60 ans après la crise de Cuba, l'idée d'une guerre nucléaire de nouveau plausible

Un missile antichar «Moon» déployé pendant la crise des missiles de 1962 est exposé au complexe Morro Cabana à La Havane le 22 octobre 2022. (AFP)
Un missile antichar «Moon» déployé pendant la crise des missiles de 1962 est exposé au complexe Morro Cabana à La Havane le 22 octobre 2022. (AFP)
Le cargo soviétique «Anosov» transporte des missiles depuis Cuba le 9 novembre 1962, conformément à l'accord américano-soviétique visant à mettre fin à la crise des missiles cubains. (fichier AFP)
Le cargo soviétique «Anosov» transporte des missiles depuis Cuba le 9 novembre 1962, conformément à l'accord américano-soviétique visant à mettre fin à la crise des missiles cubains. (fichier AFP)
Des marines américains reçoivent un briefing à leur arrivée à la base navale américaine de Guantanamo Bay à Cuba le 25 octobre 1962. (fichier AFP)
Des marines américains reçoivent un briefing à leur arrivée à la base navale américaine de Guantanamo Bay à Cuba le 25 octobre 1962. (fichier AFP)
Le président américain John Fitzgerald Kennedy quitte une église à Washington DC après avoir assisté à la messe du 28 octobre 1962, au plus fort de la crise des missiles cubains. (AFP)
Le président américain John Fitzgerald Kennedy quitte une église à Washington DC après avoir assisté à la messe du 28 octobre 1962, au plus fort de la crise des missiles cubains. (AFP)
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Publié le Jeudi 20 octobre 2022

60 ans après la crise de Cuba, l'idée d'une guerre nucléaire de nouveau plausible

  • Les menaces nucléaires du président russe Vladimir Poutine en Ukraine font ressurgir le péril d'une confrontation nucléaire et cette fois-ci, les experts sont moins certains qu'il existe une façon de s'en sortir
  • Contrairement à 1962, le monde est aujourd'hui confronté à plusieurs poudrières atomiques: la Corée du Nord qui se prépare à un nouvel essai nucléaire, l'Inde et le Pakistan encore en conflit larvé, et l'Iran qui a relancé son programme nucléaire

WASHINGTON: Pendant 60 ans, la crise des missiles de Cuba a montré à quel point le monde s'est trouvé proche d'une guerre nucléaire, mais aussi l'habileté des dirigeants qui ont réussi à l'éviter.

Les menaces nucléaires du président russe Vladimir Poutine en Ukraine font ressurgir le péril d'une confrontation nucléaire et cette fois-ci, les experts sont moins certains qu'il existe une façon de s'en sortir.

Joe Biden a prévenu début octobre que la planète était confrontée au risque nucléaire pour la première fois depuis 1962, notant que M. Poutine "ne plaisantait pas" en proférant ces menaces, tandis que son armée s'était révélée "très peu performante" en Ukraine.

"Nous n'avons pas été confrontés à la perspective d'une apocalypse depuis Kennedy et la crise des missiles cubains" en 1962, a insisté le président américain.

Il s'est interrogé sur "les portes de sortie" que pourrait emprunter M. Poutine, mais rien ne dit que le président russe ait cette intention.

"Je pense que cette situation, plus qu'aucune depuis 1962, peut dégénérer jusqu'à l'usage d'armes nucléaires", estime George Perkovich, du Carnegie Endowment for International Peace.

"Cela fait 40 ans que je travaille dans ce domaine et c'est la situation la plus délicate que j'aie vue, parce qu'on a une puissance nucléaire, la Russie, dont le dirigeant a défini la situation comme existentielle", ajoute-t-il.

Nucléaire: ces fois où le monde a cru frôler la catastrophe

Il y a soixante ans lors de la crise des missiles à Cuba, le monde a cru frôler la catastrophe nucléaire.

A l'heure où le président russe Vladimir Poutine laisse planer la menace d'un recours à l'arme atomique dans la guerre qu'il mène à l'Ukraine, retour sur certains de ces potentiels moments de bascule.

