Touchée par la crise ukrainienne, la Tunisie cherche l'autosuffisance en blé dur

Un agriculteur conduit une moissonneuse dans un champ de blé dans la région de Cebalet Ben Ammar, au nord de la capitale Tunis, le 16 juin 2022. (AFP).
Un agriculteur conduit une moissonneuse dans un champ de blé dans la région de Cebalet Ben Ammar, au nord de la capitale Tunis, le 16 juin 2022. (AFP).
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Publié le Mardi 05 juillet 2022

Touchée par la crise ukrainienne, la Tunisie cherche l'autosuffisance en blé dur

  • La Tunisie, qui importe 66% de sa consommation de céréales et notamment de la région de la mer Noire, veut réduire sa dépendance
  • Mais les agriculteurs des plaines ensoleillées de Cebalet Ben Ammar, au nord de la capitale Tunis, sont pénalisés par du matériel délabré et un manque d'aide financière du gouvernement

CEBALET BEN AMMAR : Dans son champ au nord de Tunis, l'agriculteur Mondher Mathali contemple une étendue d'épis de blé dur qui se courbent avant de démarrer sa vieille et bruyante moissonneuse-batteuse, susceptible de le lâcher à tout moment.

Durement touchée par la flambée des prix des céréales provoquée par la guerre en Ukraine, la Tunisie, qui importe 66% de sa consommation de céréales et notamment de la région de la mer Noire, veut réduire sa dépendance.

Si elle continuera à importer du blé tendre pour son pain, elle vise l'autosuffisance en blé dur, ingrédient essentiel de l'alimentation dans les pays du Maghreb pour les mets à base de couscous et de pâtes, dont les Tunisiens sont les seconds consommateurs mondiaux derrière les Italiens, avec 17 kg de pâtes par habitant et par an.

Mais les agriculteurs des plaines ensoleillées de Cebalet Ben Ammar, au nord de la capitale Tunis, sont pénalisés par du matériel délabré et un manque d'aide financière du gouvernement.

"J'adorerais acheter une nouvelle moissonneuse-batteuse, mais je ne pourrais le faire qu'avec l'aide du gouvernement", confie l'agriculteur Mondher Mathali, 65 ans, se plaignant que sa machine, un modèle de 1976, gaspille près d'un tiers de la récolte.

L'homme, qui peine à trouver ou acheter des pièces de rechange, dit vivre dans la hantise d'une panne mécanique majeure qui se traduirait par la perte de la totalité de sa récolte.

Remplacer sa moissonneuse-batteuse, même sur le marché de l'occasion, coûterait quelque 150 000 euros, une somme inaccessible pour de nombreux petits agriculteurs tunisiens.

"Si l'Etat nous soutenait, notre production et même la qualité augmenteraient de peut-être 50%, voire 90%", selon M. Mathali. "Mais notre situation s'aggrave et l'Etat ne nous aide pas", regrette-t-il.

"La Tunisie compte environ 3 000 moissonneuses-batteuses, dont 80% sont vieilles et très gaspilleuses, ce qui représente un important manque à gagner", a reconnu Faten Khamassi, cheffe du cabinet du ministre de l'Agriculture.

«Pas de continuité»

La flambée des cours des céréales sur les marchés internationaux a mis en évidence la question de la production de blé qui doit être une priorité.

Entre 2012 et 2016, le pays importait environ 33% de son blé dur, 71% de son orge et 85% de son blé tendre, selon un rapport de la FAO. Outre cette dépendance aux importations, la production locale a aussi pâti d'une décennie d'instabilité politique avec de nombreux changements de gouvernement depuis la révolution de 2011.

"De temps à autre, il y a un nouveau ministre de l'Agriculture. Il prend son poste et la politique change (...) Il n'y a pas de continuité", explique à l'AFP Saïda Beldi, une technicienne agricole employée par l'Etat.

Depuis avril, le gouvernement a dévoilé une série de mesures pour améliorer la situation, dans l'espoir d'atteindre la pleine autosuffisance en blé dur d'ici 2023. Objectif: passer de 560 000 à 800 000 hectares semés en blé dur.

L'office gouvernemental des céréales a augmenté le prix par tonne versé aux agriculteurs, pour les encourager à produire davantage.

