Soldats en zones civiles, collaborateurs des Russes: les délicates questions de la guerre en Ukraine

Cette photo prise le 30 juillet 2022 montre une salle de classe endommagée dans une école professionnelle après un tir de missile dans la ville ukrainienne de Kharkiv, le 30 juillet 2022, en pleine invasion russe de l'Ukraine. (Photo de Sergey Bobok / AFP)
Cette photo prise le 30 juillet 2022 montre une salle de classe endommagée dans une école professionnelle après un tir de missile dans la ville ukrainienne de Kharkiv, le 30 juillet 2022, en pleine invasion russe de l'Ukraine. (Photo de Sergey Bobok / AFP)
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Publié le Dimanche 31 juillet 2022

Soldats en zones civiles, collaborateurs des Russes: les délicates questions de la guerre en Ukraine

  • L'organisation Human Rights Watch a récemment accusé les deux belligérants russe et ukrainien de mettre inutilement en danger des civils en basant des troupes au cœur de zones habitées
  • Le sujet éminemment sensible des «informateurs» est soulevé après chaque frappe

KRAMATORSK, Ukraine : Les frappes quotidiennes sur des zones résidentielles dans les villes et villages de l'est de l'Ukraine soulèvent les très délicates questions de la concentration de militaires en zones civiles, ainsi que de la présence d'informateurs parmi la population.

L'AFP a visité de nombreux endroits touchés dans la région de Donetsk, dont les Russes veulent s'emparer, et constaté que des quartiers résidentiels, sans cible militaire apparente, étaient régulièrement frappés.

A Pokrovsk, à 85 km au sud de Kramatorsk, la grande ville de la région, une frappe le 17 juillet a ainsi détruit ou endommagé une dizaine de maisons dans une seule rue. A Kostiantynivka, Toretsk, et même à Kramatorsk, pourtant éloignée du front, des roquettes s'abattent aussi dans des zones d'habitation, entraînant morts et destructions.

Pour les habitants des zones concernées, la raison de ces frappes ne fait souvent guère de doute: ils affirment que des militaires ukrainiens s'étaient installés non loin, dans des maisons ou des écoles abandonnées. L'AFP n'a pas pu confirmer ces affirmations de façon indépendante.

L'organisation Human Rights Watch a récemment accusé les deux belligérants russe et ukrainien de mettre inutilement en danger des civils en basant des troupes au cœur de zones habitées. L'ONG a notamment documenté quatre cas côté russe, dans des zones de l'Ukraine occupée, et trois cas côté ukrainien.

«Les forces russes et ukrainiennes doivent toutes deux éviter de baser leurs troupes parmi les civils et faire tout leur possible pour éloigner les civils des environs», a-t-elle exhorté.

Interrogé par l'AFP, le gouverneur de la région de Donetsk, Pavlo Kyrylenko, a répondu: «C'est la guerre. Il est impossible d'éviter la destruction d'infrastructures ou de propriétés». «Notre première tâche est de stopper l'ennemi, cela peut entraîner la destruction d'infrastructures. Il est impossible de mener la guerre d'une autre façon», a-t-il ajouté.

- Informateurs -

Accroupi dans la rue en fumant silencieusement une cigarette, Yevguen, 70 ans, ancien tourneur-fraiseur, citoyen de Kramatorsk «depuis trois générations» contemple l'école numéro 23, totalement détruite par une frappe de missile.

L'établissement, accueillant en temps de paix quelque 500 enfants de 6 à 17 ans, est la deuxième école de la ville réduite en poussière, et sept autres ont été endommagées depuis le début de la guerre, selon Denis Syssoïev, responsable du département éducation à la mairie.

L'école était utilisée depuis le début de la guerre comme dépôt d'aide alimentaire.

Mais pour Yevguen, «les Russes visent les soldats ukrainiens. Je ne sais pas s'ils s'étaient établis dans l'école, mais on les voyait régulièrement aller et venir dans la zone».

