Attentats du 13-Novembre: Salah Abdeslam condamné à la prison à vie

Après 10 mois d'audience, l'heure du verdict. (AFP).
Après 10 mois d'audience, l'heure du verdict. (AFP).
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Publié le Mercredi 29 juin 2022

Attentats du 13-Novembre: Salah Abdeslam condamné à la prison à vie

  • Le Français de 32 ans est resté les bras croisés le regard dur dans le box, pendant toute la durée de la lecture du délibéré, rendu au terme de 148 jours d'audience
  • La perpétuité incompressible, également appelée «perpétuité réelle», rend infime la possibilité pour celui qui y est condamné d'obtenir une libération

PARIS: Plus de six ans après les attentats du 13-Novembre, le pire crime de l'après-guerre en France, la cour d'assises spéciale de Paris a condamné mercredi soir Salah Abdeslam, le seul membre encore en vie de commandos qui ont fait 130 morts, à la perpétuité incompressible, la peine la plus lourde du code pénal. 

Les cinq magistrats professionnels ont suivi les réquisitions du ministère public, qui avait demandé cette sanction rarissime à l'encontre du seul accusé du box jugé comme co-auteur des attaques de Paris et Saint-Denis qui ont « épouvanté et « sidéré » la France. 

La perpétuité incompressible, également appelée « perpétuité réelle », rend infime la possibilité pour celui qui y est condamné d'obtenir une libération. Elle n'avait jusque-là été prononcée qu'à quatre reprises. 

Les avocats de Salah Abdeslam, qui a affirmé à plusieurs reprises au cours des débats avoir « renoncé » à déclencher sa ceinture explosive le soir du 13 novembre 2015, par « humanité », avaient plaidé contre cette « peine de mort lente ».  

La cour a considéré que son gilet explosif était « défectueux », remettant « sérieusement en cause » les déclarations de l'intéressé sur son « renoncement ». 

Le Français de 32 ans est resté les bras croisés le regard dur dans le box, pendant toute la durée de la lecture du délibéré, rendu au terme de 148 jours d'audience. 

« Je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur », avait-il soutenu dans ses derniers mots à la cour lundi matin, réitérant ses excuses « sincères » aux victimes. 

La salle d'audience spécialement construite pour ce procès n'avait jamais connu une telle affluence, et les rescapés et proches de victimes se serraient les uns aux autres sur les bancs de bois, dans une ambiance électrique. 

Les magistrats professionnels ont condamné les 19 coaccusés de Salah Abdeslam - dont six jugés par défaut -, écartant la qualification terroriste pour un seul d'entre eux, Farid Kharkhach. 

Les peines prononcées vont de deux ans d'emprisonnement à la perpétuité. 

Mohamed Abrini, qui était « prévu » pour faire partie des commandos, mais qui a renoncé à la dernière minute selon la cour, a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie de 22 ans de sûreté. 

Les trois accusés qui comparaissaient libres ont été condamnés à des peines d'emprisonnement assorties du sursis et ne retourneront pas en prison. 

Les condamnations sont globalement en-deçà des réquisitions du parquet national antiterroriste, qui avait demandé des peines allant de cinq ans d'emprisonnement à la perpétuité. 

Les avocats de Salah Abdeslam avaient martelé que ce dernier n'était « ni psychopathe ni sociopathe ». 

Il est un « exécutant déserteur », mais la sanction demandée est digne d'un « tribunal militaire » qui juge des « ennemis » et non « des accusés », avait vilipendé son confrère Me Martin Vettes. 

Me Ronen avait dit mercredi matin sur France info attendre avec « espoir et inquiétude » le verdict pour son client et avait appelé la cour à « faire la part des choses ». 

 

La perpétuité incompressible, plus lourde peine du code pénal

La réclusion criminelle à perpétuité incompressible ou "perpétuité réelle", à laquelle a été condamnée Salah Abdeslam mercredi soir au procès des attentats du 13-Novembre, est la peine la plus lourde du code pénal.

Le parquet national antiterroriste (Pnat) a réclamé le 10 juin cette sanction rarissime pour le seul membre encore en vie des commandos du 13 novembre 2015, estimant que cet "acteur-clé" était "resté fidèle jusqu'au bout à son idéologie" et n'avait jamais exprimé "le moindre remords".

C'est "une peine de mort lente", s'était insurgée la défense de Salah Abdeslam, âgé de 32 ans.

La cour d'assises spéciale, uniquement composée de magistrats professionnels, n'était pas tenue de suivre ces réquisitions. Pour cette période de sûreté illimitée, elle doit spécialement motiver sa décision.

