Israël: Ben Gvir, boussole d'une jeunesse qui se radicalise à droite

Itamar Ben-Gvir, député israélien d'extrême droite et chef du parti Otzma Yehudit, répond aux questions des journalistes (Photo, AFP).
Itamar Ben-Gvir, député israélien d'extrême droite et chef du parti Otzma Yehudit, répond aux questions des journalistes (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 27 octobre 2022

Israël: Ben Gvir, boussole d'une jeunesse qui se radicalise à droite

  • Itamar Ben Gvir arpente les allées d'un marché de Jérusalem. Il est reçu par des vivats suraigus, lancés par des adolescents exaltés par sa promesse d'un Etat juif fort
  • Pour le jeune Yakir, le candidat Ben Gvir, connu pour ses phrases incendiaires, a «réveillé» une partie de l'électorat

JERUSALEM: Ce jour de campagne électorale, Itamar Ben Gvir arpente les allées d'un marché de Jérusalem. Comme partout où cette figure de l'extrême droite israélienne met les pieds, il est reçu par des vivats suraigus, lancés par des adolescents exaltés par sa promesse d'un Etat juif fort.

Autour du député, un cercle de porteurs de drapeaux bleu et blanc de son parti en lice pour les législatives du 1er novembre. Quasi tous ont entre 16 et 23 ans et le visage duveté.

"Les jeunes savent que je les défendrai quand ils seront à l'armée, ils savent que je protégerai le pays" contre les "jihadistes", affirme le candidat dans un entretien à l'AFP, au moment où Israël et les Territoires palestiniens connaissent un regain de violences meurtrières.

"La jeunesse adhère aux messages vrais. Je ne dis pas des choses en pensant (à autre chose), je viens avec ma vérité et cette vérité est qu'il faut sauver le pays", tonne celui qui enchaîne les visites dans des lycées et les selfies avec ses jeunes supporters qui gonflent ses appuis à des niveaux pour lui inégalés.

Son alliance "Sionisme religieux" avec un autre élu d'extrême-droite, Bezalel Smotrich, avait fait élire six députés à la Knesset en 2021 mais elle est aujourd'hui créditée de 14 sièges pour ce scrutin, au terme duquel M. Ben Gvir aspire à former un gouvernement avec l'ex-Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Yakir Abelow, 22 ans, est de ceux qui trouvent le candidat Ben Gvir "rafraîchissant".

"On entend quelqu'un qui dit tout simplement la vérité et nous n'avons entendu aucun politicien la dire aussi franchement auparavant", dit à l'AFP le jeune homme dans la colonie d'Efrat, en Cisjordanie occupée, dont il est originaire.

Ce que Ben Gvir dit "franchement", c'est qu'il faut annexer la Cisjordanie, territoire palestinien occupé depuis 1967, où vivent 2,9 millions de Palestiniens et 475.000 colons israéliens. Qu'une partie de la population arabe d'Israël, jugée déloyale à l'Etat, devrait être transférée vers les pays voisins. Que la police et l'armée israéliennes font un usage trop limité de la force face aux Palestiniens.

Génération post-Oslo
Pour le jeune Yakir, le candidat Ben Gvir, connu pour ses phrases incendiaires, a "réveillé" une partie de l'électorat, lassé par les crises politiques successives et le long règne de Benjamin Netanyahu (1996-1999 puis 2009-2021).

Le phénomène Ben Gvir auprès de la jeunesse "est en partie une réponse au dysfonctionnement du système israélien", décrypte Yossi Klein Halevi, chercheur à l'institut Shalom Hartman. "Nous nous dirigeons vers les cinquièmes élections en trois ans et demi. Il y a un grand sentiment d'instabilité et d'impasse, alors que la jeunesse veut de la clarté, quelqu'un au franc-parler".

"Ben Gvir représente le non compromis. Il ne cille pas à cause d'autorités étrangères. Les jeunes sont les plus tentés par sa prétendue authenticité", renchérit un autre analyste, Shlomo Fischer, du Jewish People Policy Institute à Jérusalem.

"Cette génération est celle de l'échec d'Oslo", ajoute-t-il, en référence aux accords entre Israéliens et Palestiniens des années 1990 qui ont bercé la génération précédente d'un espoir de paix, enterré au tournant des années 2000 par la poursuite de la colonisation israélienne dans les Territoires palestiniens et la seconde Intifada (soulèvement palestinien).

Ces jeunes ont "grandi avec l'idée qu'il n'y a pas de partenaire, pas de processus de paix et qu'il faut apprendre à vivre avec le conflit", affirme M. Fischer. "En conséquence, si des bédouins (palestiniens) sont une menace à la sécurité, il faut pouvoir faire ce qui est nécessaire: les tuer, les expulser, gérer le problème".

«Tuer» pour se défendre
"Malheureusement nous devons tuer des gens, c'est tellement triste mais c'est pour nous défendre, sinon plus de gens seront tués", soutient Yakir.

