A Bogota, une vague de cadavres retrouvés empaquetés dans les rues

Des portraits de personnes disparues sont vus au sol lors d'une manifestation dans le cadre de la Journée internationale des disparus à Bogota, le 30 août 2022. (AFP)
Des portraits de personnes disparues sont vus au sol lors d'une manifestation dans le cadre de la Journée internationale des disparus à Bogota, le 30 août 2022. (AFP)
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Publié le Samedi 17 septembre 2022

A Bogota, une vague de cadavres retrouvés empaquetés dans les rues

  • En neuf mois, au moins 23 corps dans des sacs ont été abandonnés ici et là dans les rues de cette métropole de huit millions d'habitants
  • Il s'agit «d'homicides violents, de strangulations, (de meurtres) avec arme à feu ou couteau«», a déclaré le secrétaire à la sécurité pour la municipalité, qui parle d'actes réalisés avec «beaucoup de cruauté»

BOGOTA: Depuis le début de l'année, les victimes d'une vendetta entre gangs d'origine vénézuélienne sont retrouvées ici et là à Bogota, leurs cadavres emballés dans des sacs plastique, certains démembrés. L'affaire des "empaquetés", comme la nomme la presse locale, est d'une violence encore jamais vue dans la capitale colombienne.

En neuf mois, au moins 23 corps dans des sacs ont été abandonnés ici et là dans les rues de cette métropole de huit millions d'habitants.

Ces découvertes macabres sont allées crescendo pour culminer dans l'horreur la semaine dernière: quatre corps, découpés en morceaux, retrouvés abandonnés, emballés dans des sacs-poubelle, sur des trottoirs.

Sept Vénézuéliens et neuf Colombiens figurent parmi ces victimes, selon la presse.

C'est "une manière d'opérer qui n'a jamais été vue auparavant dans la ville", selon le commandant de la police de Bogota, le général Carlos Triana.

«Beaucoup de cruauté»

Il s'agit "d'homicides violents, de strangulations, (de meurtres) avec arme à feu ou couteau", a déclaré à l'AFP le secrétaire à la sécurité pour la municipalité, Anibal Fernandez de Soto, qui parle d'actes réalisés avec "beaucoup de cruauté".

Ces macabres découvertes ont été faites dans huit des 19 localités d'une capitale théâtre du crime organisé, mais qui reste cependant épargnée par le conflit armé sévissant depuis plus d'un demi-siècle dans les provinces.

Ces meurtres témoignent de la lutte sans merci que se livrent plusieurs groupes criminels "pour le contrôle des trafics illicites", en particulier la vente de drogues au détail et les extorsions, explique M. de Soto, qui prévient que cette guerre est en train de "s'intensifier".

El Tren de Aragua, une organisation criminelle transnationale née au Venezuela, ainsi qu'un autre gang vénézuélien, Los Maracuchos, et un troisième groupe dont le nom n'a pas été divulgué sont les protagonistes de cette violence hors-norme.

La police a ainsi confirmé l'existence dans la capitale de maisons "abattoirs" servant de lieu de torture.

Selon M. de Soto, les victimes sont toutes des membres des gangs belligérants. "Ils intimident (leurs rivaux) par un modus operandi macabre".

Selon le journal El Tiempo, une "cellule mafieuse mexicaine", proche du cartel de Sinaloa, complète le trio sanguinaire. La presse a également cité en tant qu'autre protagoniste une organisation colombienne, "Los Paisas".

Depuis 2021, les autorités surveillent la présence grandissante du Tren de Aragua à Bogota, où vivent environ un quart des 1,8 million de migrants vénézuéliens en Colombie.

«Une organisation puissante»

Ce gang redouté, aux tentacules internationales, est entré dans le pays via le département frontalier de Norte de Santander. Au début, a expliqué à l'AFP Jeremy McDermott, codirecteur du groupe de réflexion sur le crime organisé InSight Crime, ils "ont pris le contrôle du territoire le long de la frontière et facturaient des péages aux Vénézuéliens qui traversaient par les sentiers (trochas) illégaux".

Suivant la vague de migration fuyant le Venezuela chaviste, ils se sont implantés en Colombie "jusqu'au Panama et au Chili, facturant des frais de +protection+ (...) et essayant d'exploiter ou de recruter des migrants vulnérables", ajoute l'expert. Leur présence est signalée au Brésil, en Equateur et au Pérou.

"C'est une organisation puissante", dont l'un des principaux cerveaux est Hector "Niño" Guerrero, incarcéré dans la prison vénézuélienne de Tocorón, note Ronna Risquez, chercheuse sur les groupes armés et la violence. Il y régnerait en maître sur ses codétenus. "Tout est géré depuis Tocorón", estime Mme Risquez.

Le démembrement est une pratique courante dans les prisons vénézuéliennes, selon le criminologue Mario Mármol. "Ils ont cet entraînement, ce trait de caractère pervers, et quand la situation le justifie, ils le mettent en oeuvre: mutilation, décapitation, corps criblés de balles. C'est leur marque de fabrique".

