Joe Biden est en quête de mariage nucléaire, mais son conjoint iranien est infidèle

Des Iraniens tournent le président Biden en dérision, lors d’un rassemblement devant l’ancienne ambassade des États-Unis à Téhéran, le 4 novembre 2021 (Photo, AFP).
Des Iraniens tournent le président Biden en dérision, lors d’un rassemblement devant l’ancienne ambassade des États-Unis à Téhéran, le 4 novembre 2021 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 31 août 2022

Joe Biden est en quête de mariage nucléaire, mais son conjoint iranien est infidèle

Joe Biden est en quête de mariage nucléaire, mais son conjoint iranien est infidèle
  • Les militants pro-iraniens en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen se réjouissent d’avance en pensant aux milliards de dollars de nouveaux financements
  • Les ayatollahs apprécient une situation où les États européens qui ont désespérément besoin de pétrole et de gaz deviennent entièrement dépendants d’eux

Lorsque votre conjoint se targue de vous avoir trompé jusqu’à la nuit précédant le mariage, il y a lieu de se poser des questions sur l’union à venir.

On aurait pu s’attendre à des appréhensions similaires de la part des États-Unis, lorsqu’à l’aube d’un accord révisé sur le nucléaire avec Téhéran, les mandataires iraniens se sont allègrement mis à lancer des missiles sur des cibles américaines à travers le Moyen-Orient.

En matière de relations fidèles et durables, le bilan de l’Occident est lamentable. L’ancien président américain, Donald Trump, a signé un pacte avec les talibans, mais à peine les militants afghans avaient-ils expulsé le successeur de M. Trump de Kaboul, qu’ils violaient déjà leur promesse de ne pas cohabiter avec des terroristes notoires.

Les États européens ont basé trois décennies de politique étrangère orientée vers l’Est sur la philosophie selon laquelle un retour à l’expansionnisme de type soviétique serait impensable s’ils s’engageaient dans des accords commerciaux mutuellement bénéfiques avec le Kremlin. Vous pouvez constater à quel point cette stratégie a bien fonctionné…

Néanmoins, de nombreux experts occidentaux savourent la perspective d’un nouvel accord sur le nucléaire pour inonder le marché mondial de gaz et de pétrole iraniens afin de compenser le blocus imposé par la Russie, enrichissant ainsi les mollahs. N’avons-nous donc absolument rien appris?

Cela nous amène au mariage entre Moscou et Téhéran. L’Iran devient un passage vital pour acheminer les armes et les fonds vers la Russie. Le pays dispose, par ailleurs, d’une riche expérience à transmettre au Kremlin en matière de contournement des sanctions et de défi à l’Occident. Les deux parties se sont entendues sur les moyens d’exporter le pétrole soumis à des sanctions de l’autre et de déjouer les mesures internationales imposées à leurs systèmes financiers.

Étant donné que le président américain, Joe Biden, était sénateur avant la révolution iranienne de 1979, on pourrait s’attendre à ce qu’il ait tiré quelque leçon des quatre décennies d’actes iraniens hostiles contre les intérêts américains. Et, pourtant, tout comme de nombreuses futures mariées ont été prévenues à la veille d’un mariage de mauvais augure, un contrat et une bague au doigt ne revêtent aucune importance. La République islamique ne peut pas changer et ne changera pas.

Le mauvais comportement des ayatollahs est ancré dans leur idéologie fondatrice. Après l’accord, l’Iran continuera de faire ce qu’il a toujours fait, soit armer et financer des paramilitaires et des terroristes, renforcer ses arsenaux de missiles, mener une cyberguerre et semer le chaos mondial.

Les militants pro-iraniens en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen se réjouissent d’avance en pensant aux milliards de dollars de nouveaux financements, au moment où l’on assiste au dégel des réserves financières de l’Iran à travers le monde, à la suite de la relance de l’accord nucléaire. C’est ce qui s’est passé après 2015. La situation se reproduira.

Un nouvel accord entraînera donc une nouvelle déstabilisation régionale. L’Irak est déjà au cœur de la tourmente alors que les mandataires iraniens cherchent la provocation et la confrontation dans les rues de Bagdad. Les terroristes houthis sont incapables de respecter les promesses de cessez-le-feu et, au moment où le Liban croule sous le poids de la pauvreté, les provocations du Hezbollah risquent de déclencher une guerre régionale avec Israël.