Cuba, la plus grosse frayeur 

En octobre 1962, au plus fort de la Guerre froide, une épreuve de force de treize jours oppose le jeune président américain John Kennedy et le chef du gouvernement de l'Union soviétique Nikita Khrouchtchev. Des photos prises par un avion espion américain révèlent la présence à Cuba, allié de Moscou, de rampes soviétiques de lancement de missiles, à portée des côtes américaines.

Jugeant possible une "frappe nucléaire contre l'hémisphère occidental", Kennedy décide la mise en quarantaine de l'île, avec un blocus maritime.

Les forces stratégiques sont placées en état d'alerte maximum, niveau précédant juste le déclenchement de la guerre nucléaire. Des centaines de bombardiers atomiques patrouillent le ciel et des missiles intercontinentaux sont armés.

Les navires soviétiques rebroussent chemin et un accord entre les deux puissances se prépare en coulisses: retrait des missiles soviétiques contre retrait des missiles américains en Turquie. C'est alors qu'un avion-espion américain U-2 est abattu au-dessus de Cuba.

Kennedy envoie son frère Robert, ministre de la Justice, négocier avec l'ambassadeur soviétique. Khrouchtchev accepte de retirer ses missiles. Washington promet de ne pas envahir Cuba, et secrètement de retirer ses fusées de Turquie.

Après cette crise, un "téléphone rouge" est mis en place en 1963, permettant à la Maison Blanche et au Kremlin de communiquer directement.

Un épisode moins connu s'est déroulé pendant cette crise. Le 27 octobre 1962, l'officier Vasili Arkhipov est à bord d'un sous-marin soviétique équipé d'armes nucléaires, qui se retrouve ciblé par la marine américaine au large de Cuba.

Ne sachant pas que les Américains utilisent des charges inertes pour obliger le sous-marin à faire surface, le commandant soviétique décide de riposter avec une torpille nucléaire, ce qu'il est autorisé à faire sans en référer à Moscou. Il lui faut cependant l'accord de deux autres officiers, dont Arkhipov, qui s'y oppose et parvient à calmer son supérieur (source: média officiel russe).

Alarme trompeuse en URSS 

Dans la nuit du 25 au 26 septembre 1983, à un moment de grande tension entre l'URSS et les Etats-Unis, un officier soviétique est de garde sur une base d'alerte stratégique au sud de Moscou. Stanislav Petrov dispose de quelques instants pour interpréter le signal d'alarme des satellites de surveillance annonçant l'attaque de cinq ou six missiles américains contre l'URSS.

Petrov estime alors qu'une attaque américaine devrait impliquer une centaine de missiles et pas cinq ou six. Il conclut qu'il s'agit d'une erreur des systèmes d'alerte. Il prend sur lui d'annoncer à ses supérieurs non pas une attaque imminente, mais une fausse alerte.

Par la suite, les spécialistes soviétiques ont établi que celle-ci était due à une interprétation erronée de la réflexion des rayons du Soleil sur les nuages, confondue avec le dégagement d'énergie de missiles au décollage. Petrov sera décoré quelques mois plus tard "Pour mérites rendus à la Patrie", mais l'incident restera secret pendant dix ans.

Inde et Pakistan, la crise la plus récente 

En mai 2002, l'Inde et le Pakistan, qui se disputent le Cachemire depuis leur partition en 1947, sont au bord d'un nouvel affrontement.

L'Inde attribue à des islamistes venus du Pakistan une attaque suicide contre le Parlement de New Delhi le 13 décembre 2001, qui a fait quatorze morts.

Les deux pays, puissances atomiques depuis 1998, mobilisent près d'un million d'hommes à leurs frontières, notamment au Cachemire.

En avril 2002, le président pakistanais Pervez Musharraf envisage "le recours à l'arme nucléaire" si son pays était menacé de disparition.

