Gorbatchev, l'homme qui a anéanti l'URSS malgré lui

Sur cette photo d'archive prise le 15 mars 1990, le premier président soviétique Mikhaïl Gorbatchev pose solennellement alors qu'il prête serment au Congrès des députés, à Moscou. (AFP)
Sur cette photo d'archive prise le 15 mars 1990, le premier président soviétique Mikhaïl Gorbatchev pose solennellement alors qu'il prête serment au Congrès des députés, à Moscou. (AFP)
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Publié le Mercredi 31 août 2022

Gorbatchev, l'homme qui a anéanti l'URSS malgré lui

  • Son décès intervient en pleine offensive de l'actuel président russe Vladimir Poutine en Ukraine, lancée le 24 février et dénoncée en Occident comme une résurgence de l'impérialisme russe
  • Simple fils de paysan, Mikhaïl Gorbatchev a effectué un parcours classique d'apparatchik pour devenir à 54 ans, le 11 mars 1985, le numéro un d'un empire soviétique alors exsangue sur le plan économique

MOSCOU: Communiste, Mikhaïl Gorbatchev n'imaginait sans doute pas qu'il changerait la face du monde en devenant le fossoyeur involontaire de l'URSS, source d'un immense respect en Occident mais d'une amertume certaine en Russie.

Mardi, il est décédé d'une "grave et longue maladie" à l'âge de 91 ans en Russie, a indiqué l'Hôpital clinique central où il était soigné.

Son décès intervient en pleine offensive de l'actuel président russe Vladimir Poutine en Ukraine, lancée le 24 février et dénoncée en Occident comme une résurgence de l'impérialisme russe.

Simple fils de paysan, Mikhaïl Gorbatchev a effectué un parcours classique d'apparatchik pour devenir à 54 ans, le 11 mars 1985, le numéro un d'un empire soviétique alors exsangue sur le plan économique et qui était empêtré dans une guerre sans fin en Afghanistan.

Sa jeunesse le distingue. En moins de trois ans, depuis le décès de Léonid Brejnev en 1982, le PC soviétique a connu deux secrétaires généraux vieillissants qui sont morts à ce poste, Iouri Andropov et Konstantin Tchernenko.

Conscient que la crise guette, M. Gorbatchev lance une libéralisation baptisée la "perestroïka" (restructuration) et la "glasnost" (transparence) pour réformer le système soviétique et réduire l'influence des vieux caciques du parti.

Des millions de Soviétiques découvrent alors des libertés inédites, mais aussi les pénuries, le chaos économique et les révoltes nationalistes qui sonneront le glas de l'URSS, ce que nombre de ses compatriotes ne pardonneront jamais à cet homme au front marqué d'une tache de vin.

"Bien sûr, j'ai des regrets, de grosses erreurs ont été commises", avait-il déclaré en janvier 2011.

Car sous son mandat, les dérives n'ont pas manqué: l'entrée des chars soviétiques en Lituanie, la répression de manifestants pacifiques en Géorgie, ou la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en 1986, passée sous silence pendant des jours, contribuant à la contamination de centaines de milliers de personnes.

Hommage à l'homme de paix en Occident, sobres «condoléances» à Moscou

La mort mardi soir à 91 ans de Mikhaïl Gorbatchev, dernier dirigeant de l'URSS, a suscité de vibrants hommages en Occident, où son rôle crucial pour mettre fin à la Guerre froide et son combat pour la paix ont été salués, prenant un relief particulier six mois après l'invasion russe en Ukraine.

L'émotion des réactions occidentales contraste avec la sobriété du président russe Vladimir Poutine qui a exprimé "ses profondes condoléances" et qui "enverra (mercredi) dans la matinée un télégramme de condoléances à la famille et aux proches" de l'ancien dirigeant, selon le porte-parole du Kremlin.

Dans un communiqué, le président américain Joe Biden a salué en Mikhaïl Gorbatchev un "leader rare". Ses actes furent ceux d'un dirigeant ayant assez d'"imagination pour voir qu'un autre avenir était possible et le courage de risquer toute sa carrière pour y parvenir. Le résultat fut un monde plus sûr et davantage de liberté pour des millions de personnes", a dit M. Biden.

Pour le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, "le monde a perdu un immense dirigeant mondial, engagé envers le multilatéralisme, et défenseur infatigable de la paix".

