Accord ou pas, le Brexit va secouer l'économie britannique

A256 à quelques kilomètres au nord de Douvres, dans le sud de l'Angleterre, un essai pour lutter contre les files d'attente de trafic post-Brexit vers le principal port du pays de Douvres. (AFP)
A256 à quelques kilomètres au nord de Douvres, dans le sud de l'Angleterre, un essai pour lutter contre les files d'attente de trafic post-Brexit vers le principal port du pays de Douvres. (AFP)
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Publié le Vendredi 06 novembre 2020

Accord ou pas, le Brexit va secouer l'économie britannique

  • Paperasse, contrôles aux frontières, casse-tête de nouvelles règlementations: voilà ce qui attend quoi qu'il arrive les entreprises britanniques après le 1er janvier
  • « Le commerce presque fluide entre le Royaume-Uni et l'UE sera remplacé par des barrières importantes. Cela aura inévitablement un effet sur l'économie »

LONDRES : Pour les milieux d'affaires britanniques, il n'est pas acquis mais vital pour éviter le chaos. Pourtant, un accord commercial post-Brexit sera loin d'être une panacée, et n'évitera pas un nouveau choc pour une économie en pleine pandémie.

Paperasse, contrôles aux frontières, casse-tête de nouvelles règlementations: voilà ce qui attend quoi qu'il arrive les entreprises britanniques après le 1er janvier.

Le Royaume-Uni fera « face au changement le plus important de son histoire moderne, accord ou pas », assure David Henig, responsable britannique du centre de recherche ECIPE (European Centre For International Political Economy).

« Le commerce presque fluide entre le Royaume-Uni et l'UE sera remplacé par des barrières importantes. Cela aura inévitablement un effet sur l'économie », dit-il à l'AFP.

Un accord de libre-échange, même avantageux, n'offrira jamais les mêmes bénéfices que l'appartenance au marché unique et à l'union douanière qui permet la libre circulation des biens.

Il pourrait s'accompagner de droits de douane, certes faibles, sur certains produits, comme le prévoit par exemple l'accord commercial tout juste conclu entre le Royaume-Uni et le Japon.

Avec l'UE, le commerce sera soumis à une série de formalités administratives, en particulier dans l'automobile ou l'alimentaire.

Les entreprises devront faire des déclarations douanières avant que le bien ne franchisse la frontière, sans quoi il ne pourra pas pénétrer dans l'UE.

Les biens échangés pourront faire l'obdet de vérifications. Quant à faire venir de la main d’œuvre européenne, ce sera plus difficile.

Le secteur financier va de son côté perdre son passeport européen qui lui permet de proposer ses services sur le continent. 

Si peu de grands bouleversements sont attendus dans l'immédiat sur les marchés financiers, les banques ont été nombreuses à transférer des actifs vers le continent et espèrent bénéficier d'un régime d'équivalence des réglementations.

« Sérieuses perturbations »

Le National Audit Office (NAO), organe chargé de contrôler les dépenses publiques, envisage de « sérieuses perturbations » dans le commerce avec l'UE, même en cas d'accord.

Selon lui, les préparatifs pour la mise en place de contrôles aux frontières ont été ralentis par la pandémie de coronavirus, les systèmes informatiques n'ont pas encore été testés et les zones de transit pour les camions ne sont pas prêtes.

Pour la Banque d'Angleterre (BoE), le Brexit va entraîner une baisse des exportations et une perturbation des chaînes d'approvisionnement, en réduisant au total de 1% le produit intérieur brut au premier trimestre de 2021, alors même que l'activité est déjà à genoux avec la pandémie et le reconfinement.

L'institution prévient qu'il faudra compter six mois pour que les entreprises s'adaptent même en cas d'accord.

Le précédent gouvernement conservateur avait lui évalué en novembre 2018 qu'un accord de libre-échange avec contrôles douaniers amputerait le PIB de 4,9% sur 15 ans, contre une baisse de 7,6% avec un « no deal ».

Le Premier ministre Boris Johnson est cependant persuadé que son pays pourra conclure des accords de livre-échange dans le monde et prospérer malgré la sortie de l'UE.

Si certains chefs d'entreprise s'affichent volontiers pro-Brexit, le monde économique n'a globalement pas caché sa frustration de ne pas être mieux accompagné.

La commission du Trésor du Parlement britannique a elle écrit en octobre au ministre des Finances Rishi Sunak pour fait part de ses inquiétudes sur le flou entourant les prochaines procédures douanières.

Les grandes entreprises ont pris leurs précautions, comme la chaîne de magasins Marks & Spencer qui a investi dans l'informatique et créé un centre spécialisé dans l'exportation vers l'Irlande.

Pour les PME, c'est plus difficile, si bien que leur fédération, la FSB, propose toute une série de conseils sur son site internet.

Sur le site internet des douanes, le gouvernement prévient dans son guide à destination des entreprises que « compléter une déclaration de douanes est compliqué et peut nécessiter un logiciel » adapté.

La BoE estime que les entreprises représentant 70% des exportations vers l'UE sont prêtes pour les contrôles douaniers.

Pour M. Henig, il est difficile d'avoir des certitudes sur le degré de préparation avant le jour J. « Nous saurons le 1er janvier ».

 


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.