Attentats du 13-Novembre: jugement nuancé sur les complicités belges

Sur cette photo d'archive prise le 8 septembre 2021, un croquis d'audience montre une vue générale lors de la première journée du procès des attentats de Paris et de Saint-Denis du 13 novembre 2015 se déroulant dans une salle d'audience temporaire installée au palais de Justice de Paris. Benoit PEYRUCQ / AFP
Sur cette photo d'archive prise le 8 septembre 2021, un croquis d'audience montre une vue générale lors de la première journée du procès des attentats de Paris et de Saint-Denis du 13 novembre 2015 se déroulant dans une salle d'audience temporaire installée au palais de Justice de Paris. Benoit PEYRUCQ / AFP
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Publié le Jeudi 30 juin 2022

Attentats du 13-Novembre: jugement nuancé sur les complicités belges

  • La lecture du jugement se prolongeait en début d'après-midi, et aucune peine n'avait encore été prononcée
  • Le tribunal livrait son appréciation au cas par cas, en passant en revue les charges pesant sur chacun des prévenus

BRUXELLES: "Participer à un groupe terroriste implique d'avoir eu connaissance des objectifs": le tribunal de Bruxelles a rendu jeudi un jugement nuancé concernant 14 complices présumés des djihadistes auteurs des attentats du 13 novembre 2015, estimant qu'une bonne partie d'entre eux méritaient la relaxe.

La lecture du jugement se prolongeait en début d'après-midi, et aucune peine n'avait encore été prononcée. Le tribunal livrait son appréciation au cas par cas, en passant en revue les charges pesant sur chacun des prévenus (13 hommes et une femme).

Des peines allant jusqu'à cinq ans de prison ont été requises il y a un mois par le parquet fédéral, qui portait l'accusation dans ce dossier baptisé "Paris bis". Il concerne des suspects écartés de la procédure française, accusés d'avoir apporté une aide plus ou moins importante à certains auteurs du 13-Novembre, en hébergeant l'un ou l'autre ou en assurant une conduite à l'aéroport.

Le jugement tombe au lendemain du verdict de la cour d'assises spéciale de Paris qui, après dix mois d'audience, a condamné mercredi soir 20 hommes (dont six jugés par défaut) impliqués dans les pires attentats jamais commis en France.

Ces attaques perpétrées à Paris et dans la ville voisine de Saint-Denis, revendiquées par le groupe Etat islamique (EI), ont fait 130 morts, dont 90 assassinés lors d'un concert dans la salle de spectacle parisienne du Bataclan.

A Bruxelles, les 14 prévenus, dont deux jugés par défaut car présumés morts en zone irako-syrienne, sont en grande majorité des Bruxellois qui gravitaient dans l'entourage de Salah Abdeslam, Mohamed Abrini (tous deux condamnés mercredi à la prison à vie), ou des frères El Bakraoui, qui se sont fait exploser lors des attentats de Bruxelles (32 morts le 22 mars 2016).

L'un d'eux, Abid Aberkane, se voit reprocher d'avoir caché au domicile de sa mère Salah Abdeslam à la fin de sa cavale de quatre mois, lors des trois derniers jours précédant son arrestation le 18 mars 2016.

Quatre ans de prison, éventuellement assortis du sursis, ont été réclamés contre lui le 29 avril par le parquet fédéral. L'accusation a pointé du doigt "des faits d'une extrême gravité".

Jeudi le tribunal a estimé que l'aide apportée "pour nourrir, loger, vêtir" Salah Abdeslam était démontrée. Abid Aberkane a agi "en pleine connaissance de cause", en sachant que le djihadiste, qui est son cousin, était alors l'homme le plus recherché d'Europe.

«Facile à dire après coup»

En revanche, pour d'autres prévenus ayant été en contact avant les attentats avec les Abdeslam, Ahmed Dahmani (lui aussi condamné à Paris) ou d'autres Molenbeekois acquis aux thèses de l'EI, leur "participation aux activités d'un groupe terroriste" n'a pas été prouvée, selon le tribunal. Il s'agit de la qualification pénale majoritairement retenue dans le dossier.

"Ne pas dénoncer l'appartenance" à l'EI, ou "entretenir des contacts avec des membres (...) n'est pas en soi punissable", insiste le jugement à plusieurs reprises.

Le tribunal rejoint ainsi les arguments brandis au procès par plusieurs avocats de la défense.

"Conduire un copain à l'aéroport est devenu participer aux activités d'un groupe terroriste. C'est facile à dire après coup!", avait protesté l'un d'eux devant la presse, tandis qu'un autre déplorait que la justice belge ait "raclé les fonds de tiroirs" pour mener ce procès.

Parmi les prévenus figure Ibrahim Abrini, frère de Mohamed, soupçonné d'avoir aidé ce dernier, une fois rentré en Belgique, à se débarrasser d'un ordinateur et des vêtements qu'il portait en accompagnant "le convoi de la mort" à Paris. Deux ans de prison avec sursis probatoire (c'est-à-dire soumis à conditions) ont été réclamés contre lui.

Deux des 14 ont échappé à la qualification d'infraction "terroriste", dont Meryem El Balghiti, poursuivie pour "faux" pour avoir aidé son mari Farid Kharkhach à confectionner des fausses cartes d'identité pour les djihadistes. Ce dernier a été condamné mercredi dans le procès parisien à deux ans de prison, peine qui est couverte par la détention provisoire déjà effectuée.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.