"Le moment où j'ai enfilé l'uniforme (de l'armée israélienne), j'ai senti tant de fierté, j'étais prêt à sauter sur n'importe quel terroriste", dit le jeune homme au regard vert juvénile, étudiant dans une yeshiva (école talmudique).

Quand d'autres jeunes de son âge folâtrent ou manifestent pour le climat, Yakir distribue sur son temps libre des tracts pour son candidat, qu'il apprécie aussi car il est le seul, dit-il, à faire mention de la Torah dans l'hémicycle.

"J'espère que nous aurons un Etat juif fort, que tous ses citoyens voulant vivre pacifiquement acceptent l'Etat juif pour ce qu'il est et son histoire", insiste-t-il. "Toute personne qui ne suit pas cette idéologie ne devrait pas être ici".


Nouveaux bombardements israéliens au Liban malgré des discussions «positives»

Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
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  • Le président libanais Joseph Aoun, saluant les réactions "positives" à la réunion de mercredi, a annoncé que les discussions reprendraient le 19 décembre afin d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban
  • "Il n'y a pas d'autre option que la négociation", a-t-il ajouté

JBAA: Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays.

L'armée israélienne, qui a multiplié ses frappes ces dernières semaines, a encore frappé jeudi le sud du Liban après avoir appelé des habitants de plusieurs villages à évacuer.

Les bombardements ont touché quatre localités, où des photographes de l'AFP ont vu de la fumée et des maisons en ruines.

Dans le village de Jbaa, Yassir Madir, responsable local, a assuré qu'il n'y avait "que des civils" dans la zone. "Quant aux dégâts, il n'y a plus une fenêtre à 300 mètres à la ronde. Tout le monde est sous le choc", a-t-il ajouté. 


« La Syrie n’est pas condamnée » : les leçons d’un an de transition, selon Hakim Khaldi

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  • Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
  • Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide

PARIS: La Syrie post-Assad, carnets de bord, de Hakim Khaldi, humanitaire chez Médecins sans frontières, publié chez L’Harmattan, n’est pas seulement un récit de témoins, mais une immersion dans la réalité d’un pays brisé mais pas vaincu, où la chute d’un pouvoir omnipotent n’a pas suffi à étouffer l’exigence de dignité.
Ce qu’il raconte, c’est l’envers des discours diplomatiques, la géographie vécue d’une société projetée brutalement hors d’un demi-siècle d’autoritarisme dans un vide politique, économique et moral.

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel.

Dans ses carnets, comme dans ses réponses à Arab News en français, revient une même conviction : la chute d’un régime ne signifie pas la naissance immédiate d’un pays. La Syrie, aujourd’hui, est entre les deux, « en état de transformation ».

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel : « On ne savait pas si c’était la fin d’une époque ou le début d’une autre tragédie », confie-t-il.
Dans les villes « libérées », les scènes oscillent entre euphorie et sidération ; la population découvre, sans y croire encore, la possibilité de parler librement, de respirer autrement.

Il raconte ces familles qui, pendant quarante ans, n’avaient jamais osé prononcer le mot « moukhabarat » (services secrets en arabe), ne serait-ce qu’à voix basse chez elles.
Et brusquement, les voilà qui se mettent à raconter : les disparitions, les tortures, les humiliations, et la peur devenue routine.
Des parents ressortent des photos d’adolescents morts sous la torture, des certificats de décès maquillés, des lettres écrites depuis la prison mais jamais envoyées.

Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
Ce qui l’a le plus frappé, c’est « ce sentiment presque physique d’un poids qui tombe. C’est ce que j’ai le plus entendu », affirme-t-il.

Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide. En quelques jours, l’État s’est évaporé : plus de police, plus d’électricité, plus d’école, plus de justice.
Les anciens bourreaux disparaissent dans la nature, mais les réseaux de corruption se reconstituent, et les premières milices locales émergent, prêtes à occuper le terrain déserté par les institutions.

Pourtant, au fil de ses déplacements, Khaldi est frappé par la force de résilience et d’auto-organisation de la population : « Les Syriens n’ont jamais cessé d’exister comme société, même quand l’État les avait réduits au silence », assure-t-il.
Dans les villages, des comités improvisés se forment et organisent la distribution alimentaire, la remise en marche d’une station d’eau, la sécurité ou la scolarisation d’urgence.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides.

Cette responsabilité populaire est, pour Khaldi, l’un des rares points lumineux du paysage syrien, la preuve qu’une société peut exister en dehors de l’appareil répressif qui prétendait être l’État.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides, de milices rivales, de zones d’influence et d’ingérences étrangères. « Une mosaïque qui ne ressemble plus au pays d’avant », estime Khaldi.
Le territoire est éclaté entre forces locales, groupes armés (notamment les milices druzes à Soueida, au nord-est du pays), gouvernances provisoires ou structures étrangères. Les routes sont coupées, les administrations doublées ou contradictoires.

