en Corée du Sud a démarré en 2019.

Tomoki Tsuchiya, 42 ans, qui a hérité sa passion pour le toki de son père, est ainsi loin d'être son seul aficionado sur l'île, où le volatile, devenu une mascotte, est représenté partout, des t-shirts aux briques de lait, et jusque sur les lampadaires.

Le toki "est tellement important pour les gens de Sado", explique Tomoki Tsuchiya. "C'est comme s'il faisait partie de la famille".


Casse du musée du Louvre: des suspects interpellés mercredi en cours de défèrement

Des policiers français patrouillent devant le musée du Louvre après son cambriolage, avec la pyramide du Louvre conçue par Ieoh Ming Pei en arrière-plan, à Paris le 19 octobre 2025. (AFP)
Des policiers français patrouillent devant le musée du Louvre après son cambriolage, avec la pyramide du Louvre conçue par Ieoh Ming Pei en arrière-plan, à Paris le 19 octobre 2025. (AFP)
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  • Sept suspects au total ont été interpellés dans l’enquête sur le spectaculaire casse du Louvre, dont le butin — estimé à 88 millions d’euros en bijoux de la Couronne — reste introuvable
  • L’enquête, fondée sur des traces ADN, la vidéosurveillance et la téléphonie, met aussi en lumière une « faille sécuritaire majeure » au Louvre, selon la ministre de la Culture Rachida Dati

PARIS: Des défèrements de suspects ayant été interpellés mercredi dans le cadre de l'enquête sur le casse du Louvre, dont le butin a été estimé à 88 millions d'euros, étaient en cours samedi devant des magistrats du tribunal judiciaire de Paris.

"Il y a des défèrements sur commission rogatoire", a indiqué le parquet de Paris sollicité par l'AFP, sans préciser le nombre de suspects déférés.

Cinq nouvelles interpellations liées à ce cambriolage spectaculaire avaient été annoncées jeudi matin par la procureure de Paris Laure Beccuau qui avait précisé que les bijoux volés restaient introuvables.

Ces nouvelles interpellations se sont ajoutées à celles de deux trentenaires arrêtés il y a une semaine et qui sont soupçonnés d'avoir fait partie du commando de quatre hommes sur place.

Ces deux habitants d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), âgés de 34 et 39 ans, ont été mis en examen et placés en détention provisoire mercredi soir.

En garde à vue, ces deux hommes - un arrêté à l'aéroport de Roissy alors qu'il tentait de rejoindre l'Algérie, l'autre à Aubervilliers - "se sont livrés à des déclarations (...) minimalistes par rapport à ce qui nous paraît être démontré par le dossier", avait indiqué Laure Beccuau.

Parmi les nouveaux interpellés se trouve un autre membre présumé du commando ayant commis le 19 octobre en moins de huit minutes ce casse qui a fait le tour de la planète, avait précisé la procureure. "Des traces ADN" le lient au vol, avait-elle noté.

Les autres personnes interpellées "peuvent éventuellement nous renseigner sur le déroulement de ces faits", avait éclairé la procureure, sans vouloir en dire plus sur leur profil.

Ces nouvelles interpellations "n'ont pas été du tout liées aux déclarations" des deux mis en examen, mais "à d'autres éléments dont nous disposons au dossier", les traces ADN, la vidéosurveillance ou encore l'examen de la téléphonie, avait-elle ajouté.

Les nouvelles interpellations ont eu lieu à Paris et dans son agglomération, notamment en Seine-Saint-Denis, avait-elle indiqué.

- "Faille sécuritaire majeure" -

Mme Beccuau avait souligné sa "détermination", comme celle de la centaine d'enquêteurs mobilisés, à retrouver le butin et l'ensemble des malfaiteurs impliqués.

Concernant les bijoux, la procureure avait expliqué que l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) explorait "un certain nombre de marchés parallèles" car ce n'est vraisemblablement pas sur le marché légal des oeuvres d'art qu'ils surgiront.

Parmi les hypothèses des enquêteurs: celle que ces joyaux puissent "être une marchandise de blanchiment, voire de négociation dans le milieu", a-t-elle pointé.

L'affaire a provoqué des débats-fleuves sur la sécurité du Louvre, musée d'art le plus visité du monde.

La ministre de la Culture Rachida Dati a dévoilé vendredi les premières conclusions de l'enquête de l'Inspection générale des affaires culturelles, avec un bilan très critique: "une sous-estimation chronique, structurelle, du risque intrusion et vol" par le Louvre, "un sous-équipement des dispositifs de sécurité", une gouvernance "pas adaptée" et des protocoles de réaction aux vols et intrusions "totalement obsolètes".

"On ne peut pas continuer comme ça", a martelé Rachida Dati.

Le jour du casse, les quatre malfaiteurs avaient pu garer un camion-élévateur au pied du musée, permettant à deux d'entre eux de se hisser avec une nacelle jusqu'à la galerie d'Apollon où sont conservés les joyaux de la Couronne.

Tout en réaffirmant que les dispositifs de sécurité à l'intérieur du Louvre avaient fonctionné, Mme Dati a annoncé des mesures pour répondre à une "faille sécuritaire majeure" à l'extérieur du musée.

