En Turquie, l'appel à la prière, art lyrique et politique

Depuis son arrivée au pouvoir en 2003, initialement comme Premier ministre, près de 15 000 nouvelles mosquées ont été construites à travers le pays, dont l'une sur l'emblématique place Taksim d'Istanbul. (AFP)
Depuis son arrivée au pouvoir en 2003, initialement comme Premier ministre, près de 15 000 nouvelles mosquées ont été construites à travers le pays, dont l'une sur l'emblématique place Taksim d'Istanbul. (AFP)
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Publié le Jeudi 14 juillet 2022

En Turquie, l'appel à la prière, art lyrique et politique

  • En ce début d'été, cinq muezzins, religieux chargés d'appeler les musulmans à la prière cinq fois par jour, s'affrontent sous l'un des neuf dômes de la majestueuse Vieille mosquée d'Edirne
  • S'il remporte la manche suivante fin juillet, le jeune muezzin prendra part à la finale nationale prévue le 17 août, qui sacrera la plus belle voix parmi les centaines de muezzins qui se défient à travers le pays

EDIRNE: Le candidat s'avance face au micro, costume noir et calotte blanche: "Allahou Akbar, Allahou Akbar", entonne-t-il d'une voix lente, mains sur les oreilles et coudes en équerre, sous la pierre ocre sculptée en nids d'abeilles.

En ce début d'été, cinq muezzins, religieux chargés d'appeler les musulmans à la prière cinq fois par jour, s'affrontent sous l'un des neuf dômes de la majestueuse Vieille mosquée d'Edirne, achevée en 1414, quand la ville du nord-ouest de la Turquie était capitale ottomane.

Assis face aux candidats, les jurés prennent des notes. Au centre, le mufti Alettin Bozkurt, autorité religieuse de la province, désignera une heure plus tard au micro le muezzin ayant récité le plus bel ezan (nom turc de l'appel à la prière, également appelé adhan).

"J'ai commencé à dix ans, pendant les cours d'été à la mosquée", confie à l'AFP le vainqueur, Abdullah Ömer Erdogan, 25 ans, qui dit fuir le froid, privilégier l'eau tiède et éviter certaines positions pendant son sommeil pour protéger ses cordes vocales.

S'il remporte la manche suivante fin juillet, le jeune muezzin, appareil dentaire et barbe impeccable, prendra part à la finale nationale prévue le 17 août, qui sacrera la plus belle voix parmi les centaines de muezzins qui se défient à travers le pays depuis début juin.

«Pouvoir de l'ezan»

En avril, deux muezzins turcs, dont l'un a un temps fait résonner sa voix sur la vieille ville d'Edirne, ont raflé les première et deuxième places d'un concours télévisé similaire organisé en Arabie saoudite, auquel s'étaient présentés des muezzins de 80 pays.

Dans une vidéo publiée le lendemain par le lauréat, le président turc Recep Tayyip Erdogan, dévot musulman, lui adresse ses félicitations: "Qu'Allah soit avec vous", lance le chef de l'Etat.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2003, initialement comme Premier ministre, près de 15 000 nouvelles mosquées ont été construites à travers le pays, dont l'une sur l'emblématique place Taksim d'Istanbul, symbole d'une Turquie laïque, d'où son pouvoir avait été contesté en 2013 lors de manifestations antigouvernementales sans précédent.

Le président, qui a également fait bâtir la plus grande mosquée de Turquie sur la colline stambouliote de Camlica et a reconverti en 2020 l'ex-basilique Sainte-Sophie en mosquée, a en parallèle donné à l'appel à la prière un caractère éminemment politique.

La nuit du 16 juillet 2016, en pleine tentative de coup d'Etat, les imams et muezzins des quelque 90 000 mosquées de Turquie avaient, via les haut-parleurs des minarets, exhorté les fidèles à faire barrage aux putschistes, en écho à une intervention peu avant à la télévision du chef de l'Etat via l'application FaceTime.