La brutalité démontrée en Colombie répond à "l'expérience criminelle de longue date" dans ce pays, qui "nécessite beaucoup de force, d'impact et de démonstration de cette cruauté" pour s'imposer, note Roberto Briceño-León, directeur de l'Observatoire vénézuélien de la violence (OVV).

Plus discrets que Tren de Aragua, Los Maracuchos sont arrivés en Colombie en 2019. La police colombienne a capturé cette semaine dix de ses membres présumés et réclame par l'intermédiaire d'Interpol cinq autres qui ont fui au Venezuela.

Ces meurtres sordides impliquant des Vénézuéliens coïncident avec le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays, mais pourraient compliquer ce réchauffement.

Ils éclipsent par ailleurs les chiffres de la sécurité à Bogota, qui a aujourd'hui le taux d'homicide le plus bas parmi les principales villes de Colombie depuis le début de l'année (six pour 100 000 habitants).


Rubio promet un soutien "indéfectible" à Israël, avant une visite à Doha

Le secrétaire d'État américain Marco Rubio et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu visitent le Mur occidental, le lieu de prière le plus sacré du judaïsme, dans la vieille ville de Jérusalem. (AP)
Le secrétaire d'État américain Marco Rubio et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu visitent le Mur occidental, le lieu de prière le plus sacré du judaïsme, dans la vieille ville de Jérusalem. (AP)
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  • En visite à Jérusalem, le secrétaire d’État Marco Rubio a réaffirmé le soutien « indéfectible » des États-Unis à Israël dans sa guerre contre le Hamas à Gaza
  • Alors que les offensives israéliennes se poursuivent, causant de lourdes pertes civiles à Gaza, les critiques internationales s’intensifient

Jérusalem: Le secrétaire d'Etat Marco Rubio a promis lundi à Jérusalem le "soutien indéfectible" des Etats-Unis à Israël pour éliminer le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza, à la veille d'un déplacement à Doha.

Durant la visite de M. Rubio, l'armée israélienne a poursuivi son offensive dans la bande de Gaza assiégée et affamée, la Défense civile locale faisant état d'au moins 49 morts, dont des enfants.

Lancée en riposte à une attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, cette offensive a fait des dizaines de milliers de morts et détruit une grande partie du territoire palestinien, où le mouvement islamiste a pris le pouvoir en 2007.

Le déplacement de M. Rubio a coïncidé avec un sommet arabo-islamique à Doha, quelques jours après une attaque israélienne inédite le 9 septembre au Qatar contre des chefs du Hamas.

"Les habitants de Gaza méritent un avenir meilleur, mais cet avenir meilleur ne pourra commencer que lorsque le Hamas sera éliminé", a déclaré M. Rubio après une rencontre à Jérusalem avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

"Vous pouvez compter sur notre soutien indéfectible et notre engagement à voir cela se concrétiser", a-t-il ajouté.

M. Rubio se rend mardi au Qatar, en route pour Londres, afin de "réaffirmer le soutien total des Etats-Unis à la sécurité et la souveraineté du Qatar après l'attaque israélienne", selon le département d'Etat.

La frappe aérienne au Qatar, un médiateur entre Israël et le Hamas, a contrarié le président Donald Trump.

"Le Qatar a été un très grand allié. Israël et tous les autres, nous devons faire attention. Quand nous attaquons des gens, nous devons être prudents", a-t-il dit dimanche.

Malgré cette critique, M. Netanyahu a estimé que M. Trump était "le plus grand ami" qu'Israël ait jamais eu à la Maison Blanche.

- "Animaux barbares" -

Au sommet de Doha, l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, s'en est prix à Israël, l'accusant de "vouloir faire échouer les négociations" en vue d'un cessez-le-feu à Gaza et d'une libération des otages enlevés durant l'attaque du 7-Octobre.

Un communiqué final du sommet a appelé "tous les Etats à revoir les relations diplomatiques et économiques avec Israël", alors que les six monarchies du Golfe ont appelé les Etats-Unis à "user de leur influence" pour contenir Israël.

A Jérusalem, M. Rubio s'est montré pessimiste quant à la possibilité d'une solution "diplomatique" à Gaza, qualifiant le Hamas d'"animaux barbares".

"Même si nous souhaitons vivement qu'il existe un moyen pacifique et diplomatique pour mettre fin (à la guerre) -et nous continuerons à explorer cette voie-, nous devons également nous préparer à la possibilité que cela ne se produise pas", a-t-il dit.

M. Rubio a aussi affiché la solidarité des Etats-Unis avec Israël avant un sommet coprésidé par la France et l'Arabie saoudite le 22 septembre à l'ONU, destiné à promouvoir la reconnaissance d'un Etat de Palestine, au côté d'Israël.

