Trump et Biden au coude-à-coude, le dépouillement pourrait durer des jours

Le spectre de longues journées d'incertitudes et d'âpres batailles judiciaires hante désormais la première puissance mondiale, déjà secouée par des crises sanitaire, économique et sociale d'ampleur. (AFP).
Le spectre de longues journées d'incertitudes et d'âpres batailles judiciaires hante désormais la première puissance mondiale, déjà secouée par des crises sanitaire, économique et sociale d'ampleur. (AFP).
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Publié le Mercredi 04 novembre 2020

Trump et Biden au coude-à-coude, le dépouillement pourrait durer des jours

  • Pour la première fois depuis 2000, les Américains se sont réveillés mercredi sans savoir le nom de leur prochain président après un vote à la participation record et dont le dépouillement se poursuivait dans sept Etats-clés
  • Les deux candidats se sont exprimés brièvement pendant la nuit. Vers 02h20 du matin, le président Trump a donné depuis la Maison Blanche une déclaration confuse où il a menacé de saisir la Cour suprême afin qu'elle coupe court au dépouillement

WASHINGTON : Pour la première fois depuis 2000, les Américains se sont réveillés mercredi sans savoir le nom de leur prochain président après un vote à la participation record et dont le dépouillement se poursuivait dans sept Etats-clés, ce qui n'a pas empêché Donald Trump de s'estimer vainqueur contre le démocrate Joe Biden.

L'élection a suscité la plus forte participation depuis que les femmes ont le droit de vote: 160 millions d'Américains ont voté, soit une participation estimée à 66,9%, contre 59,2% en 2016, selon le US Elections Project.

Nombre d'Etats sont débordés par le déluge de bulletins envoyés par correspondance. Ouvrir les enveloppes et scanner ces bulletins pourrait dans certaines villes prendre plusieurs jours.

"Si tout continue à ce rythme, nous aurons les résultats totaux dans les deux prochains jours", a dit mercredi matin Al Schmidt, responsable de la ville de Philadelphie, grand réservoir de voix démocrates dans l'Etat-clé de Pennsylvanie, sur CNN.

Les deux candidats se sont exprimés brièvement pendant la nuit. Vers 02h20 du matin, le président Trump a donné depuis la Maison Blanche une déclaration confuse où il a menacé de saisir la Cour suprême afin qu'elle coupe court au dépouillement, sous-entendant là où il est lui-même en avance dans les résultats partiels.

"Honnêtement, nous avons gagné l'élection", a déclaré le président républicain, évoquant ensuite une "fraude" sans livrer aucun élément concret. "Nous allons aller devant la Cour suprême, nous voulons que tous les votes cessent".

Le camp Biden a dénoncé des propos présidentiels "scandaleux" et "sans précédent".

"C'est une tentative délibérée de priver les citoyens américains de leurs droits démocratiques", a réagi l'équipe de campagne du démocrate, assurant être prête à "combattre" en justice si Donald Trump saisissait la Cour suprême.

"Cet argument n'a aucun fondement, aucun", a commenté le républicain Chris Christie, ancien procureur fédéral et gouverneur, et qui a conseillé Donald Trump pour la préparation des débats présidentiels.

Joe Biden, 77 ans, s'est dit lui-même "optimiste" et en bonne voie pour remporter ce scrutin, appelant les Américains à faire preuve de patience. "Gardez la foi, nous allons gagner!", a lancé l'ancien vice-président de Barack Obama devant les sympathisants démocrates réunis dans son fief de Wilmington, dans le Delaware.

Le spectre de longues journées d'incertitudes et d'âpres batailles judiciaires hante désormais la première puissance mondiale, déjà secouée par des crises sanitaire, économique et sociale d'ampleur.

Le nom du président qui prêtera serment le 20 janvier prochain est suspendu aux résultats de plusieurs Etats-clés.

