L'Arabie saoudite veut accueillir les plus grands événements sportifs du monde

L'Arabie saoudite veut accueillir les plus grands événements sportifs du monde
Short Url
Publié le Dimanche 21 août 2022

L'Arabie saoudite veut accueillir les plus grands événements sportifs du monde

  • Le combat des poids lourds entre Usyk et Joshua à Djeddah n'est que le dernier d'une longue liste passionnante
  • Le Royaume a pour objectif la Coupe d'Asie féminine de l'AFC, les Jeux asiatiques et les Jeux d'hiver asiatiques

DJEDDAH: La ville côtière saoudienne de Djeddah était une fois de plus en effervescence samedi avant l'un des plus grands combats de boxe de l'histoire du sport, entre l'Ukrainien Oleksandr Usyk et le Britannique Anthony Joshua.

Ces scènes d'anticipation sont de plus en plus fréquentes en Arabie saoudite; le Royaume accueille de plus en plus d'événements sportifs internationaux, fruit du vaste plan de transformation sociale et économique du pays, la Vision 2030.

ez
Un match de football entre l'Arabie saoudite et l'Australie, dans le cadre des éliminatoires asiatiques de la Coupe du monde 2022 au Qatar, à Djeddah (Photo, AFP).

En septembre dernier, Usyk a surpris le monde de la boxe en surclassant Joshua lors du premier combat, remportant ainsi son quatrième titre de champion des poids lourds. En raison de la guerre en Ukraine, la revanche prévue n'a pu avoir lieu dans le pays d'origine du champion.

En revanche, le combat intitulé «Rage on the Red Sea», s'est déroulé à Djeddah.

ds
Oleksandr Usyk et Anthony Joshua avant leur match revanche à Djeddah, le 20 août 2022 (Photo, AN / Houda Bachatah).

L'un des objectifs de la Vision 2030, lancée en 2016, était de placer le Royaume comme une plaque tournante régionale pour des événements sportifs professionnels de classe mondiale qui généreraient des emplois pour les citoyens saoudiens et amélioreraient la qualité de vie en général.

Aujourd'hui, le sport occupe une place centrale dans le processus de diversification du Royaume, qui vise à sortir l'économie des hydrocarbures et à s'ouvrir à toute une série d'industries culturelles, entrepreneuriales et de haute technologie prospères.

En quelques années seulement, l'Arabie saoudite s'est hissée au premier plan en accueillant certains des plus grands événements sportifs du monde, ce qui a donné un élan supplémentaire au tourisme, à l'hôtellerie, aux loisirs et à l'emploi, tout en renforçant l'identité nationale.

ds
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane  assiste au lancement du championnat ABB FIA de Formule E à Diriyah, à Riyad (photo, palais royal saoudien/ Archives).

Le tourisme est un domaine que l'Arabie saoudite est particulièrement désireuse de promouvoir avec le lancement de son e-visa saoudien en 2018. Le Royaume prévoit d’accueillir 100 millions de touristes d'ici 2030, attirés par un mélange de nouveaux hôtels de luxe et un calendrier de divertissement bien rempli.

L'accueil de grands événements sportifs a créé de nouvelles opportunités de partenariats, d'investissements et de parrainages à chaque étape de la chaîne de valeur, tout en démontrant la diversité, l'inclusivité et le potentiel économique de l'Arabie saoudite à un public international plus large.

ds
Le pilote saoudien de Toyota Yazid al Rajhi et le copilote britannique Michael Orr s'affrontent lors de la 11e étape du Dakar 2022 autour de Bisha (Photo, AFP).

Du tarmac lisse et soyeux de la piste de Formule E aux routes épiques de la course dans le désert du Dakar, et du Royal Greens Golf & Country Club de la Ville économique du roi Abdallah à la Cité sportive du roi Abdallah, l'infrastructure de divertissement sportif du Royaume s'est améliorée à pas de géant.