«Et dans notre quartier, il y a beaucoup de gens +bien intentionnés+ qui veulent aider et qui informent les Russes», grince-t-il.

Accusation reprise par Natalia, une mère de trois enfants qui fréquentaient l'école 23. Elle évoque un groupe Telegram des habitants du quartier, où les commentaires postés laissent peu de doute sur «qui est prorusse et qui ne l'est pas».

Le sujet éminemment sensible des «informateurs» est en effet soulevé après chaque frappe.

«C'est une question: comment l'ennemi connaît-il les coordonnées de lieux où sont basés des militaires ?», fait mine de s'interroger le gouverneur Kyrylenko. «Une grande part de la population reste loyale aux occupants et attend le monde russe. Ils savent que c'est une trahison, ils le regretteront plus tard», assène-t-il.

«Je constate que la haine monte entre les résidents de Kramatorsk», a déploré il y a quelques jours sur Facebook le maire de la ville, Oleksandre Gontcharenko. «Ceux qui attendent la venue (des Russes), qui se sont vu promettre des montagnes d'or et la liberté d'expression de la part de leurs +sauveurs+, sont des idiots», a-t-il asséné.

«Je vous en supplie, calmez-vous. Mettez de côté vos ressentiments, vos soupçons. Dirigez votre colère dans une autre direction, vers ceux qui veulent vous voler votre vie normale et pacifique», a-t-il exhorté.

Selon Galyna Prychtchepa, porte-parole des services de renseignement pour les régions de Donetsk et Lougansk, 37 «informateurs» ont été arrêtés dans le Donbass depuis le début de la guerre, et sont accusés d'espionnage et de haute trahison.

Dans le sud de l'Ukraine, le gouverneur de la région de Mykolaïv, constamment bombardée par les forces russes, a récemment annoncé une prime de 100 dollars pour ceux qui aideraient à identifier les collaborateurs des Russes.

Sur son compte Telegram, Vitali Kim a invité à fournir des informations sur «ceux qui révèlent aux occupants les lieux de déploiement des troupes ukrainiennes» ou les aident à établir les coordonnées des cibles potentielles de bombardements.


L'Ukraine s'attend à une détérioration sur le front vers la mi-mai

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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  • L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine
  • La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar

KIEV: La situation sur le front ukrainien va empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une "période difficile", a prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov, sur fond de craintes d'une nouvelle offensive russe.

La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar, localité à la jonction des fronts Est et Sud, dont elle cherche à s'emparer depuis deux ans.

"N'allons pas trop dans les détails, mais il y aura une période difficile, à la mi-mai et début juin", a prévenu M. Boudanov, interrogé sur l'état du front, dans une interview au service ukrainien de la BBC.

L'armée russe "mène une opération complexe", a-t-il dit.

"Nous pensons qu'une situation plutôt difficile nous attend dans un futur proche. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas catastrophique", a estimé Kyrylo Boudanov.

"Armageddon ne se produira pas, contrairement à ce que beaucoup disent en ce moment. Mais il y aura des problèmes à partir de la mi-mai", a-t-il ajouté.

L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine.

En face, les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, ne cessent de pousser à l'Est et revendiquent régulièrement la prise de petits villages dans le Donbass.

En février, Moscou s'est emparé d'Avdiïvka, une ville forteresse, et vise désormais la cité  stratégique de Tchassiv Iar.

Cette cité, perchée sur une hauteur, s'étend à moins de 30 kilomètres au sud-est de Kramatorsk, la principale ville de la région sous contrôle ukrainien, qui est un important nœud ferroviaire et logistique pour l'armée ukrainienne.

Offensive estivale? 

Lundi, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir "libéré" Novomykhaïlivka, à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

Ce village est proche de Vougledar, une cité minière à la jonction des fronts Sud et Est. Début 2023, l'Ukraine était parvenue à y repousser un assaut de l'armée russe, infligeant des pertes humaines importantes.