Un scénario potentiellement plus complexe qu'en 2000, quand l'élection dépendait de la seule Floride. A l'époque, c'est la Cour suprême qui avait fini, plus d'un mois après le scrutin, par intervenir pour mettre fin aux procédures de recomptage et donner raison au républicain George W. Bush. 

Biden décroche l'Arizona

Une certitude: la vague démocrate, espérée par certains dans le camp Biden, qui se prenaient à rêver des victoires historiques en Géorgie ou au Texas, n'a pas eu lieu.

Le président sortant a conservé la Floride, faisant mentir de nombreux sondages, ainsi que le Texas, bastion conservateur qui avait un temps semblé menacé, et l'Ohio, remporté depuis 1964 par tous les candidats qui ont aussi accédé à la présidence.

Mais le chemin pour décrocher un second mandat reste étroit: il doit encore remporter l'essentiel des autres Etats-clés qui avaient contribué à sa victoire surprise de 2016.

Dans le système américain, le président est élu au suffrage universel indirect: les électeurs désignent, Etat par Etat, des grands électeurs. Un candidat doit obtenir au moins 270 des 538 grands électeurs. Mercredi matin, le président sortant (213) était en léger retard face au démocrate (238).

Joe Biden disposait de plusieurs scénarios pour décrocher la victoire. Il était donné vainqueur par certains médias dans l'Etat crucial de l'Arizona, remporté par Donald Trump en 2016, bien que le dépouillement n'y soit pas encore terminé. Il semblait en bonne posture dans le Nevada.

Si cela se confirme, il devra désormais gagner au moins deux ou trois des Etats disputés du Nord industriel (Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin) et de l'Est (Géorgie, Caroline du Nord), tous ayant été remportés par Donald Trump il y a quatre ans.

Or dans ces Etats, le dépouillement se poursuivait au compte-goutte mercredi.

Dans le Nord industriel (Wisconsin et Michigan), au petit matin, l'écart entre Donald Trump et Joe Biden s'est réduit, au fur et à mesure que les agents électoraux comptaient les bulletins arrivés par courrier.

Mais dans ces Etats, ainsi qu'en Pennsylvanie, les analystes pensaient que les bulletins restant à ouvrir seraient majoritairement pour le démocrate.

En Pennsylvanie, Donald Trump avait mercredi près de 700.000 voix d'avance au total, mais il restait 1,4 million de bulletins envoyés par courrier à compter. Or Joe Biden a remporté 78% des bulletins par courrier dépouillés à ce stade.

C'est notamment là que M. Trump voudrait faire intervenir la Cour suprême.

En amont du scrutin, la Cour suprême avait déjà été saisie de plusieurs recours portant sur les votes par correspondance. Les républicains de Pennsylvanie lui avaient notamment demandé d'empêcher le décompte des bulletins postés avant mardi soir mais qui arriveraient dans les trois jours suivant l'élection.

La haute juridiction avait refusé de se prononcer en urgence mais, si le résultat est serré, elle devra examiner le fond du dossier et dire s'il faut invalider ou non les bulletins arrivés entre mercredi et vendredi.

Congrès

Comme cela était largement anticipé, les démocrates ont gardé le contrôle de la Chambre des représentants. Mais leurs espoirs de faire basculer dans leur camp le Sénat, aujourd'hui contrôlé par les républicains, s'éloignaient.

Les démocrates ont repris deux sièges aux républicains (Colorado, Arizona), mais en ont perdu un dans l'Alabama. La majorité précédente était de 53 républicains contre 47 démocrates et affiliés.

Sans surprise, les deux candidats septuagénaires ont rapidement engrangé l'essentiel des Etats qui leur étaient promis. L'Indiana, le Kentucky, l'Alabama, l'Idaho ou encore le Tennessee, entre autres, pour Donald Trump. La Californie, la Virginie, New York, le Colorado, le Delaware pour Joe Biden.