Le chef de l'ONU a salué, dans un communiqué, "un homme d'Etat unique qui a changé le cours de l'histoire" et fait "plus que n'importe qui pour provoquer de façon pacifique la fin de la Guerre froide".

La Chine a salué le rôle du dernier dirigeant soviétique au rapprochement entre Pékin et Moscou, après trois décennies de rupture.

"M. Gorbatchev a contribué de manière positive à la normalisation des relations entre la Chine et l'Union soviétique", a indiqué devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian.

Rêve «en ruines»

"Les réformes historiques de Mikhaïl Gorbatchev ont conduit à la dissolution de l'Union soviétique, contribué à mettre fin à la guerre froide et ouvert la possibilité d'un partenariat entre la Russie et l'Otan", a déclaré le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg sur Twitter. "Sa vision d'un monde meilleur reste un exemple".

Le président allemand Frank-Walter Steinmeier a rendu hommage au dernier dirigeant soviétique en le remerciant "pour sa contribution décisive à l'unité allemande" et son "courage pour l'ouverture démocratique et la construction de ponts entre l'Est et l'Ouest".

Ce rêve est "en ruine, brisé par l'attaque brutale de la Russie contre l'Ukraine", a-t-il ajouté.

"Il est mort à une époque où non seulement la démocratie a échoué en Russie, mais où la Russie et le président russe (Vladimir) Poutine ont creusé de nouveaux fossés en Europe et ont lancé une terrible guerre contre un pays voisin, l'Ukraine", a déclaré Le chancelier allemand Olaf Scholz, rendant hommage à M. Gorbatchev, qualifié de "réformateur courageux".

"J'ai toujours admiré le courage et l'intégrité dont il a fait preuve pour mettre fin à la Guerre froide", a également indiqué dans un tweet le Premier ministre britannique Boris Johnson. "A l'heure de l'agression de (Vladimir) Poutine en Ukraine, son engagement inlassable pour l'ouverture de la société soviétique reste un exemple pour nous tous", a-t-il insisté.

Pour Emmanuel Macron, Mikhaïl Gorbatchev était un "homme de paix dont les choix ont ouvert un chemin de liberté aux Russes. Son engagement pour la paix en Europe a changé notre histoire commune", a souligné le président français dans un tweet.

«Faire tomber le rideau de fer»

Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a qualifié sur Twitter Mikhaïl Gorbatchev "d'homme, qui de par ses décisions, a contribué d’une façon décisive à mettre fin à la Guerre froide et à faire de l'Europe et du monde un lieu avec plus de paix et de liberté".

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a salué sur Twitter "un dirigeant digne de confiance et respecté" qui "a joué un rôle crucial pour mettre fin à la guerre froide et faire tomber le rideau de fer. Il a ouvert la voie à une Europe libre", a-t-elle souligné.

Mikhaïl Gorbatchev était "une des figures les plus extraordinaires du XXe siècle. C'était un leader courageux et visionnaire, qui a façonné notre monde d'une manière que l'on pensait inimaginable", pour le président israélien Isaac Herzog.

L'ex-chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi, proche de Vladimir Poutine, a salué sur son compte Twitter "un champion de la démocratie", "un homme qui a changé l'histoire du XXe siècle".

"Sa clairvoyance et son jugement serein nous manqueront, surtout dans ces heures difficiles de la politique internationale", a-t-il ajouté.

Pour l'ancien président colombien et Nobel de la paix 2016, Juan Manuel Santos, Mikhaïl Gorbatchev - qui a lui-même reçu ce Nobel en 1990 - était "un champion de la paix". "Le monde a besoin de beaucoup plus de leaders comme lui", a-t-il écrit dans un tweet.

Un héritage controversé 

A l'Ouest, que ce soit le chancelier allemand Helmut Kohl ou le président américain Ronald Reagan, les grands du monde capitaliste sont fascinés par ce nouvel interlocuteur ouvert à la négociation.

"J'aime bien M. Gorbatchev, c'est un homme avec qui l'on peut traiter", a ainsi dit de lui la Première ministre britannique Margaret Thatcher.

Accord de désarmement nucléaire, refus d'intervenir militairement pour défendre le rideau de fer, retrait de l'Armée rouge d'Afghanistan: le numéro un soviétique est décidément différent.

