«Les Talibans espèrent toujours une victoire militaire», affirme une négociatrice afghane

Un policier afghan veille à proximité du site d'une attaque à l'université de Kaboul, en Afghanistan, le 2 novembre 2020 (Reuters)
Un policier afghan veille à proximité du site d'une attaque à l'université de Kaboul, en Afghanistan, le 2 novembre 2020 (Reuters)
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Publié le Vendredi 06 novembre 2020

«Les Talibans espèrent toujours une victoire militaire», affirme une négociatrice afghane

  • Selon un rapport de l'ONU rendu public le 27 octobre, plus de 6 000 civils afghans ont été tués ou blessés au cours des neuf premiers mois de l'année
  • L’accord de Washington a donné aux militants «l’impression qu’ils pouvaient reprendre le pouvoir par la force», comme pendant les années 1990, a expliqué la défenseure des droits des femmes Fawzia Koofi à Arab News.

KABOUL: Une éminente avocate, défenseure des droits des femmes et membre de la délégation de négociateurs du gouvernement afghan lors des pourparlers de paix avec les Talibans a affirmé que malgré des négociations en cours à Doha, au Qatar, le groupe rebelle espérait toujours reprendre le pouvoir par «des moyens militaires.»

« Les Talibans, (depuis la signature de l'accord avec les États-Unis) se prennent pour les vainqueurs,  pensent qu’ils sont en position de force et qu’ils peuvent probablement gagner aussi militairement… ce qui est totalement faux », a soutenu Fawzia Koofi, qui fait partie du groupe des quatre négociateurs qui sont retournés en Afghanistan la semaine dernière,  invoquant l'absence de progrès dans les négociations de Doha.

Les pourparlers inter-afghans ont débuté le 12 septembre après un accord négocié par les États-Unis avec les Talibans en février 2020 pour trouver un règlement pacifique au conflit dans le pays. Les deux parties n'ont toutefois pas réussi à élaborer un processus pour aboutir à des négociations, et encore moins à s'engager dans de vrais pourparlers.

L’accord de février conclu sous l’égide des États-Unis devait permettre de mettre en œuvre deux mesures clés : un programme d’échange de prisonniers entre le gouvernement afghan et les Talibans et le retrait complet du pays des troupes étrangères dirigées par les États-Unis, mettant ainsi fin au conflit le plus long de l’histoire de Washington.

Les arrière-pensées des Talibans

L’accord de Washington a donné aux militants « l’impression qu’ils pouvaient reprendre le pouvoir par la force », comme pendant les années 1990, marquées par l’anarchie après le retrait des troupes de l’ancienne Union soviétique du pays, a précisé Fawzia Koofi à Arab News.

L’avocate est l'une des quatre femmes désignées pour prendre part aux pourparlers avec les Talibans. Elle a déclaré que, contrairement à l'esprit de l'accord conclu avec les États-Unis, le groupe rebelle a «intensifié les attaques à travers le pays, malgré la promesse de réduire la violence après la libération de milliers de ses prisonniers des prisons afghanes.»

« Même s’ils réalisent des avancées militaires par la violence, cela ne sera pas durable. Maintenant que nous avons enclenché cette dynamique, les pays de la région sont en faveur de la paix, tout le monde est pour la paix, et nous devons nous concentrer sur la façon dont nous pouvons parvenir à une paix durable », a affirmé Fawzia Koofi. 

Ses préoccupations sont tout à fait fondées.

Selon un rapport de l'ONU rendu public le 27 octobre, plus de 6 000 civils afghans ont été tués ou blessés au cours des neuf premiers mois de l'année en raison de l'intensification de la violence et des combats entre les forces gouvernementales et les combattants talibans.

« Compte tenu de la recrudescence des attaques de la part des Talibans, je pense qu'il existe des approches différentes entre les négociateurs talibans présents au Qatar et leurs commandants  militaires sur le terrain. Les Talibans doivent vraiment prouver qu'ils ont une position unie », a-t-elle assuré. L’avocat a également ajouté que le retrait des troupes américaines était également « conditionnel ». Elle a en effet affirmé qu’en « l’absence d'un règlement politique entre les Talibans et le gouvernement afghan, les soldats ne peuvent pas quitter le pays.»

