Pour le Sénégal et la RDC, pas question de renoncer au pétrole et au gaz

Des mineurs se rendant dans la section A de la mine de Khutala Colliery à Kendal, Afrique du Sud (Photo, AFP).
Des mineurs se rendant dans la section A de la mine de Khutala Colliery à Kendal, Afrique du Sud (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 17 octobre 2022

Pour le Sénégal et la RDC, pas question de renoncer au pétrole et au gaz

  • Le Sénégal et la RDC ont récemment découvert des ressources pétrolières et gazières
  • «Il faut éviter de tomber dans l'arbitraire»

SAINT-LOUIS: Menace ou opportunité en or ? Logée dans l'Atlantique à une dizaine de kilomètres au large de Saint-Louis, à la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie, le terminal gazier se perd dans la brume de ce matin d'octobre.

Une pirogue de pêcheurs glisse sur le sable humide après une nuit en mer. "Pas beaucoup de poissons", peste El Hadji Gaye, qui regarde médusé les récentes installations venues rétrécir son horizon, qu'il croyait immuable.

Le Sénégal, comme la République démocratique du Congo (RDC), a récemment découvert des ressources pétrolières et gazières et nourrit grâce à elles l'espoir de richesse et d'industrialisation.

Ils ne veulent en aucun cas y renoncer, malgré la pression des pays occidentaux et l'arrêt par ces derniers du financement des projets d'exploitation des énergies fossiles à l'étranger au nom de la lutte contre le réchauffement climatique.

Le président sénégalais Macky Sall dénonce "une injustice" et déploie une diplomatie active pour justifier le début de l'exploitation à partir de 2023.

"N'étant pas les plus grands pollueurs puisque n'étant pas industrialisés, il serait injuste dans la recherche de solution (au réchauffement) qu'on veuille interdire à l'Afrique d'utiliser les ressources naturelles qui sont dans son sous-sol", a-t-il martelé en mai lors de la visite du chancelier allemand Olaf Scholz.

Et le message semble d'autant plus à même d'être écouté par les Européens que ceux-ci, frappés par la crise énergétique, cherchent à diversifier leurs approvisionnements depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. En témoigne la venue de M. Scholz.

Le Portugal a renoncé au charbon et joue son va-tout dans les renouvelables

Depuis un an, la fumée blanche ne s'échappe plus des deux tours de refroidissement de la dernière centrale à charbon du Portugal. Ce pays ibérique a renoncé à cette source d'énergie plus tôt que prévu et mise sur les renouvelables.

"Mon travail aujourd'hui consiste à fermer la centrale" de Pego, à 120 km au nord-est de Lisbonne, explique à l'AFP le chef opérateur Joao Furtado, parcourant les lieux avec une lampe torche à la main et un casque de sécurité sur la tête.

Les néons éteints et la poussière qui s'accumule témoignent de la mise en arrêt de la centrale en novembre 2021, presque 30 ans après son entrée en fonctionnement.

Après la fermeture début 2021 de la centrale de Sines, située à 90 km au sud de Lisbonne, le gouvernement a décidé de ne pas prolonger l'activité de celle de Pego et, avec huit ans d'avance sur le calendrier prévu, le Portugal est alors devenu le quatrième pays d'Europe à abandonner le charbon.

Urgence climatique 

Pourtant, la situation est "urgente", rappelle Aliou Ba, responsable de la campagne océan Greenpeace Afrique. L'objectif de contenir le réchauffement de la planète à 1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle semble déjà hors d'atteinte, les dégâts, irréversibles, et l'exploitation de ces ressources émettrices de gaz à effet de serre "va encore exacerber la situation", explique-t-il.

Pour François Gemenne, l'un des rapporteurs du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), "il est très difficile quand vous êtes pauvre de renoncer à un trésor, il faut donc proposer quelque chose de plus intéressant en face".

"Tout l’enjeu est que ces pays puissent choisir et fassent le choix d’une économie décarbonée", estime-t-il. "Et cela passe par le transfert de technologie et l'investissement dans le renouvelable, encore largement insuffisants".

L'offre "d'alternatives technologiques et financières conséquentes" pour la transition écologique était au coeur des discours des autorités congolaises lors de la pré-Cop organisée début octobre à Kinshasa.

En Afrique du Sud, le poids du charbon freine la transition

Le charbon est un pilier de l'économie sud-africaine, il emploie près de 100.000 personnes et fournit 80% de l'électricité. Mais son avenir est incertain: l'économie la plus industrialisée d'Afrique est appelée à se sevrer de ce combustible émetteur de carbone, pour faire sa part dans la lutte contre le réchauffement.

L'an dernier, le gouvernement a obtenu 8,5 milliards de dollars de prêts et subventions d'un groupe de pays riches pour financer la transition vers des solutions plus écologiques. Des négociations tendues sur la manière dont l'argent doit être dépensé devraient se conclure avant la COP27 de novembre en Egypte.

