L'Irak a enfin un gouvernement, mais la sortie de crise est encore loin

Le Premier ministre irakien désigné Mohammed Shia Al-Sudani serre la main du président du Parlement irakien Mohammed Al-Halbousi au parlement de Bagdad jeudi. (Reuters)
Le Premier ministre irakien désigné Mohammed Shia Al-Sudani serre la main du président du Parlement irakien Mohammed Al-Halbousi au parlement de Bagdad jeudi. (Reuters)
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Publié le Vendredi 28 octobre 2022

L'Irak a enfin un gouvernement, mais la sortie de crise est encore loin

  • Porté par les factions pro-iraniennes qui dominent le Parlement, M. Soudani affirme «ne pas vouloir adopter la politique des axes». Il promet de lutter contre la corruption et d'améliorer les services de base
  • Mais dans un Irak ultra-polarisé où les fruits de la mirobolante manne pétrolière ne bénéficient guère aux infrastructures et aux services publics, les analystes ne prédisent pas de sortie de crise avant longtemps

BAGDAD : Le gouvernement de Mohamed Chia al-Soudani a été adoubé jeudi par le Parlement irakien après un an de violentes épreuves de force, mais la tâche pour relever le pays en crise et le réconcilier avec lui-même s'annonce titanesque.

Porté par les factions pro-iraniennes qui dominent le Parlement, M. Soudani affirme cependant "ne pas vouloir adopter la politique des axes". Il promet de lutter contre la corruption et d'améliorer les services de base.

Mais dans un Irak ultra-polarisé où les fruits de la mirobolante manne pétrolière ne bénéficient guère aux infrastructures et aux services publics, les analystes ne prédisent pas de sortie de crise avant longtemps.

Tout change, rien ne change?

Mohamed Chia al-Soudani, ses 21 ministres et son programme ont obtenu la confiance des députés jeudi au cours d'un vote survenu un peu plus d'un an après les législatives d'octobre 2021.

Le porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Stéphane Dujarric, a indiqué qu'Antonio Guterres avait "salué" la formation du gouvernement.

L'Assemblée irakienne est acquise aux forces chiites réputées proches de l'Iran rassemblées au sein du Cadre de coordination, ennemi juré de Moqtada Sadr, influent clerc chiite qui a refusé de participer au gouvernement.

En vertu d'un système de partage des pouvoirs sur la base des appartenances confessionnelles et ethniques, 12 ministres sont chiites et issus du Cadre de coordination, six sont sunnites, deux sont kurdes et une est chrétienne. Deux ministères réservés à des Kurdes doivent encore être pourvus.

M. Soudani a plusieurs fois été ministre et les figures qui le soutiennent, dont l'ex-Premier ministre Nouri al-Maliki, sont aux commandes depuis la chute de Saddam Hussein en 2003.

Le gouvernement de Mohamed Chia al-Soudani "arrive aux affaires avec les mêmes méthodes que les gouvernements précédents, les mêmes partis", note le politologue Ali Baidar. Et ces partis "en sont venus à considérer les ressources de l'Etat comme un héritage à se partager".

Les haines sont encore vivaces entre Moqtada Sadr et le Cadre de coordination. Les deux pôles politiques dominant la communauté musulmane chiite, majoritaire en Irak, n'ont cessé de s'affronter -- parfois les armes à la main -- sur la désignation du nouveau Premier ministre depuis les dernières législatives.

Le mouvement né de la contestation anti-pouvoir d'octobre 2019 est lui aussi vent debout. Vendredi, une manifestation contre le gouvernement a rassemblé plusieurs centaines de personnes à Nassiriya (sud), selon un correspondant de l'AFP.

Nouvelles élections ?

Mohamed Chia al-Soudani a promis "d'organiser des élections anticipées dans un délai d'un an", répondant, sur le papier, à une exigence de Moqtada Sadr.

Donner des garanties aux sadristes peut contribuer à une "stabilité relative", pense Ihsan al-Shammari, politologue à l'université de Bagdad.

En revanche, Lahib Higel de l'International Crisis Group estime que "les partis soutenant le gouvernement actuel ne sont pas intéressés par la tenue d'élections anticipées", d'autant qu'"un délai d'un an n'est pas réaliste".

