Le Kenya, puissance économique d'Afrique de l'Est, élit son président

Une Kenyane vote dans un bureau de vote lors des élections générales du Kenya à l'école St. Stephen dans le quartier informel de Mathare à Nairobi, au Kenya, le 9 août 2022. (Luis Tato / AFP)
Une Kenyane vote dans un bureau de vote lors des élections générales du Kenya à l'école St. Stephen dans le quartier informel de Mathare à Nairobi, au Kenya, le 9 août 2022. (Luis Tato / AFP)
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Publié le Mardi 09 août 2022

Le Kenya, puissance économique d'Afrique de l'Est, élit son président

  • Les Kényans ont commencé à affluer dans les bureaux de vote pour élire mardi un nouveau président, mais aussi des députés et élus locaux lors de scrutins à forts enjeux
  • Depuis le centre financier jusqu'à des bidonvilles de Nairobi, ainsi que dans plusieurs régions du pays, de longues files d'attentes se sont formées dans la pénombre devant les bureaux de vote, qui ouvraient à 06h00 locales

NAIROBI: Les Kényans ont commencé à affluer dans les bureaux de vote pour élire mardi un nouveau président, mais aussi des députés et élus locaux lors de scrutins à forts enjeux pour la locomotive économique d'Afrique de l'Est, frappée par une flambée du coût de la vie.

Les 22,1 millions d'électeurs doivent voter six fois pour déterminer l'avenir politique de ce pays considéré comme un îlot démocratique dans une région instable, mais qui fut aussi le théâtre de graves violences il y a quinze ans.

Depuis le centre financier jusqu'à des bidonvilles de Nairobi, ainsi que dans plusieurs régions du pays, de longues files d'attentes se sont formées dans la pénombre devant les bureaux de vote, qui ouvraient à 06h00 locales.

"Je me suis levé tôt afin de venir et de choisir mon leader, qui amènera du changement. J'ai de l'espoir", a affirmé à Kisumu, grande ville de l'Ouest, Moses Otieno Onam, 29 ans, au milieu d'une foule joyeuse.

Le duel s'annonce serré entre les deux principaux candidats à la présidence, des figures du paysage politique. Raila Odinga, 77 ans, vétéran de l'opposition désormais soutenu par le pouvoir, affronte William Ruto, 55 ans, vice-président qui fait figure de challenger.

Ce dernier a voté peu après 06h00 dans le village de Kosachei, dans son fief de la vallée du Rift, situé à une trentaine de kilomètres d'Eldoret.

"Ce matin c'est le jour J", a déclaré ce fervent chrétien "born again" après avoir prié et glissé son bulletin dans l'urne aux côtés de son épouse.

"Je veux demander à tous les autres électeurs (...) de voter consciemment et résolument pour choisir les hommes et les femmes qui pourront faire avancer ce pays ces cinq prochaines années", a ajouté M. Ruto.

Nouvelle ère

Si aucun des deux adversaires, qui se connaissent bien pour avoir été alliés dans le passé, n'obtient mardi plus de 50% des voix, le Kenya connaîtra pour la toute première fois un second tour dans une élection présidentielle.

Quelle que soit l'issue, le nouveau président marquera l'histoire en n'appartenant pas à la communauté kikuyu, la première du pays, qui contrôle le sommet de l'Etat depuis vingt ans et dont est issu le sortant Uhuru Kenyatta - que la Constitution empêchait de se représenter après deux mandats.

Mardi, les électeurs doivent départager un Luo, M. Odinga, et un Kalenjin, M. Ruto, deux autres importantes communautés du pays.

Dans ce pays historiquement marqué par le vote tribal, certains experts estiment que ce facteur pourrait s'estomper cette année face aux enjeux économiques, tant la flambée du coût de la vie domine les esprits.

La pandémie, puis la guerre en Ukraine, ont durement touché ce moteur économique régional, qui malgré une croissance dynamique (7,5% en 2021) reste très corrompu et inégalitaire.

"Nous voulons des emplois, des emplois, des emplois", insistait samedi lors d'un meeting de M. Ruto Grace Kawira, journalière de 32 ans.

William Ruto, qui s'érige en défenseur des "débrouillards", a martelé son ambition de "réduire le coût de la vie". M. Odinga a lui promis de faire du Kenya "une économie dynamique et mondiale", composé d'une seule "grande tribu".