Avec des infrastructures détruites, une monnaie en chute libre et un secteur productif quasi paralysé, la survie quotidienne est devenue un exercice d’équilibriste.
Les Syriens ne nourrissent plus d’illusions sur l’arrivée immédiate d’un modèle démocratique idéal : il s’agit d’abord de survivre, de reconstruire, de retrouver un minimum de continuité.

Le traumatisme est profond, à cause des disparitions massives, de l’exil et des destructions psychologiques. Pourtant, affirme Khaldi, « jamais je n’ai entendu un Syrien regretter que la dictature soit tombée ».

De ses observations et des témoignages qu’il a collectés en arpentant le pays, Khaldi tire les priorités pour éviter que la Syrie ne devienne ni un conflit gelé ni un espace livré aux milices.
De son point de vue, la reconstruction politique ne peut se réduire à remplacer un gouvernement par un autre : il faut rebâtir les fondations, à savoir une justice indépendante, une police professionnelle et des administrations locales.

Des dizaines de groupes armés contrôlent aujourd’hui une partie du territoire, et une transition politique sérieuse est impensable sans un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration, soutenu par une autorité légitime et par un cadre international solide.
Au-delà des aides internationales, la Syrie a besoin d’un cadre empêchant la capture des fonds par les anciens réseaux de corruption ou les factions armées.
Elle doit donner la priorité à la relance de l’agriculture, au rétablissement de l’électricité, des réseaux routiers et des petites industries, les seules capables à court terme de soutenir la vie quotidienne.

Le pays porte une blessure immense : celle des prisons secrètes, des fosses communes, des disparitions et des exactions documentées. « Sans justice, il n’y aura pas de paix durable », affirme Khaldi.
Il ne s’agit ni de vengeance ni de tribunaux-spectacle, mais de vérité et de reconnaissance, conditions indispensables à une réconciliation nationale.

De cet entretien se dégage une idée forte : malgré la faim, la peur, les ruines, malgré la fragmentation politique et l’ingérence étrangère, les Syriens n’ont pas renoncé à eux-mêmes.
Ils ouvrent des écoles improvisées, réparent des routes avec des moyens dérisoires, organisent l’entraide, résistent au chaos. « La Syrie n’est plus la Syrie d’avant, mais elle n’est pas condamnée pour autant », affirme Khaldi.
Son témoignage rappelle qu’un pays ne meurt pas quand un régime tombe ; il meurt lorsque plus personne ne croit possible de le reconstruire. Et les Syriens, eux, y croient encore.


Liban: Israël annonce des frappes dans le sud, appelle à des évacuations

L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région. (AFP)
L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région. (AFP)
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  • Les forces israéliennes vont "bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région"
  • Dans un "message urgent" en arabe, le colonel Adraee signale, cartes à l'appui, deux bâtiments dans les villages de Jbaa et Mahrouna, dont il appelle les riverains dans un rayon d'au moins 300 mètres à s'écarter

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région.

Cette annonce survient au lendemain d'une rencontre entre responsables civils libanais et israélien, lors d'une réunion de l'organisme de surveillance du cessez-le-feu entré en vigueur il y a un an, présentée comme de premières discussions directes depuis plus de 40 ans entre les deux pays toujours techniquement en état de guerre.

Les forces israéliennes vont "bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région", a annoncé le colonel Avichay Adraee, porte-parole de l'armée israélienne pour le public arabophone.

Dans un "message urgent" en arabe, le colonel Adraee signale, cartes à l'appui, deux bâtiments dans les villages de Jbaa et Mahrouna, dont il appelle les riverains dans un rayon d'au moins 300 mètres à s'écarter.

Accusant le Hezbollah de se réarmer dans le sud du pays et de violer ainsi les termes de la trêve entrée en vigueur fin novembre 2024, l'armée israélienne a multiplié depuis plusieurs semaines les frappes aériennes dans le sud du Liban mais a marqué une pause dans ses attaques pendant la visite du pape Léon XIV cette semaine.

Israël a même frappé jusque dans la banlieue de Beyrouth le 23 novembre pour y éliminer le chef militaire du Hezbollah, Haitham Ali Tabatabai.

Le Liban dénonce ces attaques comme des violations patentes du cessez-le-feu.

Mais Israël, qui peut compter sur l'aval tacite des Etats-Unis pour ces frappes, affirme qu'il ne fait qu'appliquer la trêve en empêchant le Hezbollah, allié de la République islamique d'Iran, ennemie d'Israël, "de se reconstruire et de se réarmer".

Tout en déclarant que les discussions directes de mercredi avec le Liban s'étaient déroulées dans "une atmosphère positive", le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a rappelé mercredi soir que le désarmement du Hezbollah restait une exigence "incontournable" pour son pays.