"Cette nuit-là, nous avons vu le pouvoir de l'ezan", se remémore le mufti d'Edirne. "Grâce à lui, nous avons appelé le peuple à sortir dans les rues et avons sauvé notre pays."

M. Erdogan, qui jouera sa réélection en juin 2023, accuse par ailleurs ses opposants de vouloir bâillonner les mosquées: "ils ne pourront pas faire taire l'ezan !", a-t-il lancé à plusieurs reprises, bien que cette proposition ne figure au programme d'aucun parti.

«Rejet croissant»

Dans un pays presque exclusivement musulman mais constitutionnellement laïque, cette politisation de l'appel à prière a contribué à le rendre agaçant aux oreilles de certains.

"Il y a un sentiment répandu parmi les laïcs que le volume de l'ezan a augmenté depuis la tentative de coup d'État, dans le cadre des tentatives de l'actuel régime de transformer la sphère publique", estime Erol Koymen, post-doctorant en ethnomusicologie à l'université de Chicago.

"Cela a conduit à un rejet croissant de l'ezan (toujours parmi les laïcs)", affirme le chercheur, auteur de travaux sur le rôle de l'ezan dans la résistance au putsch manqué de 2016.

Depuis 2017, la très puissante Direction des affaires religieuses (Diyanet) demande toutefois aux mosquées de "veiller à ne pas dépasser les 80 décibels" lors des appels à la prière, une limite trop élevée ou mal respectée selon certains Turcs.

Dans la Vieille mosquée d'Edirne, le mufti Alettin Bozkurt s'offusque que d'aucuns veuillent mettre les mosquées en sourdine: "L'ezan est un droit légal!", assène-t-il.

"Tout comme les chrétiens peuvent facilement entendre les cloches des églises, tous les musulmans doivent être en mesure d'entendre l'appel à la prière."


L'Égypte coordonne avec la Grèce le retour des victimes du bateau de migrants et met en garde contre les itinéraires irréguliers

L'Égypte a intensifié ses efforts pour freiner la migration irrégulière depuis le lancement d'une stratégie nationale en 2016. (File/AFP)
L'Égypte a intensifié ses efforts pour freiner la migration irrégulière depuis le lancement d'une stratégie nationale en 2016. (File/AFP)
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  • Le ministère a ajouté que l'ambassade était en contact avec les familles des personnes décédées afin d'organiser le transfert des dépouilles dans leur pays d'origine
  • Présentant ses condoléances aux familles des victimes, le ministère a renouvelé son avertissement aux citoyens concernant les risques de la migration irrégulière, exhortant les Égyptiens à protéger leur vie en utilisant des moyens de transport légaux

DUBAI: Les mesures prises par l'Égypte ont reçu le soutien de la communauté internationale, l'Union européenne s'étant engagée à verser 200 millions d'euros de subventions en mars 2024 pour renforcer la gestion des frontières.
Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a demandé à l'ambassade égyptienne à Athènes de renforcer la coordination avec les autorités grecques, a rapporté Ahram Online mardi.

Cette mesure vise à soutenir les survivants et à accélérer le rapatriement des corps des victimes une fois les procédures légales achevées.

Le ministère a ajouté que l'ambassade était en contact avec les familles des personnes décédées afin d'organiser le transfert des dépouilles dans leur pays d'origine.

Présentant ses condoléances aux familles des victimes, le ministère a renouvelé son avertissement aux citoyens concernant les risques de la migration irrégulière, exhortant les Égyptiens à protéger leur vie en utilisant des moyens de transport légaux et réglementés.

L'Égypte a intensifié ses efforts pour freiner la migration irrégulière depuis le lancement d'une stratégie nationale en 2016, les responsables soulignant que le pays ne sera pas utilisé comme voie de transit vers l'Europe.

Les autorités affirment qu'aucun bateau de migrants n'a quitté les côtes égyptiennes depuis l'introduction de la stratégie, bien que l'Égypte accueille près de 10 millions de ressortissants étrangers, y compris des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants de 133 pays.