Cette "perpétuité réelle" rend impossible de demander un aménagement de peine.

Le condamné à cette peine peut toutefois, au bout de trente ans passés en prison, demander au tribunal de l'application des peines de revenir sur cette impossibilité.

Le tribunal ne peut réduire la durée de la période de sûreté qu'à certaines conditions, et après avis d'une commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation chargée de déterminer s'il y a lieu de mettre fin à l'application de la décision de la cour d'assises.

Pour pouvoir bénéficier d'un relèvement de sa période de sûreté illimitée, le condamné doit manifester des gages sérieux de réadaptation sociale.

Le tribunal s'assure également que sa décision n'est pas susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public et recueille en amont l'avis des victimes. Il se prononce après l'expertise d'un collège de trois experts médicaux qui évaluent l'état de dangerosité du condamné.

La "perpétuité réelle" a été instaurée en 1994 sous l'impulsion du ministre de la Justice Pierre Méhaignerie, marqué par le viol et le meurtre d'une fillette par un homme déjà condamné pour des crimes sexuels.

Avant le cas Abdeslam, elle n'avait été prononcée qu'à quatre reprises: contre Pierre Bodein dit "Pierrot le fou" en 2007, Michel Fourniret - depuis décédé en prison - en 2008, Nicolas Blondiau en 2013 et Yannick Luende Bothelo en 2016, à chaque fois pour des meurtres d'enfants accompagnés de viols ou tortures.

D'abord prévue pour ces crimes uniquement, la perpétuité incompressible a été étendue en 2011 aux meurtres ou tentatives de meurtres sur personnes dépositaires de l'autorité publique (forces de l'ordre, magistrats, surveillants de prison).

Après la série d'attentats ayant ensanglanté la France en 2015, la perpétuité "réelle" a été élargie aux crimes terroristes en juin 2016, mais cette loi n'est pas rétroactive.

La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), qui était saisie par Pierre Bodein, avait validé en 2014 les peines perpétuelles appliquées en France, estimant qu'elles offraient un espoir, même infime, de libération au détenu.

Pour le « symbole »  

Six ans après une nuit de terreur qui a traumatisé la France et après un procès-fleuve marqué par les récits glaçants des rescapés ou proches à la barre - sur plus de 2 600 parties civiles - les avocats de la défense avaient mis la cour en garde contre la tentation d'une « justice d'exception » guidée par l'émotion. 

Au premier jour le 8 septembre, le président avait souhaité que le « respect de la norme » reste le « cap » de ce « procès historique », lui ont rappelé certains, plaidant contre les peines « d'élimination », de « vengeance » ou pour le « symbole » requises selon eux par le parquet. 

Trois avocats avaient plaidé l'acquittement pour leurs clients « innocents ». « Je ne suis pas un terroriste », a répété l'un d'eux dans ses derniers mots à la cour lundi. « J'ai très peur de votre décision », a reconnu un autre entre deux sanglots. 

« Le but d'un procès, c'est aussi de comprendre pour juger au mieux et délimiter les responsabilité de chacun et faire en sorte que (ce type d'attentats) n'arrive plus. J'espère que les magistrats arriveront à comprendre ce qu'il s'est passé et à appliquer au mieux le droit pour avoir les décisions les plus justes », a déclaré Olivia Ronen mercredi. 


Le musée du Louvre resté fermé lundi en raison d'une grève

Le LNR, ou Louvre Nouvelle Renaissanc, et une rénovation à grande échelle annoncée par le président français Emmanuel Macron.  Les organisations syndicales ont ensuite été reçues au ministère de la Culture. (AFP)
Le LNR, ou Louvre Nouvelle Renaissanc, et une rénovation à grande échelle annoncée par le président français Emmanuel Macron. Les organisations syndicales ont ensuite été reçues au ministère de la Culture. (AFP)
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  • Les personnels du musée le plus visité au monde, réunis en assemblée générale, avaient voté "à l'unanimité" une grève reconductible pour dénoncer les conditions de travail et d'accueil du public
  • Plusieurs dizaines d'agents ont ensuite déployé devant la pyramide une banderole indiquant "Le Louvre en lutte pour des conditions de travail décentes, hausse des salaires, + d'effectifs contre la vétusté du palais et le projet LNR"

PARIS: Le musée du Louvre à Paris est resté fermé lundi en raison d'une "grève reconductible" de ses agents, une nouvelle épreuve pour une institution dans la tourmente depuis le spectaculaire cambriolage du 19 octobre et la mise à nu de ses dysfonctionnements.

