Irak: à Najaf, on est «prêts» à obéir à Moqtada Sadr jusqu'au «martyre»

Moqtada Sadr, prononce un discours appelant ses partisans à se retirer du quartier gouvernemental de la capitale, depuis sa maison de Najaf, en Irak, le mardi 30 août 2022 (Photo, AP).
Moqtada Sadr, prononce un discours appelant ses partisans à se retirer du quartier gouvernemental de la capitale, depuis sa maison de Najaf, en Irak, le mardi 30 août 2022 (Photo, AP).
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Publié le Dimanche 09 octobre 2022

Irak: à Najaf, on est «prêts» à obéir à Moqtada Sadr jusqu'au «martyre»

  • Le 29 août, Moqtada Sadr a annoncé sur Twitter son «retrait définitif» de la politique. Impensable pour les partisans de celui qui se présente comme le champion de la «réforme» contre une classe politique qu'il qualifie de «corrompue»
  • S'il n'a jamais gouverné, Moqtada Sadr dispose de relais dans nombre de ministères et d'administrations, et ses millions de partisans lui obéissent au doigt à l'œil

NAJAF, Irak : Dans ce cimetière de Najaf, les tombes fraîchement creusées se comptent par dizaines: trente fidèles de Moqtada Sadr sont tombés au combat à Bagdad. Mais parmi les partisans du leader chiite on se dit toujours prêts au «martyre» si le chef «le souhaite».

Les partisans de l'impétueux dirigeant ont rangé kalachnikov et lance-roquettes. Pour le moment, seulement.

La semaine dernière, plus de trente fidèles du courant sadriste sont morts et près de 600 ont été blessés lors d'affrontements à Bagdad avec l'armée et des hommes du Hachd al-Chaabi, d'ex-paramilitaires pro-Iran intégrés aux troupes régulières.

Certains ont succombé à leurs blessures dans les jours ayant suivi les combats qui ont eu lieu entre lundi après-midi et mardi midi.

Au milieu des tombes, Moussa Abbas n'exclut pas de nouvelles violences et se dit prêt à mourir pour Moqtada Sadr, pilier incontournable de la scène politique depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, dans ce pays à majorité chiite.

«Le sang a été versé, mais il y en a encore beaucoup», dit à l'AFP cet homme de 21 ans. «Pour chaque martyr que nous perdons, dix autres prendront sa place».

Le 29 août, il a suffi d'une étincelle: Moqtada Sadr a annoncé sur Twitter son «retrait définitif» de la politique. Impensable pour les partisans de celui qui se présente comme le champion de la «réforme» contre une classe politique qu'il qualifie de «corrompue».

- «Etre enterré ici» -

Dès le Tweet de leur imprévisible leader, des milliers de sadristes se sont précipités dans la Zone verte pour prendre d'assaut le palais de la République, où se réunit le conseil des ministres.

Délogés à coups de gaz lacrymogène et de tirs à balles réelles, les sadristes ont quitté ce secteur de la capitale qui abrite ambassades et ministères. Puis les Brigades de la paix (du courant sadriste) ont ouvert les hostilités avec l'armée et le Hachd al-Chaabi.

Ce déchaînement de violence est le dernier épisode en date, et le plus sanglant, de la crise politique qui secoue l'Irak depuis les législatives d'octobre 2021.

Les barons chiites de la politique irakienne n'arrivent pas à s'entendre sur un nouveau Premier ministre et sur un nouveau gouvernement.

Mais les violences n'ont pas échaudé les partisans de Moqtada Sadr.

«Je suis prêt à devenir le premier martyr», dit Taleb Saad, 60 ans, qui a combattu la semaine dernière. «Mon souhait est d'être enterré ici», assure-t-il en pointant du doigt les fleurs en plastique et les portraits des tombes de «martyrs» sadristes.

Najaf est le fief de Moqtada Sadr qui tire une grande partie de sa légitimité de son père, le grand ayatollah Mohammed Mohammed al-Sadr, assassiné sous Saddam Hussein en 1999.

Ville sainte pour les chiites, située dans le centre de l'Irak, Najaf abrite le mausolée de l'imam Ali, gendre du prophète Mahomet et figure fondatrice de l'islam chiite.

-«Réconciliation impossible»-

S'il n'a jamais gouverné, Moqtada Sadr dispose de relais dans nombre de ministères et d'administrations.

