Pourquoi Beyrouth joue un rôle central dans la Biennale de Lyon de cette année

Vue de la section «Beyrouth et les Golden Sixties» à la Biennale de Lyon. À gauche, une série d’œuvres réalisées par Mona Saudi, 1977-1979. À droite, The Funeral of Abdel Nasser, 1970. (Photo fournie)
Vue de la section «Beyrouth et les Golden Sixties» à la Biennale de Lyon. À gauche, une série d’œuvres réalisées par Mona Saudi, 1977-1979. À droite, The Funeral of Abdel Nasser, 1970. (Photo fournie)
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Publié le Vendredi 21 octobre 2022

Pourquoi Beyrouth joue un rôle central dans la Biennale de Lyon de cette année

  • La capitale libanaise est la clé de la vision des conservateurs d’un «manifeste de la fragilité»
  • Trois sections de la Biennale s’intéressent à l’histoire de Beyrouth: à la période de l’exportation de la soie au XIXe siècle, à l’âge d’or des années 1960 et au présent

DUBAÏ: Quand Sam Bardaouil et Till Fellrath ont commencé à planifier leur organisation de la Biennale de Lyon, en mars 2020, le monde commençait tout juste à prendre conscience des dangers de la Covid-19.

Naturellement, les perturbations et les dégâts causés par la pandémie ont fini par avoir une influence majeure, non seulement sur le plan logistique (la Biennale a été retardée d’un an), mais aussi sur le plan thématique.

Bardaouil explique à Arab News que les conversations de Fellrath et lui avec les artistes ont soulevé des préoccupations similaires. «Nous sommes tous tellement conscients de notre fragilité et de notre mortalité, de la vulnérabilité de ces structures que nous avons construites – un virus et nous repartons de zéro. Il y avait donc un sentiment de désespoir mais, en même temps, les gens ont commencé à trouver des moyens de résister.»

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Une œuvre d’Aref el Rayess exposée dans la section «Beyrouth et les Golden Sixties» de la Biennale de Lyon. (Photo fournie)

«Nous avons pensé qu’il serait important de parler de la manière dont cette conscience de la faiblesse pourrait servir de base pour penser aux formes de résistance d’une nouvelle manière. Ces dernières nous permettent d’utiliser cette fragilité comme un tremplin, au lieu de toujours la mettre de côté et de toujours vouloir plus, plus fort, mieux», explique-t-il. D’où le thème de la Biennale: «Manifeste de la fragilité.»

Bardaouil, qui vit aujourd’hui à Berlin, est originaire de Beyrouth. Outre la pandémie, le Liban a connu un effondrement financier et politique et l’horrible explosion du port en août 2020, autant d’événements qui, selon lui, ont laissé les habitants de la ville dans un état de détresse sans précédent.

Les conservateurs voulaient trouver un moyen de «mettre en lumière cet antagonisme qui dure depuis des décennies (à Beyrouth) entre les moments de prospérité, de bien-être et le sentiment de confiance en soi et de réussite, et ces périodes difficiles où l'on se sent dans une impasse». Ils savaient cependant qu’ils ne pouvaient pas simplement introduire Beyrouth dans la Biennale de Lyon. En fait, ils n’en ont pas eu besoin, et ce grâce à l’Histoire.

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Une œuvre d’Huguette Caland exposée dans la section «Beyrouth et les Golden Sixties» de la Biennale de Lyon. (Photo fournie)

En cherchant des idées, ils ont découvert que les deux villes étaient liées depuis des centaines d'années, depuis que Lyon est devenue un grand centre de production de soie et que la région du Mont Liban est devenue une source vitale de soie brute pour les marchands locaux. «En termes de taille, ce n’était pas la plus grande région», explique Bardaouil. «Mais en ce qui concerne le pouvoir dont ils disposaient pour monopoliser le marché, elle était très importante.»

Les familles riches de Lyon ont commencé à acquérir des terres au Liban, où elles ont construit des usines pour la production de soie brute. Dans les années 1850, la soie est devenue un produit d’exportation vital et les agriculteurs libanais ont délaissé les cultures vivrières pour planter des mûriers.

Puis, soudainement, la Première Guerre mondiale a éclaté. «Et là,la famine s’est installée car on ne peut pas manger les feuilles des mûriers. Beaucoup de personnes ont donc été contraintes à l’exil. À cause de cette énorme vague d’émigration du Liban vers l’Amérique du Nord et d’autres parties du monde pendant la Première Guerre mondiale, et même avant, à cause du monopole (de Lyon), les agriculteurs étaient toujours endettés auprès des agents qui leur fournissaient de l’argent», raconte le conservateur de la Biennale.

