Ukraine: à Bakhmout, les «soldats à usage unique» des forces Wagner

Cette photographie prise le 25 octobre 2022 montre une fumée noire se répandant sur la ville de Bakhmout, dans la région de Donetsk.  (Photo de Dimitar DILKOFF / AFP)
Cette photographie prise le 25 octobre 2022 montre une fumée noire se répandant sur la ville de Bakhmout, dans la région de Donetsk. (Photo de Dimitar DILKOFF / AFP)
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Publié le Jeudi 27 octobre 2022

Ukraine: à Bakhmout, les «soldats à usage unique» des forces Wagner

  • Depuis début octobre, il est accusé par l'Ukraine de déverser là un flot de milliers de combattants recrutés directement dans les prisons russes, contre promesse d'un salaire et d'une amnistie
  • Utilisés depuis plusieurs semaines principalement en première ligne, et surtout la nuit, ces ex-détenus servent d'«appâts humains», selon plusieurs témoignages de soldats ukrainiens recueillis à Bakhmout.

BAKHMOUT : "Là-bas, c'est l'horreur. Le sol est noir comme de l'asphalte, tout est retourné (...), il y a des corps partout": "là-bas" désigne la ligne de front à Bakhmout, ainsi décrite à l'AFP par un soldat ukrainien.

"C'est la guerre privée de Prigojine", poursuit le militaire nommé Eugène, dit "Gym", 38 ans, membre de la garde nationale.

Tout autour du tunnel en béton sous lequel il s'est abrité, à un kilomètre de la ligne de front, des obus ou roquettes russes volent à intervalles réguliers.

A Bakhmout, petite ville de l'est de l'Ukraine, sur laquelle la Russie continue étrangement de pousser, alors même qu'elle recule ailleurs, c'est Evguéni Prigojine, le patron des forces Wagner, qui est à la manœuvre.

Et l'oligarque russe, réputé proche de Vladimir Poutine mais qui affiche des ambitions politiques personnelles croissantes, semble prêt à tout pour remporter ce trophée militaire.

Depuis début octobre, il est accusé par l'Ukraine de déverser là un flot de milliers de combattants recrutés directement dans les prisons russes, contre promesse d'un salaire et d'une amnistie.

Utilisés depuis plusieurs semaines principalement en première ligne, et surtout la nuit, ces ex-détenus servent d'"appâts humains", selon plusieurs témoignages de soldats ukrainiens recueillis par l'AFP à Bakhmout.

«Numéro de ta prison»

"Ca commence vers 18H00, quand il fait sombre", témoigne Anton, dit "Poliak", 50 ans, membre de la 93e brigade ukrainienne, en repos depuis une blessure.

"Ces soldats sans expérience sont envoyés sous nos balles, pendant plusieurs minutes et ils y restent", témoigne-t-il. Selon lui, jusqu'à 7 ou 8 commandos dits "de diversion" peuvent ainsi être envoyés sur une position en une seule nuit.

"Leur boulot est d'avancer dans notre direction pour que l'on tire sur eux et qu'ils puissent alors nous localiser", décrypte Sergii, dit "Tanthon", major dans la 53e brigade des forces ukrainiennes, depuis les abords de la ligne de contact.

"Ensuite, ils envoient l'artillerie ou d'autres commandos plus expérimentés sur nos positions", poursuit-il.

La plupart des combattants russes tombent sous les munitions ukrainiennes et, plus rarement, certains, seulement blessés, sont capturés.

Le matin même, Tanthon a retrouvé vivant l'un de ces combattants de Wagner, des anciens taulards venus par régiments et appelés par les Ukrainiens "soldats à usage unique".

"Dans un sens il a de la chance, car il est encore en vie, la plupart de ses camarades ont été tués", commente le soldat.

Dans une vidéo qu'il a tournée et datant du jour même - ce que l'AFP a pu authentifier -, on peut voir le captif russe couché sur le sol d'une pièce, blessé à la main droite et à la jambe gauche.

Il est interrogé par le major ukrainien.

- "Quel est le numéro de ta prison ?", demande-t-il.

- "C'est Kopeika" (le pénitencier correctionnel numéro 1 situé à Voronej, dans l'ouest de la Russie), répond le mercenaire russe.

Ce dernier indique ensuite avoir rejoint Wagner il y a un mois, et avoir reçu un entraînement rapide, dans trois lieux différents, dont le dernier était à Lougansk.

Tous ceux qui étaient avec lui étaient des "taulards" recrutés par le groupe Wagner, explique le captif.

