Le Drian au Liban : une visite sans espoir ?

Le président français Emmanuel Macron et le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, participant à la conférence Cedre au ministère des Affaires étrangères à Paris, le 6 avril 2018. (Ludovic MARIN/PISCINE/AFP)
Le président français Emmanuel Macron et le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, participant à la conférence Cedre au ministère des Affaires étrangères à Paris, le 6 avril 2018. (Ludovic MARIN/PISCINE/AFP)
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Publié le Mardi 21 juillet 2020

Le Drian au Liban : une visite sans espoir ?

  • La France ne peut faire grand-chose à part répéter la nécessité d’entreprendre des réformes, même s’il semble qu’elles ne viendront jamais tant que le Hezbollah contrôle le paysage politique
  • Le Drian exprimera son soutien au Patriarche maronite qui appelle à l’adoption de la neutralité par l’Etat libanais

PARIS: Le ministre français des Affaires Etrangères, Jean Yves Le Drian, arrive mercredi soir à Beyrouth. Exaspéré par l’immobilisme des autorités libanaises qui n’entreprennent pas les réformes requises par le Fonds monétaire international (FMI) et les pays amis du Liban, pour recevoir l'aide de la France et de la communauté internationale, le ministre tente un forcing qui pourrait ne pas aboutir.

Sera-t-il en mesure d’obtenir plus que des promesses de la part des autorités, décriées par la population du Pays du Cèdre, qui s‘enlise dans des problèmes économiques et sociaux sans précédent ? Si les Libanais attendent beaucoup de la France, cette dernière attend elle aussi beaucoup plus que des promesses. Mais elle ne peut faire grand-chose à part répéter avec insistance la nécessité d’entreprendre ces réformes, même s’il semble qu’elles ne viendront jamais tant que le Hezbollah contrôle le paysage politique libanais.

A bien des égards, la transparence, la lutte contre la corruption, l’indépendance et la distanciation sont le contraire de la raison d’être du parti chiite pro-iranien. Le Drian adressera néanmoins des messages de grande fermeté aux autorités.

Le Liban vit la pire crise économique de son histoire, marquée par une dépréciation inédite de sa monnaie et une explosion de l'inflation.

A travers cette visite, la France répètera ce que ses partenaires du Groupe international de soutien au Liban (GIS) ont toujours affirmé: aucune aide ne sera octroyée tant que les réformes ne sont pas engagées en bonne et due forme. Paris attend des autorités libanaises que les discussions avec le FMI se poursuivent de manière constructive alors qu’elles patinent actuellement, et le ministre Le Drian détaillera avec ses interlocuteurs les mesures attendues depuis la conférence Cèdre en 2018, et au cours de laquelle 11 milliards de dollars d'aides étrangères avaient été promis au Liban.

Parmi ces mesures, un audit complet et transparent de la Banque du Liban pour pouvoir chiffrer la dette et les pertes et mettre en place un plan convenable aux besoins du Liban. Au programme également, la mise en place d’autorités de régulation de secteurs-clés comme l’électricité, la lutte contre la corruption, le contrôle des frontières et douanes et l’indépendance de la justice. Il s’agit de réformes qui ne doivent pas nécessairement attendre le programme du FMI.

Le pays en défaut de paiement a adopté un plan de relance fin avril, mais les négociations avec le FMI sont au point mort. En cause, des divergences internes sur la répartition des pertes entre l'Etat et ses créanciers --la banque centrale et les banques locales en premier lieu-- et sur l'estimation d'autres pertes du secteur bancaire. Mardi, le gouvernement de Hassan Diab a choisi la société Alvarez & Marsal et les sociétés KPMG et Oliver Wayman pour l’audit des comptes de la Banque centrale.

Soutien au patriarche et à la neutralité du Liban 

Le ministre Le Drian devrait par ailleurs rencontrer le président de la république Michel Aoun, le Premier ministre Hassan Diab et le président de la Chambre Nabih Berri. Il sera également reçu par le Patriarche maronite Béchara Raï et des membres de la société civile.