Kiev craint désormais une offensive estivale russe encore plus puissante.

Fin mars, le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Pavliouk avait jugé "possible" un tel scénario, impliquant un groupe de 100.000 soldats russes.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a déjà admis mi-avril que la situation sur le front Est s'était "considérablement détériorée" récemment.

Il a affirmé voir une "intensification significative" de l'offensive russe depuis mars, aboutissant à des "succès tactiques".

La grande contre-offensive ukrainienne de l'été 2023 s'était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l'armée ukrainienne, sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.

L'Ukraine fait désormais face aux hésitations de ses alliés occidentaux, même si une aide militaire américaine de 61 milliards, longtemps bloquée, a finalement été votée par la Chambre des représentants des Etats-Unis samedi. Le texte doit encore être adopté par le Sénat puis promulgué par le président Joe Biden.

Kiev espère désormais que l'aide des Etats-Unis pourra atteindre le front très rapidement. Le Kremlin a, lui, jugé que qu'elle ne changerait "rien"


Espagne : l'homme clé d'un scandale de corruption garde le silence devant le Sénat

Koldo Garcia, ancien conseiller du ministre espagnol des Transports, assiste à une commission d'enquête sur une affaire de corruption liée à l'achat de masques pendant la pandémie, au Sénat de Madrid, le 22 avril 2024. (Photo, AFP)
Koldo Garcia, ancien conseiller du ministre espagnol des Transports, assiste à une commission d'enquête sur une affaire de corruption liée à l'achat de masques pendant la pandémie, au Sénat de Madrid, le 22 avril 2024. (Photo, AFP)
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  • Placé en garde à vue le 21 février, Koldo García est soupçonné de s'être enrichi en prélevant de lucratives commissions sur des contrats de vente de masques entre mars et juin 2020
  • Selon la justice, l'affaire aurait généré 9,5 millions d'euros de profits, pour des contrats d'un montant total de 53 millions d'euros

MADRID: L'homme de confiance d'un ex-ministre espagnol, très proche du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, a invoqué lundi son droit au silence devant une commission d'enquête mise en place par le Sénat qui l'entendait dans une affaire de corruption embarrassante pour l'exécutif.

Mis en cause pour son rôle dans un scandale lié à des achats de masques pour des administrations publiques durant la pandémie de Covid-19, Koldo Garcia était invité à s'exprimer pour la première fois publiquement sur cette affaire par cette commission du Sénat, dominé par le Parti populaire (PP, droite), principale formation d'opposition.

Bombardé de questions, cet homme à la stature imposante a invoqué son "droit à ne pas témoigner" en raison de la procédure ouverte par la justice sur ce scandale. "Par bon sens, je pense que je dois attendre" de "témoigner devant" le juge avant d'évoquer l'affaire, a-t-il expliqué.

M. Garcia a toutefois assuré avoir la conscience "très" tranquille. Visiblement agacé, il a dénoncé le traitement réservé à l'affaire par les journaux. "Médiatiquement, on m'a déjà crucifié vivant", a-t-il jugé.

Placé en garde à vue le 21 février, Koldo García est soupçonné de s'être enrichi en prélevant de lucratives commissions sur des contrats de vente de masques entre mars et juin 2020.

Selon la justice, l'affaire aurait généré 9,5 millions d'euros de profits, pour des contrats d'un montant total de 53 millions d'euros.

L'affaire est très sensible politiquement, car Koldo García était l'homme de confiance de José Luis Ábalos, ministre des Transports de 2018 à 2021 et membre important du premier cercle de Pedro Sánchez - l'un des rares à lui être resté fidèle après son éviction en 2016 de la tête du parti socialiste à la suite de résultats électoraux désastreux.

Mi-mars, le chef de file du PP, Alberto Núñez Feijóo, avait accusé le Premier ministre d'avoir été "au courant" et d'avoir "couvert" l'affaire. "Nous sommes face à une très grave affaire potentielle de corruption qui touche votre gouvernement, votre parti et probablement vous-même", avait-il ajouté.