"Nous allons mettre des dispositifs anti-voiture-béliers, anti-intrusion", a-t-elle annoncé, assurant que ces nouvelles installations seraient en place "avant la fin de l'année".


A Paris, le Centre Pompidou s'offre une dernière fête avant cinq ans de fermeture

un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
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  • Le Centre Pompidou organise un dernier week-end festif baptisé « Because Beaubourg » avant cinq ans de travaux, transformant ses huit étages en un immense terrain de jeu mêlant concerts, performances et expériences immersives
  • L’événement, réunissant 80 artistes et plusieurs grandes marques partenaires, célèbre la culture et l’esprit d’ouverture du lieu avant sa fermeture pour rénovation complète

PARIS: Dans un tourbillon de musique, d'images et de patins à roulettes, le Centre Pompidou à Paris s'offre un dernier week-end festif avant cinq ans de travaux, avec "Because Beaubourg", événement qui transforme l'intégralité du bâtiment en un immense terrain de jeu.

"Je suis venu parce que j'ai entendu dire que c'était la fermeture. Et j'avais envie de participer à ça une dernière fois, pour en profiter un petit peu", explique à l'AFP Eliot Ibert, 23 ans, en coloriant une fresque participative.

Fermé au public depuis le 22 septembre, le bâtiment aux emblématiques tuyaux colorés rouvre ses portes ce week-end avec un parcours inédit. De vendredi à dimanche, quelque 80 artistes se produisent à travers concerts, DJ sets, performances, masterclasses, projections et expériences immersives sur les huit étages.

"C'est le plus grand événement que le Centre Pompidou ait fait depuis son ouverture", assure Paul Mourey, codirecteur artistique de l'événement, imaginé avec le label Because Music.

- "Spleen" -

Chaque étage propose une expérience différente. Au niveau -1, des pianistes amateurs se succèdent devant une fresque des étudiants des Beaux-Arts, tandis que le Forum, au rez-de-chaussée, devient le théâtre de performances en journée et un club illuminé la nuit.

Le Village des enfants prend place au 3e étage, tandis que plusieurs artistes et sociétés ont investi le 4e niveau. Shygirl, Shay ou Pedro Winter, fondateur du label Ed Banger, ainsi que les entreprises Spotify, Samsung et Snapchat, qui proposent de tester ses lunettes de réalité augmentée, participent à des installations et expériences interactives.

Autant de partenaires qui contribuent à financer l'événement.

Le premier et le sixième étage accueillent, de jour comme de nuit, des artistes tels que Catherine Ringer, Christine and the Queens, Selah Sue, Keziah Jones ou Sébastien Tellier.

Le musicien français, qui profite de l'événement pour promouvoir son nouvel album prévu en janvier, souligne l'importance de participer à cette célébration : "La culture, aujourd'hui, elle est rare. Quand il y a des petits îlots de culture, c'est important d'y être. Je n'avais pas envie de manquer ça."

Brigitte Baleo, 78 ans, retraitée ayant travaillé dix ans à la bibliothèque du Centre Pompidou, confie que la fermeture lui laisse "un peu de spleen".

"Ça tend l'estomac, il y a trop de souvenirs", ajoute-t-elle, émue. "Mais il faut que la fermeture ait lieu, pour réhabiliter ce monument".

Conçu en 1977 comme un lieu "ouvert à tous" par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, le bâtiment souffre aujourd'hui de vétusté.

Désamiantage, accessibilité du lieu, sécurité et complet réaménagement intérieur sont au menu de ses importants travaux de rénovation.

- Rollers et vue panoramique -

Cette fermeture, "c'est quelque chose qui me touche", abonde Florence, qui n'a pas souhaité donner son nom.

Férue d'électro, la Bordelaise de 57 ans vient d'assister au deuxième étage à "Space Opera", un film musical du duo français Justice projeté comme une expérience de clubbing, à quelques pas de l'installation inédite Camera/Man de Thomas Bangalter, un des deux membres de Daft Punk.

Pour encore plus de mouvements, elle compte bien expérimenter le Roller Disco qui fait vibrer l'ancienne galerie 1, au dernier étage.

Entre DJ sets, patins à roulettes et vues panoramiques sur Paris, l'ambiance mêle nostalgie et effervescence festive.

Gulliver Hubard, un étudiant britannique de 20 ans, savoure lui sa première visite. "C'est une chance de le voir avant sa fermeture", assure-t-il.

En journée, le programme est entièrement gratuit, et les organisateurs espèrent accueillir entre 10.000 et 15.000 visiteurs par jour.

Le programme nocturne, payant, a lui été pris d'assaut : les 12.000 billets se sont arrachés en à peine une journée.


AlUla ou comment le désert devient atelier d’art

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  • AlUla se transforme en laboratoire artistique où design, architecture et patrimoine dialoguent avec le désert
  • Entre traditions locales et innovation contemporaine, le désert devient un espace d’expérimentation, d’apprentissage et de création, où culture et paysage s’influencent mutuellement

PARIS: De la résidence de design à la construction du futur musée d’art contemporain confié à Lina Ghotmeh, AlUla se façonne dans le respect de sa mémoire et de son paysage.