- Spectre des violences -

Historiquement, la composante ethnique a nourri les conflits électoraux, comme en 2007-2008 quand la contestation des résultats par M. Odinga avait conduit à des affrontements inter-communautaires faisant plus de 1.100 morts. Quinze ans ont passé depuis ces violences mais leur spectre continue de planer.

En 2017, des dizaines de personnes étaient mortes dans la répression de manifestations, après une nouvelle contestation par M. Odinga des résultats du vote - finalement annulé par la Cour suprême dans une décision historique.

"Le Kenya vote, l'Afrique de l'Est retient son souffle", titrait samedi The East African.

Mais cet hebdomadaire respecté ajoutait que "le Kenya a fait de grandes enjambées dans son évolution démocratique, et est en fait regardé comme une démocratie mature selon les standards régionaux".

En dehors de rares incidents et d'un impressionnant flux de désinformation sur les réseaux

sociaux, la campagne fut paisible et les deux favoris ont appelé au calme. Quelque 150.000 officiers doivent cependant être déployés à travers le pays.

Lundi, la vie a mené son cours normal à Nairobi, même si la dynamique capitale semblait quelque peu alanguie, en raison notamment de la fermeture des écoles et du départ de nombreux électeurs vers leur région d'origine.

Des sources diplomatiques ont affirmé à l'AFP avoir bon espoir que le calme prévaudrait mardi mais ont insisté, dans ce pays marqué par la suspicion de fraudes, sur l'enjeu de la rapidité dans la publication des résultats.

La Commission électorale, soumise à une pression extrême et qui a dû annuler lundi quatre scrutins locaux en raison notamment de problèmes d'impression des bulletins, a jusqu'au 16 août pour déclarer les résultats.

Les quelque 46.000 bureaux de vote doivent fermer à 17H00 locales.

Les élections au Kenya, mode d'emploi

Les Kényans sont appelés aux urnes mardi pour désigner au suffrage universel direct leur nouveau président, le cinquième depuis l'indépendance en 1963 de ce pays d'Afrique de l'Est.

Quatre candidats

Sur les 17 candidatures initiales, seules quatre ont été validées par la commission électorale (IEBC), soit le plus petit nombre de candidats à la présidentielle depuis l'instauration du multipartisme au début des années 1990.

Parmi eux, William Ruto, 55 ans, actuel vice-président à la réputation sulfureuse. Cet ancien député et ministre de l'Agriculture se présente pour la première fois, sous la bannière de son nouveau parti l'UDA (United Democratic Alliance).

Il fait figure de favori avec Raila Odinga.

Ce dernier, ancien Premier ministre, est passé à partir de 2018 du statut de leader de l'opposition à celui d'allié du parti au pouvoir. A 77 ans, c'est sa cinquième tentative pour devenir chef de l'Etat. Il est en lice sous l'étiquette de la coalition Azimio la Umoja (Quête d'unité).

David Mwaure, ancien avocat et prêtre de 65 ans, représente quant à lui le parti Agano, et George Wajackoyah, excentrique avocat de 63 ans, le parti Roots (Racines) inspiré du rastafarisme.

Six scrutins

Outre le président, les plus de 22,1 millions d'électeurs inscrits (dont près de 40% ont moins de 34 ans) sont également appelés à élire 290 députés, 47 femmes représentantes pour siéger à l'Assemblée nationale, 47 sénateurs, 47 gouverneurs de comté et 1.450 membres des assemblées de comtés.

Au total, 46.229 bureaux de vote seront ouverts de 06H00 à 17H00 locales (03H00 à 14H00

GMT).
Chaque électeur recevra six bulletins de couleurs différentes, une couleur par scrutin.

La société civile kényane, l'Union africaine, l'Union européenne entre autres vont déployer des centaines d'observateurs.

Identification électronique

L'identification électronique des électeurs, introduite à partir de 2009, était au cœur de la contestation du scrutin de 2017 annulé puis reprogrammé.

En arrivant au bureau de vote, les électeurs sont dirigés vers un kit biométrique - une tablette équipée d'un système de reconnaissance des empreintes digitales - permettant de s'assurer qu'ils y sont bien inscrits.