Ses millions de partisans lui obéissent au doigt à l'œil. Un seul ordre de sa part a suffi pour mettre fin aux combats mardi.

Dans ce cimetière créé en 2004 pour accueillir les morts de l'Armée du Mehdi, un autre groupe armé fidèle à Moqtada Sadr, le deuil ne l'emporte pas.

«En tant que partisans, nous obéissons aux ordres de notre chef et commandant. Nous sommes prêts à faire tout ce qu'il nous demandera», assène Sadeq Jaber.

«Il y aura des martyrs tant que la classe dirigeante sera au pouvoir, les choses ne vont pas se calmer», lance-t-il.

La sortie de l'impasse politique est encore très éloignée. Moqtada Sadr et ses adversaires chiites pro-Iran du Cadre de coordination, vitrine politique du Hachd al-Chaabi, continuent à s'invectiver.

Moqtada Sadr veut la dissolution du Parlement et de nouvelles élections. Le Cadre réclame de nommer un nouveau chef de gouvernement, avant d'appeler les Irakiens aux urnes.

A Najaf, le clerc chiite Fadel al-Baderi, de tendance sadriste, prévient: «la réconciliation est impossible. On espère le meilleur, mais la réalité sur le terrain n'est pas très prometteuse».


Guerre au Soudan: l'arrêt d'un oléoduc menace d'ébranler le fragile Soudan du Sud

Des combattants du Mouvement de libération du Soudan, un groupe rebelle soudanais actif dans l'État du Darfour, qui soutient le chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhan, assistent à une cérémonie de remise de diplômes dans l'État de Gedaref, dans le sud-est du pays, le 28 mars 2024. (AFP).
Des combattants du Mouvement de libération du Soudan, un groupe rebelle soudanais actif dans l'État du Darfour, qui soutient le chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhan, assistent à une cérémonie de remise de diplômes dans l'État de Gedaref, dans le sud-est du pays, le 28 mars 2024. (AFP).
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  • L'arrêt d'un oléoduc stratégique dans le Soudan en guerre menace de déstabiliser son voisin sud-soudanais, privé de revenus pétroliers cruciaux pour la gestion du pays
  • La nouvelle a filtré avec la révélation d'un courrier daté du 16 mars adressé par le ministre soudanais de l'Energie et du Pétrole à ses partenaires chinois et malaisien

JUBA: L'arrêt d'un oléoduc stratégique dans le Soudan en guerre menace de déstabiliser son voisin sud-soudanais, privé de revenus pétroliers cruciaux pour la gestion du pays, l'un des plus pauvres au monde en proie à l'instabilité et aux violences politico-ethniques chroniques, estiment des experts.

La nouvelle a filtré avec la révélation d'un courrier daté du 16 mars adressé par le ministre soudanais de l'Energie et du Pétrole à ses partenaires chinois et malaisien, annonçant qu'"une rupture majeure" avait été constatée dans l'oléoduc transportant du pétrole brut depuis le Soudan du Sud jusqu'à la ville soudanaise de Port-Soudan.

Cette "rupture", qui remonte à février, a eu lieu dans une "zone d'opérations militaires" du conflit qui oppose depuis le 15 avril 2023 l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane aux Forces de soutien rapide (FSR, paramilitaires) du général Mohammed Hamdane Daglo, précise la lettre consultée par l'AFP.

"La résolution de ces problèmes est compliquée par les conditions de guerre actuelles" et "en tant que tel, le gouvernement du Soudan déclare un cas de force majeure qui nous empêche de remplir notre obligation de livrer du pétrole brut dans et via" l'oléoduc, concluait le ministre.

La "force majeure" consiste en une circonstance exceptionnelle, étrangère à la personne touchée, qui l'empêche d'honorer un contrat.

Le gouvernement sud-soudanais est jusqu'à présent resté silencieux sur cet épisode, qui vient pourtant ébranler le fragile équilibre du pays.

Le secteur pétrolier contribue à 90% de ses revenus et représente quasiment l'intégralité de ses exportations, selon la Banque mondiale.

« Crise économique imminente »

Mardi, le député Boutros Magaya, chef de la sous-commission parlementaire sur le pétrole, a sonné l'alarme.

"Nous sommes confrontés à une crise économique imminente à la suite de la récente déclaration de force majeure et l'arrêt de l'oléoduc par le gouvernement soudanais", a-t-il alerté dans un communiqué, faisant état d'informations indiquant que "cette fermeture pourrait s'étendre sur une période d'un an".

