Au Kosovo, la guerre en Ukraine exacerbe les divisions

Cette photo prise le 19 septembre 2022 montre une peinture murale sur laquelle on peut lire «Les Serbes pour les Russes, pour la liberté, pour la victoire» et représentant un char avec la lettre «Z», l'insigne tactique des troupes russes en Ukraine, dans le nord de Mitrovica, où vit une majorité ethnique serbe. Photo par Armend NIMANI / AFP)
Cette photo prise le 19 septembre 2022 montre une peinture murale sur laquelle on peut lire «Les Serbes pour les Russes, pour la liberté, pour la victoire» et représentant un char avec la lettre «Z», l'insigne tactique des troupes russes en Ukraine, dans le nord de Mitrovica, où vit une majorité ethnique serbe. Photo par Armend NIMANI / AFP)
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Publié le Vendredi 21 octobre 2022

Au Kosovo, la guerre en Ukraine exacerbe les divisions

  • Ces divisions sont particulièrement frappantes à Mitrovica, ville coupée en deux selon des lignes de fractures ethniques
  • Les Kosovars albanais sont à l'unisson du gouvernement de Pristina qui a apporté dès le début de la guerre son soutien sans faille à l'Ukraine bien que celle-ci ne reconnaisse pas Pristina

MITROVICA Kosovo : Sur un mur de la partie serbe de Mitrovica, ville ethniquement divisée du nord du Kosovo, une gigantesque fresque montre un char barré de la lettre «Z» et proclame que les «Serbes sont pour les Russes, pour la liberté et la victoire».

La guerre livrée par Moscou en Ukraine rajoute une couche de dissension supplémentaire dans l'ex-province de Belgrade, où la minorité serbe soutient la Russie et la majorité albanaise se range fermement du côté des Ukrainiens.

Ces divisions sont particulièrement frappantes à Mitrovica, ville coupée en deux selon des lignes de fractures ethniques. Au nord de la rivière Ibar, vivent selon les estimations 20.000 Serbes fidèles à Belgrade. Au sud, habitent près de 80.000 Albanais kosovars.

«Je soutiens à la fois la Russie et (Vladimir) Poutine», dit à l'AFP Branka Sofric, étudiante en littérature de 20 ans. Le président russe «est un homme qui combat pour son peuple».

«Vous savez, (Poutine) doit probablement avoir raison puisqu'il l'a fait», renchérit Dragoljub Kovac, retraité de 75 ans.

De l'autre côté du principal pont qui enjambe l'Ibar, le symbole de la partition de la ville, le son de cloches est tout autre.

«A partir d'ici, on ne voit plus de «Z», lance à l'AFP Ekrem Vllahiu, vendeur de cigarettes de 24 ans. «Pourquoi? Parce que c'est une lettre sanglante».

- Empathie -

Ce pont fut le théâtre régulier d'affrontements entre les deux communautés dans les années consécutives à la guerre entre force serbes et rebelles albanais indépendantistes qui fit 13.000 morts. Elle ne prit fin en 1999 qu'avec une campagne de bombardements de l'Otan emmenée par Washington.

Les principaux clients du jeune homme sont les soldats de la force de l'Otan déployée dans le territoire et la police locale qui surveillent étroitement le point de passage stratégique.

«La justice est du côté de l'Ukraine. Ils vont (se) libérer si Dieu le veut», souligne Dan Syla, pompier retraité de 81 ans. Il a d'autant plus d'empathie pour le sort des Ukrainiens qu'il juge qu'ils «subissent ce que nous avons nous-même subi» durant le conflit contre les forces serbes.

Les Kosovars albanais sont à l'unisson du gouvernement de Pristina qui a apporté dès le début de la guerre son soutien sans faille à l'Ukraine bien que celle-ci ne reconnaisse pas Pristina, pas plus d'ailleurs que la Russie ou la Serbie.

De leur côté, les quelque 120.000 Serbes du Kosovo refusent de reconnaître la souveraineté de Pristina et sont fidèles à Belgrade, qui joue un délicat numéro d'équilibriste entre Est et Ouest. Si la Serbie candidate à l'Union européenne a condamné l'invasion russe à l'ONU, elle refuse de s'aligner sur les sanctions occidentales contre Moscou.

De nombreux Serbes se sentent proches du «grand frère russe». A Mitrovica Nord, une fresque peinte il y a quelques années célèbre l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et établit un parallèle avec la situation du Kosovo, considérée par beaucoup comme le berceau historique de la nation serbe.

«Le Kosovo c'est la Serbie, la Crimée c'est la Russie», proclame-t-elle.

- «Conversation rompue» -

Côté Sud, le drapeau des Etats-Unis flotte un peu partout. Les bâtiments officiels portent souvent les symboles de l'Otan et de l'UE.

Pour Nexhmedin Spahiu, professeur de sciences politiques à Pristina, le nouvel antagonisme entre les deux camps découle directement de leurs sentiments envers les Etats-Unis, considérés par beaucoup d'Albanais comme des sauveurs et par les Serbes comme les instigateurs de bombardements illégaux et injustes.