Une fois les bulletins glissés dans les urnes, l'électeur se voit déposer de l'encre indélébile sur un doigt, preuve qu'il a accompli son devoir de citoyen et gage qu'il ne peut voter une seconde fois.

Quelque 1.272 bureaux de vote ont une couverture internet "faible" ou nulle. Dans ces zones, des modems-satellites seront utilisés pour assurer la transmission électronique, assure l'IEBC.

Le comptage manuel servira de filet de sécurité en cas de défaillance de la transmission électronique des résultats, source de litige en 2017.

Cette année-là, l'IEBC avait été vivement critiquée pour son processus de compilation et de vérification des résultats.

Lundi, l'IEBC a annulé quatre scrutins locaux, notamment dans la grande ville portuaire de Mombasa (sud), après s'être aperçue que certains bulletins de vote avaient été mal routés, et d'autres ne comportaient pas les bonnes photos de candidats.

Sécurité

Environ 150.000 officiers seront déployés pour assurer la sécurité des bureaux de vote, selon le chef de la police Hilary Mutyambai.

Les écoles, dans lesquelles sont installées la plupart des bureaux de vote, sont fermées jusqu'à mercredi, et une grande chaîne de supermarchés a invité ses clients à s'approvisionner en prévision de la fermeture de ses magasins mardi.

Les périodes électorales ont été marquées à plusieurs reprises par des violences, notamment politico-ethniques comme en 2007-2008 quand plus de 1.100 personnes ont été tuées et des centaines de milliers déplacées.

Résultats et délais

Pour l'emporter, un candidat doit recueillir 50% des voix plus un vote, ainsi que 25% des voix dans la moitié des 47 comtés.

Si ces conditions ne sont pas remplies, un second tour doit être organisé dans les 30 jours.

Les résultats doivent ensuite être proclamés dans les sept jours suivant l'élection. Si personne ne les conteste, le nouveau chef de l'Etat élu doit être investi dans les deux semaines suivant l'annonce des résultats définitifs.

En cas de contentieux et d'annulation du scrutin par la Cour suprême, comme en 2017 quand elle avait été saisie par l'opposition, un nouveau scrutin doit se tenir dans les 60 jours suivant la décision.

En 2017, la Cour suprême avait justifié cette décision en faisant peser la responsabilité de ce scrutin "ni transparent, ni vérifiable" sur la commission électorale.

Nouvelle ère

Si aucun des deux adversaires, qui se connaissent bien pour avoir été alliés dans le passé, n'obtient mardi plus de 50% des voix, le Kenya connaîtra pour la toute première fois un second tour dans une élection présidentielle.

Quelle que soit l'issue, le nouveau président marquera l'histoire en n'appartenant pas à la communauté kikuyu, la première du pays, qui contrôle le sommet de l'Etat depuis vingt ans et dont est issu le sortant Uhuru Kenyatta - que la Constitution empêchait de se représenter après deux mandats.

Mardi, les électeurs doivent départager un Luo, M. Odinga, et un Kalenjin, M. Ruto, deux autres importantes communautés du pays.

Dans ce pays historiquement marqué par le vote tribal, certains experts estiment que ce facteur pourrait s'estomper cette année face aux enjeux économiques, tant la flambée du coût de la vie domine les esprits.

La pandémie, puis la guerre en Ukraine, ont durement touché ce moteur économique régional, qui malgré une croissance dynamique (7,5% en 2021) reste très corrompu et inégalitaire.

"Nous voulons des emplois, des emplois, des emplois", insistait samedi lors d'un meeting de M. Ruto Grace Kawira, journalière de 32 ans.

William Ruto, qui s'érige en défenseur des "débrouillards", a martelé son ambition de "réduire le coût de la vie". M. Odinga a lui promis de faire du Kenya "une économie dynamique et mondiale", composé d'une seule "grande tribu".

Cinq choses à savoir sur le Kenya

Le Kenya, riche de sa faune, ses plages et ses terres agricoles, est un moteur économique de l'Afrique de l'Est, et ce malgré la pandémie et une sécheresse inédite depuis 40 ans.

Voici cinq choses à savoir sur ce pays niché entre les Grands Lacs et l'océan Indien. - Fin de l'ère Kenyatta

Le Kenya accède à l'indépendance en 1963 après huit ans de rébellion contre le régime colonial britannique. Jomo Kenyatta devient le premier président de cette jeune République, remplacé à sa mort en 1978 par Daniel arap Moi.