"Avec la perte de la majorité de notre revenu national, nous sommes confrontés à la sombre perspective d'un désastre humanitaire, d'une instabilité politique et de troubles de la sécurité dans notre État déjà fragile", ajoute-t-il.

Selon M. Magaya, la perte pourrait s'élever à au moins 100 millions de dollars par mois (92 millions d'euros).

"Cela entraînera d'importantes pertes de revenus, une augmentation des prix du marché, des pénuries de carburant, des pannes d'électricité prolongées, des perturbations dans les transports et d'autres services essentiels vitaux pour le bien-être de nos citoyens", insiste-t-il.

Cela pourrait également mener à une dépréciation de la monnaie, la livre sud-soudanaise, souligne le directeur du département d'économie de l'Université de Juba, Akol Maduok: "La situation va s'aggraver dans les deux ou trois prochains mois parce que la banque centrale pourrait manquer de réserves de change et ne pas être en mesure d'approvisionner le marché en devises fortes".

Cet épisode est une nouvelle conséquence du conflit chez le voisin soudanais, qui a fait des milliers de morts et contraint huit millions de personnes à fuir depuis un an.

Plus de 500.000 d'entre eux ont trouvé refuge au Soudan du Sud, venant aggraver une situation humanitaire déjà dramatique.

Environ 9 millions de personnes ont besoin d'assistance dans le pays, selon l'agence humanitaire de l'ONU.

Elections menacées 

Plus largement, c'est la stabilité du pays qui est menacée, prévient Boboya James Edimond, directeur exécutif de l'Institut pour la politique et la recherche sociale (ISPR), centre de réflexion basé à Juba, la capitale sud-soudanaise.

"Le gouvernement n'a pas été en mesure de payer les salaires des fonctionnaires depuis près de neuf mois quand le pétrole circulait", souligne-t-il, évoquant un scénario alarmiste: "Si le pétrole ne circule pas, il y aura un effondrement du gouvernement qui pourrait amener les citoyens à manifester et les militaires (qui n'ont pas non plus été payés depuis des mois, ndlr) sont susceptibles de les rejoindre".

La manne pétrolière est aussi très largement détournée à des fins politiques et d'enrichissement dans ce pays classé parmi les plus touchés par la corruption par l'ONG Transparency International (177e sur 180).

Alors que le pays doit tenir en décembre des élections déjà repoussées à plusieurs reprises, l'absence de ressources pour les organiser rend "très probable" l'hypothèse d'un nouveau report, estime Andrew Smith, analyste pour l'Afrique au cabinet de conseil en évaluation des risques Verisk Maplecroft.

"Tous les fonds qu'il (le gouvernement) recevra pour combler le déficit des revenus pétroliers seront désormais probablement destinés à apaiser l'élite politique, et non aux préparatifs électoraux qui manquaient déjà de ressources", estime-t-il.


Turquie: la reconquête d'Istanbul, obsession d'Erdogan

En 2019, après un scrutin annulé puis reprogrammé, Ekrem Imamoglu, candidat d'une coalition de partis d'opposition, avait remporté la ville, infligeant son pire revers électoral au chef de l'Etat, qui tenait la capitale économique de la Turquie dans son escarcelle depuis 1994. (AFP).
En 2019, après un scrutin annulé puis reprogrammé, Ekrem Imamoglu, candidat d'une coalition de partis d'opposition, avait remporté la ville, infligeant son pire revers électoral au chef de l'Etat, qui tenait la capitale économique de la Turquie dans son escarcelle depuis 1994. (AFP).
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  • En 2019, après un scrutin annulé puis reprogrammé, Ekrem Imamoglu, candidat d'une coalition de partis d'opposition, avait remporté la ville
  • "Istanbul est le joyau, le trésor, la prunelle des yeux de notre nation", a déclaréM. Erdogan lors d'un meeting dans la ville à sept jours des élections municipales du 31 mars

ISTANBUL: Reconquérir Istanbul, "le joyau de la nation" qui l'a fait roi, obsède le président turc Recep Tayyip Erdogan qui en fut le maire dans les années 1990 et assigne trente ans plus tard à son parti la mission de l'arracher dimanche à l'opposition.