À Paris, une table ronde organisée par la RCU et AFALULA a révélé les coulisses de cette transformation, celle d’un territoire millénaire devenu laboratoire d’expérimentation et vitrine du dialogue culturel franco-saoudien.

Dans le parc de l’hôtel des maisons (un hôtel particulier parisien construit au XVIII), la conversation s’est ouverte sur une question presque philosophique : comment bâtir dans le désert sans le dominer ? Comment concevoir à AlUla, ce paysage d’infini, une architecture qui parle à l’échelle humaine ?

La table ronde, intitulée “From the Land Up: Designing AlUla from Desert to Human Scale”, a réuni les acteurs clés du projet et plusieurs anciens résidents du programme AlUla Design Residency, créé il y a deux ans.

Ils ont tous en commun d’avoir approché cette terre d’exception, non comme un territoire vierge, mais comme un organisme vivant, porteur d’histoires et de voix anciennes.

L’événement, organisé par la Commission royale pour AlUla (RCU) et l’agence Française pour le développement d’Alula (AFALULA), a célébré l’ADN rare de cette région, qui est un mélange entre fouilles historiques, architecture, design et diplomatie culturelle notamment avec la villa Hegra. 

AlUla, déjà célèbre pour son patrimoine nabatéen et ses falaises sculptées par le vent, devient aujourd’hui un territoire d’expérimentation artistique mondiale, où le passé inspire le futur, et lui donne forme.

Au centre du projet, la vision de Lina Ghotmeh, architecte franco-libanaise à la tête du futur musée d’art contemporain d’AlUla, « Le musée ne doit pas être une icône posée dans le désert » explique-t-elle, « mais un générateur de liens, un espace de rencontre et d’hospitalité ».

Implanté près d’une ancienne oasis agricole, le musée s’enracinera dans le paysage tout en redonnant vie à des savoir-faire ancestraux, « nous travaillons avec la terre locale, avec des techniques de construction traditionnelles : torchis, terre comprimée, architecture bioclimatique, l’objectif est de renouer avec les ressources naturelles et la mémoire des lieux », souligne l’architecte.

Ghotmeh évoque aussi le dialogue qu’elle a tissé avec la communauté locale, « j’ai passé du temps à rencontrer les habitants, à partager un thé sous un oranger, à écouter les femmes qui ravivent l’artisanat, à visiter les écoles ».

Un jour, une fillette m’a dit, « le musée, c’est le lieu de l’extraordinaire, cette phrase m’accompagne toujours, car au fond, c’est bien de cela qu’il s’agit, créer un lieu qui relie la connaissance, l’émotion et la beauté ».

Dans son approche sensible, le musée devient un prolongement du paysage, un lieu où les visiteurs respireront la même lumière que les habitants, où la culture se fera conversation et échange.

« Il ne s’agit pas d’importer la culture, mais de la créer à partir du territoire », souligne Arnaud Morand, responsable des arts et industries créatives à AFALULA, c’est cette conviction qui guide toute la programmation culturelle d’AlUla.

L’une des premières grandes expositions préfigurant le musée verra le jour en janvier prochain, consiste en une collaboration entre AlUla et le Centre Pompidou, présentée d’abord dans une architecture temporaire conçue sur place avant de voyager dans le monde.

« C’est une coopération basée sur l’échange de savoirs et la lenteur, dit-il. À AlUla, on apprend à prendre le temps, l'art naît du sol, pas de la vitesse ».

Cette philosophie irrigue aussi les résidences de design et d’artistes qu’AFALULA co-dirige sur place, des programmes où jeunes talents et créateurs confirmés expérimentent à ciel ouvert, dans une relation directe avec le territoire, « Là-bas, chaque projet s’élabore dans l’écoute et l’humilité » affirme Morand.

« Lorsque nous arrivons à AlUla, nous devons laisser nos certitudes à la porte du désert » observe Ali Al Gazzaoui responsable du programme de résidences d’artistes, « il faut apprendre à écouter les habitants, à comprendre leur rapport au paysage, à la lumière, à la convivialité ».

C’est cette humilité partagée qui transforme le désert en école, les fondateurs du Studio Raw Material, Dushyant Bansal et Priyanka Sharma, anciens résidents du programme, racontent leur découverte émerveillée d’un lieu où « le matériau est partout de la roche, au sable, à la chaleur, et la lumière, tout devient matière à création ».

Leur expérience les a conduits à réfléchir à une forme de design « hors des centres urbains » à la faveur d’une pratique ancrée dans la vie quotidienne et les gestes ordinaires, « à AlUla, on apprend à se salir les mains, à construire, à inventer avec ce que la nature nous offre ».

Cette approche artisanale et poétique rejoint la vision d’Ali Alghazzawi, pour lui, « notre mission est de créer un écosystème où les créatifs peuvent dialoguer librement avec le paysage et expérimenter, car la durabilité ne se décrète pas, elle se vit ».

Tout ceci confère à AlUla qui est un site touristique d’exception, une autre dimension qui est celle de pépinière d’idées, de territoire d’apprentissage et de création contemporaine.