La livre passe sous 1,10 dollar après des annonces budgétaires coûteuses

L'économie britannique montre des signes d'affaiblissement: la Banque d'Angleterre comme l'indice PMI de l'activité du secteur privé prévoit une récession dès le troisième trimestre. (Photo, AFP)
L'économie britannique montre des signes d'affaiblissement: la Banque d'Angleterre comme l'indice PMI de l'activité du secteur privé prévoit une récession dès le troisième trimestre. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 23 septembre 2022

La livre passe sous 1,10 dollar après des annonces budgétaires coûteuses

  • Face à un dollar qui profite de la résistance de l'économie américaine et de son statut de valeur refuge, la livre a plongé de 2,71% à 1,0956 dollar, un niveau plus atteint depuis 1985
  • Le gel des prix de l'énergie au Royaume-uni, devrait coûter à elle seule 60 milliards de livres sur les six premiers mois

LONDRES: La livre passait vendredi sous le seuil symbolique de 1,10 dollar et approchait de son plus bas historique, les annonces budgétaires de Londres inquiétant les investisseurs sur la santé des finances publiques britanniques alors que le Royaume-Uni est peut-être déjà en récession.

Face à un dollar qui profite de la résistance de l'économie américaine et de son statut de valeur refuge, la livre a plongé de 2,71% à 1,0956 dollar vers 14H40 GMT (16H40 à Paris), un niveau plus atteint depuis 1985, année de son plus bas historique à 1,0520 dollar.

Gel du coût de l'énergie pour les particuliers et les entreprises, mais également baisse d'impôts: le plan détaillé vendredi par le gouvernement britannique pour renouer avec la croissance inquiète les investisseurs, alors que la mesure phare du "mini-budget", le gel des prix de l'énergie, devrait coûter à elle seule 60 milliards de livres sur les six premiers mois.

"Entre le Brexit, le retard de la Banque d'Angleterre pour remonter ses taux et maintenant la politique budgétaire, je pense que le Royaume-Uni restera dans l'Histoire comme une des pires gestions macroéconomiques d'un grand pays depuis longtemps", a accusé l'ancien secrétaire américain au Trésor, Larry Summers, qui voit potentiellement la livre atteindre la parité avec le dollar.

"La livre sterling est en danger", a mis en garde George Saravelos, analyste chez Deutsche Bank, qui note que la livre chute alors même que les taux d'emprunt de la dette britannique augmentent, "ce qui est très rare dans une économie développée".

"Nous nous inquiétons de voir la confiance des investisseurs dans le Royaume-Uni s'éroder rapidement", ajoute-t-il.

Et l'économie britannique montre des signes d'affaiblissement: la Banque d'Angleterre comme l'indice PMI de l'activité du secteur privé prévoient une récession dès le troisième trimestre.

Rouleau compresseur du dollar

Le plongeon vertigineux de la livre éclipsait presque la chute vendredi de l'euro, qui perdait 1,27% à 0,9711 dollar, un nouveau plus bas depuis 2002.

Depuis le début de l'année, face au rouleau compresseur du dollar, les pertes de l'euro sont de 14% et celles de la livre de 18%.

Directement affectées par la flambée du cours du gaz depuis le début de la guerre en Ukraine, les économies européennes accumulent les signes de faiblesse.

En zone euro, le recul de l'activité économique s'est aussi accéléré en septembre dans le secteur privé, selon l'indice PMI.

Un tableau morose qui détourne les investisseurs de l'euro et de la livre, malgré des hausses marquées des taux décidées en septembre par les banques centrales.

À l'inverse, "les États-Unis sont dans une position unique, avec une inflation élevée et une croissance qui persiste mieux qu'ailleurs, ce qui veut dire que la Réserve fédérale américaine (Fed) a à la fois des raisons et des moyens de remonter ses taux plus vite et plus loin que ses pairs", explique Mark Haefele, analyste chez UBS.

Le yen résiste

"La tendance de la paire euro-dollar ne va pas changer tant que l'appétit pour le risque est absent du marché en raison des inquiétudes sur le conflit Ukraine-Russie", ce qui profite au billet vert, valeur refuge, souligne Francesco Pesole, analyste chez ING.

Des référendums d'annexion par la Russie ont débuté vendredi dans quatre régions d'Ukraine contrôlées entièrement ou en partie par Moscou, des scrutins qui marquent une escalade du conflit et qualifiés de "simulacres" par Kiev et les Occidentaux.

Le yen reculait pour sa part de 0,51%, à 143,12 yens, résistant un peu mieux que les devises européennes.

Jeudi, la Banque du Japon a maintenu sa politique monétaire ultra-souple, mais le ministère des Finances a dit être intervenu sur le marché des changes pour soutenir le yen.

"Le mouvement a fonctionné, mais la question est de savoir pour combien de temps", prévient Ricardo Evangelista, analyste chez ActivTrades.

"Le maintien du soutien du yen nécessitera une intervention continue pendant une période prolongée et constituera un test pour la détermination et la capacité des autorités japonaises", juge-t-il.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".