En 2002, onze ans après l'abandon du régime du parti unique, première alternance démocratique: l'opposant Mwai Kibaki remporte la présidentielle.

Mais en 2007, l'annonce contestée de sa réélection entraîne des violences politico-ethniques inédites qui se soldent par plus de 1.100 morts. En 2008, un gouvernement d'union nationale est mis en place, dont Raila Odinga, aujourd'hui candidat, est Premier ministre.

Ce dernier est battu à la présidentielle de 2013 par le fils de Jomo Kenyatta, Uhuru, pourtant alors inculpé par la Cour pénale internationale pour son rôle présumé dans les violences post- électorales de 2007-2008.

Bis repetita en août 2017. La présidentielle est cependant annulée pour "irrégularités" par la Cour suprême, une première en Afrique. Uhuru Kenyatta est élu lors d'un nouveau scrutin, boycotté par son opposant de toujours.

Les deux hommes scellent une alliance surprenante en 2018, aux dépens du vice-président et dauphin désigné William Ruto.

Safari

Le pays compte une cinquantaine de parcs et réserves naturelles qui ont attiré 1,5 million de visiteurs en 2021. Parmi ses joyaux, plus de 30.000 girafes et le célèbre "Big five": lion, éléphant, rhinocéros, buffle et léopard.

Wangari Maathai est une des ambassadrices les plus connues de cette biodiversité, récompensée en 2004 par le prix Nobel de la paix pour, entre autres, son travail autour de la plantation d'arbres.

Le Kenya est aussi surnommé "le berceau de l'humanité".

La vallée du Rift, qui s'étend de la Tanzanie à l'Éthiopie en passant par le Kenya, a été le théâtre de découvertes majeures de fossiles. Des restes d'hominidés vieux de près de 6 millions d'années ont été trouvés dans la région du Turkana.

Locomotive régionale

Le Kenya est l'une des économies les plus dynamiques d'Afrique de l'Est et soigne son image de hub régional.

Son profil est atypique en Afrique: relativement peu de ressources naturelles mais un dynamisme économique et un secteur des services remarquables. L'agriculture est aussi un de ses piliers (plus de 22% du PIB) et la source principale des exportations (thé, fleurs, café).

Après un recul de 0,3% en 2020 lié à la pandémie, l'économie du Kenya a amorcé une reprise en 2021. Mais les prix du carburant et des denrées alimentaires ont explosé, en particulier celui de la farine de maïs - nourriture de base -, attisant la frustration dans ce pays rongé par une corruption endémique. En 2021, il était classé 128e sur 180 pays et territoires par Transparency International.

Les inégalités sont criantes dans le pays, où golfs et bidonvilles peuvent être mitoyens et où le salaire minimum mensuel est de 15.120 shillings (124 euros). Selon l'ONG Oxfam, la fortune des deux Kényans les plus riches est supérieure aux revenus cumulés de 30% de la population, soit 16,5 millions de personnes.

La population d'environ 50 millions d'habitants, selon les chiffres officiels, est en majorité jeune et chrétienne.

Sur les plus de 40 ethnies recensées, les Kikuyu sont le premier groupe numériquement, devant les Luhya, les Kalenjin et les Luo.

Vivier d'athlètes

Le Kenya fait partie des grandes nations de la course de fond et demi-fond, avec des champions comme Eliud Kipchoge ou Faith Kipyegon.

Le sprinter Ferdinand Omanyala s'est également fait un nom au pays des coureurs de fond, en signant le record d'Afrique du 100 m en 2021 (9.77), puis en réalisant la troisième meilleure performance mondiale en 2022 (9.85).

Mais l'ombre du dopage plane régulièrement. Le pays a été à deux doigts de l'exclusion des Jeux de Rio en 2016 avant d'annoncer l'introduction de mesures spécifiques comme l'adoption d'une loi antidopage.

Le spectre des attentats

Le 7 août 1998, un attentat visant l'ambassade américaine à Nairobi fait 213 morts et 5.000 blessés. Il est revendiqué par Al-Qaïda.