Moqtada Sadr a prouvé cet été sa capacité à mobiliser ses partisans dans la rue. Et si les sadristes se sentent "isolés" ou "qu'il existe un plan pour saper leur avenir politique, nous pourrions assister à une réaction extrême" de Moqtada Sadr, prévient Ihsan al-Shammari.

Services de base ou politique étrangère?

Le chef du gouvernement dit vouloir "travailler de toute urgence pour améliorer et développer les services qui affectent la vie des citoyens".

En politique étrangère, Mohamed Chia Al-Soudani entend "ne pas permettre que l'Irak soit une base d'où d'autres pays sont agressés", ni "s'engager dans la 'politique des axes', en poursuivant plutôt une politique d'amitié et de coopération avec tout le monde".

Et entre ces deux dossiers -- problèmes sociaux et problématiques géopolitiques -- Lahib Higel pense que M. Soudani fera des problèmes "tels que le chômage et la pénurie d'eau et d'électricité une priorité, plutôt que de se concentrer sur la politique étrangère".

Même si les factions qui l'ont porté au pouvoir sont réputées proches de l'Iran, l'analyste prédit que M. Soudani "cherchera un équilibre entre l'Occident et l'Iran". D'autant plus que l'Irak "a besoin d'investissements étrangers dans divers secteurs" qui ont été épuisés par des années de crises et de guerres.

Mais "l'équilibre" ne suffit pas, selon Ihsan Al-Shammari. L'Irak, doit exiger "le respect de sa souveraineté et la non-ingérence dans ses affaires intérieures", alors que des bombardements turcs ou iraniens ont plusieurs fois pris pour cible des groupes d'opposition qui disposent de bases dans la région du Kurdistan irakien.


Israël se prépare à une nouvelle étape de la guerre à Gaza

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  • Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, doit réunir mardi son cabinet de sécurité en vue d'enclencher une nouvelle étape de la guerre dans la bande de Gaza
  • Cette réunion, annoncée par les médias mais dont la tenue n'a pas été confirmée officiellement dans l'immédiat, doit intervenir alors que le Conseil de sécurité de l'ONU tient mardi une session consacrée à la question des otages israéliens à Gaza

JERUSALEM: Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, doit réunir mardi son cabinet de sécurité en vue d'enclencher une nouvelle étape de la guerre dans la bande de Gaza, où il a réautorisé mardi l'entrée partielle des marchandises privées.

Cette réunion, annoncée par les médias mais dont la tenue n'a pas été confirmée officiellement dans l'immédiat, doit intervenir alors que le Conseil de sécurité de l'ONU tient mardi une session consacrée à la question des otages israéliens à Gaza, initiée par Israël, qui veut porter le dossier "au centre de l'agenda mondial".

"Aujourd'hui (mardi), une réunion de sécurité restreinte se tiendra au cabinet du Premier ministre", réunissant notamment les ministres de la Défense et des Affaires stratégiques, et le chef d'état-major de l'armée,  a annoncé dans la matinée la chaîne de télévision N12.

La presse israélienne, citant des officiels s'exprimant sous couvert d'anonymat, est unanime à prédire la décision à venir:  "Netanyahu veut que l'armée israélienne conquière toute la bande de Gaza", résume la radio publique Kan.

"Le sort est jeté"

Plusieurs membres du cabinet ayant parlé avec le Premier ministre "ont confirmé qu'il a décidé d'étendre le combat aux zones où des otages pourraient être détenus", toujours selon Kan.

"Le sort en est jeté. Nous allons pour la conquête totale de la bande de Gaza", assure également le quotidien Ma'ariv.

En guerre contre le Hamas depuis l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien sur son sol le 7 octobre 2023, le gouvernement israélien fait face à une pression croissante pour trouver une issue au conflit.

En Israël sur le sort des 49 otages du 7-Octobre - dont 27 déclarés morts par l'armée - , et dans le monde pour alléger les souffrances de plus de deux millions de Palestiniens entassés sur un territoire dévasté et menacé de "famine généralisé" selon l'ONU.

Mardi matin, le Cogat, un organisme du ministère de la Défense en charge de l'administration civile à Gaza, a réautorisé l'entrée partielle des marchandises privées dans l'enclave, de manière "contrôlée et progressive".

