Ukraine: Tranches de guerre au féminin

Karina, une ancienne ouvrière du textile d'origine tadjike, est assise dans un véhicule militaire lors d'un entretien avec l'AFP dans la région du Donbass, dans l'est de l'Ukraine (Photo, AFP).
Karina, une ancienne ouvrière du textile d'origine tadjike, est assise dans un véhicule militaire lors d'un entretien avec l'AFP dans la région du Donbass, dans l'est de l'Ukraine (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 31 juillet 2022

Ukraine: Tranches de guerre au féminin

  • Karina ne dit surtout pas à sa mère qu'elle va sur la «ligne zéro»
  • Elle confie que sa hantise est d'être kidnappée par les Russes

DANS L'EST DE L'UKRAINE: Kateryna ne prend jamais ses camarades en photo avant de partir au front. Cela porte malheur. Karina ne dit surtout pas à sa mère qu'elle va sur la "ligne zéro". Iana poste ses "stories" militaires sur les réseaux sociaux pour donner le moral à ceux de l'arrière.

Ce jour-là, les trois femmes sont en repos avec le reste de leur compagnie dans un village dans l'est de l'Ukraine, avant une nouvelle rotation.

Elles acceptent de se livrer, un peu, sur leur vie au front, cette guerre à laquelle elles ne s'attendaient pas, et ces cinq mois qui semblent "avoir duré des années".

Kateryna Novakivska, à 29 ans, est la commandante adjointe d'une compagnie opérant depuis un mois dans le Donbass, la région industrielle de l'est ukrainien dont les Russes tentent de prendre le contrôle, et où les combats font rage.

Petite brune mince au regard noir, la jeune femme, originaire de Vinnytsia (centre), venait d'être diplômée de l'académie de l'armée de terre lorsque la guerre a éclaté. Elle est notamment en charge du soutien moral et psychologique des troupes. Après le discours d'usage sur le "moral satisfaisant" des soldats et le bien-fondé de leur combat, elle finit par se confier davantage.

"La chose la plus difficile pour eux, c'est de perdre des camarades", et, pour elle, de savoir se distancier des récits d'horreur de ses soldats. "Ils se confient plus facilement à moi car il y a tant de choses qu'ils ne peuvent pas raconter à leurs proches..."

Leur plus grande peur, raconte-t-elle, est d'être abandonnés, morts ou blessés, sur le champ de bataille. Elle se souvient d'une journée fatale, le 28 mai, où onze soldats ont été tués et une vingtaine portés disparus. Dans le fracas de l'assaut, des hommes disparaissent et personne ne peut dire ce qui leur est arrivé.

Elle-même confie que sa hantise est d'être kidnappée par les Russes, "mais j'ai tout prévu" dit-elle, allusion à peine voilée à la possibilité de se suicider avant de tomber aux mains de l'ennemi.

Elle a sur le nez une légère cicatrice, souvenir du souffle d'une explosion en mars, et sur l'avant-bras une fleur de lotus, un tatouage réalisé en 2017 à Volnovakha, une ville de la région "qui n'existe plus, qui est aujourd'hui occupée par les Russes".

Tranches de vie

Sur les réseaux sociaux, Iana Pazdrii est une ravissante bimbo aux ongles laqués et en treillis militaire. Dans la réalité, c'est une femme de 35 ans engagée depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, qui, comme tous ses camarades, n'a pas vu son enfant depuis cinq mois.

"Je me suis engagée parce que je suis patriote, je pensais que je pourrais être utile ici, et je le suis", dit-elle sans fausse modestie.

Dès qu'elle a le temps, la jeune femme poste sur Instagram ou Tik Tok des petites tranches de vie militaire, où on la voit conduire un blindé, poser avec une kalachnikov.

"Des soldats vivent sur la +ligne zéro+ sous les bombes, et j'essaye de montrer qu'on garde le moral malgré tout, de dire aux gens de ne pas avoir peur, que l'armée fait tout pour défendre le pays", dit-elle.

"Mais honnêtement, parfois, c'est dur", admet-elle, tout en disant avoir trouvé dans l'armée "une famille".

Les soldats meurent par dizaines chaque jour sur le front de l'est de l'Ukraine, où les forces russes ont fait d'importantes avancées en mai et juin, saisissant quasiment toute la région de Lougansk. Depuis, le front n'évolue pas réellement, mais les combats d'artillerie sont acharnés et sans répit.

«Ligne zéro»

C'est vers les lignes de front que Karina conduit son VBCI (véhicule blindé de combat d'infanterie). La jeune femme, également mécanicienne, dit avoir eu un peu de mal au début à s'habituer à la vision déformée et limitée de l'environnement extérieur depuis le poste de conduite, et à la lourdeur du véhicule.

Cette ancienne ouvrière dans une usine textile, d'origine tadjike, a signé en 2020 avec l'armée pour un contrat de deux ans.

"Lorsqu'on est sur les positions, c'est dur de penser aux camarades, d'espérer que personne ne sera tué ou blessé, que ça ne s'abattra pas sur toi", raconte-t-elle.

Son mari resté à la maison l'a vue partir à la guerre avec angoisse. "Mais personne ne me dit ce que je dois faire", souligne-t-elle.

Toutefois Karina a toujours un peu de mal à appeler sa mère, tellement angoissée. "Je ne lui dis pas que je suis sur la ligne zéro, elle fait semblant de me croire".

Karina ne se fait pas d'illusion, la guerre ne finira pas rapidement, et "les Russes ont déjà pris beaucoup de terre" en Ukraine.

"Quoi qu'il en soit, nous vaincrons. Nous n'avons pas le droit de perdre", relance Iana. Après la guerre, elle partira dans les Caraïbes, et en Amérique du Sud.

"Il faut que mes rêves se réalisent. Je pense que je le mérite", dit-elle avec son immense sourire.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.