Le succès de la candidature de l'Arabie saoudite à l'organisation des Jeux asiatiques de 2034 est une preuve supplémentaire de la trajectoire stratégique à long terme du secteur, qui est liée à son développement national global.

En 2018, le Royaume a été témoin d'une multitude d'événements sportifs, de tournois et de championnats majeurs. Cette année-là, le Britannique Callum Smith a battu son compatriote George Groves à Djeddah pour remporter le titre WBA des poids supermoyens et la couronne des World Boxing Super Series.

L'édition 2018 de Diriyah E-Prix a également fait date, puisque le championnat s'est déroulé dans la ville historique de Diriyah, la capitale du premier État saoudien.

Depuis lors, l'Arabie saoudite a accueilli la supercoupe d'Italie, la supercoupe d'Espagne élargie, la coupe internationale saoudienne de golf et la coupe saoudienne, la course hippique la plus riche du monde, dotée de 20 millions de dollars américains (1 dollar américain = 1 euro).

ds
Le jockey Wigberto Ramos avec Emblem Road célèbre sa victoire à la course 1800M Groupe 1 de la coupe saoudienne de 20 millions de dollars américains à Riyad (Photo, AFP/ Archives).

Le royaume a également accueilli le championnat international saoudien de parachutisme «Clash on the Dunes» entre Joshua et Andy Ruiz Jr, la coupe de tennis de Diriyah, le tournoi de BMX et le championnat de skateboard, pour n'en citer que quelques-uns.

Bien que la révolution du divertissement en Arabie saoudite ait subi des revers en 2020, au plus fort de la pandémie de la Covid-19, avec des événements suspendus, des lieux fermés et des voyages internationaux interdits pendant plusieurs mois, le calendrier du divertissement est rapidement revenu en force.

En 2021, le Royaume a inauguré sa gloire suprême — le Grand Prix d'Arabie saoudite — s'imposant fermement comme un lieu de premier plan pour les événements sportifs internationaux.

ds
Des pilotes s'affrontent lors du Grand Prix de Formule 1 d'Arabie saoudite 2022 sur le circuit de la Corniche de Djeddah, le 27 mars 2022 (Photo, AFP).

Construit en huit mois seulement, le circuit à grande vitesse situé sur le front de mer de Djeddah est devenu le circuit de F1 le plus rapidement construit.

Le Royaume a désormais pour objectif d'accueillir la Coupe d'Asie féminine de l'AFC en 2026 et les Jeux asiatiques d'hiver dans la mégapole saoudienne de NEOM en 2029.

ds
Une destination de montagne dans la province saoudienne de Tabuk, au nord-ouest du pays, qui proposera bientôt des activités de ski et des sports d'aventure toute l'année (Photo, Arab News).

Un récent rapport d'Ernst & Young a révélé que la valeur de l'industrie des événements sportifs en Arabie saoudite augmente de 8 % par an, passant de 2,1 milliards de dollars américains en 2018 à une estimation de 3,3 milliards de dollars en 2024.

La contribution du sport au PIB national est passée de 2,4 milliards de dollars en 2016 à 6,9 milliards de dollars en 2019, avec le nombre d'événements internationaux organisés en Arabie saoudite ayant doublé, passant de 9 événements en 2018 à 19 en 2019. 

Certes, les dividendes économiques ne sont pas les seuls signes de réussite. Les jeunes athlètes du Royaume ont remporté des victoires importantes, dont toute la nation peut être fière à juste titre.

L'année dernière, le Saoudien Tarek Hamdi a remporté la médaille d'argent en karaté aux Jeux olympiques de Tokyo 2020. Puis, plus tôt cette année, Fayek Abdi est devenu le premier Saoudien à participer aux Jeux olympiques d'hiver, qui se sont tenus à Pékin.

ds
Le skieur alpin Fayek Abdi est devenu le tout premier Saoudien à participer aux Jeux olympiques d'hiver (Photo, Comité olympique saoudien).