Pendant deux ans, New Delhi et Islamabad se répondent à coups d'essais de missiles puis s'engagent sous la pression de Washington dans une désescalade, aboutissant à un cessez-le-feu en novembre 2003 et à un processus de dialogue en 2004.

Autres incidents 

Un transfuge du KGB, le colonel Oleg Gordievski, révèle en 1988 que les dirigeants soviétiques ont failli déclencher la guerre atomique cinq ans plus tôt, en novembre 1983, lorsque, pris de panique, ils ont cru que l'Occident s'apprêtait à lancer une attaque nucléaire surprise contre l'URSS. Il ne s'agissait en fait que d'exercices effectués par l'Otan.

Parmi d'autres incidents de ce type, la valise nucléaire du président russe Boris Eltsine fut mise en alerte le 25 janvier 1995, quand les radars russes assimilèrent un lancement de fusée météorologique norvégienne à un tir offensif potentiel. Un "malentendu", dira Moscou une semaine plus tard.

Contrairement à 1962, le monde est aujourd'hui confronté à plusieurs poudrières atomiques: la Corée du Nord qui se prépare à un nouvel essai nucléaire, l'Inde et le Pakistan encore en conflit larvé, et l'Iran qui a relancé son programme nucléaire.

Mais l'Ukraine représente un risque unique, car le conflit oppose indirectement les deux principales puissances nucléaires. Si la Russie devait employer l'arme atomique, il devrait s'agir d'une arme nucléaire tactique, plus faible que celles dites "stratégiques". Mais M. Biden a prévenu qu'il serait difficile d'utiliser une arme nucléaire "sans finir par provoquer l'apocalypse".

M. Poutine, qui questionne la légitimité historique d'une Ukraine indépendante, a formellement annexé quatre régions du pays et suggéré qu'une attaque contre un territoire russe "annexé" ou une intervention occidentale directe dans le conflit pourrait conduire la Russie à faire usage de l'arme nucléaire.

Des enjeux plus importants 

La guerre en Ukraine diffère nettement de la crise des missiles de Cuba: la question était alors de savoir comment éviter une guerre mondiale après la découverte sur l'île, en octobre 1962, de missiles nucléaires soviétiques pointés en direction des Etats-Unis.

Les alliés européens de Washington ne comprenaient pas à l'époque la fixation des Etats-Unis sur Cuba, une île située à moins de 150 km des côtes de la Floride, et dont l'histoire est riche en interventions américaines.

Mais "l'Ukraine est bien plus importante pour les alliés des Etats-Unis que Cuba ne l'était", note Marc Selverstone, historien de la Guerre froide à l'université de Virginie. "Poutine paraît vouloir modifier les frontières en Europe et c'est terrifiant pour les Européens."

En 1962, les objectifs du numéro un soviétique Nikita Khrouchtchev, bien qu'importants, étaient plus limités que ceux de Vladimir Poutine aujourd'hui: Moscou cherchait à concurrencer les Etats-Unis en termes d'armements et à obtenir une monnaie d'échange avec l'Occident au sujet de Berlin.

A quelques jours d'élections de mi-mandat, les enjeux politiques étaient élevés pour le président John F. Kennedy, embarrassé par l'échec un an plus tôt du débarquement de la Baie des Cochons, supposé renverser le régime révolutionnaire de Fidel Castro.

Mais Kennedy rejeta les appels de certains de ses conseillers à mener des frappes aériennes contre Cuba et choisit plutôt d'imposer un blocus naval à l'île, en l'appelant une "quarantaine", terme jugé moins menaçant.

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Le président américain John Fitzgerald Kennedy quitte une église à Washington DC après avoir assisté à la messe du 28 octobre 1962, au plus fort de la crise des missiles cubains. (AFP)

Moscou démantela les sites de missiles lorsque le président américain fit la promesse de retirer des missiles de Turquie et d'Italie.