«Avec ses politiques superficielles et non stratégiques, Joe Biden répète toutes les erreurs qu’il a commises en Afghanistan: sacrifier la sécurité mondiale dans une tentative de réduire les engagements des États-Unis en matière de politique étrangère.» - Baria Alamuddin

Les ayatollahs ne cesseront pas non plus leurs campagnes d’assassinats et d’enlèvements de dissidents et de journalistes à l’étranger ni les complots visant à assassiner des responsables de l’ère Trump tels que John Bolton et Mike Pompeo, sans parler de leur addiction à l’enlèvement de binationaux, exigeant des centaines de millions de dollars de rançon.

S’il est parfaitement justifié d’envisager toute mesure visant à freiner les efforts de dernière minute déployés par l’Iran pour se doter de l’arme nucléaire, on ne devrait pas pour autant négliger les conséquences immédiates d’un tel accord.

Le nouvel accord ne recule devant rien pour apaiser l’Iran. En réponse aux demandes de Téhéran selon lesquelles un futur président ne devrait pas porter atteinte à un accord relancé, Joe Biden prévoit apparemment de mettre l’Iran à l’abri de toute sanction future en écrivant dans l’accord que les entreprises traitant avec l'Iran ne seraient pas soumises à des sanctions pendant deux ans et demi après l’entrée en vigueur de nouvelles mesures punitives. Les Gardiens de la révolution peuvent continuer à être qualifiés – à juste titre – de «groupe terroriste», mais les entreprises occidentales sont apparemment autorisées à faire des affaires avec leur réseau de sociétés-écrans mafieuses.

Plus scandaleux encore, Téhéran recevrait également ce qu’il appelle une «garantie inaliénable» qui lui permettrait d’augmenter rapidement sa capacité d’enrichissement de l’uranium si les États-Unis prenaient des mesures pour révoquer l’accord une fois de plus. Dans cette perspective, l’Iran sera autorisé à conserver des centrifugeuses et des équipements électroniques prêts à accélérer rapidement le processus d’enrichissement.

Si les États-Unis laissaient entendre qu’ils pourraient prendre des mesures en réponse à toute violation par l’Iran de ses obligations, Téhéran pourrait immédiatement répondre par une intensification rapide de l’enrichissement de l’uranium – une activité qui n’a aucun but pacifique. L’Iran a donc toutes les raisons de violer l’accord et l’Occident serait quasiment incapable de répliquer, de peur de déclencher une attaque nucléaire iranienne.

Pire encore, bon nombre des clauses de temporisation de l’accord précédent devraient entrer en vigueur sous peu, ce qui permettra progressivement à l’Iran de reprendre ses activités d’enrichissement. Le monde est incapable de faire quoi que ce soit à ce sujet, d’autant plus que la dynamique évoquée ci-dessus pourrait inciter Téhéran à agir délibérément de manière provocatrice.

Cet accord était dès le début voué à l’échec, car il a fait fi de problèmes colossaux et l’ancien président Trump n’a fait qu’empirer les choses en abrogeant l’accord sans avoir la moindre idée de la manière de faire efficacement face à l’Iran. Grâce à des générations entièrement nouvelles de centrifugeuses et d’équipements, l’Iran a réagi en enrichissant l’uranium à des niveaux sans précédent pour atteindre des degrés de pureté toujours plus élevés.

Le président Biden veut un accord bon marché pour toutes les mauvaises raisons afin de trouver une solution rapide qui permettrait aux États-Unis de s’occuper d’autres crises. Avec ses politiques superficielles et non stratégiques, Joe Biden répète toutes les erreurs qu’il a commises en Afghanistan: sacrifier la sécurité mondiale dans une tentative de réduire les engagements des États-Unis en matière de politique étrangère.

Comme cela s’est produit avec l’échec de la politique de l’Union européenne (UE) sur la Russie, les ayatollahs apprécient une situation où les États européens qui ont désespérément besoin de pétrole et de gaz deviennent entièrement dépendants d’eux, les préservant de futures pressions occidentales. Les dirigeants iraniens se sentent probablement très puissants au moment où la Russie et l’Occident se disputent leurs faveurs. Cela conduit tout droit au désastre.

Au milieu de sombres présages, des couples mal assortis se préparent à s’engager dans un mariage impie. Nous espérons simplement ne pas être dans les parages lorsque ces tristes drames conduiront à un divorce explosif et inévitable.

 

Baria Alamuddin est une journaliste primée et une présentatrice au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. C’est la rédactrice en chef du syndicat des services de médias. Elle a déjà interviewé un grand nombre de chefs d’État.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com