Fervente militante des droits des femmes, Fawzia Koofi a été élue députée en Afghanistan, et a été nominée pour le Prix Nobel de la paix cette année.

En août, elle a survécu à une tentative d'assassinat lorsque des hommes armés ont ouvert le feu sur son convoi au nord de Kaboul. À l'époque, elle a décrit l'attaque comme le travail de « saboteurs de paix », laissant entendre que Daech aurait été derrière le coup.

Bien que critique des Talibans, elle a fait partie d'un groupe qui a tenu en 2019 une réunion exceptionnelle avec les dirigeants talibans en Russie.

Les Talibans encore méfiants à l’égard des femmes

Elle raconte à Arab News son expérience à la table des négociations avec les Talibans. « Je suis habituée à cet environnement. J’ai essayé de normaliser la situation et de faire comme si nous étions des personnes d’opinions politiques différentes, et pas seulement de sexe opposé. Cela n'a pas été facile. Nous parlons de l'avenir de notre pays, nous avons des opinions politiques divergentes, mais acceptons le fait que nous pouvons être différents.»

La défenseure des droits des femmes a trouvé qu’il semblait « plus facile » aux Talibans de participer aux pourparlers avec des femmes, après la réunion qui s’est tenue l'année dernière en Russie. « Je pense que pour les Talibans qui avaient participé auparavant aux pourparlers, la présence des femmes était plus facile à accepter que pour ceux qui ont rejoint plus récemment le groupe à la table des négociations. Ils ont encore un long chemin à parcourir avant d’accepter le fait que l’Afghanistan est représenté par des femmes.»

Hors des réunions du groupe de contact, les Talibans se sont montrés beaucoup plus rigides, estime Fawzia Koofi. « Certains d'entre eux n'ont même pas regardé les femmes dans les yeux.»

Bien que les Talibans se soient engagés à défendre les droits des femmes avant le début des pourparlers inter-afghans, l’avocate a déclaré que la manière dont ils comptaient y arriver n’était pas claire. « Les Talibans n’ont pas expliqué comment ils comptaient donner un rôle aux femmes dans le futur Afghanistan.»

Pendant les cinq ans pendant lesquels ils ont exercé le pouvoir – de 1996 à l’entrée des États-Unis sur le territoire en 2001 - les Talibans ont interdit aux femmes de travailler et de s’instruire. « Les Talibans devraient comprendre que l’Afghanistan d’aujourd’hui n’est certainement plus celui qu’il dirigeaient. À l’époque, le pays était en guerre, les gens recherchaient une certaine stabilité, et ils (les Talibans) ont réussi. Mais à l'heure actuelle, les Afghans ont des points de vue différents sur le gouvernement, et ils ne sont pas en faveur d’un émirat islamique.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Guerre à Gaza: la Colombie rompt ses liens diplomatiques avec Israël

Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza. (AFP).
Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza. (AFP).
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  • Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza
  • Israël a immédiatement accusé M. Petro de "récompenser" le mouvement islamiste palestinien Hamas qui a, de son côté, salué l'annonce du dirigeant colombien, la qualifiant de "victoire"

BOGOTA: Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza.

Israël a immédiatement accusé M. Petro de "récompenser" le mouvement islamiste palestinien Hamas qui a, de son côté, salué l'annonce du dirigeant colombien, la qualifiant de "victoire".

M. Petro avait vivement critiqué, à plusieurs reprises, la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza après les attaques sans précédent du Hamas dans le sud du territoire israélien le 7 octobre.

"Demain (jeudi), les relations diplomatiques avec l'Etat d'Israël seront rompues (parce qu'il a) un gouvernement, un président génocidaire", a déclaré mercredi le président colombien, lors d'un discours prononcé devant plusieurs milliers de partisans à Bogota à l'occasion du 1er-Mai.

En Israël, le chef du gouvernement est le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, tandis que le président, Isaac Herzog, a  un rôle avant tout symbolique.