Il exprimera également une position française proche de celle évoquée récemment par le Patriarche, chef de la principale communauté chrétienne au Liban, est qui est l’adoption de la neutralité par l’Etat libanais. En d’autres termes, une dissociation du Liban par rapport aux crises régionales, une souveraineté de l’Etat libanais sur l’ensemble de son territoire et un déploiement des forces libanaises au sud du pays. Le message du patriarche maronite revêt en effet une importance particulière aux yeux de Paris et Le Drian transmettra son soutien au patriarche, visé depuis quelques jours par une campagne diffamatoire par les partis politiques proches du Hezbollah.

Faute de pouvoir aider le Liban qui ne fait rien pour s’aider, Le Drian offrira enfin une aide substantielle aux écoles françaises et libanaises francophones ainsi qu’une aide humanitaire.

Si cette visite reste très attendue, le ministre français répètera à la classe politique sourde ce qu’il a déjà dit haut et fort le 9 juillet dernier devant l’Assemblée nationale avec exaspération : « Bon sang ! Aidez-nous pour qu’on vous aide. »


Liban: quatre morts dans un raid israélien, riposte du Hezbollah et des factions alliées

Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région
  • En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban

BEYROUTH: «Quatre personnes d'une même famille» ont été tuées dans un «raid de l'armée israélienne» sur le village de Mays al-Jabal, a déclaré l'agence officielle d'information libanaise (ANI), actualisant un précédent bilan faisant état de trois victimes.

Il s'agit d'un homme, d'une femme et de leurs enfants âgés de 12 et 21 ans, d'après l'ANI, qui a précisé que deux autres personnes ont été blessées.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah libanais, un allié du Hamas palestinien, échange quasi-quotidiennement avec l'armée israélienne des tirs à la frontière libano-israélienne. Des factions palestiniennes et autres groupes alliés ont aussi revendiqué des attaques depuis le Liban contre Israël.

Blessés transportés 

Selon ANI, des habitants du village inspectaient leurs maisons et magasins endommagés dans de précédents bombardements au moment du raid.

Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région.

Samedi soir, le Hezbollah a revendiqué des tirs sur des positions militaires dans le nord d'Israël.

Le Hezbollah a déclaré dans un communiqué avoir tiré « des dizaines de roquettes de types Katioucha et Falaq » sur Kiryat Shmona, dans le nord d'Israël, «en réponse au crime horrible que l'ennemi israélien a commis à Mays al-Jabal », qui, selon lui, a tué et blessé des civils.

En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban, selon un décompte de l'AFP. Au moins 11 combattants du Hamas ont été tués selon ce même décompte.

Côté israélien, 11 soldats et neuf civils ont été tués, selon un bilan officiel.


Le forum de Riyad examine le rôle de la traduction dans la promotion de l'identité saoudienne

L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
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  • La conférence vise à contribuer à un objectif clé de la Vision 2030 du Royaume, à savoir la promotion des valeurs islamiques et de l'identité nationale, en encourageant les Saoudiens à traduire ces concepts dans d'autres langues et cultures
  • Le rôle de la traduction dans la promotion d'une image positive du Royaume sera également discuté, ainsi que la promotion de la reconnaissance internationale et la mise en évidence de l'impact culturel du Royaume

RIYAD : Le Collège des langues de l'Université Princesse Noura bent Abdelrahman de Riyad accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ».

L'événement, dont le slogan est « Nous traduisons notre identité », aura lieu au département des conférences et des séminaires et est parrainé par le ministre saoudien de l'Éducation, Yousef Al-Benyan.

Il se concentrera sur le partage du patrimoine culturel, historique, littéraire et intellectuel du Royaume avec un public mondial, a rapporté l'agence de presse saoudienne.


L'interminable attente des proches de jeunes migrants tunisiens perdus en mer

El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
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  • Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants
  • Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans

EL HENCHA: La plupart avaient gardé le secret: une quarantaine de migrants tunisiens, très jeunes, ont embarqué clandestinement en janvier en quête du "paradis européen" et depuis plus de quatre mois, leurs proches désespèrent de recevoir des nouvelles des disparus.

Ils sont partis vraisemblablement de Sfax (centre), épicentre en Tunisie de l'émigration irrégulière vers l'Italie, la nuit du 10 au 11 janvier sur une mer démontée, selon les familles.

Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants à 40 kilomètres au nord de Sfax. Une mère et son bébé de quatre mois étaient aussi du voyage.

Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans, qui gagnait sa vie en conduisant la camionnette familiale de "louage" (taxi collectif).

"Il est sorti vers 22H00 avec son téléphone, sans rien dire à mes parents, sans vêtements de rechange ni sac, comme s'il allait retrouver ses amis", raconte à l'AFP cette ouvrière de 42 ans, qui souffre d'insomnies depuis.

Yousri, 22 ans, est aussi parti en cachette. "La majorité des jeunes n'ont pas informé leur famille, ils se sont débrouillés pour avoir un peu d'argent", confirme M. Henchi, son oncle instituteur.

Meftah Jalloul, poissonnier de 62 ans, savait lui "depuis un certain temps" que son fils Mohamed, 17 ans, "voulait migrer en Europe" et le lui avait déconseillé "mais c'est devenu une idée fixe".

La nuit fatidique, il a tenté d'empêcher son unique garçon de sortir, l'implorant d'attendre une meilleure météo, mais "il m'a embrassé sur la tête et il est parti", relate M. Jalloul.

«Désespérance»

Le commerçant culpabilise: "chaque jour, il créait des problèmes à la maison, il voulait de l'argent pour migrer. C'est moi qui lui ai donné l'argent, donc je suis responsable".

Les Tunisiens ont représenté la deuxième nationalité des migrants illégaux arrivés en Italie (17.304) en 2023, après les Guinéens, selon des statistiques officielles.

"Cette immigration irrégulière ne s'explique pas seulement par des motifs économiques et sociaux", analyse Romdhane Ben Amor, porte-parole de l'ONG FTDES. Il y a aussi "le facteur politique (le coup de force du président Kais Saied à l'été 2021, NDLR) et le sentiment de désespérance des Tunisiens qui ne croient pas dans l'avenir du pays".

Les disparus d'El Hencha, issus de la classe moyenne, pas particulièrement pauvres, partageaient cette "sensation d'horizon bouché".

Le frère d'Inès avait un travail mais "avec 20 dinars par jour (trois euros environ), une fois payé ses cigarettes, il disait qu'il ne pouvait pas faire de projets, ni construire une maison, ni se marier".

Mohamed l'instituteur pointe du doigt "les jeunes déjà en Italie qui publient sur les réseaux sociaux (...) leur quotidien". Les autres "voient ça et veulent changer leur avenir. Ils imaginent l'Europe comme un paradis", souligne-t-il. C'était, pense-t-il, le cas de Yousri qui travaillait dans un café internet pour 10/15 dinars par jour après avoir quitté le lycée avant le bac.

Meftah Jalloul était lui d'accord pour que son fils, également décrocheur scolaire, émigre, mais légalement et seulement après avoir fait une formation. "Il pouvait apprendre un métier: plombier, menuisier, mécanicien", souligne le père de famille.

Aujourd'hui, M. Jalloul lutte pour garder espoir.

«Temps très mauvais»

"Quatre mois se sont écoulés et je pleure mon fils. Ma famille et moi, nous sommes épuisés", dit-il en fondant en larmes.

Lui et d'autres familles se raccrochent à l'idée que l'embarcation aurait pu dériver vers la Libye voisine. Des contacts ont été pris, des recherches menées, en vain.

Inès Lafi et Mohamed Henchi redoutent le pire. Plus de 1.300 migrants sont morts ou ont disparu dans des naufrages l'an passé près des côtes tunisiennes, selon le FTDES.

"Le temps était très mauvais. Même les pêcheurs qui connaissent la mer sont rentrés, lui est sorti", explique Inès, furieuse contre le passeur, connu de tous pour son activité clandestine, qui n'est pas non plus revenu de cette dernière traversée.

Aux autorités, les familles demandent la poursuite des recherches et davantage d'opportunités à El Hencha.

"Il faut enrichir la zone industrielle avec d'autres unités de production, fournir des emplois aux jeunes", estime M. Henchi.

Il faudrait aussi, dit l'instituteur, "construire un état d'esprit différent" avec des programmes éducatifs pour donner envie de bâtir son avenir en Tunisie. Sinon les jeunes "se contentent d'un tour au café, d'un peu de ping-pong ou volley-ball".