Dans tout le pays, le vote s'est déroulé sans incident majeur ni épisodes d'intimidations, comme cela était craint depuis plusieurs jours. Signe tangible des angoisses du pays, les commerces de plusieurs grandes villes, dont Washington, Los Angeles ou New York, s'étaient barricadés en prévision de possibles violences post-électorales, qui ne se sont finalement pas produites.

Pendant des mois, Donald Trump a agité le spectre d'une "gauche radicale" prête à transformer la première puissance mondiale en un "Venezuela à grande échelle".

Joe Biden, soutenu par Barack Obama, multiplie les mises en garde contre les conséquences potentiellement dévastatrices sur les institutions démocratiques d'un second mandat Trump, étrillé comme "le pire président" de l'histoire récente des Etats-Unis.

Ce pur représentant de l'aile modérée du parti démocrate a aussi fait de l'élection un référendum sur la gestion de la pandémie par le républicain.

 


Washington cible l'Autorité palestinienne, en plein débat sur la reconnaissance d'un Etat de Palestine

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
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  • Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine

WASHINGTON: Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine.

L'annonce des sanctions américaines survient en effet au moment où de nombreux Etats, dont la France et le Canada, ont promis de reconnaître un Etat de Palestine en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre, provoquant la colère d'Israël et des Etats-Unis qui parlent d'une "récompense" faite au Hamas dans la bande de Gaza.

La France et l'Arabie saoudite ont co-présidé lundi et mardi à l'ONU une conférence internationale, plaidant ainsi pour la solution à deux Etats, israélien et palestinien, seul chemin pour parvenir à la paix au Proche-Orient.

Washington, qui rejette toute reconnaissance unilatérale d'un Etat palestinien, a décrit la conférence comme étant une "insulte" faite aux victimes de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Dans un communiqué jeudi, le département d'Etat américain a fait part de sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'OLP, sans les identifier, accusés notamment d'"internationaliser le conflit avec Israël".

Washington reproche aux deux institutions de "soutenir des actions au sein d'organisations internationales qui sapent et contredisent les engagements antérieurs" notamment à travers la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI).

Washington avait sanctionné en juin quatre magistrates de la CPI, estimant que leurs procédures visant l'exécutif israélien étaient "illégitimes" et "politisées".

Washington, principal allié d'Israël, accuse aussi l'OLP et l'Autorité palestinienne de "continuer à soutenir le terrorisme, y compris par l'incitation et la glorification de la violence" dans les livres scolaires, une accusation de longue date.

Les sanctions consistent en un refus de visa pour des membres des deux institutions.

- "Distorsion morale" -

"Il est dans l'intérêt de notre sécurité nationale d'imposer des sanctions et de tenir l'OLP et l'Autorité palestinienne responsables du non-respect de leurs engagements et de la remise en cause des perspectives de paix", a indiqué le département d'Etat.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, s'est aussitôt félicité de cette décision, jugeant que "l'Autorité palestinienne doit payer le prix de sa politique actuelle consistant à verser des indemnités aux terroristes et à leurs familles pour les attentats commis et pour l'incitation à la haine contre Israël dans les écoles, les manuels scolaires, les mosquées et les médias palestiniens".

Il a également relevé, sur X, que cette mesure "met en évidence la distorsion morale de certains pays qui se sont empressés de reconnaître un Etat palestinien virtuel tout en fermant les yeux sur le soutien de l'Autorité palestinienne au terrorisme et à l'incitation à la haine".

L'Autorité palestinienne, dont le président est Mahmoud Abbas, administre la Cisjordanie occupée, tandis que l'OLP, créée en 1964, est le mouvement fondateur représentant les Palestiniens, longtemps dirigée par leur leader historique Yasser Arafat.

L'OLP rassemble la majorité des mouvements politiques palestiniens mais pas le mouvement islamiste Hamas, qui s'est emparé du pouvoir à Gaza en 2007.