En 2019, après un scrutin annulé puis reprogrammé, Ekrem Imamoglu, candidat d'une coalition de partis d'opposition, avait remporté la ville, infligeant son pire revers électoral au chef de l'Etat, qui tenait la capitale économique de la Turquie dans son escarcelle depuis 1994.

"Istanbul est le joyau, le trésor, la prunelle des yeux de notre nation", a déclaré M. Erdogan lors d'un meeting dans la ville à sept jours des élections municipales du 31 mars.

Au soir de sa réélection à la tête de la Turquie en mai dernier, le "Reis" ("Chef"), surnom qui remonte à ses années de maire d'Istanbul (1994-1998), avait dès son discours de victoire lancé la campagne des municipales.

"Sommes-nous prêts à remporter Istanbul ?", avait-il demandé à une foule enthousiaste, juché sur un bus devant sa résidence sur la rive asiatique de la ville.

A deux jours du scrutin, la reconquête d'Istanbul par son Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) apparaît comme l'enjeu ultradominant de ces municipales.

Le sondeur Erman Bakirci, de l'institut Konda, résume en un dicton l'importance de la ville, sise de part et d'autre du Bosphore, et qui représente à elle seule 30% du PIB du pays: "L'hiver n'arrive en Turquie que lorsqu'il neige à Istanbul", dit-il, rappelant la formule du président Erdogan selon laquelle "qui remporte Istanbul remporte la Turquie".

"Lorsque vous gouvernez Istanbul, vous servez et touchez près de seize millions de personnes, dont onze millions d'électeurs", développe-t-il. "Cela vous offre une opportunité politique énorme."


Offensive à Gaza, la CIJ ordonne à Israël d'assurer une aide «  d'urgence »

Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah (sud), ville considérée par Israël comme le dernier grand bastion du Hamas et où s'entassent 1,5 million de Palestiniens. (AFP).
Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah (sud), ville considérée par Israël comme le dernier grand bastion du Hamas et où s'entassent 1,5 million de Palestiniens. (AFP).
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  • Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah
  • "Il n'y a pas un autre endroit dans le monde où un aussi grand nombre de personnes font face à une famine imminente", a résumé sur X le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies

TERRITOIRES PALESTINIENS: L'offensive militaire israélienne contre le mouvement islamiste palestinien Hamas se poursuit vendredi dans la bande de Gaza alors que la Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné à Israël d'assurer "une aide humanitaire de toute urgence" à la population civile sur place, menacée de famine.

Les affrontements des derniers mois ont aussi exacerbé les tensions régionales entre Israël et "l'axe de la résistance", rassemblement de mouvements armés soutenus par son ennemi iranien et comprenant notamment le Hamas palestinien, le Hezbollah libanais et les Houthis yéménites.

Au moins 36 militaires syriens ont été tués dans une frappe israélienne qui a visé vendredi à l'aube la région d'Alep, dans le nord de la Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

D'après cette ONG basée au Royaume-Uni et qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie, la frappe a notamment visé "des dépôts de missiles relevant du Hezbollah libanais", qui combat aux côtés du régime syrien. Contactée par l'AFP depuis Jérusalem, l'armée israélienne a répondu "ne pas commenter" ces informations.

Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah (sud), ville considérée par Israël comme le dernier grand bastion du Hamas et où s'entassent 1,5 million de Palestiniens, en grande majorité déplacés par les hostilités.

« Famine imminente »

Outre le bilan humain et ces destructions, la guerre a provoqué une catastrophe humanitaire dans le territoire palestinien assiégé, où la majorité des 2,4 millions d'habitants sont désormais menacés de famine selon l'ONU qui déplore une aide insuffisante pour répondre aux besoins de la population.

"Il n'y a pas un autre endroit dans le monde où un aussi grand nombre de personnes font face à une famine imminente", a résumé sur X le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies.

Israël doit "veiller sans délai" à ce que soit assurée "sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l'aide humanitaire requis de toute urgence", a déclaré jeudi la Cour internationale de justice (CIJ) basée à La Haye.

Saisie par l'Afrique du Sud, la juridiction avait ordonné en janvier à Israël de faire tout son possible pour empêcher un "génocide" dans le territoire palestinien, Israël jugeant "scandaleuses" de telles accusations.

Dans la nuit, le Hamas s'est félicité de la décision de la CIJ et a demandé sa "mise en œuvre immédiate" afin qu'elle ne devienne pas "lettre morte".