Ce respect ne disparaîtra jamais en Occident en raison de sa retenue lorsque le mur de Berlin et les régimes communistes de Tchécoslovaquie, de Hongrie et de Pologne s'écroulent. Il sera récompensé d'un prix Nobel de la paix en 1990.

"Les évènements les plus importants du XXe siècle furent l'émancipation de la femme et la libération de la Russie" par celui qu'on surnomme "Gorbi", avait souligné le dirigeant israélien Shimon Peres, autre lauréat du Nobel.

Mais pour les Russes, M. Gorbatchev a détruit le statut de grande puissance de leur patrie, et ils n'ont que dédain pour ce piètre orateur à l'accent traînant de sa région natale de Stavropol (sud).

Sa chute, d'ailleurs, a des airs d'humiliation.

En juin 1991, lorsque Boris Eltsine est élu au suffrage universel président de la Russie soviétique, M. Gorbatchev tente de sauver l'URSS en proposant une autonomie interne élargie.

Le projet capote le 19 août 1991, lorsque la ligne dure du Parti communiste tente un putsch contre lui, mais c'est l'ennemi juré de M. Gorbatchev, Boris Eltsine, qui sera le héros de la résistance à ce coup d'Etat manqué.

Déjà mourante, l'URSS disparaît en décembre lorsque la Russie, le Bélarus et l'Ukraine proclament que l'Union soviétique "n'existe plus". Mikhaïl Gorbatchev démissionne le 25 décembre.

"Homme politique spontané qui n'a jamais réfléchi aux conséquences, Gorbatchev a voulu tout changer sans rien changer sur le fond", résume l'historienne Irina Karatsouba.

"Le socialisme à visage humain a fait long feu quand les prix du pétrole ont dégringolé, et la Guerre froide a été perdue. On s'interrogera encore longtemps sur l'énigme Gorbatchev: sur ce qui dépendait et ne dépendait pas de lui", analyse-t-elle.

Le seul accès de sympathie qu'auront pour lui les Russes est en 1999, après le décès d'une leucémie de son épouse Raïssa Gorbatcheva: contrairement aux habitudes russes, Mikhaïl Gorbatchev n'hésitait jamais à manifester publiquement son amour pour cette femme élégante.

Un dirigeant «positif»

Pour l'écrivain et photographe Iouri Rost, M. Gorbatchev fut "le dirigeant le plus positif" de Russie car il a cherché à en faire un pays suscitant le "respect" plutôt que la "peur".

Rien ne prédestinait pourtant "Gorbi" à ce destin hors du commun.

Après avoir grandi dans "un bled où il n'y avait ni électricité, ni radio", ce conducteur de moissonneuse-batteuse monte à 19 ans à Moscou, prenant "pour la première fois un train" pour aller à l'université, racontait-il.

Pendant ses études de droit, il s’engage dans le mouvement étudiant du PC, les Komsomols. De retour à Stavropol, il travaille à plein temps dans cette organisation et fait une ascension rapide à travers la structure locale du Parti communiste.

Il est alors remarqué par le chef du KGB, Iouri Andropov. Ce dernier fait monter Mikhaïl Gorbatchev à Moscou en 1978 où il intègre le Comité central, l'instance dirigeante du PC, avant de devenir le dernier dirigeant de l'Union soviétique.

Depuis qu'il a quitté le pouvoir, M. Gorbatchev s'était reconverti en héraut de la cause environnementale et avait créé la Fondation Gorbatchev, dédiée aux études socio-économiques. En 1996, il s'était présenté à la présidentielle contre Boris Eltsine, mais n'avait obtenu que 0,5% des voix.

De plus en plus discret ces dernières années alors que sa santé déclinait, il a reconnu certains torts. Un temps virulent contre Vladimir Poutine, disant en 2011 sa "honte" de l'avoir soutenu au tournant des années 2000, il dirige de plus en plus ses critiques contre les Occidentaux à partir de l'annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée en 2014 par la Russie et multiplie les avertissements face à l'avènement d'une nouvelle Guerre froide.

En février 2019, il dénonce dans une tribune la décision américaine de se retirer du traité INF sur les armes de portée intermédiaire, qu'il avait signé avec Ronald Reagan en 1987, comme un signe du "désir des Etats-Unis de se libérer de toutes contraintes dans le domaine de l'armement (et) d'atteindre une supériorité militaire absolue".

