Dans son village libéré des Russes, les malheurs de Volodymyr Zelensky

Le retraité ukrainien Volodymyr Zelensky montre son passeport lors d'un entretien avec l'AFP dans un village récemment libéré de la région de Donetsk le 26 octobre 2022, au milieu de l'invasion russe de l'Ukraine. (AFP)
Le retraité ukrainien Volodymyr Zelensky montre son passeport lors d'un entretien avec l'AFP dans un village récemment libéré de la région de Donetsk le 26 octobre 2022, au milieu de l'invasion russe de l'Ukraine. (AFP)
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Publié le Jeudi 27 octobre 2022

Dans son village libéré des Russes, les malheurs de Volodymyr Zelensky

  • Un des soldats russes a pris son passeport et s'est tordu de rire: «C'est bon les gars, la guerre est finie, on peut rentrer chez nous, on a attrapé leur président !»
  • L'ex-militaire soviétique ne cache pas sa nostalgie pour sa vie sous le régime soviétique, qui avait apporté dit-il et la paix et la prospérité à sa génération

DONETSK: Quand les soldats russes sont venus fin avril faire du porte-à-porte dans ce petit village occupé de l'est de l'Ukraine pour contrôler l'identité de tous les survivants, Volodymyr Zelensky s'est demandé ce qui allait bien pouvoir lui tomber dessus.

Un des soldats russes a pris son passeport et s'est tordu de rire: "C'est bon les gars, la guerre est finie, on peut rentrer chez nous, on a attrapé leur président !"

Volodymyr Zelensky a, lui, arrêté de retenir son souffle. Mais le soldat russe a ensuite voulu emporter ses papiers d'identité, "en souvenir".

"J'ai répondu +Mais quel souvenir!? Moi je ne peux pas vivre sans mon passeport !", mime en s'agitant M. Zelensky.

"Et ils me l'ont rendu", se félicite-t-il les yeux plissés de malice, allant extirper avec sa torche le petit document abîmé.

Né en 1958 en URSS à Bakhmout (est de l'Ukraine), d'une mère qui travaillait dans la grande mine de charbon et d'un père ouvrier, le retraité ukrainien a été chauffeur dans l'armée soviétique, puis ouvrier en bâtiment.

Sans lien de parenté connu avec le président ukrainien, son homonyme d'un petit village du Donbass, dont l'AFP a préféré par sécurité ne pas donner le nom, a traversé ces huit mois de guerre et de bombardements caché dans sa cave.

"J'avais arrêté de fumer depuis quatre ans, eh bien j'ai repris", dit-il désolé.

«Tu lui ressembles !»

Dans sa petite maisonnette au papier-peint fleuri mais plongée dans le noir et le froid, le souffle sec d'une explosion fait gonfler la bâche en plastique qui recouvre la fenêtre.

"C'est pour nous ? Ca fait peur!", interroge paniquée sa femme, Valentina Zelenska, 72 ans. "S'il y avait encore la vitre, eh bien là il n'y en aurait plus", grimace-t-elle.

"Elle ne s'est pas habituée", commente son mari, alors que leur village, libéré le 30 septembre dernier par les forces ukrainiennes, est visé désormais par les tirs d'artillerie russes.

Si Valentina est partie au début de la guerre, Volodymyr n'a pas voulu quitter la maison, le rêve de toute sa vie qu'il s'est payé en 2003: "l'air le plus pur" jamais respiré après des années dans la "salle ville minière", son lopin de terre, sa cuisine d'été et l'étang où le retraité pêche ses carpes, cite-t-il pêle-mêle.

Volodymyr Zelensky, en pantalon de velours et pull zippé, remet ses lunettes, rabibochées avec un bout de sparadrap sur son nez rougi, et va chercher à la lampe torche son précieux album souvenir.

Sur la table de la cuisine en toile cirée, il scrute un portrait de lui, à la quarantaine en uniforme kaki. "Je ne trouve pas que je ressemble au président. Mais alors pas du tout".

"Si, tu lui ressembles !", affirme Valentina depuis son tabouret à l'autre bout du salon.