Des pays arabes et occidentaux voudraient voir l'Autorité palestinienne, très affaiblie, jouer un rôle dans la gouvernance de la bande de Gaza après la guerre qui y fait rage depuis octobre 2023.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président Donald Trump, qui a accueilli le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu par trois fois à la Maison Blanche, plus qu'aucun autre dirigeant étranger, a apporté un soutien inconditionnel à Israël, tout en oeuvrant sans succès pour un cessez-le-feu à Gaza.

Mais il s'est montré peu disert sur l'Autorité palestinienne, décriée pour le manque de réformes et la corruption.

Parmi ses premiers décrets, le président Trump avait levé des sanctions imposées sous son prédécesseur Joe Biden visant des colons israéliens extrémistes en Cisjordanie, en proie à une recrudescence des violences.


L'envoyé de Trump rencontre Netanyahu, Israël face à des critiques accrues

L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
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  • L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël
  • Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël

Jérusalem, Non défini: L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël.

Après 22 mois d'une guerre dévastatrice déclenchée par une attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023, la bande de Gaza est menacée d'une "famine généralisée" selon l'ONU et est totalement dépendante de l'aide humanitaire distribuée par camions ou larguée depuis les airs.

Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël, selon la Défense civile locale qui a fait état de 38 Palestiniens tués jeudi.

Plusieurs dizaines de corps gisaient empilés à la morgue de l'hôpital al-Chifa dans le nord de Gaza, dans l'attente d'être collectés par leurs proches, a constaté un correspondant de l'AFP.

"Le moyen le plus rapide de mettre fin à la crise humanitaire à Gaza est que le Hamas CAPITULE ET LIBÈRE LES OTAGES !!!", a déclaré le président américain Donald Trump sur X.

Rien n'a filtré de la rencontre entre MM. Witkoff et Netanyahu mais en début de semaine, M. Trump a semblé se distancer de son allié israélien en évoquant une "vraie famine" à Gaza.

Avant l'arrivée jeudi de l'émissaire de M. Trump, des dizaines de mères et proches d'otages encore aux mains du Hamas ont manifesté devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem, exigeant un "accord global" qui garantirait la libération des 49 otages encore détenus à Gaza, dont 27 ont été déclarés morts par l'armée.

- "Position minoritaire" -

L'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné du côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une offensive dévastatrice à Gaza qui a fait au moins 60.249 morts, en majorité des civils, d'après les données du ministère de la Santé à Gaza jugées fiables par l'ONU. La campagne aérienne et terrestre a dévasté le territoire et provoqué un désastre humanitaire.

Le chef de la diplomatie allemande Johann Wadephul a lui rencontré à Jérusalem son homologue israélien Gideon Saar, avant de rencontrer M. Netanyahu.

Avant de décoller pour Israël, M. Wadephul a estimé qu'Israël était "de plus en plus en position minoritaire", alors qu'un "nombre croissant de pays, y compris européens, sont prêts à reconnaître un Etat palestinien sans processus de négociation préalable".

Ces visites interviennent après la multiplication des alertes d'organisations internationales sur une famine à Gaza et l'échec de négociations indirectes, sous médiation américaine, qatarie et égyptienne, entre Israël et le Hamas en vue d'un cessez-le-feu.

Le gouvernement israélien a annoncé dimanche une pause limitée dans l'offensive afin de permettre l'acheminement de l'aide dans le petit territoire pauvre où s'entassent plus de deux millions de Palestiniens.

Mais ces aides sont jugées insuffisantes par les organisations internationales face aux besoins immenses de la population.

- "Pression déformée"

Le Portugal a indiqué jeudi envisager de reconnaître l'Etat de Palestine, après que plusieurs pays dont le Canada, la France et le Royaume-Uni ont annoncé leur intention de faire de même en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre.

Une telle reconnaissance reste néanmoins largement symbolique en raison du refus d'Israël de la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

Dans ce contexte, Israël a dénoncé une "campagne de pression internationale déformée" venant "récompenser le Hamas et nuire aux efforts visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza".