Ayant obtenu de bons résultats lors de sa cinquième participation à la Coupe du monde de la FIFA en Russie en 2018, l'équipe nationale saoudienne s'est qualifiée pour la finale de cet hiver en mars dernier.

Un autre effet positif de la croissance des divertissements sportifs a été une augmentation générale des activités de santé et de remise en forme parmi la population saoudienne.

Une nouvelle enquête menée par l'Autorité générale des statistiques d'Arabie saoudite a révélé que 48,2 % des habitants du pays pratiquent désormais des activités physiques et sportives pendant au moins 30 minutes par semaine.

Il s'agit d'une étape importante dans la création d'une société saine et dynamique, conformément aux objectifs de qualité de vie de la Vision 2030.

Un autre pilier du programme de réforme de la Vision 2030 consiste à transformer le rôle des femmes.

L'Arabie saoudite a élaboré plusieurs stratégies dans le but d’inclure les femmes dans le sport, notamment la création d'une ligue de football féminin de 24 équipes en 2020 et le lancement de la première ligue régionale de football féminin l'année suivante.

ds
L'équipe nationale féminine saoudienne de football a reçu un coup de pouce avec la nomination de la vétéran entraîneuse allemande Monika Staab comme entraîneuse-formatrice (Photo fournie).

En effet, selon le ministère saoudien des Sports, la participation des femmes aux activités sportives a augmenté de près de 150 % depuis 2015.

«En participant à des événements sportifs, les femmes réalisent tellement plus de choses», a déclaré à Arab News Hala al-Hamrani, fondatrice de la première salle de boxe féminine en Arabie saoudite. «L'événement de boxe de ce soir est important, mais je vais surtout regarder les deux premiers préliminaires féminins en Arabie saoudite.»

L'espoir somalo-britannique Ramla Ali deviendra la première boxeuse à participer à un événement international officiel en Arabie saoudite, en affrontant Crystal Garcia Nova dans un combat de huit rounds de poids super coq.

ds
Le soutien aux sports de combat a encouragé de nombreuses femmes du Royaume à s'entraîner dans les arts martiaux (Photo, Arab News).

«Je crois que c'est un grand pas en avant car cela envoie un message au public montrant que le gouvernement soutient les femmes qui participent à des sports de combat, ce qui permettra en retour aux familles qui étaient autrefois réticentes à l'idée de permettre à leurs filles de participer à des cours ou à différentes compétitions d'arts martiaux de reconsidérer leur position», a souligné Al-Hamrani.

De tels événements «contribuent à éliminer l'idée que les femmes ne devraient pas pratiquer la boxe», a-t-elle ajouté.

Al-Hamrani a soutenu: «Les matchs de boxe préliminaires et le soutien du gouvernement sont d’une grande importance, montrant que l'implication des femmes dans le sport, sous toutes ses formes, n'est plus tabou.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Survivants traumatisés et «conditions indignes»: récit de la première mission de l'ONU à El-Facher

Short Url
  • Tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) en octobre après 500 jours de siège, la ville est "le fantôme d'elle-même"
  • A sa demande, elle s'y est rendue sans escorte armée, avec une poignée de collègues

PORT-SOUDAN: Des survivants traumatisés vivant des "conditions indignes", sans eau ni assainissement: pour la première fois depuis le siège par les paramilitaires d'El-Facher dans l'ouest du Soudan, une équipe de l'ONU a pu se rendre sur place.

Tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) en octobre après 500 jours de siège, la ville est "le fantôme d'elle-même", "une scène de crime", a résumé dans un entretien lundi avec l'AFP la coordinatrice humanitaire Denise Brown, qui n'a été autorisée à passer que "quelques heures" sur place.

A sa demande, elle s'y est rendue sans escorte armée, avec une poignée de collègues.

"De larges parties de la ville sont détruites", raconte Mme Brown: El-Facher est devenue "l'un des épicentres de la souffrance humaine" dans la guerre qui oppose depuis avril 2023 l'armée régulière aux paramilitaires.