Le ministère de l'Agriculture espère également augmenter de 30% la superficie des terres agricoles consacrées au blé tendre la saison prochaine. Il veut aider les agriculteurs à se procurer de meilleures semences, à obtenir une assistance technique et des prêts garantis par l'Etat.

Il prévoit aussi d'aider les coopératives agricoles pour acheter des moissonneuses-batteuses à usage collectif, indique Mme Khamassi. En dépit des défis, "il est certainement possible de parvenir à l'autosuffisance en blé dur", assure-t-elle.

«Grenier de l'Empire romain»

Dans le cadre de ses efforts pour développer le secteur, le ministère de l'Agriculture a aussi annoncé en juin que les investisseurs étrangers seraient autorisés à détenir entièrement des entreprises agricoles sans être obligés d'avoir un partenaire tunisien.

Mme Khamassi affirme que cet assouplissement devrait attirer les investissements étrangers et créer des emplois dans le secteur.

Mais l'économiste Fadhel Kaboub avertit que cette mesure pourrait rendre la Tunisie encore plus dépendante des importations de blé. Il craint que les investisseurs étrangers puissent opter pour d'autres cultures plus lucratives.

"Le modèle économique de ces grandes entreprises (...) est basé sur des exportations qui leur rapportent les dollars et les euros dont ils ont besoin pour rembourser leurs dettes, et non de produire du blé à vendre pour des dinars sur le marché local", souligne-il.

"Les petits agriculteurs tunisiens exploitant de petites parcelles de terre ne pourront pas rivaliser avec les grands investisseurs étrangers ayant accès à des prêts bon marché auprès des banques européennes", met en garde l'économiste.

Pour garder espoir malgré sa moissonneuse-batteuse brinquebalante, l'agriculteur Mondher Mathali puise dans l'histoire de son pays et y trouve des raisons d'être optimiste: "La Tunisie était le grenier à blé de l'Empire romain. Qu'est-ce qui nous empêche de le redevenir ?"


Une plainte en France pour «entrave» au travail des reporters à Gaza

Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza. (AFP)
Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza. (AFP)
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  • "Cette plainte est la première déposée à ce jour sur le fondement du délit d'entrave à la liberté d'exercer le journalisme, et la première à inviter le ministère public à se prononcer sur l'application de cette incrimination"
  • "Cette plainte (...) dénonce une entrave concertée, parfois violente, empêchant les journalistes français de travailler dans les Territoires palestiniens et portant atteinte à la liberté de la presse"

PARIS: Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza.

Ces faits pourraient selon ces organisations constituer des "crimes de guerre", pour lesquels le parquet national antiterroriste à Paris peut enquêter, dès lors qu'ils sont commis contre des Français.

"Cette plainte est la première déposée à ce jour sur le fondement du délit d'entrave à la liberté d'exercer le journalisme, et la première à inviter le ministère public à se prononcer sur l'application de cette incrimination dans un contexte international où les atteintes à la liberté de la presse sont devenues structurelles", soulignent les plaignants dans la centaine de pages de leur requête, rendue publique par franceinfo.

"Cette plainte (...) dénonce une entrave concertée, parfois violente, empêchant les journalistes français de travailler dans les Territoires palestiniens et portant atteinte à la liberté de la presse", a commenté Me Louise El Yafi, l'une des avocates à l'origine de la plainte.

Elle "souligne aussi l'insécurité croissante visant les journalistes français en Cisjordanie (...). Ces atteintes, en violation du droit international humanitaire, relèvent également de crimes de guerre", ajoute sa consoeur Me Inès Davau.

Un journaliste français travaillant pour plusieurs rédactions francophones, qui a tenu à garder l'anonymat, porte lui aussi plainte: il dénonce son "agression" par des colons lors d'un reportage dans les territoires occupés.

Reporters sans frontières (RSF) a décompté plus de 210 journalistes tués depuis le début des opérations militaires israéliennes à Gaza, en représailles à l'attaque du 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas.

Depuis le début de la guerre, les autorités israéliennes ont empêché les journalistes de médias étrangers d'entrer de manière indépendante à Gaza, autorisant seulement au cas par cas une poignée de reporters à accompagner leurs troupes.

