Une ouverture sociale mesurée dans la nouvelle Assemblée

Rachel Keke arrive à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 21 juin 2022, deux jours après les élections législatives. JULIEN DE ROSA / AFP
Rachel Keke arrive à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 21 juin 2022, deux jours après les élections législatives. JULIEN DE ROSA / AFP
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Publié le Mercredi 22 juin 2022

Une ouverture sociale mesurée dans la nouvelle Assemblée

  • Nombre de députés moins favorisés socialement que d'habitude font cette semaine leur entrée à l'Assemblée, sans pour autant faire de l'institution un miroir fidèle de la société
  • Parmi les Insoumis, le Cevipof a compté 34% de cadres, 13% d'employés et 3% d'ouvriers. Au RN, 11% des députés sont employés, 3% ouvriers et 2% agriculteurs

PARIS: "L’Assemblée va trembler!", s’exclamait dimanche soir l’ancienne femme de chambre Rachel Keke. Comme elle, nombre de députés moins favorisés socialement que d'habitude font cette semaine leur entrée à l'Assemblée, sans pour autant faire de l'institution un miroir fidèle de la société.

Arrivé avec les autres élus Insoumis dans la cour d'honneur mardi matin, Sébastien Delogu, nouveau député de Marseille, est tombé en larmes dans les bras de Jean-Luc Mélenchon.

"C'est émouvant, les invisibles sont là. C'est important de montrer que nous ne sommes pas tous des professionnels de la politique", a déclaré ce chômeur: "Pôle emploi m'a appelé vendredi pour me proposer un rendez-vous, je leur ai dit que j'allais avoir du boulot."

Parmi les Insoumis, le Cevipof a compté 34% de cadres, 13% d'employés et 3% d'ouvriers. Au RN, 11% des députés sont employés, 3% ouvriers et 2% agriculteurs. Dans la majorité présidentielle, la proportion de cadres est écrasante: plus de 50%, voire 56% pour le Modem.

En comparaison, la population française est composée de 21% de cadres et 19% d'ouvriers.

"On n'aura pas une Assemblée miroir de la population française, mais elle est plus diverse" que celle de 2017 consécutive à la vague En Marche, établit Etienne Ollion, sociologue et professeur à l'Ecole polytechnique.

Dimanche, Stéphanie Galzy, mère célibataire et intérimaire à la Poste, a été élue députée RN de la 5e circonscription de l'Hérault. "Je suis là pour faire avancer les choses, parce que je les vis au quotidien", revendique l'ancienne propriétaire de boutiques de vêtements, qui se définit comme "la Française du peuple", payant plus de 300 euros de gazole par mois.

Lors de la précédente législature, l'Insoumise Caroline Fiat, aide-soignante, avait souvent porté la voix des classes populaires à l'Assemblée et s'est fait parfois surnommer "bac -2".

En 2017, elle interpellait la ministre de la Santé: "Face à une aide-soignante, ils (les professionnels de santé) se sont dits qu'ils seraient entendus, que je connaissais leur

conditions de travail, ils ont raison". Elle a maintes fois narré ses tâches en Ehpad.

"Le pari de la démocratie représentative est que l'on peut transcender ses origines pour porter un intérêt général. Mais s'il ne faut pas forcément être pour représenter, ça aide", explique Etienne Ollion à l'AFP.

«Fonction tribunicienne»

Pour autant, ces députés différents auront-ils les moyens de porter les voix des moins représentés et de chambouler l'Assemblée?

"A ne changer que les visages en conservant des règles qui sont relativement strictes, on ne produit pas de changement politique", considère Etienne Ollion. "L'institution s'impose aux individus, ils sont dans un cadre très contraint".

Dès lors, les moins au fait des arcanes politiques "n'ont que très rarement réussi à s'imposer", lors des précédentes législatures.

Mais aujourd'hui, la situation dans l'hémicycle a radicalement changé: pas de majorité absolue pour les macronistes, et des oppositions bien décidées à peser dans le jeu législatif.