Accès "âprement négocié" 

Fin octobre, les FSR se sont emparées du dernier bastion de l'armée au Darfour lors d'une offensive sanglante marquée par des exécutions, pillages et viols.

Depuis, ils ont imposé un black-out sur la ville, l'isolant du monde. A l'exception de vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-mêmes, suscitant l'indignation internationale, très peu d'informations ont filtré.

Plus de 107.000 personnes ont fui, selon l'Organisation mondiale pour les migrations (OIM).

Vendredi, l'équipe onusienne a pu pénétrer dans la ville après avoir "négocié âprement", explique la responsable canadienne, chargée pour le Soudan du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha).

Elle décrit des survivants "traumatisés vivant sous bâches plastiques", dans des conditions qu'elle qualifie "d'indignes et dangereuses".

Impossible de donner des chiffres à ce stade sur combien sont restés sur place. "Nous n'avons pas encore assez d'informations", dit-elle, alors que la ville comptait avant la guerre plus d'un million d'habitants.

L'équipe pouvait se déplacer librement vers les sites sélectionnés: l'hôpital saoudien, des abris de déplacés et cinq bureaux abandonnés de l'ONU.

Le complexe hospitalier, l'un des derniers en ville, "tient encore debout" avec du personnel médical sur place, mais il est à court d'antibiotiques et d'équipements, et quasi vide de patients.

"Partie émergée de l'iceberg" 

Privée d'aide humanitaire, El-Facher s'est retrouvée à court de tout pendant les 18 mois de siège.

Pour survivre, les habitants se sont résolus à manger de la nourriture pour animaux. En novembre, l'ONU y a confirmé l'état de famine.

"Un petit marché" subsiste avec de minuscules paquets de riz, des tomates, oignons et patates, quelques biscuits: "les gens n'ont pas les moyens d'acheter davantage", a-t-elle décrypté.

L'équipe "n'a pu voir aucun des détenus, et nous croyons qu'il y en a", a précisé la responsable onusienne.

"Nous n'avons vu que la partie émergée de l'iceberg", a-t-elle admis, "soucieuse" d'éviter les zones jonchées de munitions non explosées et de mines, dans un conflit qui a déjà tué 128 travailleurs humanitaires.

Les analyses d'images satellites et les témoignages recueillis par l'AFP font régulièrement état d'exactions sommaires et de fosses communes dans la ville, mais la responsable a préféré réserver ses observations aux experts des droits humains de l'ONU, qui préparent un rapport sur les atrocités à El-Facher.

La guerre au Soudan a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné 11 millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".

 


Trois morts dans des manifestations des alaouites syriens contre le bombardement d'une mosquée

Des membres des forces de sécurité syriennes déployés lors de manifestations de la communauté alaouite à Lattaquié, dimanche. (Reuters)
Des membres des forces de sécurité syriennes déployés lors de manifestations de la communauté alaouite à Lattaquié, dimanche. (Reuters)
 Les alaouites syriens sont descendus dans la rue dimanche dans la ville côtière de Lattaquié pour protester contre l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes à Homs deux jours auparavant. (REUTERS)
Les alaouites syriens sont descendus dans la rue dimanche dans la ville côtière de Lattaquié pour protester contre l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes à Homs deux jours auparavant. (REUTERS)
Short Url
  • Des membres du régime de Bashar Assad ont attaqué les forces de sécurité et les civils, rapportent les médias d'État
  • Selon les autorités sanitaires, des dizaines de personnes ont été soignées pour des blessures causées par des coups de feu, des couteaux et des pierres

LATTAKIEH: Trois personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées lors des manifestations des Alaouites de Syrie dans la ville côtière de Lattaquié dimanche.

Les responsables de la sécurité ont déclaré que les restes du régime de Bashar Assad ont attaqué les forces de sécurité et les civils lors des manifestations, a rapporté l'agence de presse nationale syrienne SANA.

