Le président Macron inaugure le premier parc éolien en mer de France

Emmanuel Macron inaugure jeudi au large de Saint-Nazaire le tout premier d'une série de parcs éoliens en mer, dont il entend accélérer le déploiement face à la crise énergétique. (AFP)
Emmanuel Macron inaugure jeudi au large de Saint-Nazaire le tout premier d'une série de parcs éoliens en mer, dont il entend accélérer le déploiement face à la crise énergétique. (AFP)
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Publié le Jeudi 22 septembre 2022

Le président Macron inaugure le premier parc éolien en mer de France

  • «C'est le début du chemin, une première étape vers le développement massif des énergies renouvelables», promet l'Elysée
  • Avec un mot d'ordre, renforcer la «souveraineté énergétique» de la France, en pleine envolée des prix des hydrocarbures et devant les risques de pénurie, et réduire le gros retard du pays dans les renouvelables

SAINT-NAZAIRE: Le président Emmanuel Macron inaugure jeudi le tout premier d'une série de parcs éoliens en mer en France, dont il entend accélérer le déploiement face à la crise énergétique.

"C'est le début du chemin, une première étape vers le développement massif des énergies renouvelables", promet le palais de l'Elysée.

En 2021, les énergies renouvelables (hydraulique, éolien, solaire, bioénergies) ont assuré 24% de la production électrique en France, le nucléaire 69% et les combustibles fossiles 7%.

Le mot d'ordre est désormais de renforcer la "souveraineté énergétique" de la France, en pleine envolée des prix des hydrocarbures et devant les risques de pénurie liés à la guerre en Ukraine, et réduire le gros retard du pays dans les renouvelables par rapport à ses voisins.

Le chef de l'Etat se rendra en bateau dans la matinée sur le site de 80 éoliennes, déployées de 12 à 20 km des côtes du Pouliguen et du Croisic, dans l'ouest de la France.

Le parc, exploité par l'entreprise publique EDF (Electricité de France), entrera complètement en service d'ici à la fin de l'année. Il affichera alors une puissance de 480 mégawatts (MW) capable d'alimenter 700 000 personnes.

Emmanuel Macron visitera aussi les Chantiers de l'Atlantique, à Saint-Nazaire, où les éoliennes sont assemblées avant leur installation en mer.

Il précisera les grands axes du projet de loi d'"accélération des énergies renouvelables", qui vise à raccourcir les délais de réalisation des projets en simplifiant les procédures administratives et en limitant la durée d'examen des recours déposés par les défenseurs de l'environnement, les pêcheurs et les riverains.

Aujourd'hui, il faut en moyenne dix ans pour qu'un site offshore entre en service en France, contre cinq en Allemagne et six au Royaume-Uni.

Pour l'éolien terrestre, c'est sept ans, deux fois plus qu'en Espagne ou en Allemagne, et le photovoltaïque n'est guère mieux loti.

Oppositions

Avec ce chantier, Emmanuel Macron, déterminé à garder un cap réformateur en ce début de second mandat, entend donner des gages à la gauche et aux écologistes, tout en mettant l'accent parallèlement sur les retraites ou l'assurance-chômage en direction de la droite.

L'examen du texte s'annonce toutefois difficile à l'Assemblée nationale, en l'absence de majorité absolue et face à une extrême droite et certains élus de droite vent debout contre l'éolien.

Le sujet s'était déjà invité durant la campagne présidentielle en début d'année, la candidate d'extrême droite Marine Le Pen réclamant l'arrêt des projets et le démantèlement progressif des sites existants.

Le 10 février, Emmanuel Macron avait pour sa part opté pour l'éolien en mer, avec un objectif d'une cinquantaine de parcs d'ici 2050 pour une capacité de 40 gigawatts.

A ce jour, sept parcs ont été attribués à des opérateurs. Pour la suite, d'autres appels d'offres ont été lancés, dont deux en Méditerranée.

Le chef de l'Etat a en revanche mis le frein sur l'éolien terrestre, avec un doublement de la capacité actuelle non plus sur dix mais trente ans.

Il a aussi annoncé la relance du nucléaire avec la construction de six réacteurs EPR2 à l'horizon 2035, et une multiplication par dix de la puissance solaire installée d'ici 2050.