"L'objectif est d'augmenter le volume de l'aide entrant dans la bande de Gaza, tout en réduisant la dépendance à l'égard de la collecte de l'aide par l'ONU et les organisations internationales", selon le Cogat.

Un nombre limité de commerçants locaux seront autorisés à envoyer dans Gaza "des produits alimentaires de base, aliments pour bébés, fruits et légumes et articles d'hygiène (...), sous réserve de plusieurs critères et d'un contrôle de sécurité rigoureux", a détaillé le Cogat.

L'objectif reste de "prendre toutes les mesures possibles pour empêcher l'implication" du Hamas dans "l'acheminement et la distribution de l'aide", selon le Cogat.

"Ramener les otages" 

Israël a levé fin mai le blocus humanitaire total qu'il avait imposé début mars au territoire palestinien, totalement dépendant de l'aide internationale, mais n'autorise l'entrée que de quantités très limitées, jugées insuffisantes par l'ONU.

La communauté internationale presse Israël d'y ouvrir en grand les vannes humanitaires. "Refuser l'accès à la nourriture aux civils peut constituer un crime de guerre, voire un crime contre l'humanité", a ainsi répété lundi le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Volker Türk.

Au moins 1.373 Palestiniens ont été tués depuis la mise en place le 27 mai d'un nouveau système de distribution d'aide via la Fondation humanitaire à Gaza (GHF) soutenue par Israël et les Etats-Unis, la plupart par des tirs israéliens, "alors qu'ils cherchaient de la nourriture", a accusé l'ONU la semaine dernière.

Le Hamas accuse lui Israël d'entretenir volontairement le "chaos" et "d'organiser la famine".

L'attaque du 7 octobre 2023 a entraîné du côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

Les représailles israéliennes ont fait au moins 60.933 morts à Gaza, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.

Des vidéos, publiées en fin de semaine dernière par le Hamas et le Jihad islamique, exhibant deux otages israéliens affaiblis et décharnés ont ravivé dans l'opinion publique le débat sur l'urgence d'un accord permettant le retour des captifs.

Familles d'otages en tête, de nombreux Israéliens exigent la fin des hostilités pour ramener "les otages chez eux". M. Netanyahu "mène Israël à sa ruine et les otages à leur mort", a accusé le Forum des familles, la principale organisation de familles des captifs à Gaza.


Israël réautorise l'entrée partielle des marchandises privées dans Gaza

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  • "L'objectif est d'augmenter le volume de l'aide entrant dans la bande de Gaza, tout en réduisant la dépendance à l'égard de la collecte de l'aide par l'ONU et les organisations internationales", selon la même source
  • Cette mesure est prise "suite à la décision du cabinet (du Premier ministre) d'élargir l'aide humanitaire et après un travail préparatoire mené par les services de sécurité"

JERUSALEM: Israël a réautorisé l'entrée partielle des marchandises privées dans la bande de Gaza assiégée et menacée de famine, a annoncé mardi le Cogat, un organisme du ministère de la Défense en charge de l'administration civile de ce territoire palestinien.

"Un mécanisme a été approuvé pour reprendre progressivement et de manière contrôlée l'entrée de marchandises via le secteur privé à Gaza", indique un communiqué du Cogat.

"L'objectif est d'augmenter le volume de l'aide entrant dans la bande de Gaza, tout en réduisant la dépendance à l'égard de la collecte de l'aide par l'ONU et les organisations internationales", selon la même source.

Cette mesure est prise "suite à la décision du cabinet (du Premier ministre) d'élargir l'aide humanitaire et après un travail préparatoire mené par les services de sécurité".

Pour "mettre en place ce mécanisme, le système de sécurité a approuvé un nombre limité de commerçants locaux, sous réserve de plusieurs critères et d'un contrôle de sécurité rigoureux", détaille le Cogat.

Le paiement des marchandises "s'effectuera uniquement par virement bancaire, sous contrôle et supervision".

"Les marchandises approuvées comprennent des produits alimentaires de base, des aliments pour bébés, des fruits et légumes et des articles d'hygiène", affirme le Cogat.