Pour les partisans de cette transition, ces sommes peuvent servir de catalyseur pour transformer le paysage énergétique de l'Afrique du Sud, l'un des douze plus gros pollueurs mondiaux. Mais une multitude de raisons font douter de sa capacité à avancer vite pour atteindre son objectif de zéro émission nette d'ici 2050.

Mais le gouvernement de cet immense pays d'Afrique centrale au coeur de la forêt tropicale défend aussi son droit à exploiter son pétrole et son gaz, malgré les critiques des organisations de défense de l'environnement qui mettent en garde contre la libération de grandes quantités de carbone.

Le Premier ministre congolais Jean-Michel Sama Lukonde a rappelé que certains pays européens étaient "retournés à l'usage des sources d'énergies polluantes qu'ils avaient préalablement bannies", comme le charbon.

Il faut éviter de "tomber dans l'arbitraire, avec certains Etats libres de poursuivre, voire d'augmenter leurs émissions, et d'autres empêchés d'exploiter leurs ressources naturelles", a-t-il demandé.

"C'est paradoxalement l'argent du pétrole perçu comme de l'argent sale qui nous permettra d'avoir suffisamment de moyens, de nous réapproprier notre souveraineté environnementale et de réduire nos émissions venant de la déforestation", plaide Tosi Mpanu Mpanu, négociateur de la RDC aux conférences climat des Nations unies.

Électrification 

Au Sénégal, les champs pétroliers et gaziers ne représentent respectivement que 0,07% et 0,5% des réserves mondiales, mais "elles sont assez importantes à l’échelle de notre pays pour changer radicalement son économie, son tissu industriel et donc ses perspectives d’avenir", dit à l'AFP la ministre du Pétrole Sophie Gladima.

"Le simple fait d’exploiter nos hydrocarbures va nous permettre non seulement d’accélérer l’accès universel à l’électricité, mais également et surtout baisser le coût des facteurs de production pour favoriser l’industrialisation du pays", assure-t-elle.

Elle invoque aussi les opportunités de création d'emplois. L’Institut national du pétrole et du gaz (INPG) a été créé pour former les jeunes à la maîtrise des compétences techniques requises.

Cet avenir imposé par l'Etat sénégalais, les pêcheurs de Saint-Louis s'en sentent exclus.

A mesure que l'exploitation approche, les autorités ont accru leur contrôle sur la future plateforme gazière. Un périmètre de sécurité a été établi et un bateau patrouille pour interpeller tout homme de la mer souhaitant franchir une barrière invisible.

"Ce lieu était celui où on trouvait le plus de poissons", affirme El Hadji Gaye. "Maintenant on est pris au piège parce qu'on ne peut plus y accéder, ni aller plus au nord, dans les eaux mauritaniennes", explique ce pêcheur de 39 ans, engoncé dans un gilet de sauvetage recouvrant son ciré vert.

Derrière lui, une quinzaine de ses camarades pousse leur pirogue multicolore sur la plage au rythme d'un chant revigorant, fruit des traditions centenaires du peuple de la langue de Barbarie.

"Moi, je ne sais faire que pêcher. Mes parents étaient pêcheurs. Mes grands parents aussi. Qu'est-ce que je vais devenir ? Que vont faire mes enfants ?" questionne El Hadji.

Il se retourne, observe ses amis, les vagues qui s'écrasent sur le rivage et plus loin, si proche, la plateforme qui trône sur l'Océan. A Saint Louis, les marins ne sont plus maîtres en leur royaume.


Washington cible l'Autorité palestinienne, en plein débat sur la reconnaissance d'un Etat de Palestine

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
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  • Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine

WASHINGTON: Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine.

L'annonce des sanctions américaines survient en effet au moment où de nombreux Etats, dont la France et le Canada, ont promis de reconnaître un Etat de Palestine en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre, provoquant la colère d'Israël et des Etats-Unis qui parlent d'une "récompense" faite au Hamas dans la bande de Gaza.

La France et l'Arabie saoudite ont co-présidé lundi et mardi à l'ONU une conférence internationale, plaidant ainsi pour la solution à deux Etats, israélien et palestinien, seul chemin pour parvenir à la paix au Proche-Orient.

Washington, qui rejette toute reconnaissance unilatérale d'un Etat palestinien, a décrit la conférence comme étant une "insulte" faite aux victimes de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Dans un communiqué jeudi, le département d'Etat américain a fait part de sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'OLP, sans les identifier, accusés notamment d'"internationaliser le conflit avec Israël".

Washington reproche aux deux institutions de "soutenir des actions au sein d'organisations internationales qui sapent et contredisent les engagements antérieurs" notamment à travers la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI).

