De l'importance de la culture en ces temps de pandémie

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Publié le Jeudi 05 novembre 2020

De l'importance de la culture en ces temps de pandémie

De l'importance de la culture en ces temps de pandémie
  • «L'économie de la culture devrait s'inscrire dans le cadre de la reprise mondiale et de la réinitialisation anticipée engagées par les pays du G20»
  • «La culture – ainsi que l'innovation et la créativité qui en découlent – promet, sans aucun doute, des jours meilleurs»

Avec l'apparition du coronavirus, il est apparu nécessaire que les décideurs politiques placent l'économie culturelle – un secteur florissant du marché mondial comprenant les films, les sites du patrimoine national, l'art et la cuisine, les livres et les musées – au premier plan dans le débat économique mondial. Et il n'y a pas de meilleure occasion que le sommet virtuel de deux jours organisé par l'Arabie saoudite en novembre, auquel participent les chefs d'État et les ministres du Groupe des vingt (G20).

La réunion conjointe des ministres de la Culture lancera un débat significatif sur l'économie de la culture et contribuera à consolider et à exploiter les progrès significatifs déjà réalisés par le secteur. Cette réunion devrait également constituer la première étape de la mise en place d'une réunion annuelle – soutenue par un leadership puissant – pour faire de l’économie de la culture une partie intégrante de l'agenda politique mondial.

En tant que ministre saoudien de la Culture, je suis fier d'accueillir la réunion d'inauguration avec mes homologues.

L'Arabie saoudite souhaite que cette réunion établisse une feuille de route pour l'économie de la culture. Si la culture exerce une influence positive sur les économies, elle doit être promue et encouragée par les pays du G20, qui représentent environ 80 % de la production économique mondiale et deux tiers de la population mondiale.

Je suis fermement convaincu que la culture doit être intégrée à l'ordre du jour du sommet du G20 l'année prochaine, qui se tiendra sous la présidence de l'Italie.

Pourquoi ? Si la culture est traditionnellement associée au «soft power» – il suffit de penser à Hollywood, aux émissions de télévision populaires des marchés émergents , elle alimente de plus en plus la prospérité mondiale. Selon l'Unesco, les recettes annuelles des secteurs de la culture et de la création s'élèvent à 2,25 mille milliards de dollars, alors que les exportations se chiffrent à plus de 250 milliards de dollars. Ces secteurs procurent de l'emploi à près de 30 millions de personnes dans le monde, et leur contribution au produit intérieur brut mondial sont prévues à environ 10 % dans un avenir proche.

Je suis fermement convaincu que la culture doit être intégrée à l'ordre du jour du sommet du G20 l'année prochaine, qui se tiendra sous la présidence de l'Italie.

Plus important encore, l'économie de la culture devrait s'inscrire dans le cadre de la reprise mondiale et de la réinitialisation anticipée engagées par les pays du G20. En effet, les pays ouvrent désormais leurs frontières après de longs mois de fermeture. La Banque mondiale prévoit une contraction de l'activité économique de 5,2 % cette année, en raison notamment de la suspension des transports aériens, du tourisme et de la vente au détail. Il est donc impératif que les dirigeants exploitent tous les outils disponibles pour favoriser la relance de l'économie mondiale. Par ailleurs, les pays qui ne font pas partie du G20 ont eux aussi une chance de participer à cet effort ; notamment avec les goûts qui changent et l'accès à la culture qui se mondialise. Toutes les nations, et pas uniquement les principales économies mondiales, doivent être invitées à développer ce marché primordial. C'est un marché facile d’accès, et la demande est bien présente.

Alors que l'Arabie saoudite vivait l'expérience de la pandémie, je me suis mis réfléchir à l'importance de la culture et à l'impact positif qu'elle exerce sur les économies. Le climat d'incertitude a renforcé ma conviction: la culture – ainsi que l'innovation et la créativité qui en découlent – promet, sans aucun doute, des jours meilleurs. Les gens ont puisé dans cette industrie pour conserver un sentiment de normalité, ils ont ainsi réussi à gérer cet événement sans précédent. Le ministère de la Culture s'est lui aussi adapté. Sous le thème «Culture en isolement», nous avons entrepris une série d'initiatives, dont un programme culinaire en ligne durant le mois sacré du ramadan. Une plate-forme d'apprentissage de la calligraphie arabe et des arts décoratifs islamiques a également été créée.

Au cours de cette période, j'ai noué des contacts avec des artistes saoudiens pour les inciter à poursuivre leur activité. Nous avons également organisé un forum en ligne qui a permis aux artistes de partager leur expérience de distanciation sociale à travers leurs œuvres. J'ai tenu à préciser que ce qu'ils faisaient inspirait non seulement des gens de tous horizons, mais contribuait aussi à la vie économique de l'Arabie saoudite et représentait un volet essentiel de la transformation du Royaume dans le cadre de l'ambitieux programme de la Vision 2030.

Nous avons tiré bien des leçons de la pandémie, sur la valeur de la culture et sur la capacité des gens à changer, à s'adapter et à collaborer pour traverser des situations difficiles.

En raison des fermetures d'écoles et des restrictions imposées aux voyages, la pandémie de Covid-19 a changé la vie de nombreuses personnes dans le monde entier; elles ont dû composer avec la fermeture d'écoles, le travail à distance, l'interruption des services de santé et la fermeture des parcs à thème et des cinémas.

Pour y faire face, les gens se sont de plus en plus appuyés sur une industrie qui leur permettait d'échapper aux contraintes quotidiennes qui leur étaient imposées pour freiner la propagation du coronavirus. Cette industrie les a aidés à conserver un sentiment de normalité dans leurs vies. On parle là de l'économie de la culture.

Nous avons tiré bien des leçons de la pandémie, sur la valeur de la culture et sur la capacité des gens à changer, à s'adapter et à collaborer pour traverser des situations difficiles.

Les gens regardaient les stars de l'Internet sur YouTube, ainsi que des films et des séries télévisées sur Netflix et Amazon Prime. Ils se sont connectés de plus en plus souvent pour accéder aux événements culturels qui soudain étaient devenus inaccessibles. Cette situation a donc accéléré la connectivité des cultures du monde entier, dans la mesure où les gens exploraient des lieux qu'ils n'auraient jamais visités réellement.

Pour anticiper la demande éventuelle dans ce secteur, les entreprises de technologie, les institutions ainsi que les gouvernements n’ont pas tardé à s'adapter.

Google Arts and Culture a proposé en téléchargement des visites virtuelles dans des musées du monde entier. La Tate Modern de Londres a mis à la disposition de tous des expositions en ligne, et la Commission royale d'Arabie saoudite pour AlUla a créé une série vidéo Explorez AlUla en 360° consacrée aux sites historiques de la région.

Comme la demande pour les arts, le cinéma et les musées – qui constituent l'économie culturelle – ne s'est pas interrompue mais a plutôt augmenté, cela n'a fait que la consolider. L'idée qu'un artiste n'a besoin que d'une toile vierge est puissante; elle constitue un réel facteur de croissance, pourvu qu'elle soit soutenue, encouragée et exploitée de manière appropriée.

À présent, les gouvernements, la société civile, les personnalités du monde de la culture et les consommateurs doivent se concerter et réunir leurs efforts pour renforcer l'engagement culturel, tout en traçant la route vers l'essor de l'économie de la culture en tant que nouveau pilier de l'économie mondiale.

Le prince Badr ben Abdallah ben Farhan est le ministre saoudien de la Culture.

Twitter: @BadrFAlSaud

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com. Cet article a auparavant été publié dans The Art Newspaper.