Au Moyen-Orient, la fureur de vivre artistique d'une jeunesse oubliée

«La plupart des personnes considèrent le fait de partir, pas moi. Moi, je compte rester», confit Ali Merhi, 21 ans, couvert de peinture de la tête aux pieds. (AFP)
«La plupart des personnes considèrent le fait de partir, pas moi. Moi, je compte rester», confit Ali Merhi, 21 ans, couvert de peinture de la tête aux pieds. (AFP)
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Publié le Jeudi 22 septembre 2022

Au Moyen-Orient, la fureur de vivre artistique d'une jeunesse oubliée

  • L'Irakienne Qamar al-Ani, 21 ans, s'échappe de son quotidien avec son santour, un instrument à cordes oriental, loin de la crise politique à Bagdad qui a conduit à des affrontements meurtriers en août dernier
  • «Je ne veux pas me servir de la situation à Gaza comme prétexte à un éventuel échec (...) Je souhaite au contraire mettre à profit les difficultés pour être plus forte», dit Jawaher

BEYROUTH: De Beyrouth, où un étudiant dénonce les échecs de son gouvernement à travers la peinture, à Gaza où une enseignante palestinienne tente de s'évader de son quotidien par la musique, de nombreux jeunes au Moyen-Orient choisissent de s'exprimer à travers l'art.

Dans le premier volet d'une série consacrée aux aspirations des jeunes dans cette région instable - où près d'un tiers de la population a moins de trente ans - l'AFP s'est entretenue avec des artistes au Liban, en Syrie, dans la bande de Gaza, en Israël et en Irak, où ils sont confrontés à de nombreuses difficultés, un avenir incertain et de nombreux défis.

«Colère»

Étudiant aux Beaux-Arts à Beyrouth, Merhi va bientôt finir ses études alors que son pays traverse la pire crise économique de son histoire, avec un taux de chômage d'environ 30%, une monnaie locale en chute libre et de constantes coupures d'électricité.

"La vie est dure (...) la plupart des jeunes pensent à partir, mais moi je compte rester", confie cet artiste de 21 ans.

Il jette de la peinture sur d'immenses toiles murales. L'une représente une montagne d'ordures, symbolisant l'échec des autorités à traiter les déchets. Ou encore le navire dont la cargaison de nitrate d'ammonium a déclenché l'explosion dévastatrice dans le port de Beyrouth en 2020.

"Au lieu de vivre nos vies, nous passons notre temps à la recherche de produits de base nécessaires pour vivre", lance le jeune homme aux lunettes tâchées de peinture.

"On libère la colère qui est en nous à travers la peinture", dit-il.

«Exploit»

"Franchement, je ne peux décrire la réalité à l'extérieur de mon studio", lance l'artiste syrienne Dana Salameh dans son atelier en périphérie de Damas, en référence aux ravages causés par plus de onze ans de conflit en Syrie.

"J'essaie de prendre mes distances avec ça. Je ne sais pas pourquoi, peut-être que je fuis ou que je m'évade" comme ça avec la peinture, dit la jeune femme de 23 ans. Mais "le simple fait de vivre ici reste un exploit".

"Quand j'ai eu mon diplôme, je pensais que j'allais voyager. Mais ensuite, j'ai compris qu'il y avait beaucoup de belles choses que j'aimerais faire ici", dit-elle.

«Echappatoire»

A Gaza, la Palestinienne Jawaher al-Aqraa chante dans une école de musique tandis que des musiciens l'accompagnent à la guitare, au violon ou au oud.

"Nous vivons dans une société conservatrice" qui juge "honteux" le fait qu'une femme chante ou joue de la musique en public, déplore cette femme de 25 ans, également professeure d'anglais.

Sous contrôle du groupe islamiste Hamas, la bande de Gaza où vivent 2,3 millions de Palestiniens, est soumise depuis quinze ans à un blocus israélien. Ce territoire, où le chômage touche 74% des jeunes diplômés selon des chiffres palestiniens, a en outre connu quatre guerres depuis 2008.

La musique constitue un "échappatoire", explique Jawaher.