Avant son décès, il ne s'était pas exprimé publiquement sur l'offensive massive du Kremlin en Ukraine.


Cyberattaques : Berlin a rappelé «pour consultations» son ambassadeur en Russie

L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff  (Photo, AFP).
L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff (Photo, AFP).
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  • Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz
  • Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives

BERLIN: Berlin a indiqué lundi avoir rappelé pour consultations son ambassadeur en Russie, Alexander Graf Lambsdorff, après avoir accusé vendredi un groupe de hackeurs russes contrôlé par Moscou d'une récente campagne de cyberattaques.

L'ambassadeur "restera une semaine à Berlin puis retournera à Moscou", a indiqué lors d'un point presse régulier la porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Kathrin Deschauer, ajoutant que le gouvernement prenait "très au sérieux" cet "acte contre (notre) démocratie".

Les gouvernements allemand et tchèque ont accusé vendredi le groupe APT28, dirigé par les services de renseignement de la Russie, d'une récente campagne de cyberattaques dans leur pays respectif. Des accusations jugées "infondées" par la Russie.

Attaques ciblées 

Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz, selon le gouvernement.

Berlin a annoncé vendredi la convocation du chargé d'affaires de l'ambassade de Russie, "pour faire comprendre au gouvernement russe que nous n'acceptons pas ces actions".

Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives et d'opérations de désinformation orchestrées par la Russie.


Exercice américano-philippin contre une «invasion» en mer de Chine

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
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  • Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines
  • La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan

LAOAG: Les troupes américaines et philippines ont tiré lundi des obus et des missiles sur une force d'"invasion" imaginaire pendant des exercices en mer de Chine méridionale, dans le nord des Philippines où les deux pays ont récemment accusé la Chine de "conduite dangereuse et déstabilisante".

Plus de 16.700 soldats américains et philippins participent à ces manoeuvres annuelles navales, terrestres et aériennes organisées jusqu'au 10 mai dans une zone où les incidents à répétition entre embarcations chinoises et philippines font craindre un conflit plus large.

Les soldats américains massés sur les dunes de la côte nord-ouest des Philippines, près de la ville de Laoag, à 400 kilomètres au sud de Taïwan, ont tiré plus de 50 obus de 155 millimètres sur des cibles flottantes à environ cinq kilomètres de la côte, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les troupes philippines ont enchaîné avec des tirs de roquettes vers les attaquants factices, avant que les deux forces ne finissent l'exercice avec des mitrailleuses, des missiles Javelin et d'autres salves d'artillerie.

Cet exercice à munitions réelles, baptisé "Balikatan" ("Epaule contre épaule" en tagalog, la langue philippine), vise à "se préparer au pire", a déclaré aux journalistes le commandant de la Première force expéditionnaire des Marines des Etats-Unis, Michael Cederholm.

"Il est conçu pour repousser une invasion", a-t-il ajouté sur le site de l'exercice, débuté le 22 avril dans plusieurs endroits des Philippines. "Notre flan nord-ouest est plus exposé", a détaillé à l'AFP le général philippin Marvin Licudine, dirigeant l'exercice pour la partie philippine. "A cause des problèmes régionaux, nous devons dès maintenant nous entraîner sur notre propre sol".

Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, une importante route commerciale. Elle ignore un arbitrage international qui lui a donné tort en 2016, et y fait patrouiller des centaines de navires des garde-côtes et de la marine.

La semaine dernière, Manille a accusé les garde-côtes chinois d'avoir endommagé un bateau des garde-côtes philippins et un autre du bureau des pêches en tirant dessus au canon à eau près du récif de Scarborough, contrôlé par la Chine mais revendiqué par les Philippines.

Des exercices en forme de dissuasion 

Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines, et d'autres pays de la région, dans une période où la Chine renforce sa pression diplomatique et militaire autour de Taïwan.

La semaine dernière, les ministres de la Défense des Philippines, des Etats-Unis, du Japon et de l'Australie ont, à l'issue d'une réunion dans l'archipel américain d'Hawaï, publié un communiqué conjoint dénonçant la "conduite dangereuse et déstabilisante" de Pékin en mer de Chine méridionale.

"Les actions de la Chine dans les mers de Chine orientale et méridionale sont légitimes, légales et irréprochables", avait auparavant affirmé le 12 avril le ministère chinois des Affaires étrangères.