Après l'entrée en 2011 de l'armée kényane en Somalie pour y combattre les islamistes radicaux shebab, les attaques se sont multipliées, avec notamment celles du Westgate à Nairobi en 2013 puis de Garissa en 2015. Elles feront respectivement 67 et 148 morts.

En 2019, 21 personnes meurent dans un nouvel attentat mené contre le complexe hôtelier Dusit, à Nairobi.

Depuis, les attaques se font plus sporadiques, concentrées dans l'est du pays.

Spectre des violences

Historiquement, la composante ethnique a nourri les conflits électoraux, comme en 2007-2008 quand la contestation des résultats par M. Odinga avait conduit à des affrontements inter-communautaires faisant plus de 1.100 morts. Quinze ans ont passé depuis ces violences mais leur spectre continue de planer.

En 2017, des dizaines de personnes étaient mortes dans la répression de manifestations, après une nouvelle contestation par M. Odinga des résultats du vote - finalement annulé par la Cour suprême dans une décision historique.

"Le Kenya vote, l'Afrique de l'Est retient son souffle", titrait samedi The East African.

Mais cet hebdomadaire respecté ajoutait que "le Kenya a fait de grandes enjambées dans son évolution démocratique, et est en fait regardé comme une démocratie mature selon les standards régionaux".

En dehors de rares incidents et d'un impressionnant flux de désinformation sur les réseaux sociaux, la campagne fut paisible et les deux favoris ont appelé au calme. Quelque 150.000 officiers doivent cependant être déployés à travers le pays.

Lundi, la vie a mené son cours normal à Nairobi, même si la dynamique capitale semblait quelque peu alanguie, en raison notamment de la fermeture des écoles et du départ de nombreux électeurs vers leur région d'origine.

Des sources diplomatiques ont affirmé à l'AFP avoir bon espoir que le calme prévaudrait mardi mais ont insisté, dans ce pays marqué par la suspicion de fraudes, sur l'enjeu de la rapidité dans la publication des résultats.

La Commission électorale, soumise à une pression extrême et qui a dû annuler lundi quatre scrutins locaux en raison notamment de problèmes d'impression des bulletins, a jusqu'au 16 août pour déclarer les résultats.

Les quelque 46.000 bureaux de vote doivent fermer à 17H00 locales.


L'Arménie et l'Azerbaïdjan promettent des «mesures» pour normaliser leurs relations

Un véhicule blindé de transport de troupes russe et des soldats de la force de maintien de la paix (à gauche) patrouillent devant un poste de contrôle de l'armée azerbaïdjanaise près de la ligne de démarcation à l'extérieur de la ville de Choucha, le 26 novembre 2020, après six semaines de combats entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan sur la région contestée du Haut-Karabakh (Photo, AFP).
Un véhicule blindé de transport de troupes russe et des soldats de la force de maintien de la paix (à gauche) patrouillent devant un poste de contrôle de l'armée azerbaïdjanaise près de la ligne de démarcation à l'extérieur de la ville de Choucha, le 26 novembre 2020, après six semaines de combats entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan sur la région contestée du Haut-Karabakh (Photo, AFP).
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  • L'Arménie et l'Azerbaïdjan ont promis jeudi «des mesures concrètes» pour apaiser leurs relations très tendues, une annonce saluée aussi bien à Bruxelles qu'à Washington
  • Ils se sont également entendus sur la libération de 32 prisonniers de guerre arméniens, en échange de celle de deux soldats azerbaïdjanais

EREVAN: L'Arménie et l'Azerbaïdjan ont promis jeudi "des mesures concrètes" pour apaiser leurs relations très tendues, une annonce saluée aussi bien à Bruxelles qu'à Washington, après trois décennies de conflit pour le contrôle de l'enclave du Haut-Karabakh, reconquise en septembre par Bakou.

Ces dernières semaines, les négociations ne progressaient pourtant guère entre ces deux pays du Caucase, malgré l'objectif qu'ils affichaient de signer un accord de paix pour enterrer durablement la hache de guerre.

Mais à l'issue, jeudi, de pourparlers entre le cabinet du Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, et celui du président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, Bakou et Erevan ont diffusé une déclaration commune.

Azerbaïdjan et Arménie se sont engagés à prendre "des mesures concrètes visant à renforcer la confiance", selon ce texte, et ont réaffirmé "leur intention de normaliser leurs liens et de signer un accord de paix".