"Je ne veux pas me servir de la situation à Gaza comme prétexte à un éventuel échec (...) Je souhaite au contraire mettre à profit les difficultés pour être plus forte", dit-elle.

«Espoir»

L'Irakienne Qamar al-Ani, 21 ans, s'échappe de son quotidien avec son santour, un instrument à cordes oriental, loin de la crise politique à Bagdad qui a conduit à des affrontements meurtriers en août dernier.

"Nous avons toujours peur de l'avenir", reconnaît la musicienne.

L'Irak est miné par la corruption, des infrastructures défaillantes et des services publics en déliquescence. Le pays est aussi confronté à des pénuries d'eau alors que la sécheresse ravage de nombreuses régions.

Malgré la richesse pétrolière du pays, de nombreux Irakiens vivent dans la pauvreté et près de 35% des jeunes sont au chômage, selon l'ONU.

Qamar refuse cependant d'être pessimiste. "Je pense que nous vivons mieux aujourd'hui qu'il y a dix ans (...) Nous gardons espoir".

«Compter chaque shekel»

Dans un café de Jérusalem, l'artiste israélienne Shavit Vital réalise des modèles de tatouage sur une tablette.

Le conflit israélo-palestinien "est quelque chose qui définit très bien Israël", déclare cette femme de 22 ans.

Shavit explique faire des études pour devenir tatoueuse, mais sa "famille est religieuse et ne l'accepte pas".

Alors que le coût de la vie et l'inégalité des revenus augmentent dans son pays, elle dit qu'elle "ne cherche pas à devenir riche" mais que dans cinq ans, elle ne veut pas "avoir à compter chaque shekel (monnaie israélienne) et avoir du mal à joindre les deux bouts".


Diriyah: écrin d’histoire, une exposition qui transporte les parisiens au cœur de l’Arabie Saoudite

D’emblée, l’exposition plonge le public dans une expérience multisensorielle. Les projections géantes des portes sculptées des maisons de la cité, décorées de pigments minéraux aux motifs simples et joyeux, rappellent le raffinement discret de l’architecture locale. (Photo Arlette Khouri)
D’emblée, l’exposition plonge le public dans une expérience multisensorielle. Les projections géantes des portes sculptées des maisons de la cité, décorées de pigments minéraux aux motifs simples et joyeux, rappellent le raffinement discret de l’architecture locale. (Photo Arlette Khouri)
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  • D’emblée, l’exposition plonge le public dans une expérience multisensorielle
  • Les projections géantes des portes sculptées des maisons de la cité, décorées de pigments minéraux aux motifs simples et joyeux, rappellent le raffinement discret de l’architecture locale

PARIS: À peine franchi le seuil du Grand Palais Immersif à Paris, le visiteur de l’exposition « Diriyah : un écrin d’histoire » quitte le tumulte parisien pour se retrouver transporté au cœur de l’Arabie saoudite.
Le parcours débute par un long couloir aux murs sobres, délicatement éclairés, recouverts de tapis tissés artisanalement et ponctués de chants d’oiseaux.
À son terme, une porte massive en bois brut, sculptée selon la tradition ancestrale de Diriyah : l’immersion commence, dans une atmosphère d’apaisement et de sérénité.

D’emblée, l’exposition plonge le public dans une expérience multisensorielle. Les projections géantes des portes sculptées des maisons de la cité, décorées de pigments minéraux aux motifs simples et joyeux, rappellent le raffinement discret de l’architecture locale.
Plus loin, un salon inspiré des habitations traditionnelles accueille les visiteurs. Assis au son apaisant du oud, ils dégustent café et figues, un goûter authentique qui évoque l’hospitalité saoudienne.

L’exposition déroule ensuite une série d’images monumentales retraçant la vie quotidienne d’autrefois : cavalerie, danses, vannerie et artisanats. Mais le point d’orgue du parcours est une immersion totale d’environ quatre minutes dans les rues de Diriyah.
Le spectateur se retrouve au milieu des habitants, partagé entre marchés animés, activités agricoles et scènes de fête : une expérience surprenante, qui donne l’impression de voyager sans quitter Paris.