"Pour Kennedy, le plus important était de réduire le risque de confrontation nucléaire", explique Marc Selverstone. "Je ne sais pas si c'est la priorité de Vladimir Poutine aujourd'hui. En fait, il semble faire monter les enchères."

«Positions maximalistes»

Comme en 1962, les alliés sur le terrain des deux puissances nucléaires ajoutent un degré d'incertitude à la situation.

Le 27 octobre 1962, alors que Khrouchtchev et Kennedy communiquaient par messagers interposés, un avion espion américain U-2 fut abattu au-dessus de Cuba, et son pilote fut tué.

Kennedy ignora les appels à riposter, supposant - correctement, comme l'Histoire le démontra - que l'ordre de tirer n'avait pas été donné par les soviétiques mais par Cuba.

Khrouchtchev annonça un accord avec les Etats-Unis le lendemain. Son fils raconta par la suite qu'il craignait que la situation échappe à tout contrôle.

En Ukraine, le président Volodymyr Zelensky a promis de capitaliser sur les succès militaires de ses forces et de reprendre tout le territoire occupé par Moscou.

Les Etats-Unis ont débloqué des milliards de dollars d'aide militaire à l'Ukraine mais M. Biden s'est abstenu d'envoyer à Kiev des missiles capables d'atteindre le territoire russe, expliquant vouloir éviter une "Troisième Guerre mondiale".

"Zelensky et Poutine ont tous les deux adopté des positions maximalistes, faisant monter les enchères, alors qu'en 1962, Kennedy et Khrouchtchev les faisaient baisser", souligne Marc Selverstone.

Pour George Perkovich, qui a travaillé avec Joe Biden lorsque celui-ci était sénateur, le président américain est aussi calme et rompu aux précédents historiques que d'autres en temps de crise.

Mais l'époque est différente. En 1962, la Russie avait accepté de garder secrète la décision américaine de retirer des missiles de Turquie, consciente des risques politiques pour Kennedy.

"De nombreuses crises dans l'Histoire ont été résolues grâce à une diplomatie secrète", ajoute George Perkovich. Avec les médias, les réseaux sociaux, "vous imaginez aujourd'hui pouvoir garder le secret sur un accord comme celui-là?"


Au moins neuf morts dans l'accident d'un avion-cargo aux États-Unis

Au moins neuf personnes sont mortes dans l'accident d'un avion-cargo qui s'est écrasé mardi peu après son décollage de Louisville, dans le centre-est des Etats-Unis, a annoncé mercredi le gouverneur du Kentucky. (AFP)
Au moins neuf personnes sont mortes dans l'accident d'un avion-cargo qui s'est écrasé mardi peu après son décollage de Louisville, dans le centre-est des Etats-Unis, a annoncé mercredi le gouverneur du Kentucky. (AFP)
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  • "Kentucky, d'autres nouvelles déchirantes nous parviennent de Louisville. Le nombre de victimes s'élève désormais à au moins 9, et pourrait encore augmenter. En ce moment, ces familles ont besoin de prières, d'amour et de soutien"
  • L'accident a également fait au moins 11 blessés. Le gouverneur de l'Etat tiendra une conférence de presse à 11H30, heure locale (16H30 GMT)

WASHINGTON: Au moins neuf personnes sont mortes dans l'accident d'un avion-cargo qui s'est écrasé mardi peu après son décollage de Louisville, dans le centre-est des Etats-Unis, a annoncé mercredi le gouverneur du Kentucky.

"Kentucky, d'autres nouvelles déchirantes nous parviennent de Louisville. Le nombre de victimes s'élève désormais à au moins 9, et pourrait encore augmenter. En ce moment, ces familles ont besoin de prières, d'amour et de soutien", a écrit sur X le gouverneur de l'Etat, Andy Beshear.

L'accident a également fait au moins 11 blessés. Le gouverneur de l'Etat tiendra une conférence de presse à 11H30, heure locale (16H30 GMT).