"Tu parles de quel président ? Biden ?", rétorque son mari dans un grand éclat de rire.

Le couple devait célébrer ce jour même leurs 22 ans de mariage. Mais dans leur village ravagé par les combats et coupé de tout, Volodymyr n'a pas trouvé de fleurs.

«Les petites gens»

Valentina Zelenska assure que son nom d'épouse est très commun en Ukraine, comme en Russie d'ailleurs, tout comme le prénom de Volodymyr, mais n'en connaît pas d'autres que son mari et celui élu président en 2019.

Quand le comédien se présente, Volodymyr Zelensky, qui a voté pour lui, est enthousiaste: "Il présente bien, il est jeune, intelligent, on le connaît tous de son émission Kvartal 95, tout le monde se disait qu'il allait remettre de l'ordre" dans le pays.

"Mais les années ont passé et je ne trouve pas que les choses aient beaucoup changé", ajoute-t-il se disant encore plus déçu que le président refuse, selon lui, d'en finir avec la guerre.

"Il a dit qu'il ne négocierait qu'avec le prochain président de la Fédération de Russie. Mais si Poutine reste là encore 10 ans, alors quoi, on en a pour dix ans de guerre ?", interroge-t-il.

"Mais les gens ici n'en peuvent plus".

Comme beaucoup d'habitants de sa tranche d'âge du Donbass ukrainien, il considère que l'Ukraine est sa "patrie". Mais l'ex-militaire soviétique ne cache pas sa nostalgie pour sa vie sous le régime soviétique, qui avait apporté dit-il et la paix et la prospérité à sa génération.

"Que voulez-vous, les présidents passent et nous les petites gens, on reste", conclut Volodymyr Zelensky.


L'Ukraine va annoncer des mesures pour faire rentrer ses hommes de l'étranger

Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front
  • Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion

KIEV: Le chef de la diplomatie ukrainienne a indiqué mardi des "mesures" imminentes visant à faire rentrer en Ukraine les hommes en l'âge de combattre se trouvant à l'étranger.

L'Ukraine, qui combat depuis deux ans l'invasion russe, a cruellement besoin de soldats, d'autant que Kiev s'attend à ce que la Russie lance une nouvelle offensive dans les semaines ou mois à venir.

"Le fait de séjourner à l'étranger ne dispense pas un citoyen de ses devoirs envers sa patrie", a déclaré Dmytro Kouleba sur X, annonçant avoir ordonné des "mesures pour rétablir l'équité entre les hommes en âge d'être mobilisés en Ukraine et ceux à l'étranger".

Il n'a pas précisé la nature de ces mesures se bornant à dire que le ministère allait "prochainement fournir des éclaircissements" sur de nouvelles procédures à suivre pour "accéder aux services consulaires".

L'Ukraine interdit aux hommes en âge de combattre de voyager à l'étranger à quelques exceptions près.

Déserteurs 

Mais, selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front.

Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion.

La déclaration du ministre intervient alors qu'un influent site d'information ukrainien ZN.UA a publié lundi soir ce qu'il affirme être une lettre officielle signée par un adjoint de M. Kouleba et préconisant aux consulats ukrainiens de suspendre à partir de mardi tout service consulaire pour les hommes âgés de 18 à 60 ans.

Selon des médias ukrainiens, plusieurs consulats ukrainiens ont cessé d'accepter ces dossiers.

La compagnie d'Etat Dokument qui facilite la délivrance de documents ukrainiens a annoncé mardi sur son site qu'elle "suspendait" les procédures à l'étranger pour des "raisons techniques".

L'Ukraine, dont l'armée est en difficulté face aux troupes russes, a adopté une loi sur la mobilisation visant à durcir les punitions pour les récalcitrants.

Elle a aussi baissé l'âge de mobilisation de 27 à 25 ans.


Début des discussions entre Washington et Niamey sur le retrait des troupes américaines du Niger

Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
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  • Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis
  • Washington a accepté de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait

WASHINGTON: Washington a entamé les discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des troupes américaines qui y étaient déployées dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel, a déclaré lundi le Pentagone.

Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a finalement accepté la semaine dernière de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait.

"Nous pouvons confirmer le début des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sur le retrait ordonné des forces américaines du pays", a déclaré le porte-parole du Pentagone Pat Ryder.

Une "petite délégation du Pentagone et du commandement militaire américain pour l'Afrique" participe aux discussions, a-t-il précisé.

Les Etats-Unis vont "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", a-t-il encore dit.

A Niamey, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a indiqué dans un communiqué avoir eu lundi "des discussions" avec l’ambassadrice des États-Unis à Niamey, Kathleen Fitzgibbon, portant "sur la question du départ des troupes militaires américaines du Niger".

L’entretien s’est déroulé en présence de Maria Barron, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à Niamey, qui a assuré que l'agence allait "poursuivre sa coopération bilatérale" avec le Niger, annonçant "un nouvel accord devant remplacer celui en cours qui expire en septembre 2024", selon le communiqué.

Au Niger, les Etats-Unis disposent notamment d'une base de drone importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Après le coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum fin juillet, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l'ancienne puissance coloniale française et s'est rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des régimes militaires et confrontés à la violence de groupes jihadistes.


L'Ukraine s'attend à une détérioration sur le front vers la mi-mai

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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  • L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine
  • La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar

KIEV: La situation sur le front ukrainien va empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une "période difficile", a prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov, sur fond de craintes d'une nouvelle offensive russe.

La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar, localité à la jonction des fronts Est et Sud, dont elle cherche à s'emparer depuis deux ans.

"N'allons pas trop dans les détails, mais il y aura une période difficile, à la mi-mai et début juin", a prévenu M. Boudanov, interrogé sur l'état du front, dans une interview au service ukrainien de la BBC.

L'armée russe "mène une opération complexe", a-t-il dit.

"Nous pensons qu'une situation plutôt difficile nous attend dans un futur proche. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas catastrophique", a estimé Kyrylo Boudanov.

"Armageddon ne se produira pas, contrairement à ce que beaucoup disent en ce moment. Mais il y aura des problèmes à partir de la mi-mai", a-t-il ajouté.

L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine.

En face, les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, ne cessent de pousser à l'Est et revendiquent régulièrement la prise de petits villages dans le Donbass.

En février, Moscou s'est emparé d'Avdiïvka, une ville forteresse, et vise désormais la cité  stratégique de Tchassiv Iar.

Cette cité, perchée sur une hauteur, s'étend à moins de 30 kilomètres au sud-est de Kramatorsk, la principale ville de la région sous contrôle ukrainien, qui est un important nœud ferroviaire et logistique pour l'armée ukrainienne.

Offensive estivale? 

Lundi, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir "libéré" Novomykhaïlivka, à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

Ce village est proche de Vougledar, une cité minière à la jonction des fronts Sud et Est. Début 2023, l'Ukraine était parvenue à y repousser un assaut de l'armée russe, infligeant des pertes humaines importantes.

Kiev craint désormais une offensive estivale russe encore plus puissante.

Fin mars, le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Pavliouk avait jugé "possible" un tel scénario, impliquant un groupe de 100.000 soldats russes.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a déjà admis mi-avril que la situation sur le front Est s'était "considérablement détériorée" récemment.

Il a affirmé voir une "intensification significative" de l'offensive russe depuis mars, aboutissant à des "succès tactiques".

La grande contre-offensive ukrainienne de l'été 2023 s'était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l'armée ukrainienne, sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.

L'Ukraine fait désormais face aux hésitations de ses alliés occidentaux, même si une aide militaire américaine de 61 milliards, longtemps bloquée, a finalement été votée par la Chambre des représentants des Etats-Unis samedi. Le texte doit encore être adopté par le Sénat puis promulgué par le président Joe Biden.

Kiev espère désormais que l'aide des Etats-Unis pourra atteindre le front très rapidement. Le Kremlin a, lui, jugé que qu'elle ne changerait "rien"