Les autorités sanitaires régionales ont déclaré que 60 personnes avaient été blessées et que les hôpitaux traitaient les victimes pour des blessures causées par des coups de feu, des couteaux et des pierres.

Deux ambulances ont été attaquées alors qu'elles intervenaient sur les lieux des incidents.

Le colonel Abdulaziz Al-Ahmad, chef de la sécurité intérieure à Lattaquié, a déclaré que des "éléments liés aux vestiges du régime déchu" participant aux manifestations ont attaqué le personnel de la sécurité intérieure, faisant plusieurs blessés et endommageant des véhicules.

Les manifestations ont eu lieu en réponse à l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes dans un quartier alaouite de la ville de Homs deux jours auparavant.

M. Assad a été chassé du pouvoir il y a un an, après qu'une offensive des forces d'opposition a mis fin à la guerre civile qui a décimé le pays.

Le nouveau président, Ahmad Al-Sharaa, s'efforce de stabiliser le pays, mais il y a eu des flambées de violence sectaire.

Les représentants du gouvernement affirment que les groupes restés fidèles au régime d'Assad, qui était dominé par la minorité alaouite, ont tenté d'inciter à la violence en utilisant les manifestations civiles comme couverture pour cibler le personnel de sécurité et endommager les biens publics.

Le colonel Al-Ahmad a déclaré que des individus armés et masqués affiliés à des groupes connus sous le nom de "Saraya Deraa Al-Sahel" et "Saraya Al-Jawad" étaient présents lors des manifestations de dimanche. Ces groupes ont déjà perpétré des assassinats ciblés et posé des explosifs le long d'axes routiers importants.

Des milliers de personnes ont participé aux manifestations de dimanche organisées par une autorité religieuse en réponse à l'attaque de la mosquée, a rapporté l'AFP.

Les forces syriennes ont ensuite été déployées pour disperser les partisans du gouvernement, selon un correspondant de l'AFP.

Les manifestations de dimanche ont été organisées à l'appel du chef spirituel alaouite Ghazal Ghazal, qui a exhorté samedi la population à "montrer au monde que la communauté alaouite ne peut être humiliée ou marginalisée" après l'attentat à la bombe de Homs.

L'attentat de vendredi a été revendiqué par un groupe extrémiste connu sous le nom de Saraya Ansar Al-Sunna.

Il s'agit de la dernière attaque en date contre cette minorité religieuse, qui est la cible de violences depuis la chute, en décembre 2024, de M. Assad, lui-même alaouite.


Le pari israélien sur le Somaliland : quels risques pour la région?

Israël a officiellement reconnu le Somaliland le 26 décembre, brisant ainsi des décennies de consensus international sur l'intégrité territoriale de la Somalie. (Fourni)
Israël a officiellement reconnu le Somaliland le 26 décembre, brisant ainsi des décennies de consensus international sur l'intégrité territoriale de la Somalie. (Fourni)
Short Url
  • La situation stratégique du Somaliland près du Bab Al-Mandab fait craindre qu'une présence sécuritaire israélienne ne transforme la mer Rouge en poudrière
  • Les critiques soutiennent que la décision ravive la stratégie israélienne de "périphérie", encourageant la fragmentation des États arabes et musulmans pour un avantage stratégique

RIYAD: Les observateurs régionaux chevronnés ne seront peut-être pas surpris d'apprendre qu'Israël est devenu le premier et le seul État membre des Nations unies à reconnaître officiellement la République du Somaliland comme une nation indépendante et souveraine.

Le 26 décembre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre des affaires étrangères Gideon Sa'ar ont signé une déclaration commune de reconnaissance mutuelle avec le président du Somaliland, Abdirahman Mohamed Abdullahi.

Pour une région qui a existé dans un état de flou diplomatique depuis qu'elle a déclaré son indépendance de la Somalie en 1991, ce développement est, comme l'a décrit M. Abdullahi, "un moment historique". Mais sous la surface se cache un pari géopolitique calculé et à fort enjeu.