Ils se sont également entendus sur la libération de 32 prisonniers de guerre arméniens, en échange de celle de deux soldats azerbaïdjanais.

«Avancée majeure»

Les deux pays "continueront de discuter de mesures pour renforcer la confiance qui seront prises dans un avenir proche et appellent à un soutien de la communauté internationale", toujours d'après ce document.

Sur X (ex-Twitter), le président du Conseil européen, Charles Michel, a salué jeudi cette déclaration commune et la libération annoncée de prisonniers, les qualifiant d'"avancée majeure" et d'"ouverture sans précèdent dans le dialogue politique".

"Les progrès d'aujourd'hui sont une étape clé. J'encourage maintenant les dirigeants à finaliser un accord de paix Arménie-Azerbaïdjan aussi vite que possible", a-t-il ajouté.

Les Etats-Unis se sont également félicités de cet échange de prisonniers qui "représente une importante mesure de confiance alors que les deux parties travaillent à la finalisation d'un accord de paix et à la normalisation de leurs relations", selon un communiqué du département d'Etat.

La diplomatie arménienne a en outre affirmé jeudi avoir répondu "positivement" à une proposition du secrétaire d'Etat américain Antony Blinken d'organiser une rencontre des ministres arménien et azerbaïdjanais des Affaires étrangères à Washington.

Arménie et Azerbaïdjan sont engagés depuis des décennies dans un conflit territorial portant sur la région azerbaïdjanaise du Haut-Karabakh, que Bakou a reconquise en septembre après une offensive éclair contre les séparatistes arméniens.

La quasi-totalité de la population arménienne de la région, plus de 100.000 personnes sur les 120.000 recensées, a depuis fui vers l'Arménie.

Négociations difficiles

La victoire azerbaïdjanaise a marqué la fin d'un différend ayant entraîné deux guerres, l'une au début des années 1990, l'autre pendant six semaines à l'automne 2020, qui avaient fait des dizaines de milliers de morts.

Des incidents armés ont toujours lieu régulièrement à la frontière entre les deux pays. L'Arménie a par exemple affirmé, lundi, qu'un de ses soldats avait été tué près de la frontière avec l'enclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan.

Plusieurs cycles de négociations chapeautées séparément, ces derniers mois, par la Russie, l'Union européenne et les Etats-Unis, n'ont pas donné de résultats.

L'arbitre traditionnel dans la région, Moscou, accaparé par son offensive en Ukraine, a perdu de l'influence et ses relations se sont tendues avec l'allié arménien, qui lui reproche un manque de soutien.

Mi-novembre, l'Azerbaïdjan avait refusé de participer aux pourparlers de paix avec l'Arménie, prévus aux Etats-Unis pour courant novembre, invoquant une position "partiale" de Washington après des propos du secrétaire d'Etat adjoint américain James O'Brien.

Ce dernier s'est rendu mercredi dans la capitale azerbaïdjanaise où il a eu des discussions "positives et constructives" avec le président Aliev visant à favoriser la paix, selon le département d'Etat.

En octobre, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev avait quant à lui refusé de rencontrer le Premier ministre arménien Nikol Pachinian en Espagne en raison de récentes marques de soutien européennes, notamment françaises, à l'Arménie.


Le Danemark adopte une loi interdisant les autodafés du Coran

Des membres du Parlement danois Folketinget assistent au débat sur une nouvelle loi contre le traitement inapproprié des écrits importants pour les communautés religieuses, à Copenhague, au Danemark, le 7 décembre 2023 (Photo, AFP).
Des membres du Parlement danois Folketinget assistent au débat sur une nouvelle loi contre le traitement inapproprié des écrits importants pour les communautés religieuses, à Copenhague, au Danemark, le 7 décembre 2023 (Photo, AFP).
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  • Le Parlement danois a adopté jeudi une loi criminalisant les «traitements inappropriés» de textes ayant une signification religieuse importante
  • A l'issue d'un débat de près de quatre heures, le texte a été adopté en troisième lecture par 94 des 179 membres du Parlement

COPENHAGUE: Le Parlement danois a adopté jeudi une loi criminalisant les "traitements inappropriés" de textes ayant une signification religieuse importante, interdisant de facto les autodafés du Coran, après des profanations du livre saint de l'islam qui ont suscité la colère dans plusieurs pays musulmans pendant l'été.