«Je vous sors d'ici»

Ce groupe paramilitaire, qui a émergé en 2014 en Ukraine, est suspecté depuis des années par les Occidentaux de mener les basses oeuvres du Kremlin sur différents théâtres d'opération, de la Syrie en Centrafrique. Moscou a toujours démenti.

La société privée est composée en partie de mercenaires endurcis sur des théâtres extérieurs, mais aussi de militaires russes professionnels passés côté Wagner car ils sont mieux équipés et mieux payés que dans l'armée, ainsi que de recrues sans expérience, et sorties de prison.

Evguéni Prigojine a reconnu seulement le 26 septembre dernier en être le fondateur, mettant fin à des années de rumeurs.

Quelques jours avant, une vidéo avait émergé le montrant - selon toute vraisemblance - en train de recruter des détenus d'un établissement pénitentiaire russe, pour les envoyer en Ukraine.

Face à des détenus en rang d'oignons, il y détaille ses exigences et leur donne quelques minutes pour se décider: il veut des hommes entre 22 et 50 ans, en "bonne forme physique", tout en précisant qu'il fera attention aux condamnés pour crimes sexuels et aux toxicomanes.

"Moi, je vous sors d'ici vivants ! Mais je ne vous restitue pas toujours vivants. Eh bien, les gars, avez-vous des questions ?", conclut-il.

Son groupe de restauration, Concord, n'a ni confirmé ni infirmé l'origine de cette vidéo.

Obsession

Pour Moscou, ces opérations de recrutement sont un aveu d'échec, au moment où son armée est en difficulté sur plusieurs fronts ukrainiens et que la mobilisation annoncée de 300 000 Russes a ébranlé le pacte de confiance national.

Pour combattre à Bakhmout, le patron de Wagner aurait réussi à recruter en prison jusqu'à "2 000" détenus, selon une déclaration du président ukrainien Volodymyr Zelensky, le 16 octobre.

Mais pourquoi Evguéni Prigojine a-t-il fait de la petite ville minière du Donbass ukrainien une telle obsession ?

Selon les experts militaires, cette poussées sanglante sur la localité (de 70 000 habitants avant la guerre), qui a perdu tout intérêt stratégique depuis le retrait des Russes d'Izioum, ne semble plus répondre à aucune logique militaire.

"Les Russes s'y épuisent sans réussir à envelopper ou détruire des positions majeures de l'ennemi", analyse pour l'AFP Mykola Bielieskov, chercheur à l'Institut national de recherche stratégique.

Le colonel à la retraite ukrainien Sergei Grabsky estime que "techniquement, la Russie peut capturer Bakhmout, mais pas dans un avenir proche", et qu'il s'agirait d'une "victoire à la Pyrrhus", obtenue au prix de pertes si lourdes pour le vainqueur qu'elle équivaudrait quasiment à une défaite.

Incurie

Au-delà du trophée militaire, Evguéni Prigojine semble de plus en plus intéressé par une plateforme politique, s'affirmant comme chef de guerre face à l'incurie des généraux russes.

Le 19 octobre, l'oligarque a annoncé s'être lancé dans la construction d'une "ligne Wagner", une "ligne Maginot" hérissée de "dents de dragons" anti-chars, comme lors de la Première Guerre mondiale, censée maintenir les troupes ukrainiennes à distance des territoires occupés de la région de Lougansk.

Un projet symbolique aux contours flous, censé asseoir son narratif de défenseur ultime du territoire national, fustigeant les "bureaucrates-ennemis" de Moscou qui ne le soutiennent pas, ceux dit-il qui "changent sans cesse de scénario depuis février".

"Les troupes russes sont à la défense et il se met en scène à l'offensive, c'est son intérêt principal: transformer cette bataille en influence politique, donc en argent", explique l'analyste ukrainien Mykola Bielieskov.

Pour Nestor, un soldat ukrainien de la 53e brigade, engagé sur ce front sanglant, Evguéni Prigojine, qui a servi un temps de fournisseur aux cuisines du Kremlin, a "gagné son surnom de cuisinier de Poutine".

"Il transforme 1 000, 2 000, 3 000 soldats en chair à canon", lâche le combattant.

Le nombre de recrues russes tombées au front de Bakhmout est inconnu.

Le conseiller de la présidence ukrainienne, Oleksiy Arestovytch, a estimé "dans une fourchette basse", qu'il s'agissait de l'équivalent d'une compagnie par jour, soit 100 à 200 hommes.