L'approche a continué à évoluer au fil des ans, tout récemment avec l'adoption du plan d'action national 2024-2026 par le Comité national pour la lutte et la prévention de la migration illégale et de la traite des personnes.

Des initiatives antérieures ont également soutenu ces efforts, notamment le programme "Lifeboats" de 2019, qui a alloué 250 millions EGP pour créer des opportunités d'emploi dans les villages considérés comme les plus vulnérables à la migration irrégulière.

Les mesures prises par l'Égypte ont bénéficié d'un soutien international, l'Union européenne s'étant engagée à verser 200 millions d'euros de subventions en mars 2024 pour renforcer la gestion des frontières, les capacités de recherche et de sauvetage et les efforts de lutte contre le trafic de migrants.


Explosion du port de Beyrouth: un juge libanais en Bulgarie pour l'enquête

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  • Un tribunal bulgare avait refusé le 10 décembre d'extrader Igor Grechushkin, un citoyen russo-chypriote de 48 ans, faute d'assurances suffisantes du Liban qu'il n'appliquerait pas la peine de mort
  • Arrêté à l'aéroport de Sofia en septembre sur la base d'une notice rouge d'Interpol, il est accusé par les autorités judiciaires libanaises d'"introduction d'explosifs au Liban"

BEYROUTH: Le juge libanais Tarek Bitar s'est déplacé mercredi en Bulgarie pour interroger le propriétaire du navire lié à l'explosion meurtrière dans le port de Beyrouth en 2020, a indiqué un responsable judiciaire à l'AFP.

Un tribunal bulgare avait refusé le 10 décembre d'extrader Igor Grechushkin, un citoyen russo-chypriote de 48 ans, faute d'assurances suffisantes du Liban qu'il n'appliquerait pas la peine de mort.

M. Grechushkin est désigné par les autorités libanaises comme le propriétaire du Rhosus, le navire qui transportait le nitrate d'ammonium débarqué dans le port de Beyrouth dans un entrepôt, où il avait explosé suite à un incendie, faisant plus de 200 morts, des milliers de blessés et d'importants dégâts.

Arrêté à l'aéroport de Sofia en septembre sur la base d'une notice rouge d'Interpol, il est accusé par les autorités judiciaires libanaises d'"introduction d'explosifs au Liban, acte terroriste ayant entraîné la mort d'un grand nombre de personnes et désactivation de machines dans le but de faire couler un navire", selon le parquet bulgare.

"M. Bitar est parti pour Sofia mercredi" et doit interroger M. Grechushkin jeudi, a précisé sous couvert d'anonymat un responsable de la justice libanaise à l'AFP.

L'ambassade libanaise à Sofia s'est occupée de trouver un traducteur et un huissier chargé de prendre en note l'interrogatoire, qui se fera en présence d'autorités judiciaires bulgares, a précisé la même source.

La justice libanaise espère obtenir des informations sur la cargaison de nitrate d'ammonium et en particulier son commanditaire. Elle veut aussi savoir si Beyrouth était la destination finale du navire.

Le juge indépendant Tarek Bitar avait repris en début d'année l'enquête qu'il avait dû interrompre en janvier 2023, se heurtant à l'hostilité d'une grande partie de la classe politique, notamment du Hezbollah qui l'accusait d'impartialité, avant d'être poursuivi pour insubordination.

Son enquête a pu reprendre après l'entrée en fonction du président Joseph Aoun et de son Premier ministre, qui ont promis de préserver l'indépendance de la justice, à la suite de la guerre entre Israël et le Hezbollah dont le mouvement chiite soutenu par l'Iran est sorti très affaibli à l'automne 2024.