Washington avait sanctionné en juin quatre magistrates de la CPI, estimant que leurs procédures visant l'exécutif israélien étaient "illégitimes" et "politisées".

Washington, principal allié d'Israël, accuse aussi l'OLP et l'Autorité palestinienne de "continuer à soutenir le terrorisme, y compris par l'incitation et la glorification de la violence" dans les livres scolaires, une accusation de longue date.

Les sanctions consistent en un refus de visa pour des membres des deux institutions.

- "Distorsion morale" -

"Il est dans l'intérêt de notre sécurité nationale d'imposer des sanctions et de tenir l'OLP et l'Autorité palestinienne responsables du non-respect de leurs engagements et de la remise en cause des perspectives de paix", a indiqué le département d'Etat.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, s'est aussitôt félicité de cette décision, jugeant que "l'Autorité palestinienne doit payer le prix de sa politique actuelle consistant à verser des indemnités aux terroristes et à leurs familles pour les attentats commis et pour l'incitation à la haine contre Israël dans les écoles, les manuels scolaires, les mosquées et les médias palestiniens".

Il a également relevé, sur X, que cette mesure "met en évidence la distorsion morale de certains pays qui se sont empressés de reconnaître un Etat palestinien virtuel tout en fermant les yeux sur le soutien de l'Autorité palestinienne au terrorisme et à l'incitation à la haine".

L'Autorité palestinienne, dont le président est Mahmoud Abbas, administre la Cisjordanie occupée, tandis que l'OLP, créée en 1964, est le mouvement fondateur représentant les Palestiniens, longtemps dirigée par leur leader historique Yasser Arafat.

L'OLP rassemble la majorité des mouvements politiques palestiniens mais pas le mouvement islamiste Hamas, qui s'est emparé du pouvoir à Gaza en 2007.

Des pays arabes et occidentaux voudraient voir l'Autorité palestinienne, très affaiblie, jouer un rôle dans la gouvernance de la bande de Gaza après la guerre qui y fait rage depuis octobre 2023.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président Donald Trump, qui a accueilli le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu par trois fois à la Maison Blanche, plus qu'aucun autre dirigeant étranger, a apporté un soutien inconditionnel à Israël, tout en oeuvrant sans succès pour un cessez-le-feu à Gaza.

Mais il s'est montré peu disert sur l'Autorité palestinienne, décriée pour le manque de réformes et la corruption.

Parmi ses premiers décrets, le président Trump avait levé des sanctions imposées sous son prédécesseur Joe Biden visant des colons israéliens extrémistes en Cisjordanie, en proie à une recrudescence des violences.


L'envoyé de Trump rencontre Netanyahu, Israël face à des critiques accrues

L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
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  • L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël
  • Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël

Jérusalem, Non défini: L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël.

Après 22 mois d'une guerre dévastatrice déclenchée par une attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023, la bande de Gaza est menacée d'une "famine généralisée" selon l'ONU et est totalement dépendante de l'aide humanitaire distribuée par camions ou larguée depuis les airs.

Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël, selon la Défense civile locale qui a fait état de 38 Palestiniens tués jeudi.

Plusieurs dizaines de corps gisaient empilés à la morgue de l'hôpital al-Chifa dans le nord de Gaza, dans l'attente d'être collectés par leurs proches, a constaté un correspondant de l'AFP.

"Le moyen le plus rapide de mettre fin à la crise humanitaire à Gaza est que le Hamas CAPITULE ET LIBÈRE LES OTAGES !!!", a déclaré le président américain Donald Trump sur X.

Rien n'a filtré de la rencontre entre MM. Witkoff et Netanyahu mais en début de semaine, M. Trump a semblé se distancer de son allié israélien en évoquant une "vraie famine" à Gaza.

Avant l'arrivée jeudi de l'émissaire de M. Trump, des dizaines de mères et proches d'otages encore aux mains du Hamas ont manifesté devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem, exigeant un "accord global" qui garantirait la libération des 49 otages encore détenus à Gaza, dont 27 ont été déclarés morts par l'armée.

- "Position minoritaire" -

L'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné du côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une offensive dévastatrice à Gaza qui a fait au moins 60.249 morts, en majorité des civils, d'après les données du ministère de la Santé à Gaza jugées fiables par l'ONU. La campagne aérienne et terrestre a dévasté le territoire et provoqué un désastre humanitaire.

Le chef de la diplomatie allemande Johann Wadephul a lui rencontré à Jérusalem son homologue israélien Gideon Saar, avant de rencontrer M. Netanyahu.

Avant de décoller pour Israël, M. Wadephul a estimé qu'Israël était "de plus en plus en position minoritaire", alors qu'un "nombre croissant de pays, y compris européens, sont prêts à reconnaître un Etat palestinien sans processus de négociation préalable".