Le Parti socialiste, qui a promis d'enquêter sur cette affaire avec "une transparence absolue", a exclu M. Ábalos de ses rangs, tandis que le gouvernement a limogé un haut fonctionnaire du ministère des Transports qui avait géré l'achat des masques.

Comme le Sénat, la Chambre des députés, où les socialistes et leurs alliés sont majoritaires, a voté la création d'une commission d'enquête sur les affaires de corruption autour de contrats d'achat de matériel sanitaire, mais élargie à plusieurs autres affaires dont l'une implique le compagnon d'Isabel Díaz Ayuso, le présidente de la région de Madrid et une figure du PP.

 

 


Expulsion de migrants au Rwanda: Londres «prêt» à appliquer son projet avant un vote au Parlement

Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a déclaré qu'il ne détaillerait pas les détails opérationnels exacts du plan, mais a déclaré que le gouvernement avait fait des préparatifs spécifiques (Photo, AP).
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a déclaré qu'il ne détaillerait pas les détails opérationnels exacts du plan, mais a déclaré que le gouvernement avait fait des préparatifs spécifiques (Photo, AP).
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  • M. Sunak a pointé du doigt l'opposition de la chambre haute du Parlement, où les conservateurs n'ont pas la majorité, et qui tente depuis des semaines d'adoucir le texte
  • Conçu depuis deux ans par le gouvernement conservateur au pouvoir, et présenté comme une mesure phare de sa politique de lutte contre l'immigration clandestine

LONDRES: Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a assuré lundi que tout était "prêt" pour expulser des demandeurs d'asile vers le Rwanda "quoi qu'il arrive", une fois que le projet de loi controversé en ce sens sera voté au Parlement.

"Ces vols décolleront, quoi qu'il arrive", a affirmé le Premier ministre lors d'une conférence de presse destinée à présenter les moyens déployés par le gouvernement pour organiser ces expulsions, en amont d'une journée cruciale au Parlement durant laquelle le projet de loi pourrait être voté.

"Le premier vol partira dans dix à douze semaines", a assuré Rishi Sunak, soit "plus tard que ce que nous aurions souhaité". Le gouvernement avait jusqu'ici affiché sa volonté de voir ces vols débuter au printemps.

M. Sunak a pointé du doigt l'opposition de la chambre haute du Parlement, où les conservateurs n'ont pas la majorité, et qui tente depuis des semaines d'adoucir le texte.

Conçu depuis deux ans par le gouvernement conservateur au pouvoir, et présenté comme une mesure phare de sa politique de lutte contre l'immigration clandestine, ce projet vise à envoyer au Rwanda les demandeurs d'asile entrés illégalement au Royaume-Uni.

Enjeu électoral 

L'enjeu est également électoral pour le parti conservateur et Rishi Sunak, à quelques mois des prochaines élections législatives, pour lesquelles l'opposition travailliste est donnée largement en tête.

Adossé à un nouveau traité entre Londres et Kigali, le projet de loi vise à répondre aux conclusions de la Cour suprême qui a jugé le projet initial illégal en novembre dernier. Il définit notamment le Rwanda comme un pays tiers sûr.

"Dès que la loi sera votée, nous commencerons le processus d'expulsion des (migrants) identifiés pour le premier vol", a insisté Rishi Sunak.

Le gouvernement a mobilisé des centaines de personnels, notamment des juges, pour traiter rapidement les éventuels recours de migrants illégaux, et débloqué 2.200 places en détention pour eux en attentant que leurs cas soient étudiés, a-t-il précisé.

Des "avions charter" ont été réservés pour effectuer ces expulsions, a ajouté le Premier ministre.

Le projet britannique est vivement critiqué jusqu'à l'ONU, dont le Haut-Commissaire aux droits de l'homme Volker Türk, a estimé qu'il va "à l'encontre des principes fondamentaux des droits humains".