«Des habitants meurent de froid»: Gaza frappé par de nouvelles intempéries

Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, un nouveau-né est décédé lundi des suites d'une hypothermie sévère causée par un froid extrême. Le ministère ajoute qu'il avait été admis à l'hôpital il y a deux jours et placé en soins intensifs. (AFP)
Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, un nouveau-né est décédé lundi des suites d'une hypothermie sévère causée par un froid extrême. Le ministère ajoute qu'il avait été admis à l'hôpital il y a deux jours et placé en soins intensifs. (AFP)
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  • "Avec les fortes pluies et le froid apportés par la tempête Byron, des habitants de la bande de Gaza meurent de froid", a écrit lundi sur X Philippe Lazzarini, le chef de l'agence de l'ONU chargée des réfugiés palestiniens (Unrwa)
  • "Nos aides attendent depuis des mois d'entrer à Gaza. Elles permettraient de couvrir les besoins de centaines de milliers de personnes en détresse", a-t-il déploré

GAZA: De nouvelles pluies hivernales se sont abattues cette semaine sur la bande de Gaza, déjà ravagée par la guerre, faisant au moins 18 morts depuis le début des intempéries.

Des Palestiniens poussant une voiture dans une rue inondée, une charrette tirée par un âne progressant difficilement à travers les eaux, des tentes et des abris de fortune de déplacés inondés: la situation s'aggrave dans un territoire palestinien en ruines.

"Avec les fortes pluies et le froid apportés par la tempête Byron, des habitants de la bande de Gaza meurent de froid", a écrit lundi sur X Philippe Lazzarini, le chef de l'agence de l'ONU chargée des réfugiés palestiniens (Unrwa).

"Nos aides attendent depuis des mois d'entrer à Gaza. Elles permettraient de couvrir les besoins de centaines de milliers de personnes en détresse", a-t-il déploré.

Si un cessez-le-feu est entré en vigueur en octobre après deux années de guerre entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, l'ONU estime que l'aide humanitaire arrive en quantité insuffisante face à l'ampleur des besoins de la population démunie.

Nourrissons «en danger»

Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, un nouveau-né est décédé lundi des suites d'une hypothermie sévère causée par un froid extrême. Le ministère ajoute qu'il avait été admis à l'hôpital il y a deux jours et placé en soins intensifs.

Trois enfants étaient décédés dans des conditions similaires la semaine dernière, d'après la Défense civile, organisation de premiers secours opérant sous l'autorité du mouvement islamiste.

Si un cessez-le-feu est entré en vigueur en octobre, l'ONU estime que l'aide humanitaire arrive en quantité insuffisante face à l'ampleur des besoins de la population démunie.

Environ 1,3 million de personnes, sur une population de plus de deux millions d'habitants dans le territoire, ont actuellement besoin d'un hébergement d'urgence, selon les Nations unies, qui mettent en garde contre un risque croissant d'hypothermie.

Les nourrissons encourent particulièrement un "grand danger" avec les conditions hivernales, avertit l'organisation.

«Reconstruire le territoire»

La Défense civile de Gaza avait indiqué vendredi qu'au moins 16 personnes étaient mortes en 24 heures des suites de l'effondrement de bâtiments ou des effets du froid.

Outre le nourrisson, le porte-parole de l'organisation, Mahmoud Bassal, a fait état mardi d'un autre décès après l'effondrement du toit d'un bâtiment à la suite de fortes pluies dans le nord-ouest de la ville de Gaza.

Il a précisé que la maison avait déjà été endommagée par des frappes aériennes pendant la guerre.

Des images de l'AFP montrent des secouristes extraire le corps d'un Palestinien des décombres d'un bâtiment. Non loin, des proches en deuil pleurent.

"Nous appelons le monde à résoudre nos problèmes et à reconstruire le territoire afin que nous puissions avoir des maisons au lieu (...) de vivre dans la rue", a déclaré Ahmed al-Hossari, qui a perdu un membre de sa famille.

La bande de Gaza connaît généralement un épisode de fortes pluies à la fin de l'automne et en hiver, mais l'état de dévastation du territoire, des conséquences de la guerre, a rendu ses habitants plus vulnérables.