Conteneurs en retard, prix exorbitants: le fret maritime sous le feu des critiques

Une photographie montre le port commercial de Fort-de-France, sur l'île française des Caraïbes, la Martinique, le 15 juin 2022. (AFP)
Une photographie montre le port commercial de Fort-de-France, sur l'île française des Caraïbes, la Martinique, le 15 juin 2022. (AFP)
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Publié le Samedi 09 juillet 2022

Conteneurs en retard, prix exorbitants: le fret maritime sous le feu des critiques

  • Le prix moyen d'un conteneur sur une rotation Asie-Europe, de 1 500 dollars environ début 2020, s'est envolé à plus de 10 000 dollars aujourd'hui, pour les tarifs "spot"
  • La pandémie de Covid avait provoqué, au premier trimestre 2020, une baisse de 20% des échanges internationaux de marchandises

MARSEILLE : Ils ont fait des bénéfices record après la crise sanitaire: les armateurs de porte-conteneurs, accusés par leurs clients de rendre de "mauvais services" depuis deux ans tout en pratiquant des tarifs exorbitants, sont pointés du doigt comme portant, en partie, la responsabilité de l'inflation.

Le prix moyen d'un conteneur sur une rotation Asie-Europe, de 1 500 dollars environ début 2020, s'est envolé à plus de 10 000 dollars aujourd'hui, pour les tarifs "spot" (réservés seulement 30 jours à l'avance), selon les acteurs du secteur.

La pandémie de Covid avait provoqué, au premier trimestre 2020, une baisse de 20% des échanges internationaux de marchandises, rappelle à l'AFP Jean-Michel Garcia, délégué aux transports internationaux de l'Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF), forçant les compagnies de fret, pour "réduire la voilure", à se séparer de certains bateaux et de nombreux conteneurs.

Mais depuis, assure M. Garcia, "la demande est revenue au même niveau qu'avant, les capacités sont plus importantes qu'avant, sauf que les compagnies maritimes font du mauvais service". D'après l'institut Sea Intelligence, en mai 2022, la ponctualité des bateaux n'était que de 30 à 40%.

"In fine, c'est le chargeur --le client-- qui paye tout, avec le minimum d'explications et le maximum de menaces", dénonce M. Garcia.

Des voix se sont élevées pour dénoncer cette situation, comme celle de Michel-Edouard Leclerc, président du comité stratégique des centres E. Leclerc, qui a demandé que le Parlement français ouvre "une commission d'enquête sur les origines de l'inflation, sur ce qui se passe sur le front des prix depuis les transports jusqu'aux consommateurs".

Les autorités de plusieurs pays, dont les Etats-Unis, ont lancé des enquêtes contre les grandes compagnies maritimes, dont elles dénoncent la concentration excessive. Le président américain Joe Biden lui-même a récemment menacé de "sévir contre les compagnies qui pratiquent une tarification abusive et excessive".

40 000 navires à changer

"Les ententes sont illégales, et tous les armateurs du monde sont extrêmement vigilants là-dessus", répond Jean-Emmanuel Sauvée, président d'Armateurs de France, interpellé par l'AFP.

Pour justifier les forts tarifs actuels, il met en avant les investissements colossaux des compagnies pour s'adapter aux nouvelles règles de l'OMI, qui leur impose dès 2023 d'accélérer la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre: "c'est 40 000 navires dans le monde qu'il va falloir changer".

Le doute sur les pratiques des armateurs vient aussi, selon Lamia Kerdjoudj, secrétaire générale de Feport, qui représente les terminaux privés, du règlement d'exemption qui leur permet "de s'entendre sur leurs capacités".

La Feport dénonce aussi "les mauvaises habitudes des bateaux d'arriver en retard, or le terminal portuaire n'est pas un parking, ni une zone de stockage à ciel ouvert, il faudrait que les autorités portuaires haussent le ton".

Elle reconnaît aussi, dans certains ports, des problèmes de connectivité qui retardent les livraisons. Un argument mis en avant par l'un des leaders du secteur qui, sous couvert d'anonymat, assure que tous ses bateaux sont en activité et regrette les congestions portuaires et l'engorgement des réseaux intermodaux, selon lui à l'origine des tensions sur les chaînes logistiques.