«Le soutien pour la Russie est une manifestation d'anti-américanisme. La perception des Serbes, c'est que les Etats-Unis sont la raison pour laquelle le Kosovo leur a été arraché. Pour les Albanais, les Etats-Unis représentent la liberté».

«Dieu d'abord, l'Amérique ensuite», résume Dan Syla.

Uros, étudiant serbe de 28 ans qui ne souhaite pas dévoiler son patronyme, voit dans la guerre en Ukraine des similitudes avec le conflit du Kosovo dans lequel la Serbie était considérée comme l'agresseur. Il explique «n'être pas tant russophile qu'anti-américain», accusant l'Occident de «diaboliser» Moscou. «Quand un pays est décrit comme le méchant, je suis de son côté.»

Miodrag Milicevic, directeur d'Aktiv, une ONG de Mitrovica Nord, juge que le conflit actuel ne fait que cristalliser «deux réalités très différentes», caractérisées par «l'absence de tout dialogue». «Dans ce genre d'environnement, franchement, nos perspectives, quelle que soit notre communauté, ne sont guère brillantes.»

Des deux côtés de l'Ibar, les gens «ne se parlent pas», confirme Dan Syla. «La conversation a été rompue. Mais on sait qu'ils soutiennent la Serbie et la Russie.»


Les ministres du Groupe E3 condamnent les frappes israéliennes à Doha

Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
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  • Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
  • Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas

PARIS: Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ont condamné, dans une déclaration conjointe, les frappes israéliennes ayant visé Doha le 9 septembre. Ils estiment que ces attaques constituent une violation de la souveraineté du Qatar et représentent un risque d’escalade supplémentaire dans la région.

Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza. « Nous appelons toutes les parties à intensifier leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat », ont-ils insisté.

Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas. Ils appellent les parties à « faire preuve de retenue » et à saisir l’opportunité de rétablir la paix.

Les ministres ont réaffirmé que la priorité devait rester la mise en place d’un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et l’acheminement massif d’aide humanitaire à Gaza pour enrayer la famine. Ils demandent l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes dans la ville de Gaza, dénonçant les déplacements massifs de civils, les pertes humaines et la destruction d’infrastructures vitales.

Ils exhortent par ailleurs à garantir aux Nations unies et aux ONG humanitaires un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris dans le Nord.

Enfin, le Groupe E3 a rappelé sa condamnation « sans équivoque » des crimes commis par le Hamas, qualifié de mouvement terroriste, qui doit, selon eux, « libérer immédiatement et sans condition les otages, être désarmé et écarté définitivement de la gouvernance de la bande de Gaza ».


L’ONU adopte une résolution franco-saoudienne pour la paix israélo-palestinienne sans le Hamas

L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
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  • Résolution adoptée par 142 voix pour, 10 contre — dont Israël et les États-Unis
  • Le vote précède un sommet de haut niveau co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre

​​​​​​NEW YORK : L’Assemblée générale des Nations unies a voté massivement vendredi en faveur de l’adoption de la « Déclaration de New York », une résolution visant à relancer la solution à deux États entre Israël et la Palestine, sans impliquer le Hamas.

Le texte a été approuvé par 142 pays, contre 10 votes négatifs — dont Israël et les États-Unis — et 12 abstentions. Il condamne fermement les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, exige le désarmement du groupe, la libération de tous les otages, et appelle à une action internationale collective pour mettre fin à la guerre à Gaza.

Intitulée officiellement « Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États », la résolution a été présentée conjointement par l’Arabie saoudite et la France, avec le soutien préalable de la Ligue arabe et de 17 États membres de l’ONU.

Le texte souligne la nécessité de mettre fin à l’autorité du Hamas à Gaza, avec un transfert des armes à l’Autorité palestinienne, sous supervision internationale, dans le cadre d’une feuille de route vers une paix durable. Celle-ci inclut un cessez-le-feu, la création d’un État palestinien, le désarmement du Hamas, et une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes.

L’ambassadeur de France, Jérôme Bonnafont, qui a présenté la résolution, l’a qualifiée de « feuille de route unique pour concrétiser la solution à deux États », soulignant l’engagement de l’Autorité palestinienne et des pays arabes en faveur de la paix et de la sécurité. Il a aussi insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu immédiat et de la libération des otages.

Ce vote intervient à quelques jours d’un sommet de haut niveau de l’ONU, co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre, où le président Emmanuel Macron s’est engagé à reconnaître officiellement un État palestinien.

La représentante américaine, Morgan Ortagus, s’est vivement opposée à la résolution, la qualifiant de « coup de communication malvenu et malavisé » qui récompenserait le Hamas et nuirait aux efforts diplomatiques authentiques.

Elle a dénoncé la mention du « droit au retour » dans le texte, estimant qu’il menace le caractère juif de l’État d’Israël.