A 9H00 (8H00 GMT), les portes du musée sont restées closes devant une file de visiteurs, puis la direction a annoncé la fermeture pour "toute la journée".

"Je suis vraiment déçu, le Louvre était la raison principale de notre venue à Paris, parce que nous voulions voir Mona Lisa", le célèbre tableau de La Joconde de Léonard de Vinci, a déclaré à l'AFP Minsoo Kim, 37, Coréen, en lune de miel.

"C'est normal qu'ils fassent grève s'ils ont besoin de meilleures conditions de travail. Bien sûr, en tant que touriste, ce n'est pas génial d'être ici et que le musée soit fermé, mais nous avons réussi à reporter notre visite, donc ça n'est pas un problème", a estimé de son côté Patricia, une touriste brésilienne qui n'a pas souhaité donner son nom.

Un peu plus tôt, les personnels du musée le plus visité au monde, réunis en assemblée générale, avaient voté "à l'unanimité" une grève reconductible pour dénoncer les conditions de travail et d'accueil du public.

Plusieurs dizaines d'agents ont ensuite déployé devant la pyramide une banderole indiquant "Le Louvre en lutte pour des conditions de travail décentes, hausse des salaires, + d'effectifs contre la vétusté du palais et le projet LNR".

Le LNR, ou Louvre Nouvelle Renaissanc, et une rénovation à grande échelle annoncée par le président français Emmanuel Macron.

Les organisations syndicales ont ensuite été reçues au ministère de la Culture.

"Nous avons eu quelques avancées en matière de rémunération, mais cela reste insuffisant et nous attendons une proposition écrite du ministère - certainement mardi - pour nous prononcer", a déclaré à l'AFP Alexis Fritche, du syndicat CFDT-Culture, à l'issue de deux heures de réunion.

Selon lui, "pas d'avancée" non plus sur les emplois: "On nous annonce 28 postes pour la surveillance, mais ils proviennent de redéploiements".

A l'issue de l'AG, le délégué du syndicat CGT Christian Galani avait rappelé que la filière accueil et surveillance avait "perdu 200 équivalents temps plein en l'espace de 15 ans, alors que la fréquentation a augmenté de moitié".

Une prochaine AG est prévue mercredi à 9H00 locales, le mardi étant le jour de fermeture hebdomadaire du Louvre.

Conflit social et réorganisation 

"On est en colère", "nous ne sommes pas d'accord avec la manière dont Le Louvre a été géré", a dit devant la presse Elise Muller, agente de surveillance du syndicat Sud Culture.

Valérie Baud, représentante CFDT, s'était félicitée d'un mouvement "interprofessionnel", regroupant métiers de la "conservation, agents d'accueil et de surveillance, professions support, juristes, graphistes".

En parallèle de ce conflit social, le musée doit faire face à une réorganisation à marche forcée et continuer de répondre aux interrogations sur les failles qui ont permis à un commando de s'emparer de huit joyaux de la Couronne, toujours introuvables.

Fragilisée, la présidente du Louvre, Laurence des Cars, devra travailler en tandem avec Philippe Jost, le haut fonctionnaire chargé du chantier de reconstruction de Notre-Dame, à qui la ministre française de la Culture Rachida Dati a confié vendredi la mission de "réorganiser en profondeur le musée".

Audition de la présidente mercredi 

"Des mesures indispensables sont à prendre, bien au-delà de la sûreté et de la sécurité", a déclaré Mme Dati.

"Toute réflexion sur l'avenir du Louvre ne saurait se limiter à une approche technico-organisationnelle", avait réagi la CFDT.

Le ministère de la Culture a précisé que la mission de M. Jost serait menée en janvier et février et que ses recommandations étaient attendues "fin février".

Des sénateurs vont par ailleurs poursuivre leur quête de réponses sur les dysfonctionnements du musée.

Mardi, ils doivent entendre pour la première fois l'ancien président du Louvre Jean-Luc Martinez, destinataire pendant son double mandat (2013-2021) de deux audits alarmants peu suivis d'effets.

Mercredi, ce sera Mme des Cars, à la tête du musée depuis fin 2021, pour comprendre notamment comment ces deux audits n'ont été découverts par l'actuelle direction qu'après le casse du 19 octobre.