Une initiative largement symbolique dans la mesure où Israël s'oppose fermement à la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

Les Etats-Unis sont également hostiles à cette démarche, qui selon M. Rubio, a "enhardi" le Hamas.

En soirée, le secrétaire d'Etat a rencontré à Jérusalem des familles d'otages, selon un responsable du département d'Etat. Sur les 251 personnes enlevées durant l'attaque du 7-Octobre, 47 sont encore retenues à Gaza, dont 25 décédées selon l'armée israélienne.

- "Un corps sans âme" -

Dans le territoire palestinien, la Défense civile a indiqué que plus de la moitié des 49 Palestiniens tués l'avaient été à Gaza-ville, où l'armée a intensifié ses attaques avec l'objectif de s'en emparer.

Compte-tenu des restrictions imposées aux médias à Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les informations des différentes parties.

L'armée israélienne, qui présente Gaza-ville comme l'un des derniers bastions du Hamas dans le territoire palestinien, y a détruit plusieurs tours d'habitation en accusant le Hamas de s'y cacher.

Les Palestiniens continuent de fuir, en grand nombre, la ville et ses environs, qui comptaient un million d'habitants selon l'ONU.

"Je me sens comme un corps sans âme", dit Susan Annan, une Palestinienne qui habitait dans l'une de tours détruites. "Nous avons quitté notre maison avec seulement nos vêtements. Nous n'avons rien pu emporter."

L'attaque du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts à Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire. L'ONU y a déclaré la famine, ce que Israël dément.


La flottille pour Gaza quitte la Tunisie, direction le territoire palestinien

Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
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  • Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place
  • Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser"

BIZERTE: Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire.

"Nous essayons d'envoyer un message à la population de Gaza, (de lui dire) que le monde ne l'a pas oubliée", a dit à l'AFP la militante écologiste suédoise Greta Thunberg avant d'embarquer dans le port de Bizerte, dans le nord de la Tunisie.

"Lorsque nos gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités, nous n'avons pas d'autre choix que de prendre les choses en main", a-t-elle ajouté.

Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place.

Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser", "nous partons par solidarité, dignité et pour la justice".

Les embarcations arrivées d'Espagne s'étaient transférées à Bizerte après un séjour mouvementé à Sidi Bou Saïd, près de Tunis.

La "Global Sumud Flotilla", accueillie par des rassemblements de soutien, a indiqué que deux de ses bateaux avaient été visés par des attaques de drones deux nuits de suite la semaine passée, publiant des vidéos à l'appui. Après la deuxième annonce, les autorités tunisiennes ont dénoncé "une agression préméditée" et dit mener une enquête.

L'eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan qui, comme Greta Thunberg, avait été détenue à bord du "Madleen" lors d'une précédente traversée vers Gaza, a dit à l'AFP redouter "bien entendu" de nouvelles attaques, ajoutant: "on se prépare aux différents scénarios".

Selon elle, les personnalités les plus en vue - dont l'actrice française Adèle Haenel - ont été réparties entre les deux plus gros bateaux de coordination "de manière à équilibrer et (ne) pas concentrer toutes les personnalités visibles dans un seul et même bateau".

Le départ de Tunisie a été repoussé à plusieurs reprises en raison de motifs de sécurité, de retard dans les préparatifs pour certains bateaux et de la météo.

La Global Sumud Flotilla ("sumud" signifie "résilience" en arabe), qui comprend aussi des embarcations parties ces derniers jours de Corse (France), Sicile (Italie) et Grèce, avait initialement prévu d'atteindre le territoire palestinien à la mi-septembre, après deux tentatives bloquées par Israël en juin et juillet.

 


Les ministres du Groupe E3 condamnent les frappes israéliennes à Doha

Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
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  • Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
  • Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas

PARIS: Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ont condamné, dans une déclaration conjointe, les frappes israéliennes ayant visé Doha le 9 septembre. Ils estiment que ces attaques constituent une violation de la souveraineté du Qatar et représentent un risque d’escalade supplémentaire dans la région.

Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza. « Nous appelons toutes les parties à intensifier leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat », ont-ils insisté.

Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas. Ils appellent les parties à « faire preuve de retenue » et à saisir l’opportunité de rétablir la paix.

Les ministres ont réaffirmé que la priorité devait rester la mise en place d’un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et l’acheminement massif d’aide humanitaire à Gaza pour enrayer la famine. Ils demandent l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes dans la ville de Gaza, dénonçant les déplacements massifs de civils, les pertes humaines et la destruction d’infrastructures vitales.

Ils exhortent par ailleurs à garantir aux Nations unies et aux ONG humanitaires un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris dans le Nord.

Enfin, le Groupe E3 a rappelé sa condamnation « sans équivoque » des crimes commis par le Hamas, qualifié de mouvement terroriste, qui doit, selon eux, « libérer immédiatement et sans condition les otages, être désarmé et écarté définitivement de la gouvernance de la bande de Gaza ».