Ces visites interviennent après la multiplication des alertes d'organisations internationales sur une famine à Gaza et l'échec de négociations indirectes, sous médiation américaine, qatarie et égyptienne, entre Israël et le Hamas en vue d'un cessez-le-feu.

Le gouvernement israélien a annoncé dimanche une pause limitée dans l'offensive afin de permettre l'acheminement de l'aide dans le petit territoire pauvre où s'entassent plus de deux millions de Palestiniens.

Mais ces aides sont jugées insuffisantes par les organisations internationales face aux besoins immenses de la population.

- "Pression déformée"

Le Portugal a indiqué jeudi envisager de reconnaître l'Etat de Palestine, après que plusieurs pays dont le Canada, la France et le Royaume-Uni ont annoncé leur intention de faire de même en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre.

Une telle reconnaissance reste néanmoins largement symbolique en raison du refus d'Israël de la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

Dans ce contexte, Israël a dénoncé une "campagne de pression internationale déformée" venant "récompenser le Hamas et nuire aux efforts visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza".

Les Etats-Unis, qui ont dénoncé les annonces sur la reconnaissance d'un Etat palestinien, ont imposé des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), accusant les deux organismes d'avoir pris des mesures pour "internationaliser leur conflit avec Israël" et de "continuer à soutenir le terrorisme".

Le gouvernement Netanyahu, qui veut chasser le Hamas de Gaza et a annoncé son intention de contrôler le territoire, semble peiner à trancher sur une solution politique d'après-guerre.

Dans ce contexte, la frange la plus radicale de sa coalition gouvernementale plaide pour un retour des colonies à Gaza, évacuées en 2005 avec le retrait unilatéral israélien du territoire après 38 ans d'occupation.

L'armée israélienne a par ailleurs annoncé le retrait du nord de Gaza de sa 98e Division, composée d'unités parachutistes et de commandos d'élite, qui a "se prépare désormais à de nouvelles missions".


Une experte de l’ONU : « La famine imposée à Gaza est une atteinte grave à la dignité humaine »

Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
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  • Alice Jill Edwards dénonce une privation prolongée de nourriture entraînant malnutrition, défaillances d’organes et décès, notamment chez les nourrissons et femmes enceintes
  • « Des règles changeantes, une distribution militarisée et l’incertitude permanente sur l’accès aux besoins de base provoquent désespoir, stress et traumatismes », alerte-t-elle

NEW YORK: La rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture, Alice Jill Edwards, a exprimé mercredi sa vive inquiétude face à l’augmentation du nombre de décès liés à la famine parmi les Palestiniens de Gaza.

Elle a qualifié la famine infligée aux civils de « meurtrière, inhumaine et dégradante », appelant à une aide humanitaire rapide et sans entrave vers l’enclave dévastée.

« Priver des gens de nourriture, d’eau et de dignité constitue une violation grave et répétée dans ce conflit. Cela doit cesser », a-t-elle déclaré, citant des rapports « choquants » de civils tués en faisant la queue pour se nourrir, et des cas généralisés de faim et de malnutrition.

Elle a alerté sur un risque croissant de famine généralisée à Gaza, soulignant que toutes les parties au conflit ont des obligations juridiques, au regard du droit international, d’assurer un accès à l’eau et à la nourriture pour les civils sous leur contrôle, et de faciliter l’aide humanitaire.

« Ils ne doivent ni voler, ni détourner, ni bloquer délibérément l’acheminement de l’aide », a-t-elle averti.

Elle a décrit les « conséquences physiologiques catastrophiques » de la privation prolongée de calories : malnutrition, défaillance d’organes et décès, touchant particulièrement les groupes vulnérables comme les nourrissons et les femmes enceintes.

« L’impact psychologique d’un tel déni est d’une cruauté intrinsèque », a-t-elle poursuivi.

« Des règles constamment changeantes, des distributions militarisées, et une incertitude quotidienne sur l’accès aux besoins fondamentaux plongent les gens dans un désespoir et une détresse extrêmes. »

Elle a salué l’annonce par Israël de pauses humanitaires permettant au Programme alimentaire mondial d’opérer pendant trois mois, tout en soulignant que « davantage doit être fait » pour mettre fin aux hostilités et établir une paix durable fondée sur la solution à deux États.

« Personne ne devrait subir l’humiliation de devoir mendier pour se nourrir, surtout quand des stocks suffisants sont disponibles », a-t-elle déclaré.

Edwards a également renouvelé son appel à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, à la libération des Palestiniens détenus arbitrairement, et à la mise en place d’enquêtes indépendantes sur les allégations de torture, de mauvais traitements et d’éventuels crimes de guerre, de la part de toutes les parties.

Elle a indiqué avoir exprimé ses préoccupations à plusieurs reprises aux autorités concernées et continuer de réclamer une pleine reddition de comptes.

Les rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ils sont indépendants, ne sont pas membres du personnel des Nations unies et travaillent bénévolement.