En France, plusieurs plaintes ont été déposées en lien avec le conflit. Elles visent notamment des soldats franco-israéliens d'une unité d'élite de l'armée israélienne, l'entreprise française d'armement Eurolinks ou encore des Franco-Israéliens qui se rendraient complices du crime de colonisation.

Suite à une plainte, le parquet national antiterroriste a aussi demandé à un juge d'instruction parisien d'enquêter pour "crimes de guerre" dans le dossier de la mort de deux enfants français dans un bombardement israélien à Gaza en octobre 2023.


Trump avertit Israël de ne pas «interférer» avec la Syrie

Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste. (AFP)
Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste. (AFP)
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  • Le président américain a échangé au téléphone avec Benjamin Netanyahu et l'a de nouveau invité à la Maison Blanche, ont affirmé les services du Premier ministre israélien peu après l'avertissement lancé par Donald Trump
  • "Il est très important qu'Israël maintienne un dialogue fort et véritable avec la Syrie, que rien ne vienne interférer avec l'évolution de la Syrie en un Etat prospère"

WASHINGTON: Donald Trump a mis en garde Israël lundi contre toute ingérence en Syrie qui risquerait de compromettre la transition du pays arabe en "Etat prospère", après une incursion vendredi de forces israéliennes dans le sud de la Syrie.

Le président américain a échangé au téléphone avec Benjamin Netanyahu et l'a de nouveau invité à la Maison Blanche, ont affirmé les services du Premier ministre israélien peu après l'avertissement lancé par Donald Trump.

"Il est très important qu'Israël maintienne un dialogue fort et véritable avec la Syrie, que rien ne vienne interférer avec l'évolution de la Syrie en un Etat prospère", a déclaré le président américain sur sa plateforme Truth Social, affirmant que les Etats-Unis étaient "très satisfaits des résultats affichés" par Damas.

Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste.

Depuis la chute il y a près d'un an du président Bachar al-Assad, renversé par une coalition islamiste, Israël a mené des centaines de frappes et conduit des incursions en Syrie. L'opération de vendredi est la plus meurtrière de celles-ci et le ministère syrien des Affaires étrangères a dénoncé un "crime de guerre".

Donald Trump avait reçu début novembre à la Maison Blanche le nouveau chef d'Etat syrien, Ahmad al-Chareh, pour une visite cordiale, au cours de laquelle l'ancien jihadiste avait annoncé que son pays rejoindrait la coalition internationale contre le groupe Etat islamique (EI). Le président américain, qui a levé les sanctions contre Damas, pousse également pour qu'un accord de sécurité soit conclu entre Israël et la Syrie.

"Le nouveau président de la Syrie, Ahmad al-Chareh, travaille de manière assidue pour s'assurer que des bonnes choses arrivent et que la Syrie et Israël aient à l'avenir une relation longue et prospère ensemble", a déclaré lundi Donald Trump dans son post sur Truth Social.

"C'est une opportunité historique, et elle s'ajoute au SUCCÈS, déjà atteint, pour la PAIX AU MOYEN-ORIENT", a-t-il affirmé.

Invitation 

Lors de leur échange par téléphone lundi, Benjamin Netanyahu et Donald Trump ont évoqué un "élargissement" des accords de paix régionaux, selon un communiqué des services du Premier ministre israélien publié dans la foulée du post de Donald Trump.

"Trump a invité le Premier ministre Netanyahu à une rencontre à la Maison Blanche dans un avenir proche", ont-ils ajouté.

Benjamin Netanyahu a déjà effectué davantage de visites auprès de Donald Trump que n'importe quel autre dirigeant étranger depuis le retour du républicain au pouvoir.

"Les deux dirigeants ont souligné l'importance et le devoir de désarmer le Hamas et de démilitariser la bande de Gaza", précise le communiqué.

Depuis la chute de Bachar al-Assad, Israël a déployé des troupes dans la zone démilitarisée sur le plateau du Golan, au-delà de la ligne de démarcation entre la partie de ce territoire syrien annexée unilatéralement par Israël en 1981 et le reste de la Syrie.

Israël attache une "importance immense" à sa présence militaire dans la zone tampon en Syrie, avait déclaré le 19 novembre son Premier ministre, Benjamin Netanyahu, lors d'une visite à des soldats israéliens déployés dans cette zone censée être sous le contrôle de l'ONU.

Cette visite avait été dénoncée par Damas et par l'ONU.