Le vol UPS 2976, qui devait rejoindre Hawaï, "s'est écrasé vers 17H15 heure locale" (22H15 GMT) mardi, selon le régulateur américain de l'aviation, la FAA. L'appareil était un McDonnell Douglas MD-11.

L'avion avait "trois membres d'équipage à son bord", a déclaré dans un communiqué le transporteur UPS, dont le siège de la division aérienne est installé à Louisville.

L'appareil aurait percuté "de manière assez directe" une installation de recyclage de pétrole, a précisé le gouverneur.

Une vidéo amateur partagée par la chaîne locale WLKY montre le moteur gauche de l'avion en feu tandis que l'appareil rase le sol en tentant de décoller de la piste, avant visiblement d'exploser plus loin, provoquant un large panache de fumée noire.

L'appareil a terminé sa course à près de 5 km de l'aéroport, selon la police.

Des images aériennes de télévisions locales montraient aussi, peu après le crash, un large brasier s'étalant sur plusieurs centaines de mètres de long dans une zone de hangars et de parkings, avec les gyrophares des équipes de secours à proximité.

Les vols, annulés mardi soir, ont été rétablis à l'aéroport international Mohamed-Ali de Louisville, a annoncé mercredi matin sur X le maire de la ville, Craig Greenberg.

UPS a annoncé mercredi via un communiqué suspendre toutes les opérations de tri des colis sur place, pour la deuxième journée consécutive.

Louisville sert de principal hub aérien américain pour UPS, selon une fiche d'information de l'entreprise.

Paralysie budgétaire 

Les enquêteurs de l'Agence américaine de sécurité des transports (NTSB) doivent arriver mercredi sur place.

L'accident de mardi intervient au moment où les conséquences de la paralysie budgétaire, due à un désaccord entre républicains et démocrates au Congrès, se font particulièrement ressentir dans le domaine du transport aérien.

Depuis plusieurs semaines, des pénuries de contrôleurs aériens - qui travaillent depuis le 1er octobre sans être payés - entraînent retards et annulations de vols à travers le pays.

Si la paralysie budgétaire se prolonge au-delà de cette semaine, l'espace aérien américain pourrait même être partiellement fermé, a mis en garde mardi le ministre des Transports, Sean Duffy.

UPS Airlines, la division aérienne du groupe américain de messagerie et de livraison de colis, opérait début septembre une flotte d'environ 500 avions de transport de marchandises, dont 27 MD-11, l'appareil impliqué dans l'accident de mardi.

Le dernier accident aérien majeur aux Etats-Unis s'est produit le 29 janvier dernier à proximité de l'aéroport Ronald-Reagan de Washington, quand un hélicoptère militaire est entré en collision avec un avion de ligne sur le point d'atterrir, tuant 67 personnes au total.


Mamdani élu maire de New York, soirée de revers pour Trump

Le socialiste Zohran Mamdani a remporté mardi la mairie de New York au terme d'une soirée d'élections locales dans lesquelles Donald Trump a essuyé plusieurs revers, un message de défiance à un an des élections de mi-mandat. (AFP)
Le socialiste Zohran Mamdani a remporté mardi la mairie de New York au terme d'une soirée d'élections locales dans lesquelles Donald Trump a essuyé plusieurs revers, un message de défiance à un an des élections de mi-mandat. (AFP)
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  • L'élu local de 34 ans, opposant résolu au président américain, a largement devancé son principal adversaire, l'ancien gouverneur de l'Etat, le centriste Andrew Cuomo, selon les projections de plusieurs médias
  • Zohran Mamdani deviendra le 1er janvier le premier maire musulman de la plus grande ville des Etats-Unis

NEW YORK: Le socialiste Zohran Mamdani a remporté mardi la mairie de New York au terme d'une soirée d'élections locales dans lesquelles Donald Trump a essuyé plusieurs revers, un message de défiance à un an des élections de mi-mandat.

L'élu local de 34 ans, opposant résolu au président américain, a largement devancé son principal adversaire, l'ancien gouverneur de l'Etat, le centriste Andrew Cuomo, selon les projections de plusieurs médias.