Diriyah ne se limite pas à son passé. Située aux portes de Riyad, elle est aujourd’hui au cœur de la Vision 2030 de l’Arabie saoudite, un vaste plan de développement qui fait du patrimoine et de la culture des leviers de rayonnement international.

Cette exposition n’est pas seulement une prouesse visuelle : elle incarne l’esprit d’une cité majeure de l’histoire saoudienne. Diriyah, berceau de l’État saoudien, est en effet le lieu où la dynastie Al Saoud a vu le jour au XVIIIᵉ siècle, au sein du site d’At-Turaif.
Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, At-Turaif est un ensemble exceptionnel de palais et de demeures en briques de terre crue, restaurés avec soin et visités aujourd’hui par des millions de personnes. Il permet de revivre les origines politiques et culturelles du Royaume.

Mais Diriyah ne se limite pas à son passé. Située aux portes de Riyad, elle est aujourd’hui au cœur de la Vision 2030 de l’Arabie saoudite, un vaste plan de développement qui fait du patrimoine et de la culture des leviers de rayonnement international.
Diriyah s’étend sur 11,7 km² et se compose de quartiers mêlant espaces résidentiels, commerciaux et culturels. Le projet de développement prévoit plus de 30 hôtels, des parcs, des zones de loisirs, ainsi que la création de 178 000 emplois.

Depuis son ouverture au public en 2022, Diriyah a déjà attiré plus de trois millions de visiteurs.

Parmi ses joyaux contemporains, les terrasses de Bujairi séduisent par leurs restaurants raffinés et leurs boutiques, tandis que le wadi Hanifa, une vallée verdoyante transformée en oasis moderne, invite à la promenade entre arbres nouvellement plantés, pistes cyclables et sentiers équestres.
Ce mélange de patrimoine et de modernité fait de Diriyah une destination unique, alliant mémoire historique, innovation et respect de l’environnement.

« Nous voulons que les visiteurs s’imprègnent pleinement de la vie de Diriyah, qu’ils ressentent son passé, son présent et son avenir », explique Saeed Abdulrahman Metwali, directeur général de la stratégie d’orientation touristique et du design.
Selon lui, l’expérience immersive proposée à Paris est une manière de donner un avant-goût de la richesse culturelle et humaine que Diriyah réserve à ses visiteurs : « À travers ces images, on découvre les habitants, les marchés, les maisons et l’âme de la cité. L’idée est d’offrir une perception vivante et authentique, qui incite à venir découvrir Diriyah sur place. »

Les chiffres confirment d’ailleurs cet engouement : depuis son ouverture au public en 2022, Diriyah a déjà attiré plus de trois millions de visiteurs.
L’objectif est ambitieux : en accueillir 50 millions d’ici 2030, grâce à une offre hôtelière et culturelle sans cesse enrichie.

L’exposition parisienne, de courte durée (du 12 au 14 septembre), illustre la volonté de Diriyah de s’ouvrir à l’international et témoigne de sa stratégie visant à se positionner comme un lieu mondial du tourisme culturel, où se conjuguent tradition et modernité.


Un documentaire met en lumière le patrimoine environnemental des monts Al-Arma

La chaîne de montagnes Al-Arma est située dans la réserve royale du roi Khalid, au nord-est de Riyad. (SPA)
La chaîne de montagnes Al-Arma est située dans la réserve royale du roi Khalid, au nord-est de Riyad. (SPA)
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  • Le film présente de superbes images panoramiques des montagnes d'Al-Arma
  • Le film sera diffusé sur la chaîne Thaqafiya et disponible sur la plateforme Shahid

RIYAD: L'Autorité de développement de la réserve royale Imam Abdulaziz bin Mohammed a annoncé la production d'un nouveau film documentaire sur les monts Al-Arma, un point de repère environnemental situé dans la réserve royale du roi Khalid, au nord-est de Riyad.