"On ne peut pas revenir aux époques de génocide, d'extermination d'un peuple entier", a déclaré le président colombien. "Si la Palestine meurt, l'humanité meurt", a-t-il lancé, déclenchant les vivats de la foule.

Le ministre israélien des Affaires étrangères Israël Katz a aussitôt réagi en qualifiant Gustavo Petro d'"antisémite". "Le président colombien avait promis de récompenser les meurtriers et violeurs du Hamas, aujourd'hui il a tenu promesse", a écrit M. Katz sur X.

"Nous apprécions grandement la position du président colombien Gustavo Petro (...) que nous considérons comme une victoire pour les sacrifices de notre peuple et sa cause qui est juste", a déclaré pour sa part dans un communiqué la direction du Hamas, en appelant d'autres pays d'Amérique latine à "rompre" leurs relations avec Israël.

 


Mobilisation en soutien à Gaza: affrontements et interpellations sur les campus américains

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  • A l'université du Texas à Dallas, la police a démantelé mercredi un campement de manifestants et arrêté au moins 17 personnes pour "intrusion criminelle" mercredi, a indiqué l'établissement.
  • Les forces de l'ordre ont également arrêté plusieurs personnes à l'université new-yorkaise de Fordham University et ont évacué un campement installé dans la matinée sur le campus, ont indiqué des responsables

LOS ANGELES: La police a été déployée mercredi sur plusieurs campus américains, où de nouvelles arrestations ont eu lieu, après être intervenue à Los Angeles et New York, théâtres d'une mobilisation étudiante contre la guerre à Gaza qui secoue les Etats-Unis.

A l'université du Texas à Dallas, la police a démantelé mercredi un campement de manifestants et arrêté au moins 17 personnes pour "intrusion criminelle" mercredi, a indiqué l'établissement.

Les forces de l'ordre ont également arrêté plusieurs personnes à l'université new-yorkaise de Fordham University et ont évacué un campement installé dans la matinée sur le campus, ont indiqué des responsables.

Et environ 300 personnes ont été interpellées à New York sur deux sites universitaires, a dit mercredi la police de la ville lors d'une conférence de presse.

Au cours de la nuit de mardi à mercredi, les forces de l'ordre ont délogé manu militari des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de la prestigieuse université Columbia à Manhattan, d'où est partie la mobilisation estudiantine de soutien à Gaza.

"La police s'est montrée brutale et agressive avec eux", a assuré à l'AFP Meghnad Bose, un étudiant de Columbia ayant assisté à la scène.

"Ils ont arrêté des gens au hasard (...) plusieurs étudiants ont été blessés au point qu'ils ont dû être hospitalisés", a dénoncé une coalition de groupes étudiants pro-palestiniens de Columbia dans une publication Instagram.

"Je regrette que nous en soyons arrivés là", a réagi mercredi Minouche Shafik, la présidente de l'université.

Les manifestants se battent "pour une cause importante", mais les récents "actes de destruction" menés par des "étudiants et militants extérieurs" l'ont conduite à recourir aux forces de l'ordre, a-t-elle expliqué, dénonçant par ailleurs "des propos antisémites" proférés lors de ces rassemblements.

D'autres campements avaient également été démantelés tôt mercredi sur les campus de l'Université de l'Arizona à Tucson, et à l'Université de Wisconsin-Madison, respectivement dans le sud-ouest et le nord du pays, selon des médias locaux.


Mobilisation en soutien à Gaza: affrontements et intervention de la police sur le campus de la UCLA à Los Angeles

Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
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  • Manifestants et contre-manifestants se sont opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles
  • Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne

LOS ANGELES : Des affrontements ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi en marge d'un rassemblement étudiant dénonçant la guerre menée par Israël à Gaza à l'Université UCLA, à Los Angeles, dernier épisode d'un mouvement étudiant qui secoue les Etats-Unis.

Les heurts ont éclaté quand un important groupe de contre-manifestants, pour beaucoup masqués, a attaqué un campement pro-palestinien installé sur une pelouse de l'UCLA, selon un photographe de l'AFP sur place.