Zohran Mamdani deviendra le 1er janvier le premier maire musulman de la plus grande ville des Etats-Unis.

Sa victoire a été accueillie par des cris de joie et parfois les larmes de ses partisans réunis dans une grande salle rococo des années 1920 du centre de Brooklyn.

"En cette période d'obscurité politique, New York sera la lumière", leur a lancé le jeune élu, ajoutant que la ville pouvait "montrer à une nation trahie par Donald Trump comment le vaincre".

L'ancien président démocrate Bill Clinton, dont M. Cuomo a fait partie de l'administration, a souhaité au vainqueur de "transformer l'élan de (sa) campagne" pour construire "un New York meilleur, plus juste et plus abordable".

"L'avenir s'annonce un peu meilleur", a commenté pour sa part Barack Obama, évoquant les différentes victoires démocrates de la soirée.

Participation record 

Donald Trump, qui a fait de Zohran Mamdani l'une de ses nouvelles bêtes noires, a lui aussi rapidement réagi. Dans un message publié sur son réseau Truth Social, il a cité des "sondeurs" anonymes affirmant que les défaites républicaines étaient dues à la paralysie budgétaire -- le  "shutdown" -- et au fait que son propre nom ne figurait pas sur les bulletins de vote.

Plus tôt dans la journée, il avait appelé les électeurs juifs à faire barrage au candidat, militant de la cause palestinienne. En réponse, Zohran Mamdani s'est de nouveau engagé, dans son discours de victoire, à "bâtir une mairie qui (...) ne faiblira pas dans la lutte contre le fléau de l'antisémitisme".

Vainqueur surprise de la primaire démocrate en juin, l'élu du Queens à l'Assemblée de l'Etat de New York n'a jamais, depuis lors, quitté la tête des sondages, même après le retrait de la course du maire sortant Eric Adams, qui a également appelé à le battre en ralliant Andrew Cuomo.

Signe de l'engouement pour le scrutin, avant la fermeture des bureaux de vote à 21H00, plus de deux millions d'électeurs s'étaient rendus aux urnes, la plus importante participation depuis près de 60 ans.

Né en Ouganda dans une famille d'intellectuels d'origine indienne, arrivé aux Etats-Unis à sept ans et naturalisé en 2018, Zohran Mamdani a fait de la lutte contre la vie chère le coeur de sa campagne.

Si Donald Trump l'a qualifié de "communiste", ses propositions -- encadrement des loyers, bus et crèches gratuits -- relèvent plutôt de la social-démocratie.

Autres victoires démocrates 

Très populaire auprès des jeunes, le futur maire a également ramené à lui de nombreuses personnes qui s'étaient éloignées de la politique, "des électeurs frustrés par le status quo, en quête de nouvelles personnalités", selon le politologue Costas Panagopoulos.

"Si Zohran Mamdani devient maire, Trump n'en fera qu'une bouchée", a prédit Andrew Cuomo avant le verdict mardi, insistant, comme il l'a fait durant toute la campagne, sur l'inexpérience de son adversaire.

Plusieurs fois, le président républicain a promis de mettre des bâtons dans les roues du jeune candidat démocrate s'il était élu, en s'opposant au besoin au versement de certaines subventions fédérales à la ville.

Voisin de New York, l'Etat du New Jersey a choisi la démocrate Mikie Sherrill contre l'homme d'affaires républicain Jack Ciattarelli. L'Etat a longtemps été considéré comme un bastion démocrate. Mais à la dernière présidentielle, Donald Trump y avait considérablement réduit l'écart.

Plus au sud sur la côte est, la Virginie a élu la première femme à sa tête, la démocrate Abigail Spanberger, battant la républicaine Winsome Earle-Sears.

Enfin, les Californiens ont approuvé un texte visant à redécouper leur carte électorale en faveur des démocrates, qui cherchent à compenser ce qu'ont fait au Texas les républicains sous la pression de Donald Trump.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".