Par conséquent, «les Libanais ont commencé à émigrer dans les années 1870 et 1880, et les femmes ont commencé à entrer dans la vie active. Beaucoup de choses que nous  constatons aujourd’hui – le statut social des femmes libanaises, l’émigration, l’ascension des familles qui sont toujours parmi les plus dominantes en politique et dans la société – remontent à la soie et à Lyon», poursuit Sam Bardaouil.

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Dans la section «Beyrouth et les Golden Sixties»: au premier plan, Simone Baltaxé Martayan, Les travailleurs, entre 1950 et 1959. À droite, trois œuvres de Georges Doche (Photo fournie)

Les liens se sont approfondis: les marchands de soie de Lyon ont influencé la sélection du premier Haut-commissaire français au Liban et ont soutenu les Jésuites qui ont créé de nombreuses écoles dans le pays –non par générosité, mais pour obtenir une main-d’œuvre enfantine gratuite. «C’est une histoire très intrigante, laide et belle à la fois, un mélange de religion, de politique, d’éducation et d’économie», assure Sam Bardaouil.

Les conservateurs de la Biennale mettent en valeur cette histoire avec le talent que nous leur connaissons. «Nous aimons trouver des points d’entrée qui mettent un projet en contact direct avec son contexte local, puis bifurquer vers quelque chose de plus universel», indique Bardaouil.

La Biennale se déroule donc en trois étapes. La première se concentre sur un individu: Louise Brunet, une Lyonnaise qui a participé à une révolte en 1834 contre les terribles conditions de travail des tisseurs de soie, a été envoyée en prison, puis a émigré pour travailler dans une usine de soie au Mont Liban, où elle a mené une autre révolte.

«Pour nous, elle est devenue un symbole de fragilité et de résistance», dit Bardaouil.  «Nous nous sommes demandé combien de Louise Brunet il y avait dans le monde au fil de l’Histoire. Elle pourrait être une femme noire amenée du Sénégal pour se faire passer pour l’épouse d’un chef zoulou lors de l’exposition coloniale de 1894 à Lyon. Elle pourrait être une immigrée japonaise en Amérique envoyée dans un camp de concentration après Pearl Harbor. Elle est devenue une métaphore, un symbole. Dans cette section, nous traitons entre autres de la fragilité de la race, de la fragilité de nos corps, de nos désirs.»

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Vue de la section «Les nombreuses vies et morts de Louise Brunet», à la Biennale de Lyon, montrant des œuvres de Giulia Andreani intitulées «The Betrothed» et «The Dream of Ulysses». (Photo fournie)

À partir de là, l’exposition s’élargit pour considérer une ville entière comme un symbole de fragilité: Beyrouth. Il s’agit plus précisément de son «âge d’or», de la fin du mandat français au début de la guerre civile. L’exposition se déroule en cinq étapes, couvrant les représentations des artistes du Lieu, du Corps (y compris le mouvement de libération des femmes), de la Forme (les différents styles adoptés par les artistes au Liban), de la Politique et de la Guerre.

Pour la troisième section de l’exposition, intitulée «Un monde d’une promesse infinie», Sam Bardaouil et Till Fellrath ont invité des artistes du monde entier «à réfléchir avec nous à notre fragilité et aux différentes formes de résistance. Comment pouvons-nous aller de l’avant en utilisant cette fragilité comme une plate-forme? Comment vivons-nous dans le monde?»

À travers les œuvres présentées dans la section centrale de l’exposition, les conservateurs voulaient célébrer ces artistes et dire: «Regardez, cette ville a tant donné. Elle a largement contribué au langage et à la pratique du modernisme», déclare Bardaouil. «Mais en même temps, c’est un peu une mise en garde, parce que si cette période était vraiment un âge d’or, comment se fait-il qu’une guerre civile ait éclaté quelques années plus tard, dont les répercussions se font encore sentir aujourd’hui?», s’interroge-t-il.

La nostalgie qui entoure cette période de l’histoire du Liban est quelque chose que Bardaouil connaît depuis son enfance, lorsque des clichés tels que «la Riviera arabe» ou «le Paris de l’Orient» étaient courants.

«En tant qu’enfant, bien sûr, vos yeux brillent; ces noms-là sont tellement merveilleux à entendre», dit-il. «J’ai grandi pendant la guerre civile, alors tout cela m’était complètement étranger. Mais, malgré tout, vous absorbez ces paroles et elles vous inspirent. À un moment donné, les gens cessent de se demander si elles sont vraies, parce qu’on veut s’accrocher à l’idée que si cela s’est produit avant, cela pourrait se reproduire. Elles deviennent une forme de rédemption potentielle.»