Alors, si "l'opposition n'a pas beaucoup plus de pouvoir que de s'exprimer", explique Etienne Ollion, ces députés pourront toujours "rentrer dans une fonction tribunicienne et porter la voix des personnes qu'ils prétendent représenter".

Une fonction que des mouvements comme La France Insoumise pourraient être tentés d'investir. "Donner de la visibilité à des profils comme Rachel Kéké favorise l'image qu'ils essaient de construire d'un parti attentif aux mobilisations sociales", analyse le sociologue.

D'autant que les nouveaux députés sont souvent des militants politiques aguerris.

Côté RN, dont les 89 députés font leur entrée mercredi à l'Assemblée, prime la volonté de montrer leur capacité à exercer le pouvoir, dans une logique de crédibilisation.

Dans cette optique, selon Etienne Ollion, "ils vont être tentés de contrôler un peu la parole de leurs élus et de miser sur des personnes qui ont déjà une petite formation", ce qui n'est pas forcément le cas de l'auxiliaire de vie, du pompier, du chauffeur-livreur ou du marin pêcheur nouvellement élus.

"S'il n'y a pas un effort conscient du groupe pour les prendre en charge, ils resteront en arrière-plan", pronostique le sociologue.


Dix passeurs présumés jugés pour un naufrage meurtrier dans la Manche

Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
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  • Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés
  • La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche

LILLE: Dix hommes, dont huit Afghans, sont jugés à partir de lundi à Lille pour leur rôle présumé de passeurs dans le naufrage d'une embarcation clandestine qui avait fait quatre morts et quatre disparus dans la Manche en décembre 2022.

Parti entre 1H00 et 1H30 du matin dans la nuit du 13 au 14 décembre 2022, le canot, qui transportait en majorité des migrants afghans, avait fait naufrage à quelques kilomètres des côtes anglaises.

Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés.

La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche.

Selon les éléments de l'enquête, alors que les migrants gonflaient le bateau avant le départ, plusieurs ont entendu une détonation, synonyme selon eux de crevaison. Les passeurs leur ont dit de ne pas s'en faire et qu'il s'agissait du seul bateau disponible pour eux.

D'après les témoignages des rescapés, il n'y avait pas assez de gilets de sauvetage pour tout le monde et aucune des personnes décédées n'en portait un. La température était glaciale et la mer très agitée.

Après une ou deux heures de traversée, un boudin a commencé à se dégonfler et l'eau à entrer dans l'embarcation, jusqu'à atteindre les genoux des passagers. Paniqués, ils se sont mis debout pour tenter de faire signe à un bateau. Mais le fond du canot, peu solide, a ployé sous leur poids et celui de l'eau, et tous se sont retrouvés à l'eau.

Neuf des prévenus sont jugés, jusqu'à vendredi, pour homicide involontaire par violation d'une obligation de sécurité, deux d'entre eux le sont pour blanchiment, tous pour aide au séjour irrégulier. Huit sont afghans, un syrien, un irakien.

Certains des prévenus sont soupçonnés d'avoir recruté des passeurs et assuré la logistique auprès des passagers, d'autres d'avoir géré l'organisation sur le camp de migrants de Loon-Plage (Nord), où vivaient les migrants avant leur tentative de traversée, toujours selon les éléments de l'enquête. D'autres encore sont jugés pour s'être occupés du transport des migrants vers la plage et de la mise à l'eau du canot, et deux pour avoir collecté une partie des paiements.

Le mineur sénégalais qui pilotait le canot est, lui, inculpé dans le cadre d'une procédure au Royaume-Uni.

Apparu en 2018, le phénomène des traversées de la Manche en petites embarcations est à l'origine de nombreux naufrages, le plus meurtrier ayant coûté la vie à 27 personnes en novembre 2021.

Depuis le début de l'année, au moins 15 migrants sont morts dans la Manche, bras de mer parmi les plus fréquentés du monde et où les conditions météorologiques sont souvent difficiles, selon un décompte de l'AFP à partir de chiffres officiels. En 2024, 78 étaient morts ainsi, un record.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».