Si plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, l'Éthiopie, la Turquie et les Émirats arabes unis, ont ouvert des bureaux de liaison dans la capitale, Hargeisa, aucun n'a voulu franchir le Rubicon de la reconnaissance officielle de l'État.


Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, assisté du ministre des affaires étrangères Gideon Sa'ar, signe le document reconnaissant officiellement la région séparatiste du Somaliland, le 26 décembre 2025. (AFP)
La décision d'Israël de rompre ce consensus international vieux de plusieurs décennies constitue une rupture délibérée avec le statu quo.

En prenant cette mesure, Israël s'est positionné comme le principal bienfaiteur d'un État qui cherche depuis longtemps à s'asseoir à la table internationale. Comme l'a déclaré à Arab News Dya-Eddine Said Bamakhrama, ambassadeur de Djibouti en Arabie saoudite, une telle décision est profondément perturbatrice.

"Une déclaration unilatérale de séparation n'est ni un acte purement juridique ni un acte politique isolé. Au contraire, elle entraîne de profondes conséquences structurelles, au premier rang desquelles l'aggravation des divisions internes et des rivalités entre les citoyens d'une même nation, l'érosion du tissu social et politique de l'État et l'ouverture de la porte à des conflits prolongés", a-t-il déclaré.

Les critiques affirment qu'Israël fait depuis longtemps pression pour un nouveau découpage de la région sous diverses formes.

La reconnaissance du Somaliland est considérée par beaucoup dans le monde arabe comme la poursuite d'une stratégie visant à affaiblir les États arabes et musulmans centralisés en encourageant les mouvements sécessionnistes périphériques.
Dans le contexte somalien, cette voie est perçue non pas comme un geste humanitaire, mais comme une méthode visant à saper les accords nationaux conclus dans le cadre d'une Somalie fédérale.

Selon l'ambassadeur Bamakhrama, la communauté internationale s'est toujours opposée à de telles initiatives afin de donner la priorité à la stabilité régionale plutôt qu'aux "tendances séparatistes dont l'histoire a maintes fois démontré les dangers et les coûts élevés".

En ignorant ce précédent, Israël est accusé d'utiliser la reconnaissance comme un outil pour fragmenter la cohésion régionale.

Par le passé, Israël a souvent justifié son soutien à des acteurs non étatiques ou à des groupes séparatistes en prétextant la protection de minorités vulnérables, comme les Druzes au Levant ou les Maronites au Liban.

Cette "doctrine de la périphérie" avait un double objectif : elle créait des alliés régionaux et soutenait la revendication d'Israël en tant qu'État juif en validant l'idée d'autodétermination ethnique ou religieuse.

Toutefois, dans le cas du Somaliland, les gants ne sont plus du tout de mise. Il ne s'agit pas ici de protéger une minorité religieuse, puisque le Somaliland est un territoire à forte majorité musulmane. Il s'agit plutôt d'un raisonnement purement géopolitique.

Israël semble rechercher une profondeur stratégique dans une région où il a toujours été isolé. M. Netanyahu a explicitement lié cette initiative à "l'esprit des accords d'Abraham", indiquant que les principaux moteurs sont la sécurité, le contrôle maritime et la collecte de renseignements plutôt que la démographie interne de la Corne de l'Afrique.

La première grande victoire d'Israël dans cette manœuvre est l'élargissement de son orbite diplomatique. On pourrait faire valoir que le refus du gouvernement fédéral de Mogadiscio d'adhérer aux accords d'Abraham constituait une barrière artificielle.


Des habitants brandissent des drapeaux du Somaliland alors qu'ils se rassemblent dans le centre-ville d'Hargeisa le 26 décembre 2025, pour célébrer l'annonce d'Israël reconnaissant le statut d'État du Somaliland. (AFP)
La preuve de cette affirmation, du point de vue israélien, est que le Somaliland - un territoire comptant près de six millions d'habitants et doté de ses propres institutions démocratiques - était désireux d'adhérer à l'accord.