La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan, face aux îles Spratleys également disputées.

Selon l'armée américaine, il s'agissait d'une répétition du déploiement rapide du système Himars sur les côtes philippines bordées par la mer de Chine méridionale afin de "sécuriser et de protéger le territoire, les eaux territoriales et les intérêts de la zone économique exclusive des Philippines".

"Les exercices militaires sont une forme de dissuasion", a déclaré le ministre philippin des Affaires étrangères, Enrique Manalo, dans un discours prononcé en son nom par un assistant lors d'un atelier public vendredi. "Plus nous simulons, moins nous agissons."

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale.

"Nous ne suivrons pas les garde-côtes chinois et les navires chinois dans cette voie", a-t-il dit. "Nous n'avons pas l'intention d'attaquer qui que ce soit avec des canons à eau ou tout autre équipement offensif", a-t-il poursuivi, ajoutant que Manille continuera à utiliser exclusivement la voie diplomatique pour régler les différends avec Pékin.


La mésaventure d'un proviseur américain, cas d'école des dangers de l'IA

Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
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  • Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal
  • L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun

WASHINGTON: Après l'indignation provoquée dans un lycée américain par la diffusion de propos racistes attribués au proviseur, le vertige de découvrir que la bande sonore a été montée de toutes pièces. Cet épisode illustre les dangers d'une intelligence artificielle devenue accessible à tous.

Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal -- qui se révélera un faux -- lui faisant prononcer des commentaires choquants contre des élèves juifs et des "enfants noirs ingrats".

L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun, et les difficultés auxquelles font face les autorités pour lutter contre de telles pratiques.

"Désormais, tout le monde est vulnérable", et non plus seulement les célébrités, alerte Hany Farid, professeur à l'Université de Californie à Berkeley (ouest).

"Il suffit d'une image pour ajouter une personne dans une vidéo, et 30 secondes d'audio pour cloner la voix de quelqu'un", poursuit le spécialiste en détection d'images et d'enregistrements manipulés numériquement, consulté par la police dans cette affaire.

Quand l'enregistrement fuite sur les réseaux sociaux en janvier, il devient rapidement viral. Une publication recueille des milliers de commentaires sur Instagram, et propulse l'école au coeur d'une polémique nationale.

Le militant des droits civiques DeRay McKesson réclame la démission du proviseur sur son compte X, suivi par près d'un million d'internautes. Il admettra s'être fait abuser.

Les messages haineux pleuvent sur les réseaux sociaux et les coups de fil menaçants se multiplient dans l'établissement. Le "monde serait meilleur si vous étiez sous terre", écrit ainsi un internaute au proviseur.

Ce dernier est placé en congés, son domicile mis sous protection. Contacté par l'AFP, il n'a pas répondu.

Vengeance 

"Je continue de m'inquiéter des dégâts provoqués par cette affaire", confie Billy Burke, directeur du syndicat représentant le proviseur.

Fin avril, Dazhon Darien, 31 ans, responsable sportif du lycée, a été arrêté par les autorités, accusé d'être à l'origine du faux. Les enquêteurs sont remontés jusqu'à lui grâce à l'adresse électronique qui a initialement partagé le fichier.

Il aurait agi pour se venger d'une enquête ouverte à son encontre par le proviseur sur des paiements suspects.

Le prévenu a mené des recherches sur des outils d'IA depuis le réseau informatique du lycée, selon l'acte d'accusation.

La bande sonore, selon l'analyse d'un expert consulté par la police, "contient des traces de contenu généré par l'IA, avec un montage humain a posteriori".

Cette affaire démontre la nécessité "d'adapter la loi aux avancées technologiques", a estimé le procureur local, Scott Shellenberger.

Les montages audio sont particulièrement difficiles à déceler. En janvier, un message diffusé par appels téléphoniques automatisés usurpant la voix du président Joe Biden incitait les électeurs démocrates de l'Etat du New Hampshire (nord-est) à s'abstenir lors des primaires pour du parti.

A Pikeville, l'affaire a secoué les habitants, "très proches les uns des autres", raconte Parker Bratton, l'entraîneur de golf du lycée.

"Il y a un seul président, mais il y a un million de proviseurs!", s'inquiète-t-il, "les gens se demandent +Que va-t-il m'arriver si quelqu'un décide tout simplement de détruire ma carrière?+".