Si le Liban est devenu un haut lieu de la culture dans les années 1950 et 1960, accueillant un afflux de militants, d’artistes, d’écrivains et d’intellectuels qui étaient privés de plate-forme d’expression dans leur propre pays, cela a entraîné ses propres problèmes, souligne Bardaouil.

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Louis Boulanger, vers 1849, Femme maure, exposée dans la section «Les nombreuses vies et morts de Louise Brunet» à la Biennale de Lyon. (Photo fournie)

«Le Liban est devenu un pays où prospèrent toutes ces idées et tous ces projets et, parfois, des idéologies irréconciliables. À un moment donné, c’est devenu intenable», raconte-t-il. «Il y avait des personnes qui en profitaient et d’autres qui n’en profitaient pas. Certaines se sentaient habilitées, d’autres se sentaient marginalisées. Toutes ces choses se sont intensifiées jusqu’à ce qu’elles atteignent leur paroxysme en 1975.»

Bardaouil parle de l’«amnésie adoptive» qui a frappé son pays. «C’est l’un des plus grands problèmes auxquels nous sommes confrontés au Liban», affirme-t-il. «C’est presque comme un mythe national, mais une fois que vous commencez à l’examiner de plus près, vous comprenez mieux pourquoi nous sommes là où nous sommes. Les problèmes actuels sont liés à ce qui s’est passé à l’époque», soutient-il. Les sujets soulevés lors de la Biennale peuvent, espère-t-il, conduire à des «moments de cristallisation».

Selon lui, la tentative de déclencher de telles conversations peut être considérée comme une forme de militantisme, «car on essaye de remettre en question ce que les gens considèrent comme des faits. Nous ne pourrons jamais trouver un moyen commun d’avancer si nous pensons tous de manière complètement différente à notre passé».

«C’est là que cette exposition devient plus que de belles œuvres d’art», poursuit-il. C’est une façon de dire: «Attendez, ce n'est pas aussi simpliste ou linéaire que nous le pensons. C’est beaucoup plus alambiqué, et nous devons le démêler pour trouver un dénominateur sur lequel nous pouvons tous nous entendre.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Une seconde tour Eiffel à Paris pour le 1er avril

Une réplique de la Tour Eiffel, placée à proximité de l'originale à Paris (Photo, AFP).
Une réplique de la Tour Eiffel, placée à proximité de l'originale à Paris (Photo, AFP).
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  • La répilique est haute de 33 mètres et pèse 32 tonnes
  • Elle doit y rester jusqu'au 10 avril, selon le journal Le Parisien

PARIS: "Deux tours Eiffel pour le prix d'une": une réplique du célèbre édifice parisien, dix fois plus petite que son modèle, a été installée samedi matin sur le Champ-de-Mars, sans faire toutefois l'unanimité auprès du public et des riverains.

"Il y a sept ans m'est venue l'idée, une nuit comme ça, de construire la tour Eiffel à l'échelle 1/10. (...) Le but, c'est de faire un moment de légèreté, d'insouciance. Dans la conjoncture actuelle, j'estime qu'on en a beaucoup besoin et il n'y a pas d'autre but que de créer du bonheur et de créer du lien", a expliqué à l'AFP le créateur d'Eiffela, Philippe Maindron.

La répilique est haute de 33 mètres et pèse 32 tonnes.

Assemblée en Vendée, à environ 400 km au sud-est de Paris, son arrivée samedi à proximité de son modèle a fait l'objet d'un tweet de la Ville de Paris, avec pour message:  "rassurez-vous, vous voyez bien clair". Le tweet est accompagné d'une photo des deux tours, en ce 1er avril, journée qui donne traditionnellement lieu à des blagues.

Elle doit y rester jusqu'au 10 avril, selon le journal Le Parisien.

Sur place, Dominique Dimitroff, une retraitée parisienne, trouve l'installation "très, très chouette", avec "deux tours Eiffel pour le prix d'une", quand Frédéric Lepetit, un touriste de 35 ans, souligne que c'est "la copie conforme de sa grande soeur".

Des voix dissonantes se sont également fait entendre sur les réseaux sociaux.

Le collectif "Les amis du Champ-de-Mars" a ainsi critiqué cette initiative, affirmant sur Twitter que "la plupart des citadins souhaite simplement se promener dans des (beaux) jardins".

La tour Eiffel, achevée il y a tout juste 134 ans, a aussi été l'objet d'un vrai canular sur le même réseau social samedi: son compte officiel annonce ainsi que "le plus haut toboggan du monde sera installé sur mon sommet à partir du 1er juillet!", vidéo-montage à l'appui. Mais, cette fois, comme le suggère une pancarte avec des poissons dans le court film, la plaisanterie est évidente.