Toutes les marchandises seront soumises à un contrôle rigoureux par l'Autorité des passages terrestres du ministère de la Défense avant leur entrée dans la bande de Gaza, souligne cet organisme.

L'armée israélienne, "par l'intermédiaire du Cogat et en collaboration avec les services de sécurité, continuera à mettre en œuvre des mécanismes de contrôle et de surveillance de l'entrée de l'aide dans la bande de Gaza, tout en prenant toutes les mesures possibles pour empêcher l'implication de l'organisation terroriste Hamas dans les processus d'acheminement et de distribution de l'aide", conclut le communiqué.

Depuis le début de la guerre, Israël assiège plus de deux millions de Palestiniens entassés dans un territoire de 365 km2, déjà soumis à un blocus israélien depuis plus de 15 ans.

Il a levé fin mai le blocus humanitaire total qu'il avait imposé début mars, mais n'autorise l'entrée que de quantités très limitées, jugées insuffisantes par l'ONU.

Le territoire palestinien, totalement dépendant de l'aide humanitaire, est désormais menacé d'une "famine généralisée", selon l'ONU.

 


Gaza: le Hamas affirme qu'il n’autorisera l'accès du CICR aux otages que si des couloirs humanitaires sont ouverts

 Le Hamas a affirmé dimanche qu'il n’autorisera l'accès du CICR aux otages israéliens de Gaza que si des couloirs humanitaires sont ouverts vers le territoire palestinien, selon un communiqué de sa branche armée. (AFP)
Le Hamas a affirmé dimanche qu'il n’autorisera l'accès du CICR aux otages israéliens de Gaza que si des couloirs humanitaires sont ouverts vers le territoire palestinien, selon un communiqué de sa branche armée. (AFP)
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  • Le Hamas pose comme autre condition "que l'activité aérienne ennemie, sous toutes ses formes, cesse pendant les périodes où les colis sont reçus par les prisonniers"
  • Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a sollicité dimanche soir l'aide du CICR pour fournir "nourriture" et "traitement médical" aux otages israéliens dans la bande de Gaza

GAZA: Le Hamas a affirmé dimanche qu'il n’autorisera l'accès du CICR aux otages israéliens de Gaza que si des couloirs humanitaires sont ouverts vers le territoire palestinien, selon un communiqué de sa branche armée.

"Les Brigades Qassam sont prêtes à répondre positivement et à accepter toute demande de la Croix-Rouge pour livrer de la nourriture et des médicaments aux prisonniers ennemis", déclare ce communiqué.

"Pour accepter cela, nous stipulons que des corridors humanitaires doivent être ouverts normalement et de manière permanente pour le passage de nourriture et de médicaments à tout notre peuple dans toutes les zones de la bande de Gaza", pose comme condition le groupe islamiste.

Le Hamas pose comme autre condition "que l'activité aérienne ennemie, sous toutes ses formes, cesse pendant les périodes où les colis sont reçus par les prisonniers".

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a sollicité dimanche soir l'aide du CICR pour fournir "nourriture" et "traitement médical" aux otages israéliens dans la bande de Gaza.

Le CICR n'a fait aucun commentaire public sur cette demande.

"Les Brigades Qassam ne privent pas délibérément les prisonniers de nourriture, mais ils mangent ce que nos combattants et tout notre peuple mangent", soutient le mouvement, qui prévient: les otages "ne recevront aucun traitement de faveur tant que se poursuivront le blocus et la politique de famine".

La publication depuis jeudi par le mouvement islamiste palestinien et son allié du Jihad islamique de trois vidéos montrant deux otages israéliens très affaiblis, a ravivé en Israël le débat sur la nécessité d'arriver au plus vite à un accord pour libérer ces captifs, enlevés lors de l'attaque sans précédent du Hamas en Israël du 7 octobre 2023.

Sur les images, les deux captifs, Rom Breslevski et Evyatar David, sont apparus très affaiblis et amaigris, dans une mise en scène visant à faire le parallèle avec la situation humanitaire à Gaza.

La séquence montrant Evyatar David semblant creuser sa propre tombe, pelle à la main, dans un étroit tunnel où il est détenu a particulièrement choqué les Israéliens.