Les Etats-Unis, qui ont dénoncé les annonces sur la reconnaissance d'un Etat palestinien, ont imposé des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), accusant les deux organismes d'avoir pris des mesures pour "internationaliser leur conflit avec Israël" et de "continuer à soutenir le terrorisme".

Le gouvernement Netanyahu, qui veut chasser le Hamas de Gaza et a annoncé son intention de contrôler le territoire, semble peiner à trancher sur une solution politique d'après-guerre.

Dans ce contexte, la frange la plus radicale de sa coalition gouvernementale plaide pour un retour des colonies à Gaza, évacuées en 2005 avec le retrait unilatéral israélien du territoire après 38 ans d'occupation.

L'armée israélienne a par ailleurs annoncé le retrait du nord de Gaza de sa 98e Division, composée d'unités parachutistes et de commandos d'élite, qui a "se prépare désormais à de nouvelles missions".


Une experte de l’ONU : « La famine imposée à Gaza est une atteinte grave à la dignité humaine »

Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
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  • Alice Jill Edwards dénonce une privation prolongée de nourriture entraînant malnutrition, défaillances d’organes et décès, notamment chez les nourrissons et femmes enceintes
  • « Des règles changeantes, une distribution militarisée et l’incertitude permanente sur l’accès aux besoins de base provoquent désespoir, stress et traumatismes », alerte-t-elle

NEW YORK: La rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture, Alice Jill Edwards, a exprimé mercredi sa vive inquiétude face à l’augmentation du nombre de décès liés à la famine parmi les Palestiniens de Gaza.

Elle a qualifié la famine infligée aux civils de « meurtrière, inhumaine et dégradante », appelant à une aide humanitaire rapide et sans entrave vers l’enclave dévastée.

« Priver des gens de nourriture, d’eau et de dignité constitue une violation grave et répétée dans ce conflit. Cela doit cesser », a-t-elle déclaré, citant des rapports « choquants » de civils tués en faisant la queue pour se nourrir, et des cas généralisés de faim et de malnutrition.

Elle a alerté sur un risque croissant de famine généralisée à Gaza, soulignant que toutes les parties au conflit ont des obligations juridiques, au regard du droit international, d’assurer un accès à l’eau et à la nourriture pour les civils sous leur contrôle, et de faciliter l’aide humanitaire.

« Ils ne doivent ni voler, ni détourner, ni bloquer délibérément l’acheminement de l’aide », a-t-elle averti.

Elle a décrit les « conséquences physiologiques catastrophiques » de la privation prolongée de calories : malnutrition, défaillance d’organes et décès, touchant particulièrement les groupes vulnérables comme les nourrissons et les femmes enceintes.

« L’impact psychologique d’un tel déni est d’une cruauté intrinsèque », a-t-elle poursuivi.

« Des règles constamment changeantes, des distributions militarisées, et une incertitude quotidienne sur l’accès aux besoins fondamentaux plongent les gens dans un désespoir et une détresse extrêmes. »

Elle a salué l’annonce par Israël de pauses humanitaires permettant au Programme alimentaire mondial d’opérer pendant trois mois, tout en soulignant que « davantage doit être fait » pour mettre fin aux hostilités et établir une paix durable fondée sur la solution à deux États.

« Personne ne devrait subir l’humiliation de devoir mendier pour se nourrir, surtout quand des stocks suffisants sont disponibles », a-t-elle déclaré.

Edwards a également renouvelé son appel à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, à la libération des Palestiniens détenus arbitrairement, et à la mise en place d’enquêtes indépendantes sur les allégations de torture, de mauvais traitements et d’éventuels crimes de guerre, de la part de toutes les parties.

Elle a indiqué avoir exprimé ses préoccupations à plusieurs reprises aux autorités concernées et continuer de réclamer une pleine reddition de comptes.

Les rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ils sont indépendants, ne sont pas membres du personnel des Nations unies et travaillent bénévolement.