A l'issue d'un débat de près de quatre heures, le texte a été adopté en troisième lecture par 94 des 179 membres du Parlement.

Il sera désormais interdit de brûler, souiller ou de donner des coups de pied publiquement sur des textes religieux ou dans le but de diffuser largement les images des profanations. Il sera également interdit de les déchirer, les couper ou les poignarder.

Tout contrevenant s'expose à une peine de deux ans d'emprisonnement.

Pour le gouvernement danois, dont aucun représentant ne s'est exprimé lors du débat parlementaire, il s'agit avant tout de protéger les intérêts et la sécurité nationale du pays scandinave alors que la menace terroriste sur le pays s'est intensifiée.

Le Danemark et son voisin suédois ont récemment cristallisé la colère au sein de pays musulmans. En Irak par exemple, des centaines de manifestants partisans de l'influent leader religieux Moqtada Sadr ont tenté fin juillet de marcher en direction de l'ambassade danoise à Bagdad.

Après ces troubles, le royaume nordique a un temps renforcé ses contrôles aux frontières, avant de revenir à la normale le 22 août.

Entre le 21 juillet et le 24 octobre 2023 inclus, 483 autodafés et drapeaux brûlés ont été recensés au Danemark, selon les chiffres de la police nationale, qui ne précise pas de quels pays il s'agit.

«Critiques»

Introduit fin août, le projet de loi a fait l'objet de modifications à la suite de critiques dénonçant des restrictions à la liberté d'expression et des difficultés de mise en oeuvre.

A l'origine, il devait notamment couvrir les profanations de tous les objets ayant une signification religieuse importante.

Mais médias et associations y voyaient un retour du délit de blasphème, une disposition vieille de 334 ans qui sanctionnait les insultes publiques envers les religions, abrogé il y a six ans.

En outre, des professionnels de la justice craignaient des difficultés de mise en application.

Lors du long débat en séance, l'opposition s'est insurgée contre le gouvernement, accusé de sacrifier la liberté d'expression.

"C'est une trahison. Une défection énorme de la part du gouvernement", a dit la présidente de la formation d'extrême droite les Démocrates du Danemark, Inger Støjberg.

En 2006, une vague de violences anti-danoises avait embrasé le monde musulman après la publication de caricatures de Mahomet.

"Imaginez que nous devenions la génération qui restreint la liberté d'expression. Je ne l'avais pas vraiment pensé, et certainement pas après la crise de Mahomet. À l'époque, nous étions restés fermes", a ajouté l'ancienne ministre.

Après l'adoption du texte, la loi doit être publiée et entrera en vigueur le lendemain de cette publication.

Le Danemark n'est pas le seul pays européen à interdire les autodafés du Coran.

D'après le ministère de la Justice, huit pays européens le font: l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Estonie, la Finlande, l'Italie, la Pologne et la Roumanie.

En Grèce, par exemple, l'incendie d'un texte sacré peut être interdit si l'acte a lieu à l'intérieur ou à proximité d'un site religieux.


Londres et Washington accusent Moscou de tentatives d'ingérence dans la politique britannique

Le président de la Chambre des représentants des États-Unis, Mike Johnson, rencontre le ministre britannique des Affaires étrangères David Cameron, au Capitole des États-Unis à Washington, DC, le 6 décembre 2023. (Photo de SAUL LOEB / AFP)
Le président de la Chambre des représentants des États-Unis, Mike Johnson, rencontre le ministre britannique des Affaires étrangères David Cameron, au Capitole des États-Unis à Washington, DC, le 6 décembre 2023. (Photo de SAUL LOEB / AFP)
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  • Londres a convoqué l'ambassadeur russe, selon le ministère britannique des Affaires étrangères, tandis que le ministère américain de la Justice a annoncé des poursuites contre deux citoyens russes
  • Aux Etats-Unis, ces tentatives de piratage «ont visé des employés ou anciens employés de la communauté du renseignement, du ministère de la Défense, du département d'Etat, des sous-traitants de la Défense et des infrastructures du ministère de l'Energie»

LONDRES: La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont affirmé jeudi avoir mis au jour des tentatives de cyber-ingérence russe dans la politique britannique, notamment lors des élections de 2019.