Les assaillants ont tenté d'enfoncer une barricade improvisée autour du campement, composée de barrières métalliques et de panneaux de contreplaqué. Manifestants et contre-manifestants se sont ensuite opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles.

«La violence en cours à l'UCLA est absolument abjecte et inexcusable», a fustigé la maire de Los Angeles, Karen Bass, ajoutant que la police de la ville était déployée sur le campus.

Cette dernière a indiqué avoir été appelée en renfort par la direction après «de nombreux actes de violence commis dans le campement à l'intérieur du campus».

Tôt mercredi, les policiers étaient toujours présents en grand nombre sur le site universitaire.

Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, intervenant manu militari sur le campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne.

Le campement de tentes installé sur la pelouse du site a été démantelé, a pu constater une journaliste de l'AFP dans la nuit de mardi à mercredi.

Environ 300 personnes ont été interpellées, a indiqué la police new-yorkaise.

Dans le sud-ouest du pays, la police de l'Université de l'Arizona a annoncé mercredi matin avoir utilisé du gaz lacrymogène pour disperser «un rassemblement illégal».

En Caroline du Nord, sur la côte est, la police est intervenue mardi pour évacuer un campement sur un campus de Chapel Hill, arrêtant plusieurs manifestants dans un face-à-face tendu.

- Accord -

Depuis deux semaines, les mobilisations de soutien à Gaza se multiplient à travers les campus américains, de la Californie aux grandes universités du nord-est, en passant par le sud et le centre du pays -- rappelant les manifestations contre la guerre du Vietnam.

Les étudiants appellent les établissements à couper les ponts avec des mécènes ou entreprises liés à Israël, et dénoncent le soutien de Washington à son allié israélien.

Se distinguant ainsi des autres institutions, l'université Brown dans l'Etat de Rhode Island a annoncé mardi avoir trouvé un accord avec les manifestants, prévoyant le démantèlement de leur campement en échange d'un vote de l'université en octobre sur d'éventuels «désinvestissements dans des +sociétés qui rendent possible et profitent du génocide à Gaza+».

A Columbia, les négociations entre direction et groupes étudiants n'avaient pas abouti. «Les événements de la nuit dernière sur le campus ne nous ont pas donné le choix», avait écrit la présidente de l'université, Minouche Shafik, dans une lettre rendue publique demandant à la police de New York d'intervenir sur le campus.

A Los Angeles, le président de l'UCLA Gene Block avait mis en garde avant les heurts de la nuit contre la présence de personnes extérieures à l'université.

Dimanche, des militants pro-palestiniens et pro-israéliens, soutenus par de nombreux manifestants extérieurs au campus, en étaient venus aux mains, avec des bousculades et des insultes.

«Beaucoup de manifestants et de contre-manifestants pratiquent leur militantisme de manière pacifique. Mais d'autres emploient des méthodes franchement choquantes et honteuses», avait écrit M. Block dans un message posté mardi sur le site de l'université.

«Ces incidents ont provoqué, tout particulièrement chez nos étudiants juifs, une profonde anxiété et de la peur», a-t-il ajouté.

- A 6 mois de la présidentielle -

Depuis le début du mouvement, des centaines de personnes - étudiants, enseignants et militants - ont été interpellées, parfois arrêtées et poursuivies en justice dans plusieurs universités du pays.

Les images de policiers anti-émeutes intervenant sur les campus, à la demande des universités, ont fait le tour du monde et on fait vivement réagir le monde politique, à six mois de la présidentielle dans un pays polarisé.

Joe Biden «doit faire quelque chose» contre ces «agitateurs payés», a déclaré mardi soir sur Fox News le candidat républicain Donald Trump. «Il nous faut mettre fin à l'antisémitisme qui gangrène notre pays aujourd'hui», a-t-il ajouté.

«Occuper par la force un bâtiment universitaire est la mauvaise approche» et ne représente «pas un exemple de manifestation pacifique», avait tonné avant l'intervention de la police John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.