La CPI rejette un appel d'Israël contestant sa compétence

La CPI, qui siège à La Haye, a émis en novembre 2024 des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant. (AFP)
La CPI, qui siège à La Haye, a émis en novembre 2024 des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant. (AFP)
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  • Dans un document de 44 pages publié lundi, les juges ont maintenu leur décision d'enquêter sur des faits survenus dans le territoire palestinien après l'attaque meurtrière du 7 octobre 2023, perpétrée contre Israël par le groupe militant palestinien Hamas
  • Le porte-parole de la diplomatie israélienne Oren Marmorstein a indiqué, dans un message sur X, rejeter la décision, accusant la CPI de "politisation" et de "mépris flagrant des droits souverains des Etats non parties"

LA HAYE: La Cour pénale internationale a rejeté lundi une demande en appel d'Israël qui contestait sa compétence pour enquêter sur des crimes présumés dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre contre le Hamas.

La CPI, qui siège à La Haye, a émis en novembre 2024 des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant.

Ils sont soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité à Gaza. Famine, meurtre et persécution font partie des chefs d'accusation.

Dans un document de 44 pages publié lundi, les juges ont maintenu leur décision d'enquêter sur des faits survenus dans le territoire palestinien après l'attaque meurtrière du 7 octobre 2023, perpétrée contre Israël par le groupe militant palestinien Hamas.

Le porte-parole de la diplomatie israélienne Oren Marmorstein a indiqué, dans un message sur X, rejeter la décision, accusant la CPI de "politisation" et de "mépris flagrant des droits souverains des Etats non parties".

La Cour examine actuellement une autre contestation israélienne de sa compétence, en plus d'une demande de récusation du procureur Karim Khan.

Elle a dit non en juillet à une demande d'Israël de rejet des mandats d'arrêts, ainsi qu'à l'appel de cette décision en octobre.

Créée en 2002, la CPI poursuit des individus accusés des pires atrocités tels que les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide.

Israël n'adhère pas au traité de Rome ayant institué la CPI, ce qui ne les empêche pas d'introduire des contestations juridiques auprès de la Cour.

La Cour avait déjà statué en 2021 que sa compétence territoriale s'étendait à Gaza.

Les accusations de génocide commis par Israël envers les Palestiniens dans la bande de Gaza se sont multipliées depuis le début de la guerre, le 7 octobre 2023, après l'attaque du Hamas contre Israël ayant coûté la vie à 1.221 personnes côté israélien, principalement des civils, selon un décompte de l'AFP établi à partir de données officielles.

Les représailles israéliennes à Gaza ont depuis fait plus de 70.000 morts, selon les chiffres du ministère de la Santé du territoire palestinien contrôlé par le Hamas, que l'ONU considère comme fiables.

Sous fortes pressions américaines, une trêve fragile est en vigueur depuis le 10 octobre.

 


Un pilote de ligne dit avoir évité une collision avec un avion militaire américain au large du Venezuela

Cette capture d'écran tirée d'une vidéo publiée par la procureure générale américaine Pam Bondi sur son compte X le 10 décembre 2025 montre ce que Mme Bondi décrit comme l'exécution d'un « mandat de saisie d'un pétrolier utilisé pour transporter du pétrole sanctionné provenant du Venezuela et d'Iran » au large des côtes vénézuéliennes le 10 décembre. Photo d'illustration. (AFP)
Cette capture d'écran tirée d'une vidéo publiée par la procureure générale américaine Pam Bondi sur son compte X le 10 décembre 2025 montre ce que Mme Bondi décrit comme l'exécution d'un « mandat de saisie d'un pétrolier utilisé pour transporter du pétrole sanctionné provenant du Venezuela et d'Iran » au large des côtes vénézuéliennes le 10 décembre. Photo d'illustration. (AFP)
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  • Ce signalement intervient sur fond de tensions entre les Etats-Unis et le Venezuela, l'armée américaine ayant mobilisé d'importantes forces aux alentours de la République bolivarienne
  • Le gouvernement américain reproche notamment au président vénézuélien, Nicolas Maduro, réélu en 2024 à l'issue d'un scrutin aux résultats contestés par la communauté internationale, de contrôler un vaste trafic de stupéfiants

NEW YORK: La compagnie américaine JetBlue a annoncé lundi avoir fait état aux autorités d'un incident en vol, l'un de ses pilotes ayant affirmé avoir dû modifier sa trajectoire pour éviter une collision avec un avion ravitailleur de l'armée américaine, au large du Venezuela.

Ce signalement intervient sur fond de tensions entre les Etats-Unis et le Venezuela, l'armée américaine ayant mobilisé d'importantes forces aux alentours de la République bolivarienne.

Le gouvernement américain reproche notamment au président vénézuélien, Nicolas Maduro, réélu en 2024 à l'issue d'un scrutin aux résultats contestés par la communauté internationale, de contrôler un vaste trafic de stupéfiants.