« Cette résolution est un cadeau au Hamas,» a déclaré Mme Ortagus, ajoutant que le désarmement du Hamas et la libération des otages étaient la clé de la fin de la guerre. Elle a exhorté les autres nations à se joindre aux États-Unis pour s'opposer à la déclaration.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Frappes ukrainiennes sur les raffineries et forte demande: en Russie, l'essence devient chère

Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg. (AFP)
Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg. (AFP)
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  • Mercredi, le média Izvestia évoquait des "interruptions d'approvisionnement" dans "plus de dix régions" de Russie, l'un des principaux producteurs de pétrole au monde
  • A Moscou, vitrine de la Russie, pas de pénurie mais une hausse qui a propulsé le litre de sans-plomb 95 à plus de 66 roubles (0,67 euro)

MOSCOU: "Doucement mais sûrement": Oleg fait le plein d'essence à Moscou et vitupère contre la hausse des prix nourrie par une demande accrue et les frappes ukrainiennes contre les infrastructures pétrolières, secteur clé de l'économie russe que les Occidentaux veulent sanctionner.

"Tout le monde l'a remarqué", tonne Oleg, retraité de 62 ans: les prix des carburants vont crescendo à la pompe. Au 1er septembre, l'essence au détail coûtait 6,7% de plus que fin 2024, selon Rosstat, l'agence nationale des statistiques.

Ce renchérissement s'inscrit dans un contexte de hausse générale des prix, avec une inflation annuelle qui a été de 8,14% en août, à l'heure où la Russie intensifie l'offensive qu'elle a lancée en 2022 en Ukraine.

Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg.

Et depuis le début de l'été, les réseaux sociaux sont saturés de vidéos montrant des files d'attente devant les stations-service de l'Extrême-Orient russe, en Crimée - région que la Russie a annexée au détriment de Kiev en 2014 -, et dans certaines régions du sud proches de l'Ukraine, pour cause de pénurie.

Mercredi, le média Izvestia évoquait des "interruptions d'approvisionnement" dans "plus de dix régions" de Russie, l'un des principaux producteurs de pétrole au monde.

Raffineries frappées 

A Moscou, vitrine de la Russie, pas de pénurie mais une hausse qui a propulsé le litre de sans-plomb 95 à plus de 66 roubles (0,67 euro). Ce prix, qui reste bien inférieur à ceux affichés dans de nombreux pays européens, surprend le consommateur russe, habitué à ne pas payer cher l'essence et au revenu moyen moindre.

Artiom, un Moscovite qui ne souhaite pas donner son nom de famille, observe cette augmentation "depuis le début de l'année". "Pour des personnes ordinaires, 300 ou 400 roubles en plus par plein (3 à 4 euros, ndlr), cela commence à être sensible", dit-il.

Sur le site Gazeta.ru, Igor Iouchkov, analyste au Fonds national de sécurité énergétique, met en avant l'augmentation d'"environ 16%" du droit d'accise (impôt indirect) depuis le 1er janvier et la baisse de subsides versés aux compagnies pétrolières.

Car, comme l'explique à l'AFP Sergueï Teriochkine, expert en questions énergétiques, "plus les subventions sont faibles, plus la rentabilité est faible", ce qui pousse les pétroliers à "répercuter" ces pertes sur les prix au détail.

La demande a, elle, été dopée par les départs en vacances et les engins agricoles.

Restent - surtout - les frappes contre les raffineries et dépôts de pétrole que l'Ukraine a multipliées afin de toucher Moscou au portefeuille et d'entraver sa capacité à financer son offensive.

"Les frappes ont ciblé de grandes raffineries dans la partie européenne de la Russie", notamment dans les régions de Samara, Riazan, Volgograd et Rostov, énumère Alexandre Kots, journaliste russe spécialiste des questions militaires, sur Telegram.

"Ce n'est rien!" 

L'une de ces attaques, à la mi-août, a touché la raffinerie de Syzran, dans la région de Samara, selon l'état-major ukrainien. Le complexe se trouve à plus de 800 km de la frontière ukrainienne. Il est présenté par Kiev comme le "plus important du système Rosneft", géant russe des hydrocarbures.

Moscou n'a pas quantifié l'impact de ces frappes, mais dans le journal Kommersant, l'analyste Maxime Diatchenko parle d'une baisse de la production "de près de 10%" depuis le début de l'année.

"C'est rien!", assure Alexandre, un homme d'affaires moscovite, après avoir rempli le réservoir de sa berline allemande. "Une frappe, deux frappes, trois frappes, ça n'est rien pour le marché en général ou pour les prix".

"Le pays a besoin d'argent. L'augmentation du prix de l'essence, c'est une façon d'augmenter le revenu de l'Etat", estime de son côté Vladimir, un Moscovite de 50 ans.

Pour tenter de stabiliser la situation, Moscou a prolongé une interdiction d'"exporter de l’essence pour les automobiles" jusque fin octobre.

La Russie reste par ailleurs un exportateur majeur de pétrole brut, des exportations que les Occidentaux entendent étouffer pour tarir une des principales sources de financement de l'offensive russe en Ukraine, pays qui compte l'Union européenne comme principale alliée.