Climat: des militants noircissent l'eau d'une fontaine historique à Rome

Une photo prise et diffusée le 1er avril 2023 par des militants écologistes de Last Generation (Ultima Generazione) montre la fontaine Barcaccia sur la Piazza di Spagna, dans le centre historique de Rome, après que les militants ont versé dans l'eau un liquide noir à base de carbone végétal dans le cadre d'une campagne de sensibilisation au changement climatique. (Photo, AFP)
Une photo prise et diffusée le 1er avril 2023 par des militants écologistes de Last Generation (Ultima Generazione) montre la fontaine Barcaccia sur la Piazza di Spagna, dans le centre historique de Rome, après que les militants ont versé dans l'eau un liquide noir à base de carbone végétal dans le cadre d'une campagne de sensibilisation au changement climatique. (Photo, AFP)
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  • La fontaine, en forme de bateau, a été conçue par le célèbre sculpteur italien Pietro Bernini
  • Last Generation a commencé à organiser des manifestations pacifiques mais perturbatrices en Italie l'année dernière avant les élections générales

ROME: Des militants environnementalistes ont noirci l'eau d'une fontaine romaine monumentale place d'Espagne à Rome, lors d'une manifestation qui, selon eux, évoquait un scénario de "fin du monde".

Trois militants de l'organisation Last Generation ont versé du carbone liquide à base de légumes dans la Barcaccia, chef-d'oeuvre baroque du XVIIe siècle situé au pied de l'escalier de la Trinité-des-Monts, avant d'être escortés par la police.

La fontaine, en forme de bateau, a été conçue par le célèbre sculpteur italien Pietro Bernini.

Rendre l'eau noire "préfigure le scénario de +fin du monde+ vers lequel nous nous dirigeons, alors que nous appuyons de plus en plus sur l'accélérateur: la sécheresse alternant avec des inondations dévastatrices, qui mettront fin à la vie sur Terre", a indiqué Last Generation dans un communiqué.

Last Generation a commencé à organiser des manifestations pacifiques mais perturbatrices en Italie l'année dernière avant les élections générales, exhortant les politiciens de tous les partis à faire du changement climatique leur priorité.

Les manifestations en Italie font partie d'une série d'actions à travers l'Europe pour attirer l'attention sur le changement climatique.

Les militants ont aspergé de soupe, de purée de pommes de terre ou de peinture lavable divers sites patrimoniaux ou objets d'art dans des musées.


Hommage au résistant Edmond Maudière, décédé à 96 ans

"Il était l’une des ultimes figures de l’épopée des Glières", a salué le chef de l'Etat, rendant hommage, dans un communiqué publié par l'Elysée, au "souvenir de ces silhouettes sombres sur une neige blanche et sous un drapeau tricolore". (Photo, AFP)
"Il était l’une des ultimes figures de l’épopée des Glières", a salué le chef de l'Etat, rendant hommage, dans un communiqué publié par l'Elysée, au "souvenir de ces silhouettes sombres sur une neige blanche et sous un drapeau tricolore". (Photo, AFP)
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  • Né en 1926 dans la Marne, Edmond Maudière a participé à la défense de ce haut lieu symbolique de la Résistance
  • Après la guerre, il était devenu œnologue, une carrière qui le porta à la direction de Moët & Chandon aux Etats-Unis et en Australie

PARIS: Le président Emmanuel Macron a rendu hommage samedi à "la bravoure" du résistant Edmond Maudière qui s'est battu dans le maquis des Glières, dans les Alpes, pendant la Seconde Guerre mondiale, et est récemment décédé à 96 ans.

Né en 1926 dans la Marne, Edmond Maudière a participé à la défense de ce haut lieu symbolique de la Résistance, malgré une récente remise en cause de l'ampleur de la bataille qui s'y est jouée.

"Il était l’une des ultimes figures de l’épopée des Glières", a salué le chef de l'Etat, rendant hommage, dans un communiqué publié par l'Elysée, au "souvenir de ces silhouettes sombres sur une neige blanche et sous un drapeau tricolore".

Réussissant à s'exfiltrer, Edmond Maudière avait regagné la Marne, avant de devenir agent de liaison dans la 5e armée américaine du célèbre général George Patton.

Après la guerre, il était devenu œnologue, une carrière qui le porta à la direction de Moët & Chandon aux Etats-Unis et en Australie.

Le 31 mars 2019, M. Macron avait commémoré, avec l'ancien président Nicolas Sarkozy, le 75e anniversaire des combats du plateau des Glières.

De janvier à fin mars 1944, 465 maquisards s'y étaient regroupés pour recevoir des parachutages d'armes des alliés. Attaqués par l'armée allemande et la milice de Vichy le 26 mars, 124 d'entre eux sont tués lors du combat ou fusillés, neuf disparaissent et 16 mourront en déportation.