Le dirigeant a toujours réfuté ces allégations, affirmant que Washington s'en servait comme d'un prétexte pour le renverser et mettre la main sur les immenses réserves de pétrole du pays.

Vendredi, l'un des pilotes d'un vol JetBlue assurant la liaison entre l'île caribéenne de Curaçao et New York, a signalé, par radio au contrôle aérien, avoir dû interrompre son ascension après détection d'un avion ravitailleur de l'US Air Force.

Toujours selon le pilote, dont la conversation avec les contrôleurs a été enregistrée et est disponible sur le site LiveATC.net, l'appareil militaire n'avait pas activé son transpondeur, l'émetteur-récepteur qui permet au trafic aérien de le repérer.

"On a failli avoir une collision", explique le pilote. "C'est scandaleux."

"Scandaleux", lui répond le contrôleur aérien. "Vous avez tout à fait raison."

Sollicité par l'AFP, JetBlue a salué l'initiative de l'équipage ayant "rapporté promptement cet incident" à sa hiérarchie, qui en a fait état "aux autorités fédérales". La compagnie américaine "contribuera à toute enquête" sur les circonstances de ce chassé-croisé.

Le commandement militaire américain dédié à cette région, l'US Southern Command, a expliqué à l'AFP "étudier" le dossier, tout en rappelant que "la sécurité (demeurait sa) priorité absolue".

Fin novembre, l'Agence de régulation de l'aviation civile, la FAA, avait demandé aux vols opérant dans la région où se trouve le Venezuela de "faire preuve de prudence".

Elle avait justifié cet avis par "une détérioration des conditions de sécurité et du renforcement de l'activité militaire au Venezuela et dans ses environs".

La FAA avait évoqué des "menaces qui pourraient présenter un risque pour les appareils (commerciaux) à toutes altitudes, que ce soit en vol, à l'atterrissage et au décollage".

 


Le réalisateur hollywoodien Rob Reiner et sa femme retrouvés morts à leur domicile

Le réalisateur américain Rob Reiner et son épouse Michele Singer ont été retrouvés morts à leur domicile dans le sud de la Californie, ont rapporté dimanche les médias américains NBC et CNN. (AFP)
Le réalisateur américain Rob Reiner et son épouse Michele Singer ont été retrouvés morts à leur domicile dans le sud de la Californie, ont rapporté dimanche les médias américains NBC et CNN. (AFP)
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  • D'abord acteur dans des séries télévisées dans les années 1970, Bob Reiner a commencé sa carrière comme réalisateur en 1984 avec le film "Spinal Tap" sur un groupe de rock imaginaire
  • Il restera l'auteur de nombreux films cultes, notamment "Quand Harry rencontre Sally" mais aussi "Stand by me" ou encore "Misery"

LOS ANGELES: Le réalisateur américain Rob Reiner et son épouse Michele Singer ont été retrouvés morts à leur domicile dans le sud de la Californie, ont rapporté dimanche les médias américains NBC et CNN.

La police de Los Angeles a fait état de deux personnes retrouvées mortes dans la maison du réalisateur du film "Quand Harry rencontre Sally", mais n'a pas confirmé publiquement leur identité, lors d’une conférence de presse dimanche soir.

Selon la chaîne NBC, le couple serait mort des suites de coups de couteau.

Rob Reiner était âgé de 78 ans.

D'abord acteur dans des séries télévisées dans les années 1970, Bob Reiner a commencé sa carrière comme réalisateur en 1984 avec le film "Spinal Tap" sur un groupe de rock imaginaire. Il restera l'auteur de nombreux films cultes, notamment "Quand Harry rencontre Sally" mais aussi "Stand by me" ou encore "Misery".

Retrouvant parfois son rôle de comédien, il était apparu récemment dans la série "The Bear".

"C'est avec une profonde tristesse que nous annonçons le décès tragique de Michele et Rob Reiner. Nous sommes bouleversés par cette perte soudaine et nous demandons le respect de notre vie privée en cette période incroyablement difficile", a annoncé la famille du couple dans un communiqué cité par la revue Variety.

"C'est une perte immense pour notre ville et notre pays. L'héritage de Rob Reiner est profondément ancré dans la culture et la société américaines", a déclaré la maire de Los Angeles, Karen Bass sur son compte X.

Elle a salué "son oeuvre créative ainsi que son engagement pour la justice sociale et économique" qui "ont transformé la vie d'innombrables personnes".

"Acteur, réalisateur, producteur, scénariste et militant politique engagé, il a toujours mis ses talents au service des autres", a ajouté Mme Bass.