Plusieurs ONG, dont France nature environnement, ont critiqué des dispositions du projet de loi visant à alléger les procédures.

Le développement des renouvelables doit se faire "dans le respect des procédures de consultation publique et du droit de l'environnement", plaident-elles. Le gouvernement a in fine retiré mercredi un des articles critiqués.

Pour accélérer dans l'immédiat, le secteur compte surtout sur une circulaire récente demandant aux préfets de "faciliter le traitement" des dossiers.

Dans un contexte d'approvisionnement électrique tendu et d'indisponibilité d'une partie du parc nucléaire, éolien, solaire et méthanisation seront jusqu'en 2025 "les seuls moyens pour produire des mégawattheures en plus", plaident leurs représentants.

L'éolien en mer, retards et ambitions de la France

Le parc éolien de Saint-Nazaire, où se rend Emmanuel Macron jeudi, est le tout premier champ offshore à entrer en service au large des côtes françaises, en attendant peut-être la quarantaine d'autres envisagés par l'Etat. Voici où en est la France, en retard par rapport à d'autres pays comme le Royaume-Uni.

Les chantiers

La France, qui compte 2.800 km de côtes, a décidé de se lancer dans l'éolien en mer dès 2009, mais aucun projet ne s'était matérialisé jusqu'à cette année.

De procédures administratives en recours en justice, il faut aujourd'hui en moyenne 10 ans pour qu'un site entre en service dans l'Hexagone, quand il en faut cinq en Allemagne, six au Royaume-Uni... et quand le pionnier mondial, le Danemark, installait sa première turbine en 1991.

Saint-Nazaire, attribué dès 2012 à EDF et au canadien Enbridge, est donc le tout premier à émerger: 80 éoliennes, réparties entre 12 et 20 km au large du Pouliguen et du Croisic, sur 78 km2. Une puissance installée de 480 mégawatts (MW) capable d'alimenter 700.000 personnes.

Projet à 2 milliards d'euros, ce chantier a vu ses premières fondations sortir de l'eau en 2021, la première éolienne a été raccordée au printemps 2022, la dernière en septembre. Il devrait entrer en production complète d'ici la fin 2022.

Au total, sept parcs (3,6 gigawatts pour l'ensemble) ont à ce jour été attribués à des opérateurs. Les chantiers de Saint-Brieuc, objet de frictions avec les pêcheurs, Courseulles-sur-Mer et Fécamp sont en cours de construction.

Sur le front industriel, le pays accueille notamment les usines de GE à Saint-Nazaire et Cherbourg, Siemens Gamesa au Havre. Selon l'Observatoire des énergies de la mer, la filière a fourni en 2021 plus de 6.000 emplois.

Les projets

D'autres appels d'offres ont été lancés, en Bretagne et pour la première fois en Méditerranée. Un autre doit l'être d'ici la fin 2022 pour un second parc au large du Calvados ("Centre Manche 2").

L'appel d'offres de Méditerranée concerne la construction d'ici 2030 de deux parcs flottants. Cette technologie en développement, encore jamais utilisée pour un parc commercial en France, est souvent vue comme l'avenir de l'éolien marin car permettant de s'implanter en grandes profondeurs, ce qui présente plusieurs avantages: il y a plus de vent, et les éoliennes sont plus loin des côtes, donc des regards.

Parmi les projets, celui d'Oléron a fait l'objet d'un débat public nourri. L'emplacement prévu a d'ailleurs été éloigné des côtes. Il prévoit la construction d'ici 2030 d'un parc posé sur les fonds marins, qui pourra être complété d'un second parc.

Des ONG, préoccupées par la conservation des oiseaux, et la mairie de Saint-Pierre-d'Oléron, inquiète pour la pêche, viennent d'annoncer des recours pour qu'il soit encore éloigné.

Les ambitions

Si la France veut atteindre en 2050 la neutralité carbone pour lutter contre le réchauffement climatique, toutes les projections mettent en avant un rôle indispensable pour l'éolien en mer, que le pays relance le nucléaire ou pas.

Pour RTE, le gestionnaire du réseau électrique, il en faudra 22 à 62 GW, selon les combinaisons choisies.