 


La mère du journaliste français Christophe Gleizes a adressé une demande de grâce au président algérien

Le journaliste de 36 ans a par ailleurs formé un pourvoi en cassation contre sa condamnation pour obtenir un nouveau procès, ont fait savoir ses avocats dimanche. (AFP)
Le journaliste de 36 ans a par ailleurs formé un pourvoi en cassation contre sa condamnation pour obtenir un nouveau procès, ont fait savoir ses avocats dimanche. (AFP)
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  • Dans un communiqué publié lundi, l'association Reporters sans frontières (RSF), qui coordonne le comité de soutien de Christophe Gleizes, appuie cette demande de grâce "afin de mettre fin à une grave injustice"
  • La mère du journaliste sportif français Christophe Gleizes, condamné début décembre en Algérie à sept ans de prison ferme en appel, a transmis une demande de grâce au président algérien Abdelmadjid Tebboune, selon une lettre consultée lundi par l'AFP

PARIS: La mère du journaliste sportif français Christophe Gleizes, condamné début décembre en Algérie à sept ans de prison ferme en appel, a transmis une demande de grâce au président algérien Abdelmadjid Tebboune, selon une lettre consultée lundi par l'AFP.

"Je vous demande respectueusement de bien vouloir envisager de gracier Christophe, afin qu'il puisse retrouver sa liberté et sa famille", écrit Sylvie Godard dans cette missive du 10 décembre, assurant faire appel à la "haute bienveillance" du président algérien.

Le journaliste de 36 ans a par ailleurs formé un pourvoi en cassation contre sa condamnation pour obtenir un nouveau procès, ont fait savoir ses avocats dimanche.

Collaborateur des magazines français So Foot et Society, Christophe Gleizes a été arrêté le 28 mai 2024 en Algérie où il s'était rendu pour un reportage sur le club de football le plus titré du pays, la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), basé à Tizi-Ouzou, à 100 kilomètres à l'est d'Alger.

Le 3 décembre 2025, la Cour d'appel de Tizi-Ouzou a confirmé sa condamnation à sept ans de prison pour "apologie du terrorisme". La justice algérienne lui reproche des contacts avec des personnes liées au mouvement séparatiste MAK (Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie), classé terroriste en Algérie.

"La confirmation de la condamnation à sept années de prison ferme a été pour Christophe, comme pour moi et ma famille, un choc immense", indique Mme Godard dans sa lettre au chef de l'État algérien, qu'elle dit écrire "avec gravité et une profonde émotion".

"Cette sentence nous est incompréhensible au regard des faits et du parcours de mon fils", développe-t-elle. "Nulle part dans aucun de ses écrits vous ne trouverez trace d'un quelconque propos hostile à l'Algérie et à son peuple."

Deux jours après la décision en appel, le président français Emmanuel Macron avait jugé "excessif" et "injuste" le jugement prononcé contre Christophe Gleizes, se disant déterminé à trouver "une issue favorable".

"Grave injustice" 

Dans un communiqué publié lundi, l'association Reporters sans frontières (RSF), qui coordonne le comité de soutien de Christophe Gleizes, appuie cette demande de grâce "afin de mettre fin à une grave injustice".

"Nous appelons désormais les autorités algériennes à prendre rapidement la seule décision possible dans ce dossier : libérer Christophe et lui permettre de retrouver les siens le plus rapidement possible", détaille Thibaut Bruttin, directeur général de l'association, cité dans le communiqué.

M. Gleizes est actuellement le seul journaliste français en détention à l'étranger.

Sa condamnation en première instance en juin 2025 avait été prononcée au pic d'une grave crise diplomatique entre la France et l'Algérie, marquée notamment par le retrait des deux ambassadeurs et des expulsions réciproques de diplomates.

Mais les relations bilatérales avaient semblé en voie d'apaisement après l'octroi d'une grâce et la libération par Alger de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, le 12 novembre

Selon son avocat français Emmanuel Daoud, Christophe Gleizes a, parallèlement au recours en grâce et au pourvoi en cassation, la possibilité d'adresser une demande de mise en liberté à la Cour Suprême, qui peut s'accompagner "d'une demande d'aménagement de sa peine".

"Il est aussi très important, psychologiquement, pour Christophe, de contester toute culpabilité car, comme il l'a dit à la Cour, il n'a fait que son métier et n'a, en aucune façon, enfreint la déontologie journalistique", assure l'avocat, cité dans le communiqué publié lundi.