Pendant l'été, des contacts de haut niveau entre responsables israéliens et syriens ont eu lieu, avec l'aide de Paris et Washington, les deux parties indiquant vouloir parvenir à un accord de sécurité.

Mais Benjamin Netanyahu exige pour cela une démilitarisation de toute la partie du territoire syrien courant du sud de Damas jusqu'à la ligne de démarcation de 1974, instituée après la guerre israélo-arabe de 1973.

 


Le pape célèbre une messe en plein air à Beyrouth, moment fort de sa visite

Plus de 120.000 personnes sont attendues mardi à la messe en plein air présidée par Léon XIV à Beyrouth, moment fort de sa visite au Liban où il a été accueilli avec ferveur et a délivré un message de paix et d'unité. (AFP)
Plus de 120.000 personnes sont attendues mardi à la messe en plein air présidée par Léon XIV à Beyrouth, moment fort de sa visite au Liban où il a été accueilli avec ferveur et a délivré un message de paix et d'unité. (AFP)
Le Liban est la seconde étape du premier déplacement international du pape américain, après une visite en Turquie marquée par le dialogue pour l'unité des chrétiens. (AFP)
Le Liban est la seconde étape du premier déplacement international du pape américain, après une visite en Turquie marquée par le dialogue pour l'unité des chrétiens. (AFP)
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  • Au dernier jour de sa visite dans le pays meurtri par les conflits et une crise multiforme, il doit également se recueillir sur le site de la terrible explosion du port
  • Le Liban est la seconde étape du premier déplacement international du pape américain, après une visite en Turquie marquée par le dialogue pour l'unité des chrétiens

BEYROUTH: Plus de 120.000 personnes sont attendues mardi à la messe en plein air présidée par Léon XIV à Beyrouth, moment fort de sa visite au Liban où il a été accueilli avec ferveur et a délivré un message de paix et d'unité.

Au dernier jour de sa visite dans le pays meurtri par les conflits et une crise multiforme, il doit également se recueillir sur le site de la terrible explosion du port, qui a dévasté la capitale en 2020, faisant plus de 220 morts.

Le Liban est la seconde étape du premier déplacement international du pape américain, après une visite en Turquie marquée par le dialogue pour l'unité des chrétiens.

Son voyage qui s'achève mardi a apporté un souffle d'espoir au pays, qui sort d'une guerre meurtrière avec Israël et craint un renouvellement des violences.

Cette visite "nous a rendu le sourire (...) après toutes les difficultés que nous avons traversées", a confié à l'AFP Yasmine Chidiac, qui attendait lundi le passage du convoi papal pour l'acclamer.

Plus de 120.000 personnes se sont inscrites pour assister à la messe sur le front de mer et seront acheminées par bus, selon les organisateurs.

Dès lundi soir, les autorités ont interdit les accès à de larges parties du centre de Beyrouth, où des barrages de contrôle doivent être installés.

"Un avenir meilleur" 

Le chef de l'église catholique va également tenir une prière silencieuse sur le site de l'explosion du port de Beyrouth, le 4 août 202, une catastrophe qui a profondément meurtri le pays.

Il doit saluer certains proches des victimes et des survivants, qui, cinq ans après la catastrophe, continuent de réclamer justice.

La déflagration, l'une des plus grandes explosions non nucléaires de l'Histoire, avait été provoquée par un incendie dans un entrepôt où était stocké sans précaution du nitrate d'ammonium malgré des avertissements répétés aux plus hauts responsables.

L'enquête n'a toujours pas abouti, des responsables politiques ayant fait obstruction au travail du juge indépendant qui en est chargé.

Peu avant, Léon XIV visitera un hôpital tenu par des religieuses dans la capitale.

Lundi, le souverain pontife a appelé les chefs des différentes communautés religieuses libanaises, réunis à l'occasion de sa visite, à combattre l'intolérance et la violence.

Il s'est également offert un bain de foule géant auprès de 15.000 jeunes du Liban au siège du patriarcat maronite à Bkerké, au nord de Beyrouth, qu'il a appelés à construire "un avenir meilleur".

"Vous avez l'enthousiasme nécessaire pour changer le cours de l'histoire!", a lancé Léon aux jeunes qui l'ont accueilli dans une ambiance survoltée.