M. Abdullahi a déclaré que le Somaliland rejoindrait les accords d'Abraham en tant que "pas vers la paix régionale et mondiale". Toutefois, cette paix s'accompagne d'une contrepartie évidente : la reconnaissance officielle.

Israël peut désormais affirmer que le "modèle du Somaliland" prouve que de nombreuses autres entités arabes et musulmanes sont disposées à normaliser leurs relations si leurs intérêts politiques ou territoriaux spécifiques sont satisfaits.

Cela remet en question la position unifiée de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique, qui maintiennent que la normalisation doit être liée à la résolution du conflit palestinien.


Le deuxième gain majeur pour Israël est la possibilité d'une présence militaire dans la Corne de l'Afrique. La position stratégique du Somaliland dans le golfe d'Aden, près du détroit de Bab Al-Mandab, en fait un lieu privilégié pour la surveillance du trafic maritime.

Il s'agit d'une bombe à retardement étant donné que de l'autre côté de cette mer étroite se trouve le Yémen, où le mouvement Houthi - dont le slogan est "Mort à Israël" - contrôle un territoire important.

Israël peut prétendre qu'une présence militaire ou de renseignement au Somaliland renforcera la sécurité régionale en contrant les menaces des Houthis sur la navigation. Toutefois, les voisins de la région craignent que cette présence n'attise les tensions.

L'ambassadeur Bamakhrama a prévenu qu'une présence militaire israélienne "transformerait effectivement la région en une poudrière".


"Si Israël décidait d'établir une base militaire dans un endroit géopolitiquement sensible, cela serait perçu à Tel-Aviv comme un gain stratégique dirigé contre les États arabes bordant la mer Rouge, à savoir l'Égypte, l'Arabie saoudite, la Somalie, le Yémen, le Soudan et Djibouti", a-t-il déclaré.

La mer Rouge est un "corridor maritime international vital" et toute modification de son équilibre géopolitique aurait des "répercussions bien au-delà de la région", a-t-il ajouté.

Cette reconnaissance constitue également une violation flagrante du droit international et du principe d'intégrité territoriale inscrit dans la Charte des Nations unies.

Si les partisans de la reconnaissance font état d'exceptions telles que le Sud-Soudan ou le Kosovo, il n'en reste pas moins que ces cas impliquaient des circonstances très différentes, notamment des conflits génocidaires prolongés et de vastes transitions sous l'égide des Nations unies.

En revanche, l'Union africaine a toujours affirmé que le Somaliland faisait partie intégrante de la Somalie.
 

La réaction a été rapide et sévère. La Ligue arabe, le Conseil de coopération du Golfe et l'OCI ont tous décrié cette décision. Même le président américain Donald Trump, qui a pourtant joué un rôle dans les accords d'Abraham, n'a pas approuvé la décision d'Israël.

Lorsqu'on lui a demandé si Washington suivrait le mouvement, M. Trump a répondu par un "non" catégorique, ajoutant : "Est-ce que quelqu'un sait vraiment ce qu'est le Somaliland ?"

Ce manque de soutien de la part de Washington souligne l'isolement de la position d'Israël. L'OCI et les ministres des affaires étrangères de 21 pays ont publié une déclaration commune mettant en garde contre de "graves répercussions" et rejetant tout lien potentiel entre cette reconnaissance et les projets de déplacement des Palestiniens de Gaza vers la région africaine.

La reconnaissance du Somaliland par Israël semble être un pari calculé visant à échanger des normes diplomatiques contre un avantage stratégique.

Alors que Hargeisa célèbre une étape longtemps attendue, le reste du monde y voit un dangereux précédent qui menace de déstabiliser l'un des couloirs les plus instables du monde.

Comme le dit l'ambassadeur Bamakhrama, l'établissement de tels liens "ferait d'Israël le premier et le seul État à rompre avec le consensus international" - une décision qui donne la priorité à des "calculs stratégiques étroits" plutôt qu'à la stabilité du système international.