Pressé par le gouvernement, le leader français du secteur, la CMA CGM, a baissé ses tarifs de 500 euros par conteneur pour toutes les importations de ses clients de la grande distribution française, "pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages français".

Le troisième armateur mondial a engrangé au premier trimestre 2022 un bénéfice net record de 7,2 milliards de dollars.

Ce "coup de pouce" consenti ne suffira pas à changer la donne pour des entreprises étouffées par le prix du fret. Au salon Euromaritime qui s'est tenu fin juin à Marseille, Stéphane Salvetat, du syndicat des transitaires de Marseille-Fos, a témoigné qu'un de ses clients dépensait "1,5 million d'euros par an pour la logistique avant 2020, aujourd'hui c'est entre 20 et 25 millions... au point qu'il envisage d'ouvrir une usine en Europe".

Pour Lamia Kerdjoudj, de la Feport, "les entreprises commencent à rechercher des filiales plus près de l'Europe, et la guerre en Ukraine accroit cette tendance". "Peut-être qu'on va acheter moins loin, pour vendre moins loin...", suggère-t-elle.


France : l'ancien Premier ministre Philippe demande encore le départ anticipé de Macron

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  • Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu
  • "Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre"

PARIS: L'ancien Premier ministre français Edouard Philippe a à nouveau réclamé jeudi le départ anticipé du président Emmanuel Macron, pour lui "la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois" de "crise" politique avant la prochaine élection présidentielle prévue pour le printemps 2027.

Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu - reconduit depuis -, en suggérant un départ anticipé et "ordonné" du chef de l'Etat, qui peine à trouver une majorité.

"Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre. Je l'ai dit parce que c'est la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois d'indétermination et de crise, qui se terminera mal, je le crains", a déclaré l'ancien Premier ministre sur la chaîne de télévision France 2.

"Ca n'est pas simplement une crise politique à l'Assemblée nationale à laquelle nous assistons. C'est une crise très profonde sur l'autorité de l'Etat, sur la légitimité des institutions", a insisté M. Philippe.

"J'entends le président de la République dire qu'il est le garant de la stabilité. Mais, objectivement, qui a créé cette situation de très grande instabilité et pourquoi ? Il se trouve que c'est lui", a-t-il ajouté, déplorant "une Assemblée ingouvernable" depuis la dissolution de 2024, "des politiques publiques qui n'avancent plus, des réformes nécessaires qui ne sont pas faites".

"Je ne suis pas du tout pour qu'il démissionne demain matin, ce serait désastreux". Mais Emmanuel Macron "devrait peut-être, en prenant exemple sur des prédécesseurs et notamment le général De Gaulle, essayer d'organiser un départ qui nous évite pendant 18 mois de continuer à vivre dans cette situation de blocage, d'instabilité, d'indétermination", a-t-il poursuivi.

Edouard Philippe, qui s'est déclaré candidat à la prochaine présidentielle, assure ne pas avoir de "querelle" avec Emmanuel Macron. "Il est venu me chercher (en 2017), je ne me suis pas roulé par terre pour qu'il me nomme" à la tête du gouvernement et après avoir été "congédié" en 2020, "je ne me suis pas roulé par terre pour rester".


Motion de censure: Le Pen attend la dissolution avec une «impatience croissante»

 Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
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  • Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu
  • Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver"

PARIS: Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante".

Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu. Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver".

"Poursuite du matraquage fiscal" avec 19 milliards d'impôts supplémentaires, "gel du barème" de l'impôt sur le revenu qui va rendre imposables "200.000 foyers" supplémentaires, "poursuite de la gabegie des dépenses publiques", "absence totale d'efforts sur l'immigration" ou sur "l'aide médicale d'Etat", ce budget "est un véritable musée de toutes les horreurs coincées depuis des années dans les tiroirs de Bercy", a-t-elle estimé.

Raillant le premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui a accepté d'épargner le gouvernement en échange de la suspension de la réforme des retraites sans savoir par "quel véhicule juridique" et sans assurance que cela aboutisse, elle s'en est pris aussi à Laurent Wauquiez, le chef des députés LR, qui préfère "se dissoudre dans le socialisme" plutôt que de censurer.

"Désormais, ils sont tous d'accord pour concourir à éviter la tenue d'élections", "unis par la terreur de l'élection", a-t-elle dit.


