WASHINGTON : Un peu partout aux Etats-Unis, des candidats républicains aux imminentes élections de mi-mandat relaient la théorie du «Grand Mensonge» propagée par Donald Trump - allégations infondées selon lesquelles la présidentielle 2020 lui aurait été volée, illustrant la menace qui plane sur la démocratie américaine, préviennent des experts.
Selon un décompte du centre de réflexion Brookings Institution, basé à Washington, 249 candidats républicains ont exprimé des doutes sur la victoire du président démocrate Joe Biden, sur les 567 principales élections nationales et locales.
Jamais, depuis la Seconde Guerre mondiale, la démocratie américaine n'avait connu un aussi «grand danger de délitement», met en garde Mark Bayer, consultant et ancien chef de cabinet d'un sénateur américain.
«La souscription au +Grand Mensonge+ a été un thème de campagne important pour beaucoup de ceux qui nient le résultat de la présidentielle et se présentent aux élections. Comment ces candidats vont-ils réagir s'ils perdent de façon légitime leur propre scrutin en novembre?», s'inquiète-t-il.
Les allégations de fraude n'ont jamais été prouvées, mais cela n'a pas empêché l'ancien président Donald Trump et ses alliés de parvenir à persuader une part importante des électeurs républicains que Joe Biden n'a pas été légitimement élu.
Pour beaucoup des partisans du républicain, comme Terri Privett, récemment rencontrée par l'AFP en Floride, la taille des foules qui se pressent pour le voir est une preuve incontestable de la tricherie.
Comparant Joe Biden et Donald Trump, la quinquagénaire juge que le démocrate n'attire pas un public massif, «alors que vous allez à un meeting de Trump et il y a des milliers et des milliers de gens qui essayent d'entrer».
Avec ça, «vous savez qu'ils ont volé l'élection», assure-t-elle.
- Elections locales -
Donald Trump, qui a apporté son soutien à plus de 200 candidats républicains aux élections du 8 novembre, a fait de la croyance au «Grand Mensonge» un prérequis.
«Les analyses politiques indiquent que la plupart des démocraties ne sont pas renversées par des révolutions ou des coups d'Etat, mais s'érodent de l'intérieur», explique Barbara Wejnert, politologue de l'université d'Etat de New York à Buffalo.
«Et cela pourrait être le cas de la démocratie américaine si ceux qui nient le résultat de la présidentielle 2020 sont élus, ou si Trump est réélu président.»
Ces inquiétudes seraient sans grande importance si les candidats en question étaient marginaux. Mais plus de la moitié d'entre eux ont de bonnes chances de remporter leurs scrutins, selon Brookings Institution.
Les élections locales, par exemple pour les postes de gouverneurs ou de procureurs généraux, sont vues comme particulièrement cruciales. Ces élus organisent les scrutins, supervisent le dépouillement et certifient les résultats, et se trouvent donc en première ligne.
D'après l'organisation States United Action, 58% des Américains, dans 29 Etats, voteront le 8 novembre lors d'un scrutin où au moins un candidat rejetant le résultat de la présidentielle de 2020 souhaite accéder à ces fonctions électorales.
- «Antidémocratique» -
S'il est à craindre que ces candidats perdants tentent de mettre en doute les résultats, le vrai problème sera les vainqueurs, qui pourront ensuite modifier les règles électorales pour favoriser les prochains candidats partageant leurs vues, analyse Ann Crigler, de l'université de Californie du Sud.
«La démocratie est fragile et vulnérable à la corruption, si ceux qui participent au processus de vote et de gouvernement ne font pas preuve de vigilance et d'honnêteté», estime-t-elle auprès de l'AFP.
«Raconter des mensonges ou refuser d'admettre les faits est fondamentalement antidémocratique. Pour résumer, en niant l'évidence, vous faites courir un risque au fondement même de notre démocratie», affirme John Geer, professeur de science politique à l'université Vanderbilt.
Un autre élément renforce les inquiétudes: les Etats où le plus de ces candidats réfutant le résultat de 2020 concourent sont des Etats clés -- Pennsylvanie, Arizona, Michigan, Floride, Texas, Wisconsin et Géorgie -- cruciaux pour le contrôle du Congrès et de la Maison Blanche.