 


Budget de l'Etat: au Sénat, la droite tentée par le compromis, mais pas à n'importe quel prix

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
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  • Le gouvernement met la pression sur la droite sénatoriale, devenue incontournable pour l’adoption du budget de l’État 2026
  • Malgré des tentatives de rapprochement en commission mixte paritaire, le risque d’échec demeure élevé ouvrant la voie soit à l’usage du 49.3

PARIS: Appelée par le gouvernement à se montrer constructive, la droite sénatoriale n'entend pas tourner le dos à un compromis sur le budget de l'Etat, mais sa fermeté vis-à-vis des socialistes risque de compliquer l'aboutissement de la discussion budgétaire avant 2026.

"La balle est aujourd'hui dans le camp du Parlement et significativement de la droite sénatoriale", a lancé mercredi la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Une manière de mettre la pression sur la chambre haute et son alliance majoritaire droite-centristes. Elle détient à elle seule une grande partie des clés d'une équation jusqu'ici insoluble sur le projet de loi de finances pour 2026 (PLF).

En effet, si le compromis a été possible sans le Sénat sur le budget de la Sécurité sociale, les délais sur le budget de l'Etat sont tellement contraints que seul un accord entre les deux chambres du Parlement pourrait permettre l'adoption d'un budget avant le 31 décembre.

Le Sénat doit voter lundi sur l'ensemble du projet de budget, largement remanié par rapport à la version gouvernementale. Ensuite, une commission mixte paritaire (CMP), réunion de sept députés et sept sénateurs, sera chargée de trouver un terrain d'entente.

- CMP décisive -

Cette CMP est pour le moment fixée au vendredi 19 décembre, ce qui laisse encore quelques jours aux parlementaires pour négocier le périmètre d'un accord.

Si le gouvernement y croit, l'intransigeance de Bruno Retailleau, patron des Républicains et ténor de la droite sénatoriale, reste totale à ce stade.

"Il ne pourra pas y avoir d'accord sur un budget qui augmenterait considérablement les impôts et ne réduirait pas significativement la dette", a-t-il fermement affirmé au Figaro.

Autre signe d'une droite sénatoriale inflexible: elle a rejeté d'emblée, vendredi, le budget de la Sécurité sociale dans sa version de compromis trouvée à l'Assemblée nationale, laissant le dernier mot aux députés.

Une issue différente sur le budget de l'Etat ? Le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson, martèle depuis plusieurs semaines sa conviction qu'une "voie de passage existe".

"Nous serons dans l'écoute et dans l'ouverture, mais pas à n'importe quel prix. Personne ne peut se permettre de viser une victoire politique sur ce budget", assure auprès de l'AFP celui qui pilote les débats budgétaires au Sénat.

Ce dernier a commencé, ces derniers jours, à rapprocher les points de vue avec son homologue de l'Assemblée nationale, Philippe Juvin (LR lui aussi). Une autre réunion est prévue dimanche entre ces deux responsables.

"Mon objectif, c'est bien de trouver un atterrissage", confirme Philippe Juvin à l'AFP. "Il me semble que c'est accessible".

Le président du Sénat Gérard Larcher, connu pour ses qualités de conciliateur, est lui aussi dans cette optique.

Mais le patron de la chambre haute, qui a échangé avec Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu jeudi, reste très agacé par le choix du Premier ministre de se tourner vers le Parti socialiste et lui reproche d'avoir "méprisé" le Sénat.

- "Pas prêt à se renier" -

"On est prêt à faire des efforts mais on n'est pas prêt à se renier", glisse un proche du président Larcher, pour qui "trop de concessions ont été faites à la gauche".

"Ce n'est pas à la droite sénatoriale d'aller parler au PS, c'est à Sébastien Lecornu d'aller voir les socialistes pour leur dire que maintenant ça suffit, qu'ils ont tout obtenu dans le budget de la Sécu", explicite Christine Lavarde, sénatrice LR qui devrait siéger en CMP.

Une commission mixte paritaire conclusive ne suffirait pas, néanmoins, car il faudrait ensuite que le texte de compromis soit adopté par l'Assemblée nationale, avec au minimum une abstention de la gauche qui paraît impensable à ce stade.

Et certains cadres du bloc central en appellent au retour du 49.3 pour valider cet hypothétique accord.

"Le 49.3 n'est pas une baguette magique, si le gouvernement l'utilise sans compromis préalable, il s'expose à une censure immédiate", a menacé le premier secrétaire du PS Olivier Faure dans Libération.

Lui, comme beaucoup, anticipe déjà l'alternative: l'adoption d'une loi spéciale avant le 31 décembre, afin de permettre la poursuite des activités de l'Etat, et la reprise des débats début 2026. Avec un nouveau casse-tête budgétaire en perspective...