Londres a convoqué l'ambassadeur russe, selon le ministère britannique des Affaires étrangères, tandis que le ministère américain de la Justice a annoncé des poursuites contre deux citoyens russes, dont un agent des services de sécurité russes (FSB).

"Les tentatives de la Russie d'interférer dans la politique britannique sont absolument inacceptables et cherchent à menacer nos processus démocratiques", a déclaré le chef de la diplomatie britannique David Cameron, cité dans un communiqué.

"Malgré leurs efforts répétés, elles ont échoué", a-t-il ajouté.

"Si certaines attaques ont abouti à la fuite de documents, les tentatives d'interférer dans la politique britannique et la démocratie n'ont pas été couronnées de succès", selon le ministère, qui affirme que responsables politiques, fonctionnaires, journalistes et ONG ont été visés.

Les autorités judiciaires américaines ont de leur côté rendu publique l'inculpation mardi par un tribunal de San Francisco (ouest) de deux citoyens russes, Ruslan Aleksandrovich Peretyatko, agent du FSB, selon Washington et Londres, et Andreï Stanislavovich Korinets.

Ils sont accusés d'avoir mené "une campagne de piratage des réseaux informatiques des Etats-Unis, du Royaume-Uni d'autres pays de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (Otan) et de l'Ukraine, pour le compte du gouvernement russe", indique le ministère américain de la Justice dans un communiqué.

Ils font chacun l'objet de deux inculpations de piratage informatique, passibles de peines maximales de 5 et 20 ans de prison.

Aux Etats-Unis, ces tentatives de piratage "ont visé des employés ou anciens employés de la communauté du renseignement, du ministère de la Défense, du département d'Etat, des sous-traitants de la Défense et des infrastructures du ministère de l'Energie, au moins entre octobre 2016 et octobre 2022", selon le communiqué.

Unité spécialisée du FSB 

Les deux prévenus appartiennent à un présumé groupe de cyberpirates associé au Centre 18, une unité spécialisée du FSB identifiée comme "Star Blizzard" par Londres ou "groupe Callisto" par Washington.

Ils sont désormais visés par des sanctions britanniques, mais aussi du Trésor américain, et le département d'Etat a annoncé une récompense pouvant aller jusqu'à 10 millions de dollars pour toute information menant à leur localisation et leur arrestation, ainsi que leurs complices.

"Tous deux sont actuellement recherchés par le FBI et présumés se trouver en Russie", a indiqué sous le couvert de l'anonymat à des journalistes un haut responsable la police fédérale américaine (FBI), précisant ne pas s'attendre à ce que Moscou les livre.

"Mais s'ils voyagent dans un pays qui coopère avec le système judiciaire américain, ils courent le risque d'être extradés aux Etats-Unis", a souligné ce responsable.

Un haut responsable du ministère de la Justice a reconnu que la publication de ces poursuites rendait probablement leur arrestation "plus difficile" mais se justifiait par la nécessité de "perturber" les activités des cyberpirates.

Des députés de différents partis politiques au Royaume-Unis ont été visés, via notamment des techniques d'hameçonnage ciblé (spearfishing), depuis 2015 au moins et jusqu'à cette année, selon la diplomatie britannique.

Elle cite notamment le piratage de documents commerciaux américano-britanniques qui avaient fuité avant les élections de 2019.

Londres indique en outre avoir convoqué l'ambassadeur russe "pour exprimer sa profonde préoccupation au sujet des tentatives répétées" d'utiliser internet pour "interférer dans les processus politiques et démocratiques au Royaume-Uni et au-delà".

A la Chambre des Communes, le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères Leo Docherty a déclaré que "le FSB est derrière une démarche continue d'interférence" dans ces processus.

"Ils ont ciblé des membres de cette chambre" et de celle des Lords, "des fonctionnaires, des journalistes et ONG", a-t-il ajouté.

Un rapport parlementaire publié en juillet 2020 avait accusé le gouvernement d'avoir sérieusement sous-estimé les risques, et l'avait exhorté à enquêter sur de possibles ingérences russes dans la vie politique britannique, notamment pendant la campagne du référendum sur le Brexit en 2016.