A peine installé, Lecornu affronte deux motions de censure

Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée. (AFP)
Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée. (AFP)
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  • Sans recours au 49.3, que M. Lecornu s'est engagé à ne pas utiliser, la bataille entre une gauche désunie, un socle commun fracturé et l'extrême droite s'annonce dantesque, dans des délais très contraints
  • Les socialistes se réservent d'ailleurs la possibilité de censurer le gouvernement au cours des discussions

PARIS: Un dernier obstacle avant d'entamer l'examen du budget: deux motions de censure contre le gouvernement de Sébastien Lecornu, l'une de LFI et l'autre du RN, seront débattues par les députés jeudi matin, et devraient être rejetées, dans un scrutin serré, faute de soutien du PS.

Le Parti socialiste a pris sa décision après avoir obtenu mardi satisfaction sur plusieurs revendications clés, dont l'annonce par le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, de la suspension de la réforme des retraites.

Un débat commun aux deux motions débutera à 09H00 dans l'hémicycle jeudi, et devrait durer environ deux heures trente. Le scrutin sera ensuite ouvert pour trente minutes sur une motion, puis l'autre.

Si la gauche ne soutiendra pas la motion du RN, la motion insoumise devrait elle recueillir les voix de l'extrême droite ainsi que des députés écologistes et communistes.

Manqueraient alors environ une vingtaine de députés pour atteindre la majorité (289 voix) qui ferait tomber le gouvernement, tout juste nommé dimanche.

"Je pense qu'il manque une poignée de voix et que la sagesse peut revenir à certains", a estimé mardi Marine Le Pen, qui défendra la motion de son groupe et de ses alliés ciottistes. Leur texte défend la nécessité d'une dissolution pour "sortir" le pays "de l'impasse".

Combien de députés franchiront le pas en s'affranchissant de la consigne de leur parti?

Chez les LR "deux ou trois" devraient voter la censure, selon une source au groupe.

"Quelques votes pour" sont également possibles chez les indépendants Liot, selon une source au sein du groupe centriste.

Chez les socialistes, le patron du parti Olivier Faure et le chef des députés Boris Vallaud ont appelé leurs troupes à s'en tenir à la ligne décidée de façon "quasi-unanime".

Mais le député Paul Christophe a fait savoir qu'il censurerait malgré tout: "mon sujet c'est la justice fiscale et le pouvoir d'achat, il n'y a pas d'engagement du gouvernement sur ces sujets", a-t-il dit à l'AFP.

Cinq autres députés ultramarins du groupe PS ont également annoncé censurer.

"Un leurre" 

Le socialiste Pierrick Courbon dit lui hésiter. Il s'inquiète que la suspension de la réforme des retraites, qui passera selon M. Lecornu par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, implique que les socialistes soutiennent ce texte pour qu'il soit adopté. Or "le PLFSS du budget Macron" n'obtiendra "jamais ma voix", confie-t-il à l'AFP.

Un argument d'ailleurs repris en choeur par La France insoumise. "Vous vous apprêtez à commettre une monumentale erreur", a lancé lundi dans l'hémicycle le député Louis Boyard à l'adresse des socialistes.

"Le débat ouvert sur un éventuel décalage de la réforme des retraites est un leurre, comme l'a été avant lui le +conclave+ de François Bayrou", soutient la motion de censure insoumise, qui sera défendue jeudi par Aurélie Trouvé.

Lors de la première motion de censure contre le gouvernement Bayrou, qui n'avait pas abouti, huit socialistes avaient voté pour malgré la consigne de leur parti.

M. Bayrou avait finalement perdu un vote de confiance début septembre, devenant le deuxième Premier ministre à tomber depuis la dissolution de l'Assemblée en 2024, après la censure de Michel Barnier en décembre.

Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée.

La commission des Finances s'en emparera lundi, et il devrait arriver dans l'hémicycle vendredi.

Sans recours au 49.3, que M. Lecornu s'est engagé à ne pas utiliser, la bataille entre une gauche désunie, un socle commun fracturé et l'extrême droite s'annonce dantesque, dans des délais très contraints.

Les socialistes se réservent d'ailleurs la possibilité de censurer le gouvernement au cours des discussions.

Un député Horizons résume: "Je ne pense pas que le gouvernement sera censuré demain, mais il sera très fragile."