Droits de douane: la France déçue de l'accord UE-USA

Le ministre français de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Eric Lombard, s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale française, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 10 juin 2025. (AFP)
Le ministre français de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Eric Lombard, s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale française, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 10 juin 2025. (AFP)
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  • La France, déçue de l'accord commercial annoncé dimanche entre l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis, a plaidé lundi pour que l'Europe se montre plus ferme lors des négociations à venir
  • Le président français Emmanuel Macron n'avait pas réagi lundi. Mais son Premier ministre François Bayrou a évoqué un "jour sombre" pour l'Europe, qui "se résout à la soumission"

PARIS: La France, déçue de l'accord commercial annoncé dimanche entre l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis, a plaidé lundi pour que l'Europe se montre plus ferme lors des négociations à venir sur ses modalités d'application.

Le président français Emmanuel Macron n'avait pas réagi lundi. Mais son Premier ministre François Bayrou a évoqué un "jour sombre" pour l'Europe, qui "se résout à la soumission".

Se projetant vers la suite, le ministre de l'Economie Eric Lombard a lui estimé lundi soir que "cet accord n'est pas complet" et que "le travail continue". Car "l'accord n'est pas finalisé et nous veillerons à ce qu'il soit amélioré", a-t-il dit dans une interview à Libération.

"Les discussions doivent se poursuivre pour les produits pharmaceutiques - on comprend que certains génériques seront exemptés -, sur l'acier, sur l'aluminium, sur les produits chimiques, sur les semi-conducteurs et sur les vins et les produits agricoles", précise-t-il.

"Il ne faudrait pas que cet accord soit la fin de l'histoire, auquel cas nous nous serions tout simplement juste affaiblis", avait estimé sur France Inter dès lundi matin le ministre français délégué au Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin.

"Maintenant, il va y avoir une négociation technique" et "nous pouvons nous saisir de cette séquence pour nous renforcer", a-t-il ajouté.

Le président américain Donald Trump et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont annoncé dimanche en Ecosse un accord douanier prévoyant que les produits européens exportés aux Etats-Unis soient taxés à 15%.

Avec l'espoir d'éviter une escalade commerciale, l'UE s'est aussi engagée à 750 milliards de dollars d'achats d'énergie - visant notamment à remplacer le gaz russe - et à 600 milliards d'investissements supplémentaires aux Etats-Unis.

A Paris, si on concède que cet accord va apporter de la "stabilité" aux entreprises, on insiste surtout sur son caractère "déséquilibré", selon les termes utilisés par plusieurs membres du gouvernement.

"Notre responsabilité aujourd'hui, c'est de faire en sorte que cet accord, in fine, soit le moins déséquilibré possible", a déclaré sur RTL le ministre de l'Industrie et de l'Energie Marc Ferracci.

- Prochains jours déterminants -

MM. Ferracci et Saint-Martin ont plaidé pour un "rééquilibrage" portant sur les services, en particulier le numérique, en rappelant que si la balance commerciale des Etats-Unis avec l'Europe est déficitaire pour les biens, celle des services est excédentaire.

Concernant les échanges de biens, la France affichait en 2024 un excédent commercial de 16,4 milliards de dollars à l'égard des Etats-Unis selon les Américains, mais les Douanes françaises évoquent pour la même période un déficit de 4,2 milliards d'euros.

Les négociateurs européens devront utiliser "l'ensemble des outils qui sont à leur disposition" et notamment envisager "de limiter l'accès des entreprises américaines aux marchés publics européens", a insisté M. Ferracci.

Du côté des entreprises, Patrick Martin, le président du Medef, première organisation patronale française, a estimé que "si les choses sont bien ce qui nous a été annoncé, ce n'est pas admissible". "Il faut continuer à négocier", selon lui.

La CPME, deuxième organisation patronale, a dit anticiper "des répercussions désastreuses" pour les petites et moyennes entreprises. Et le mouvement des ETI (Meti) a évoqué "des conséquences particulièrement préoccupantes pour les entreprises de taille intermédiaire".

Selon les secteurs, les sentiments sont ambivalents.

"Il y a du soulagement parce que cet accord donne de la visibilité", a déclaré à l'AFP Emmanuel Guichard, délégué général de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA). Mais "ce n'est pas un bon accord pour nous, tout simplement parce qu'on avait 0% de droits de douane en janvier vers les Etats-Unis et maintenant on va être à 15%."

"La catastrophe est évitée", en référence aux 30% de droits de douane évoqué par M. Trump, "mais les prochains jours seront déterminants pour le secteur français des vins et spiritueux", déclare dans un communiqué la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux (FEVS), à laquelle se joint l’ensemble des interprofessions françaises (CNIV) et de la filière.

Dans l'agroalimentaire, l'organisation patronale du secteur, l'Ania, a dénoncé un "accord clairement inéquitable (...) qui fragilise notre position".

Seuls les secteurs qui pourraient bénéficier d'une exemption de droits de douane, comme l'aéronautique, se sont montrés complètement soulagés.

Le Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) a salué dans une déclaration transmise à l'AFP une exonération "bonne pour une industrie équilibrée entre la France et les Etats-Unis" et qui permettra de "conserver des emplois qualifiés en France à tous les niveaux de la chaîne de sous-traitance."

Les organisations patronales et les fédérations des filières économiques affectées par cet accord seront reçues mercredi à Bercy.