Le chef de l'Etat Emmanuel Macron soutient l'implantation de 50 parcs (40 GW) au total d'ici 2050.

Mais cette perspective signifie accélérer le rythme des projets.

La filière appelle à une planification par façade maritime pour y arriver, et cite en exemple l'Allemagne et sa cartographie fine aux zonages tracés pour le court et le long terme.

Le projet de loi pour l'accélération des renouvelables, attendu en Conseil des ministres le 26 septembre, inclut cette mutualisation des débats par façade maritime.

Le secteur demande à l'Etat de prépositionner de grandes zones potentielles avant d'affiner les débats localement, mettant en garde contre un "trou d'air" après 2023, date des derniers appels d'offres prévus à ce jour.

Coup de barre à gauche 

Aujourd'hui, il faut en moyenne dix ans pour qu'un site offshore entre en service en France, contre cinq en Allemagne, six au Royaume-Uni. Pour l'éolien terrestre, c'est sept ans, deux fois plus qu'en Espagne ou en Allemagne, et le photovoltaïque n'est guère mieux loti.

Avec ce chantier, Emmanuel Macron, déterminé à garder un cap réformateur en ce début de second quinquennat, entend donner des gages à la gauche et aux écologistes, tout en mettant l'accent parallèlement sur les retraites ou l'assurance-chômage en direction de la droite.

L'examen du texte s'annonce toutefois difficile à l'Assemblée nationale, en l'absence de majorité absolue et face à une extrême droite et certains élus de droite vent debout contre l'éolien.

Le sujet s'était déjà invité dans la campagne présidentielle, la candidate RN Marine Le Pen réclamant l'arrêt des projets et le démantèlement progressif des sites existants.

Le 10 février à Belfort, Emmanuel Macron avait pour sa part opté pour l'éolien en mer, avec un objectif d'une cinquantaine de parcs d'ici 2050 pour une capacité de 40 gigawatts.

A ce jour, sept parcs ont été attribués à des opérateurs: après Saint-Nazaire, la construction a commencé à Saint-Brieuc, objet de frictions avec les pêcheurs, Courseulles-sur-Mer et Fécamp.

Pour la suite, d'autres appels d'offres ont été lancés, dont deux en Méditerranée. A Oléron, des recours ont été déposés pour repousser le projet plus au large.

Le chef de l'Etat a en revanche mis le frein sur l'éolien terrestre, avec un doublement de la capacité actuelle non plus sur 10 mais 30 ans.

Il a aussi annoncé la relance du nucléaire avec la construction de six réacteurs EPR2 à l'horizon 2035, et une multiplication par dix de la puissance solaire installée d'ici 2050.

Les préfets mobilisés 

"Le cap posé à Belfort est plus urgent" que jamais depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février et face aux dégâts de plus en plus tangibles du changement climatique, insiste l'Elysée.

Plusieurs ONG, dont France nature environnement (FNE), ont critiqué des dispositions du projet de loi visant à alléger les procédures.

Le développement des renouvelables doit se faire "dans le respect des procédures de consultation publique et du droit de l'environnement", plaident-elles. Le gouvernement a in fine retiré mercredi un des articles critiqués.

France Energie Eolienne pour sa part juge que ce texte peut contribuer, à terme, à installer les renouvelables dans le paysage, notamment en actant une réduction de facture électrique pour les riverains des parcs, ou en planifiant l'éolien en mer par façade maritime pour une vision de plus long terme.

Mais pour accélérer dans l'immédiat, le secteur compte surtout sur une circulaire récente demandant aux préfets de "faciliter le traitement" des dossiers.

Car les développeurs d'éolien terrestre ont vu depuis trois ans les autorisations s'effondrer, éloignant un peu plus l'Hexagone de ses objectifs.

Dans un contexte d'approvisionnement électrique tendu et d'indisponibilité d'une partie du parc nucléaire, éolien, solaire et méthanisation seront jusqu'en 2025 "les seuls moyens pour produire des mégawattheures en plus", plaident leurs représentants.

En 2021, les renouvelables ont assuré 24% de la production électrique (hydraulique, éolien, solaire, bioénergies), le nucléaire 69%, et les combustibles fossiles 7%.


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.