Sami Al-Harbi, directeur de la communication de l'autorité, a déclaré que le film présente des images panoramiques époustouflantes des monts Al-Arma, ainsi que des points de vue d'experts et de chercheurs qui discutent de leur importance environnementale et historique particulière.

Il a ajouté que le film sera diffusé sur la chaîne Thaqafiya et disponible sur la plateforme Shahid.

M. Al-Harbi a déclaré que cette production médiatique s'inscrivait dans le cadre des efforts déployés par l'autorité pour sensibiliser à l'environnement et promouvoir l'écotourisme durable, conformément aux objectifs de la Saudi Vision 2030.


Rare découverte d'un tableau de Rubens que l'on croyait disparu

Un tableau du célèbre peintre Pierre Paul Rubens (1577-1640), que l'on pensait disparu depuis 1613, a été retrouvé à Paris dans un hôtel particulier, a indiqué mercredi le commissaire-priseur à l'origine de cette découverte. (AP)
Un tableau du célèbre peintre Pierre Paul Rubens (1577-1640), que l'on pensait disparu depuis 1613, a été retrouvé à Paris dans un hôtel particulier, a indiqué mercredi le commissaire-priseur à l'origine de cette découverte. (AP)
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  • "C'est un chef d'oeuvre, un Christ en croix, peint en 1613, qui avait disparu, et que j'ai retrouvé en septembre 2024 lors de l'inventaire et de la vente d'un hôtel particulier du 6e arrondissement à Paris", a précisé à l'AFP Jean-Pierre Osenat
  • "C'est rarissime et une découverte inouïe qui marquera ma carrière de commissaire-priseur", a-t-il ajouté.

PARIS: Un tableau du célèbre peintre Pierre Paul Rubens (1577-1640), que l'on pensait disparu depuis 1613, a été retrouvé à Paris dans un hôtel particulier, a indiqué mercredi le commissaire-priseur à l'origine de cette découverte.

"C'est un chef d'oeuvre, un Christ en croix, peint en 1613, qui avait disparu, et que j'ai retrouvé en septembre 2024 lors de l'inventaire et de la vente d'un hôtel particulier du 6e arrondissement à Paris", a précisé à l'AFP Jean-Pierre Osenat, président de la maison de vente éponyme, qui mettra le tableau aux enchères le 30 novembre.

"C'est rarissime et une découverte inouïe qui marquera ma carrière de commissaire-priseur", a-t-il ajouté.

"Il a été peint par Rubens au summum de son talent et été authentifié par le professeur Nils Büttner", spécialiste de l'art allemand, flamand et hollandais du XVe au XVIe siècle et président du Rubenianum, un organisme situé à Anvers près de l'ancienne maison-atelier de Rubens et chargé de l'étude de son oeuvre, selon M. Osenat.

"J'étais dans le jardin de Rubens et je faisais les cent pas pendant que le comité d'experts délibérait sur l'authenticité du tableau quand il m'a appelé pour me dire +Jean-Pierre on a un nouveau Rubens !+", a-t-il raconté avec émotion.

"C'est tout le début de la peinture baroque, le Christ crucifié est représenté, isolé, lumineux et se détachant vivement sur un ciel sombre et menaçant. Derrière la toile de fond rocheuse et verdoyante du Golgotha, apparait une vue montrant Jérusalem illuminée, mais apparemment sous un orage", a-t-il détaillé.

Ce tableau "est une vraie profession de foi et un sujet de prédilection pour Rubens, protestant converti au catholicisme", a poursuivi M. Osenat, précisant que l'oeuvre est dans un "très bon état" de conservation.

Sa trace a été remontée à partir d'une gravure et il a été authentifié à l'issue d'une "longue enquête et d'examens techniques comme des radiographies et l'analyse des pigments", a encore précisé le commissaire-priseur.

Si le peintre a réalisé nombre de tableaux pour l'Eglise, ce chef d'oeuvre, d'une dimension de 105,5 sur 72,5 centimètres, était probablement destiné à un collectionneur privé. Il a appartenu au peintre académique du XIXe siècle William Bouguereau puis aux propriétaires de l'hôtel particulier parisien où il été retrouvé.